La séance est ouverte à onze heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 146, rapport général n° 147, avis n° 148 à 153).
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
SECONDE PARTIE (suite)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 79 à 81 ter) et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président du Sénat, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2019 constitue, s’agissant des finances des collectivités territoriales, un texte de transition.
Nous allons discuter de l’évolution des dotations ou de la réforme de la dotation d’intercommunalité et nous prononcer sur des amendements qui visent à déplacer parfois quelques centaines de milliers d’euros, alors que nous ne savons même pas quel sera le panier des ressources fiscales de chaque échelon dans quelques mois.
En effet, la loi de finances pour 2018 prévoit de dégrever de taxe d’habitation 80 % des Français d’ici à 2020 et le Gouvernement, « encouragé » en cela par le Conseil constitutionnel, a annoncé la suppression totale de cette imposition d’ici à 2021.
Monsieur le ministre, vous le savez, le Sénat s’est opposé à cette réforme l’an dernier. Certes, il est indispensable de redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens. Mais la suppression de la taxe d’habitation ne résout pas le problème de l’obsolescence des valeurs locatives, véritable source des injustices de la fiscalité locale, qui continueront à être utilisées pour la taxe foncière ou pour la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.
De plus, le lien entre le contribuable/citoyen et le financement des services publics locaux sera rompu ou, à tout le moins, affaibli. À l’heure où le consentement à l’impôt est questionné, nous ne pouvons que le regretter.
Il s’agit enfin d’un véritable affaiblissement de nos collectivités territoriales dans la mesure où la taxe d’habitation représente un tiers des recettes fiscales du bloc local. En tout état de cause, cette décision achève notre système fiscal local et consacre définitivement son caractère « à bout de souffle ».
La question qui se pose désormais est celle du remplacement de cette ressource fiscale. Plusieurs hypothèses ont été envisagées au cours de l’année, notamment un transfert de la part départementale de la taxe foncière au bloc communal, compensé par une fraction de TVA ou de CSG. Si l’inquiétude des élus locaux persiste, c’est parce que les zones d’ombre demeurent et parce que les scénarios sur la table s’inscrivent tous dans la logique d’un affaiblissement du pouvoir fiscal des collectivités territoriales. L’éventuel partage d’impôts nationaux les privera du pouvoir de taux et la tentative du Gouvernement, dans le présent projet de loi de finances, de priver les régions d’une partie de la dynamique de la TVA n’est pas de bon augure.
J’en viens maintenant aux crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » pour 2019.
Dotée de 3, 9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 3, 4 milliards d’euros en crédits de paiement, la mission comprend les crédits de certaines dotations versées par l’État aux collectivités territoriales, soit en compensation de transfert de compétences, soit pour subventionner des projets, notamment en matière d’investissement.
Les autorisations d’engagement augmentent de 97 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, du fait, d’une part, du versement par l’État de 84 millions d’euros aux départements au titre de la dotation générale d’équipement, la DGE, afin d’apurer une dette de l’État, et, d’autre part, du versement d’une aide exceptionnelle de 50 millions d’euros à Saint-Martin. Cette hausse des crédits de la mission est toutefois financée par une minoration des variables d’ajustement, prévue en première partie.
Si l’on s’intéresse plus précisément aux dotations de soutien à l’investissement local versées par l’État au bloc communal, on observe qu’elles diminuent de 45 millions d’euros en 2019, en raison de la suppression des crédits dédiés aux contrats de ruralité, qui avaient été intégrés au sein de la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL. Cette suppression s’ajoute à celle d’une partie des crédits de la réserve parlementaire, intervenue en 2018.
Sur ces dotations de soutien à l’investissement des collectivités territoriales, en particulier de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, nos collègues ont déposé un grand nombre d’amendements afin de réformer le fonctionnement des commissions départementales. Sans entamer dès maintenant le débat que nous aurons tout à l’heure, nous pensons, Claude Raynal et moi-même, qu’il n’est pas véritablement souhaitable de modifier outre mesure le fonctionnement des commissions départementales, qui donnent plutôt satisfaction et restent suffisamment efficaces.
