Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la lutte contre l’exclusion et le chômage exige des politiques d’insertion professionnelle fortes et ambitieuses. D’autant plus quand les chiffres du chômage ne sont pas bons, malheureusement.
Or, d’après les dernières statistiques de la DARES, toutes catégories confondues, la France compte plus de 5 600 000 demandeurs d’emploi. Un chiffre tristement en hausse, sur trois mois comme sur un an.
Pourtant, pour la deuxième année consécutive, le budget de la mission « Travail et emploi » est marqué par une forte contraction des crédits de paiement, qui s’établissent à 12, 4 milliards d’euros, soit 3 milliards d’euros de moins qu’en 2018, à périmètre comparable.
En pratique, on assiste à un affaiblissement des différents opérateurs du travail et de l’emploi, particulièrement symptomatique de la politique mise en œuvre par le Gouvernement, en totale contradiction avec la nécessité d’accompagner davantage les publics les plus fragilisés et éloignés de l’emploi.
L’opérateur Pôle emploi est particulièrement touché, avec une baisse de sa subvention pour charges de service public à hauteur de près de 85 millions d’euros, qui fait suite à la baisse de 50 millions d’euros intervenue cette année.
Les effectifs de Pôle emploi vont être durement touchés. D’ores et déjà, une baisse de 800 équivalents temps plein est annoncée pour l’an prochain, sans tenir compte du redéploiement de certains conseillers vers l’activité de contrôle. En 2018, près de 500 postes et 1 000 contrats aidés ont déjà été supprimés.
À Pôle emploi comme ailleurs, on justifie ces coupes par des gains de productivité – encore évoqués il y a quelques instants –, qui reposeraient notamment sur le tout-numérique. Or si la dématérialisation peut simplifier les procédures, elle peut aussi s’avérer dissuasive pour certains publics. Rien ne remplace l’écoute et l’accompagnement d’un conseiller !
Derrière tout cela, je vois surtout une dégradation du service public de l’emploi et des conditions de travail des agents, aux portefeuilles de suivi et d’accompagnement toujours plus fournis.
Les missions locales, elles aussi, vont être encore fragilisées, par la diminution de plus de 8 millions d’euros des crédits consacrés aux conventions d’objectifs, alors que certaines ont déjà été mises en difficulté par la baisse des subventions des collectivités territoriales, aux budgets toujours plus contraints. Cela correspond à la suppression de 250 emplois de conseiller.
Cette baisse de moyens est un paradoxe, au moment où le Gouvernement va confier aux missions locales de nouvelles responsabilités dans la lutte contre la pauvreté des jeunes, notamment avec l’obligation de formation.
Quant aux expérimentations des fusions des missions locales dans Pôle emploi, nous y sommes opposés. Elles vont conduire à remettre en cause la spécificité de l’accompagnement global et personnalisé des jeunes, ainsi que l’ancrage territorial des missions locales et l’engagement politique et financier fort des élus représentant leur collectivité territoriale. Nous considérons que les missions locales doivent conserver leur expertise et continuer à assurer leur rôle de service public territorialisé de l’insertion des jeunes, notamment dans le cadre de la montée en puissance du dispositif garantie jeunes.
Concernant les contrats aidés, nous avions dénoncé, l’an passé, la baisse drastique de leur nombre. Force est de constater que les nouveaux parcours emploi compétences ne donnent pas pleinement satisfaction, voire sont en échec. À peine plus de la moitié des parcours ont été prescrits cette année, madame la ministre, et vous ne prévoyez que 100 000 contrats supplémentaires l’année prochaine. Voilà un an, vous évoquiez pourtant le chiffre de 200 000…
Cet échec était prévisible : le taux de prise en charge par l’État est trop faible, l’obligation de formation n’est pas financée et vous avez perdu la confiance de nombre d’employeurs, qui redoutent un nouveau revirement du Gouvernement.
C’est tout de même un comble que la sous-consommation des contrats aidés en 2018 vous permette de justifier des crédits et un nombre d’entrées en contrat encore en baisse pour 2019 !
Madame la ministre, vous disiez vouloir privilégier le qualitatif par rapport au quantitatif. Au bout du compte, nous n’avons ni l’un ni l’autre.
Les emplois aidés manquent notamment dans les services scolaires et périscolaires, dans l’aide aux personnes dépendantes, dans les EHPAD et, tout aussi cruellement, dans le milieu associatif. Les conséquences en sont dramatiques dans nos territoires.
C’est pourquoi nous avions déposé un amendement tendant au financement non de 100 000, mais de 200 000 emplois aidés, en abandonnant le taux de prise en charge réduit à 50 % au profit de celui de 70 % du SMIC au moins. Il est bien regrettable qu’il ait été déclaré irrecevable, car il s’agissait d’une mesure indispensable pour relancer les contrats aidés dans le secteur non marchand, surtout en milieu rural, où le sentiment d’abandon par l’État est le plus fort.
Que dire de la disparition dans ce projet de loi de finances de la contribution de l’État au budget de fonctionnement des maisons de l’emploi ? Elle mettra inexorablement en difficulté ces structures. Je crains que seules quelques collectivités territoriales ne soient en mesure de conserver leur maison de l’emploi, et qu’on ne laisse de côté les demandeurs d’emploi des zones déjà défavorisées.
Si l’amendement adopté par l’Assemblée nationale visant à consacrer une enveloppe de 5 millions d’euros aux maisons de l’emploi va dans le bon sens, ce montant reste insuffisant. C’est pourquoi notre groupe défendra un amendement visant à porter ces crédits à 10 millions d’euros.
Madame la ministre, la diminution des effectifs de votre propre ministère, notamment de ceux de l’inspection du travail, est un très mauvais signal, à une époque marquée par des modifications substantielles du droit du travail et alors que la lutte contre le travail illégal devrait vous préoccuper.
Pour toutes ces raisons, et bien que les mesures en faveur de l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, notamment, aillent dans le bon sens, les sénateurs du groupe socialiste et républicain prendront leurs responsabilités en votant contre les crédits de la mission « Travail et emploi » !