Intervention de Claude Malhuret

Réunion du 4 décembre 2018 à 14h30
Loi de finances pour 2019 — Compte de concours financiers : avances à l'audiovisuel public

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la culture, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » s’élèvent à 581, 35 millions d’euros en 2019. Ils sont, ainsi, en augmentation de 26, 74 millions d’euros par rapport au montant voté en 2017.

Cette hausse des crédits s’explique en grande partie par une budgétisation des ressources du Centre national du livre, le CNL, pour un montant de 24, 7 millions d’euros.

Le paysage des médias et des industries culturelles est dominé, à l’échelle mondiale, par une profonde mutation impulsée par la révolution du numérique et par la mondialisation de l’information. Au sein de la nouvelle économie du savoir qui se dessine, le rôle de l’État est à réinventer. Ce dernier n’est plus une puissance prescriptrice, ni même initiatrice, mais il joue un rôle de régulateur de la transmission des savoirs et de l’information, avec l’éducation nationale et avec les instances de régulation des médias.

Selon l’Institut français d’opinion publique, l’IFOP, huit Français sur dix utilisent internet. Le modèle de la presse écrite vacille et le comportement des lecteurs se transforme, passant des journaux aux agrégateurs d’information, des blogs aux réseaux sociaux, des forums à YouTube.

Si elles évoluent rapidement, les nouvelles pratiques de consommation connaissent trois constantes : gratuité, personnalisation et interactivité. Et la gratuité des contenus, associée à l’arrivée de nouveaux concurrents, change la donne pour les acteurs traditionnels. Leurs ventes sont en chute libre et leurs ressources publicitaires, captées par le web, fléchissent.

Face à tant d’incertitudes, le secteur accuse une crise systémique, dont le naufrage de Presstalis est l’un des symptômes. Pour résorber son déficit, qui s’élève à 37 millions d’euros, la société a absorbé toutes les marges de manœuvre du programme « Presse et médias ». De surcroît, elle s’est vu accorder un prêt de 90 millions d’euros par l’État et a obtenu, bon gré mal gré, le soutien des éditeurs.

L’amplification de la désinformation est un autre effet collatéral de ces bouleversements. Elle déstabilise nos démocraties et pointe des faiblesses résurgentes dans le traitement et la diffusion de l’information.

L’opinion est en proie, non seulement à la propagation des fake news, mais aussi à l’uniformisation de l’information, laquelle s’observe chez bon nombre de médias de masse. L’adaptation des médias au numérique se traduit, bien souvent, par des réductions d’effectifs et par l’influence croissante de Google, Apple, Facebook et Amazon, les GAFA, sur les grands groupes de presse. L’entrée de Xavier Niel au capital du journal Le Monde en 2010, ou le rachat par Jeff Bezos, propriétaire d’Amazon, du Washington Post en 2013, témoignent de ce phénomène de concentration de la presse aux mains d’une poignée d’acteurs.

Pour en revenir à des considérations purement budgétaires, le programme « Presse et médias » témoigne du soutien de l’État à un secteur en grave difficulté. L’Agence France Presse, l’AFP, recevra une enveloppe supplémentaire de 2 millions d’euros destinée à accompagner sa transformation, et le secteur de la presse bénéficiera, cette année encore, du taux réduit de TVA à 2, 1 %. Évaluée à 170 millions d’euros pour 2019, cette dépense fiscale a été validée cet automne par la Commission européenne, pour ce qui concerne son application à la presse en ligne.

Le programme 334, « Livre et industries culturelles », marque les efforts engagés par le Gouvernement en faveur de l’accès à la lecture : que ce soit par le plan de financement de la Bibliothèque nationale de France, s’élevant à quelque 207 millions d’euros, par le soutien accordé au CNL pour financer la numérisation des collections, ou encore par le plan « Bibliothèques » faisant suite au rapport d’Érik Orsenna, le Gouvernement renouvelle son soutien aux industries culturelles.

Le doublement de la subvention au bureau export de la musique est reconduit cette année et le projet de création d’un centre national de la musique devrait – nous l’espérons – se concrétiser dans les prochains mois, affirmant une politique ambitieuse du Gouvernement pour la culture.

Face aux changements radicaux que l’information et l’accès à la culture connaissent depuis l’arrivée d’internet, et que j’ai évoqués il y a quelques instants, on peut légitimement se demander si le débat relatif à l’audiovisuel public n’est pas un combat d’arrière-garde. Monsieur le ministre, nous en reparlerons lorsque vous proposerez la réforme attendue en la matière.

Quoi qu’il en soit, l’année 2019 sera importante pour l’audiovisuel public. Pour l’heure, nous examinons un budget de transition, qui trace les grands axes de la réforme prochaine en dégageant une économie de 190 millions d’euros dès 2019.

Pour autant, nous sommes favorables à l’adoption de l’amendement par lequel la commission propose de renforcer les dotations à ARTE et France Médias Monde. Il s’agit là d’acteurs essentiels au rayonnement de la langue et de la culture françaises. Ils participent, au même titre que l’éducation nationale, à la transmission des savoirs et à la diffusion de nos valeurs.

Pour conclure, nous encourageons le Gouvernement à mener le difficile exercice qui consiste à réformer l’audiovisuel public. Mais, en parallèle, ne relâchons pas la vigilance sur notre rayonnement culturel international et la promotion de la langue française : il faut veiller à la qualité des contenus diffusés par les médias et promus par nos industries culturelles.

Les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

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