Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la deuxième année consécutive, il est prévu une diminution, importante, des crédits consacrés à la politique de l’emploi. L’ampleur exacte de cette baisse a été rappelée par mon collègue Emmanuel Capus : 500 millions d’euros en autorisations d’engagement et 3 milliards d’euros en crédits de paiement.
Certes, le taux de chômage diminue. Cela signifie-t-il pour autant que la situation de l’emploi s’est améliorée au cours des derniers mois ? Rien n’est moins évident.
Le nombre de demandeurs d’emploi en fin de mois en catégorie A a bien diminué entre le premier trimestre 2015 et le troisième trimestre 2018, mais cette baisse a été plus que compensée par une progression du nombre de demandeurs d’emploi en catégories B et C, c’est-à-dire des demandeurs d’emploi ayant exercé une activité réduite. En outre, le chômage des plus de 50 ans a progressé de 3 % sur un an, toutes catégories confondues, et de près de 9 % pour les seules catégories B et C.
Dès lors, la logique baissière poursuivie par le Gouvernement se fera au détriment des personnes les plus éloignées de l’emploi, comme en témoigne la diminution drastique de l’enveloppe des contrats aidés.
Une amélioration de ce dispositif pouvait s’expliquer, au travers, par exemple, d’exigences renforcées en matière d’accompagnement et de formation des bénéficiaires. Cela ne justifie pourtant en rien une telle diminution, pour la deuxième année consécutive. L’argument selon lequel le taux d’insertion dans l’emploi à la sortie d’un contrat aidé était faible ne tient pas, dans la mesure où les bénéficiaires sont précisément les personnes les plus éloignées du marché du travail.
Le Gouvernement dit avoir voulu recentrer le dispositif sur les bénéficiaires, plutôt que sur les besoins des employeurs, mais il n’en est rien. En effet, si les contrats aidés correspondaient effectivement à des emplois nécessitant une aide d’amorçage, il s’agissait bien de vraies activités. Ce dispositif bénéficiait à des publics éloignés de l’emploi, qu’il était légitime d’accompagner, car cela leur permettait d’avoir un cadre de travail normal, de se sentir utiles et de l’être, au service d’associations ou de collectivités.
L’augmentation des moyens consacrés à l’insertion par l’activité économique, présentée comme la contrepartie de la réduction de l’enveloppe des contrats aidés, est positive. Néanmoins, l’insertion par l’activité économique ne doit pas être mise en concurrence avec les contrats aidés : ceux-ci pouvaient faire l’objet de pérennisations et ouvraient sur des métiers plus diversifiés que ceux que l’on peut trouver dans les entreprises d’accompagnement par l’insertion économique.
En bref, beaucoup moins de personnes seront aidées et accompagnées en 2019.
S’agissant du plan d’investissement dans les compétences, présenté comme l’innovation majeure de ce gouvernement en matière de politique de l’emploi, je rappelle qu’une part importante des crédits qui lui seront dévolus en 2019 était déjà inscrite dans le budget de la mission « Travail et emploi ». Cela était notamment le cas des moyens consacrés à la garantie jeunes, ou du plan « 500 000 formations », auquel a succédé le volet « formation » du PIC.
S’agissant plus spécifiquement de la garantie jeunes, il me semble que ce dispositif gagnerait à être assoupli afin, d’une part, de toucher un public plus nombreux et, d’autre part, d’en simplifier la gestion pour les missions locales.
Outre une diminution drastique des dépenses d’intervention de la mission, le Gouvernement a également fait le choix d’affaiblir les acteurs de la politique du travail et de l’emploi. Les missions locales voient ainsi leur budget global baisser.
À cet égard, la baisse des effectifs du ministère du travail et, notamment, de ceux de l’inspection du travail est un très mauvais signal alors que, d’une part, le travail illégal et la fraude au détachement constituent des enjeux de plus en plus prégnants et que, d’autre part, le droit du travail a fait l’objet de modifications substantielles au cours des années passées qui nécessitent contrôles et accompagnement.
Face à ce paradoxe, le ministère répond que, en France, le ratio des salariés par rapport aux agents de contrôle est conforme au standard fixé par l’Organisation internationale du travail. Néanmoins, au regard de la diversité des missions assignées à l’inspection du travail française, cette comparaison a peu de sens.
Plus généralement, l’affaiblissement des opérateurs du travail et de l’emploi est symptomatique de la politique de l’offre mise en œuvre par le gouvernement actuel et entre en contradiction avec la nécessité d’accompagner davantage les publics les plus éloignés de l’emploi, dont le nombre augmente et dont la situation est de plus en plus précaire.
Au vu des chiffres du chômage, on relève aussi le grand nombre de carrières précaires et de contrats extrêmement courts. Ces mutations font que les allers-retours entre chômage et emploi sont de plus en plus nombreux, ce qui enserre malheureusement un nombre important de nos concitoyens dans une carrière de précarité. C’est contre cela aussi qu’il faudrait lutter.
S’agissant de Pôle emploi, le ministère comme la direction générale de l’opérateur mettent en avant les gains de productivité pour justifier les suppressions de postes. On peut toutefois se demander si ces gains existent vraiment, car ils reposent sur une logique du tout-numérique, qui met de côté bon nombre de populations fragiles. Si la dématérialisation peut permettre de simplifier certaines procédures, elle peut aussi s’avérer dissuasive pour certains demandeurs d’emploi.
On observe également à Pôle emploi une baisse de l’accompagnement des demandeurs. Dans certaines agences où, auparavant, on pouvait immédiatement rencontrer des conseillers sur les questions d’indemnisations, on est à présent obligé de prendre rendez-vous. Ce sont pourtant des situations d’urgence sociale qui sont ainsi repoussées à plus tard !
Concernant l’AFPA, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, qui offre des formations qualifiantes longues permettant un encadrement social des bénéficiaires, le plan de transformation lancé par la direction générale le 16 octobre dernier ne manquera pas, malheureusement, d’affaiblir encore cet opérateur et risque de se traduire par une baisse de la qualité du service rendu et du nombre de bénéficiaires.
Mes chers collègues, le budget qui nous est présenté est donc un mauvais budget, qui nie la situation de millions de Français pour qui trouver un emploi ne se résume pas au fait de traverser la rue !