Intervention de Didier Marie

Réunion du 5 décembre 2018 à 11h00
Loi de finances pour 2019 — Compte de concours financiers : avances aux collectivités territoriales

Photo de Didier MarieDidier Marie :

Nous sommes impatients d’en connaître les modalités.

Monsieur le ministre, les élus sont inquiets des conditions de compensation. Vous parlez de dégrèvement. Soit, mais l’expérience de la suppression de la taxe professionnelle et l’histoire des évolutions des compensations invitent, a minima, à la plus grande prudence.

La relation entre le Gouvernement et les collectivités est tendue. Comme l’a lucidement souligné le Premier ministre, vous devez rétablir la confiance avec les élus locaux et, pour cela, répondre à leurs interrogations et leur garantir des moyens financiers suffisants pour conduire les affaires communales, départementales et régionales.

Or, monsieur le ministre, la trajectoire retenue pour ce budget est dans la droite ligne de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, qui prévoit une baisse de 13 milliards d’euros, en tendance, des dépenses des collectivités.

En présentant ce projet de budget, vous nous annoncez qu’il est construit sur trois piliers : la stabilité des dotations, l’augmentation des dotations d’investissement et l’amélioration de la péréquation. Nous n’avons pas dû examiner les mêmes documents ; permettez-moi de ne pas être en phase avec cette présentation.

Si la DGF reste au même niveau qu’en 2018 en euros courants, il ne s’agit pas de stabilité, mais il s’agit d’un gel duquel il faut déduire l’inflation. Fin 2017, la Banque de France l’estimait à 1, 4 % ; fin octobre, elle s’établissait à 2, 2 %. Ajoutez à cela l’augmentation des prix de l’énergie, du carburant, l’évolution du glissement vieillissement technicité, le GVT, et vous obtenez une augmentation du panier du maire de l’ordre de 2, 5 %.

En outre, il faut mettre en regard de l’évolution des dotations l’incidence des baisses de crédits de politiques publiques destinées aux territoires et que les collectivités doivent en partie compenser. Je pense à la diminution drastique du nombre de contrats aidés qui touche particulièrement les associations, aux clubs sportifs dont les subventions baissent, à la politique du logement, aux moyens des agences de l’eau.

Nous avons demandé lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances un ajustement de DGF du niveau de l’inflation pour 2017. Vous vous y êtes opposé, ce que nous regrettons.

En ce qui concerne les dotations d’investissement, plusieurs remarques permettent de contredire le Gouvernement.

Pour ce qui est de la DETR, le nombre d’établissements de coopération intercommunale éligibles va augmenter en raison de l’introduction d’un critère de densité de population.

Pour la dotation politique de la ville, la DPV, c’est le pourcentage d’habitants des quartiers politique de la ville ramené à la population totale qui évolue.

En bref, pour ces deux dotations, c’est autant qu’en 2017, mais divisé par plus de communes : c’est donc moins pour chacune.

La DSIL est, elle, amputée de 45 millions d’euros, ce que vous justifiez par la fin des contrats de ruralité ; mais la fin des contrats ne signifie pas la fin des besoins. Au total, en deux ans, la DSIL aura baissé de 266 millions d’euros.

Enfin, la dotation de soutien à l’investissement des départements, l’ex-DGD, serait attribuée à 77 % sous forme d’appel à projets, passant ainsi d’une dotation à un système de subvention. Les départements perdent de la sorte une nouvelle parcelle de liberté.

Pour la DETR et la DSIL, vous noterez, monsieur le ministre, la volonté largement partagée d’une meilleure information et d’une plus grande association des élus à leur répartition, ainsi que d’une moindre captation pour financer les priorités de l’État. Nous souhaitons, par ailleurs, qu’une enveloppe de la DETR soit clairement réservée pour les petits projets des petites communes qui bénéficiaient antérieurement de la réserve parlementaire et qui éprouvent aujourd’hui des difficultés pour faire valoir leur besoin d’accompagnement, qu’il s’agisse de l’achat d’un tracteur ou de la réfection d’une salle de classe.

Enfin, le Gouvernement nous annonce une amélioration de la péréquation. En fait, nous assistons à l’inversion de la trajectoire des fonds de péréquation.

Les variables d’ajustement diminuent, ce qui se traduit par une nouvelle baisse du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle, le FDPTP, qui touchera plus particulièrement les communes rurales des départements industrialisés comme la Seine-Maritime, dont je suis l’élu.

Le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, sera quant à lui gelé pour la quatrième année consécutive. Certes, il a des défauts, mais il a permis aussi de resserrer les écarts de richesse entre EPCI. Néanmoins, ces écarts restent importants.

Quant à DSU et à la DSR, elles avaient connu une progression significative sous le quinquennat précédent à raison de 180 millions d’euros chacune en 2016 et en 2017. L’an dernier, vous aviez ramené cette évolution à 110 millions d’euros. Cette année, vous la ramenez à 90 millions d’euros, renonçant ainsi à combler les écarts entre communes riches et communes pauvres.

Quant à la dotation d’intercommunalité, elle augmente de 30 millions d’euros, comme l’a proposé le comité des finances locales, le CFL. Néanmoins, le Gouvernement n’a pas suivi la totalité des préconisations du CFL puisque vous faites supporter l’intégralité du financement par les collectivités en refusant que l’État en prenne en charge la moitié. Cette augmentation n’exclut pas la nécessité profonde d’une réforme de cette dotation qui a aujourd’hui atteint ses limites, comme le soulignait Claude Raynal, rapporteur spécial.

Dans la même veine, monsieur le ministre, il est intolérable que l’État fasse discrètement prendre en charge par les collectivités le financement du fonds d’urgence de 50 millions d’euros absolument nécessaire, par ailleurs, à la collectivité de Saint-Martin. Nous regrettons que ce fonds ne soit pas financé directement par l’État, conformément à l’engagement pris par le Président de la République le 17 septembre dernier.

Monsieur le ministre, nous aurons l’occasion de revenir lors de l’examen des articles sur ces sujets puisque nous avons déposé plusieurs amendements, qui, je l’espère, vous convaincront.

Nos collègues élus ont besoin de lisibilité, de solidarité. Ces dimensions devront conduire la réflexion que vous avez décidé d’engager sur la fiscalité locale au premier trimestre de 2019. Mais il n’est pas concevable de réformer celle-ci sans remettre à plat notre système de dotation aujourd’hui totalement bloqué.

Les élus veulent que l’esprit de la décentralisation soit garanti, ils veulent retrouver de la liberté et de la capacité à agir. C’est à ce prix que vous rétablirez la confiance avec eux et, par leur intermédiaire, avec l’ensemble des Françaises et des Français.

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