Mon collègue Claude Raynal traitera plus longuement de la réforme de la dotation d’intercommunalité. Avec les modifications successives intervenues depuis l’Assemblée nationale ou dans les officines, on s’est considérablement éloigné, nous semble-t-il, des hypothèses envisagées par le comité des finances locales, le CFL, qui souhaitait s’appuyer essentiellement sur le CIF. Nous accepterons ces évolutions dans la mesure où la réforme va plutôt dans le bon sens, mais nous sommes d’accord pour reconnaître que le dispositif est loin d’être satisfaisant et qu’il faudra très rapidement le revoir.
Sous réserve de ces observations, la commission des finances a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la principale mesure proposée dans le projet de loi de finances pour 2019, s’agissant des finances des collectivités territoriales, concerne la dotation d’intercommunalité.
Nous l’avons régulièrement souligné, cette dotation est à bout de souffle. Si elle visait, à l’origine, à inciter au regroupement des communes, l’achèvement de la carte intercommunale l’a privée de sa logique initiale. Ses nombreuses garanties, tout comme la contribution au redressement des finances publiques, les changements réguliers de catégories juridiques des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, et les changements de périmètres intervenus en 2017 ont eu raison d’une logique d’enveloppes par catégories juridiques d’EPCI qui ne fonctionnait plus. Plusieurs abondements de cette dotation ont d’ailleurs été nécessaires ces dernières années. Aussi, nous nous félicitons qu’elle soit enfin réformée.
La réforme proposée supprime notamment la logique d’enveloppes par catégories juridiques ; elle introduit le critère du revenu par habitant au titre des critères de charge et prévoit un abondement annuel de 30 millions d’euros.
En définitive, les communautés de communes seraient les principales bénéficiaires de la réforme, avec un gain moyen par habitant de 4, 8 euros pour les communautés de communes à fiscalité professionnelle unique, et 6 euros par habitant pour les communautés de communes à fiscalité additionnelle.
L’article 79, qui « met en musique » cette réforme et que nous examinerons dans quelques instants, constitue donc, selon nous, une base de travail équilibré. Nous émettrons par conséquent un avis défavorable sur les amendements dont l’adoption serait susceptible de bouleverser cet équilibre.
Nous sommes donc favorables à cette réforme, mais je souhaiterais souligner que le dispositif proposé fonctionne uniquement grâce aux abondements prévus chaque année. En d’autres termes, l’article 79 ne constitue pas la « véritable » réforme de la dotation d’intercommunalité. Et, dans l’hypothèse d’une refonte de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, il sera probablement nécessaire de remettre l’ouvrage sur le métier.
Je souhaiterais d’ailleurs aborder le sujet de la réforme de la DGF. Depuis 2017, la suppression de la taxe d’habitation a concentré le débat sur les sujets fiscaux, mais le constat dressé en 2015 par notre collègue députée Christine Pires Beaune et notre ancien collègue Jean Germain reste d’actualité : cette dotation est toujours aussi peu lisible, et la question de la pertinence de sa répartition continue de se poser. Ce constat s’est même aggravé en raison de la contribution au redressement des finances publiques.
Le Président de la République a mentionné le sujet voilà quelques jours, lorsqu’il a reçu des maires à l’Élysée, et vous-même l’avez récemment évoqué, monsieur le ministre. Pouvez-vous nous indiquer si le projet de loi de finances rectificative envisagé au printemps comportera une réforme de la DGF ou, au moins, ouvrira le débat sur ce point ?
La réforme fiscale ne relègue pas ce sujet au second plan. Au contraire ! Le bouleversement des ressources fiscales rendra encore plus fondamentale une juste répartition des dotations.
À ce sujet, nous vous proposerons par amendement de commencer à travailler sur des mécanismes de mesure des charges des collectivités territoriales qui soient plus fins que les « indices synthétiques » que nous utilisons aujourd’hui. Pour que les dotations soient réparties de façon juste, elles doivent être assises sur des critères eux-mêmes justes et transparents.
