Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, investir dans les politiques publiques de l’emploi est capital pour permettre à chacun de nos concitoyens, notamment aux plus fragiles d’entre eux, de s’émanciper par le travail. Or les crédits consacrés à la politique de l’emploi dans le projet de loi de finances pour 2019 vont, malheureusement, à rebours de cette ambition.
Pour la deuxième année consécutive, nous assistons à une baisse du budget de la mission « Travail et emploi » : ses crédits diminuent de 3 milliards d’euros, alors que les derniers chiffres montrent un ralentissement des créations d’emploi et l’échec du Gouvernement à résorber le chômage en 2018.
Certes, un effort est tout de même consenti en faveur des structures de l’insertion par l’activité économique, ou encore, s’agissant de l’insertion professionnelle des jeunes, des établissements pour l’insertion dans l’emploi – EPIDE – et écoles de la deuxième chance.
Ces écoles offrent aux décrocheurs une réelle opportunité de se relancer : 60 % des jeunes passés dans ces structures en sortent avec une qualification ou un emploi. Nous nous étonnons d’ailleurs, madame la ministre, que vous ne débloquiez pas les crédits nécessaires à l’accélération de leur implantation. Le département de l’Aisne est candidat pour accueillir un établissement, mais sa démarche se heurte à un parcours du combattant.
D’autres dispositifs subissent malheureusement une contraction inexpliquée de leurs moyens.
D’abord, le sort réservé aux missions locales suscite l’inquiétude dans nos territoires. En effet, alors que les missions locales sont en première ligne pour la mobilisation de la garantie jeunes, leurs moyens consacrés à l’accompagnement diminuent de 4 %. Si l’on peut sans doute réfléchir à la modernisation et à la rationalisation de ce dispositif, prenons garde à ne pas le casser par une baisse de crédits trop importante, qui lui serait fatale.
L’avenir des maisons de l’emploi est un autre sujet de préoccupation. Dans le projet de loi de finances initial, l’État prévoyait de se désengager totalement de leur budget de fonctionnement. Une telle décision aurait immanquablement mis ces structures en difficulté, alors même qu’elles interviennent dans des domaines qui ne sont pas toujours couverts par les services publics de l’emploi.
Pour une fois, l’Assemblée nationale n’est pas restée sourde à ce sujet : elle a adopté un premier amendement prévoyant une dotation de 5 millions d’euros, complété par un autre amendement, portant sur 10 millions d’euros, proposé par les rapporteurs de la commission des finances du Sénat. Le nouveau montant permettra un soutien effectif de ces structures et évitera le saupoudrage des crédits.
L’importante contraction des crédits de la mission est également l’une des conséquences les plus visibles du coup de frein brutal porté à la politique des contrats aidés à l’automne 2017.
Moins d’un an après sa mise en place, la nouvelle formule de contrats aidés, les parcours emploi compétences, dits PEC, présente un bilan plus que mitigé. Si l’on observe une sous-consommation des PEC depuis le début de cette année, c’est en partie dû à l’excessive complexité du dispositif. Le coût s’est également avéré dissuasif pour les associations et les petites collectivités territoriales, puisque le taux de prise en charge par l’État a été ramené de 73 % en 2017 à 50 % en 2018.
Ajoutons que la diminution du nombre de contrats aidés est intervenue dans un contexte financier déjà fragilisé pour les associations et les collectivités territoriales, en raison de la suppression de la réserve parlementaire et de la baisse des dotations de l’État.
Je rappelle que nous ne sommes pas hostiles à l’évolution des contrats aidés vers davantage d’accompagnement et de formation des bénéficiaires. Ce que nous dénonçons, c’est la brutalité avec laquelle cette réforme a été menée. Et quelle réponse pour les petites communes qui n’ont pas les moyens d’embaucher autrement ? Aucune solution alternative ne leur a été apportée !
Quant au budget de Pôle emploi, il en baisse de 85 millions d’euros, après une baisse de 50 millions d’euros en 2018. Là encore, j’ai du mal à comprendre ce choix : ce n’est pas en réduisant les moyens humains et financiers de Pôle emploi et en augmentant dans le même temps les charges des conseillers – 70 dossiers supplémentaires pour chacun avec le plan pauvreté – que la situation des demandeurs d’emploi s’améliorera. C’est une aberration, car nombre de personnes ont plutôt besoin d’être prises par la main.
Enfin, permettez-moi d’aborder la question du handicap. S’il faut saluer l’effort de 15 millions d’euros portant à 400 millions d’euros au total les financements en faveur de l’emploi des personnes handicapées, beaucoup reste à faire pour améliorer leur situation.
Ainsi, la prise en charge de la prestation de compensation du handicap, la PCH, reste insuffisante pour ceux qui travaillent et doivent financer les équipements nécessaires pour s’adapter à leur emploi, comme un véhicule adapté ou un fauteuil. On constate aussi de nombreux retards dans le paiement des aides, et l’expérimentation en cours visant à faire prendre en charge la PCH par les fonds départementaux de compensation du handicap s’avère complexe, en raison des finances exsangues des départements.
Madame la ministre, nous souhaitons le meilleur pour la France. Chaque fois qu’une bonne mesure en faveur de l’emploi est proposée, nous la votons sans hésitation, comme nous l’avons fait avec les ordonnances Travail.