Je souhaite dire un mot sur les départements. Nous examinerons tout à l’heure la création d’un fonds de stabilisation des départements sur trois ans, complété par un renforcement de la péréquation horizontale. Il s’agit du traditionnel fonds « exceptionnel » pour les départements, que nous votons tous les ans pour leur permettre de passer l’année.
Monsieur le ministre, il est temps de trouver une solution pérenne au problème du financement des allocations individuelles de solidarité par les départements.
Quelles sont les intentions du Gouvernement à ce titre ?
Je voudrais revenir d’un mot sur le sujet de la taxe d’habitation, évoqué par notre collègue Charles Guené. Au-delà des inquiétudes que sa suppression suscite concernant les finances des collectivités locales, inquiétude que nous partageons tous sur ces travées, dans l’absolu, elle n’a de sens que si le financement de la mesure trouve son origine dans les fruits de la croissance. Sinon, cela reviendrait finalement à financer la suppression de cet impôt local, que 30 % des foyers ne payent pas aujourd’hui, par l’augmentation d’autres taxes qui, elles, seraient payées par tous, y compris les plus fragiles. Dans la période actuelle, ne doutons pas que, sur ce point, nos concitoyens seront extrêmement attentifs.
Enfin, les projets de fusion de métropoles/départements sur lesquels vous travaillez ne me semblent pas en résonance avec les craintes manifestées par les territoires périurbains et ruraux, inquiets à juste titre devant des disparités qui s’accroissent inexorablement. Je ne saurais trop donc vous conseiller de mettre fin à cette réflexion, monsieur le ministre.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous aurons l’occasion de revenir sur le montant des crédits inscrits au titre de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2019.
La commission des lois, tout en émettant de sérieuses réserves sur certains points, ne s’est pas opposée à l’adoption de ces crédits, préférant porter son attention sur leurs modalités de répartition et, plus largement, sur la répartition des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales.
Les vingt dernières années ont été marquées par une recentralisation lente et méthodique dans l’attribution des dotations d’investissement.
Au moment des grandes lois de décentralisation de la fin des années soixante-dix et du début des années quatre-vingt, le législateur avait souhaité remplacer un système de subventions versées par les ministères ou par les préfectures par des dotations globalisées, libres d’emploi ou fondées sur le principe du taux de concours.
La dotation globale d’équipement, ou DGE, était fondée sur un principe simple : la loi fixait la liste des dépenses éligibles au soutien de l’État et l’enveloppe totale de la dotation, après quoi tout projet d’investissement répondant aux critères légaux recevait de plein droit un soutien financier calculé au prorata de son coût.
Certes, la DGE des communes avait ses défauts, et elle fut finalement remplacée en 2011 par la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, ce qui marquait le retour à un régime de subventions. Mais, en 2011, on n’avait pas encore tout à fait perdu de vue les principes de la décentralisation. C’est pourquoi on créa une commission départementale d’élus, la commission DETR, chargée de contrôler l’attribution des subventions par le préfet. On ne s’embarrassa pas des mêmes scrupules en 2016, lors de la création de la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL.
Les pouvoirs de la commission DETR sont très limités, et le juge administratif n’exerce qu’un contrôle restreint sur l’attribution des subventions.
Afin d’y voir plus clair sur la répartition de la DETR et de la DSIL, j’ai demandé au Gouvernement de me communiquer l’ensemble des subventions attribuées au titre de ces deux dotations en 2017 et en 2018. Il m’a été répondu que l’administration centrale ne disposait pas de données consolidées de la DETR. J’ai donc dû formuler cette même demande auprès de l’ensemble des préfets de département. Je reçois encore ces jours-ci leur réponse.
Il en ressort, en premier lieu, que les pratiques sont extrêmement diverses d’un département à l’autre. Le nombre de subventions attribuées au titre de la DETR varie de 15 à près de 800, et leur montant moyen de 18 000 euros à 180 000 euros. Je ne critique pas cette disparité ; elle montre que le cadre légal est suffisamment souple pour permettre de s’adapter aux besoins locaux.
En deuxième lieu, on remarque que le coût moyen des opérations subventionnées au titre de la DETR est relativement élevé, à 150 000 euros environ. À titre de comparaison, le coût moyen des projets subventionnés grâce à la réserve parlementaire était de 100 000 euros.
Afin de donner aux élus les moyens d’un réel contrôle sur les choix d’opportunité faits par les préfets, la commission des lois propose de créer dans chaque département une commission départementale des investissements locaux chargée de contrôler à la fois l’attribution de la DETR et la fraction départementale de la DSIL. Ses pouvoirs seraient sensiblement renforcés par rapport à ceux de l’actuelle commission DETR.
Nous vous présenterons par ailleurs un amendement important sur la dotation d’intercommunalité, qui a une forte spécificité parmi les dotations de fonctionnement.
La commission des lois s’est prononcée en faveur de l’adoption de ces crédits et a adopté sept amendements sur les articles rattachés.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Claude Malhuret.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi de finances pour 2019 s’inscrit dans un contexte incertain pour les finances des collectivités territoriales
Incertitudes d’abord quant à des décisions de l’État, comme le dégrèvement progressif de la taxe d’habitation, qui doit être compensé, les modalités de calcul des dotations, qui restent mystérieuses, ou encore les fusions de communes et d’intercommunalités, qui posent de nombreuses questions dans leur mise en œuvre
Incertitudes également quant à l’ampleur de la diminution de crédits ou de dispositifs incitatifs, qu’il s’agisse du financement des contrats aidés, des recettes des agences de l’eau ou de la répercussion sur les organismes d’habitations à loyer modéré de la baisse de l’aide personnalisée au logement.
À cela s’ajoutent les difficultés économiques et sociales que nous connaissons tous : classes fermées, centres-bourgs qui perdent leurs commerces, services publics menacés, déserts médicaux, fracture numérique…
Comment s’étonner dès lors du découragement de nombreux élus locaux ?
Les multiples lois de décentralisation et de déconcentration intervenues depuis des années n’ont apporté que des réponses cosmétiques aux besoins des territoires. Parfois, elles ont elles-mêmes aggravé les problèmes. La complexité de la fiscalité locale et du système des dotations cache en fait une diminution constante des ressources des communes depuis trente ans.
Résultat : des territoires en grande difficulté, auxquels on demande pourtant de réduire leurs budgets ; des élus qui ne savent plus comment faire pour ne pas laisser dépérir leurs villages ; des communes rurales sans moyens humains et financiers pour soutenir le lien social et économique.
Selon le projet de loi de finances pour 2019, l’enveloppe des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales connaîtrait l’an prochain une légère augmentation, de 0, 8 % en valeur, due notamment à la reprise de l’investissement local et à la hausse consécutive du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, ou FCTVA, mais une baisse de 0, 7 % en volume, compte tenu des prévisions d’inflation.
Quant aux crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ils ne représentent qu’environ 8 % des concours financiers de l’État aux collectivités. Il ne s’agit donc que d’une partie minime de l’effort financier de l’État en leur faveur. Leur légère hausse de 97 millions d’euros en 2019 s’explique principalement par des effets de périmètre et par l’augmentation des moyens de la direction générale des collectivités locales, la DGCL.
Monsieur le ministre, vous trouvez sans doute injustes les critiques des élus locaux alors que c’est la première fois depuis des années que la baisse des dotations est amortie.
Mais, vous le savez bien, avec la mise en œuvre de ces dispositions, dans une opacité quasi totale de la part de l’administration du ministère des finances, qui vous a privé de tout bénéfice politique de cette décision, de très nombreuses communes ont connu une réalité à l’opposé des annonces. Un exemple parmi d’autres : on a encouragé depuis plusieurs années les EPCI à augmenter leur coefficient d’intégration fiscale en prévoyant une évolution de la dotation d’intercommunalité proportionnelle à l’effort, et, au bout du compte, on décide un plafonnement de cette évolution à 110 %, ce qui annule 75 % de la mesure pour de nombreuses collectivités. Cela frappe une fois encore les plus vertueux et discrédite l’État, qui trouve un nouveau moyen détourné de ne pas tenir ses promesses.
Les élus de nos territoires sont prêts à accepter beaucoup ; ils l’ont fait dans le passé. Mais ils aimeraient maintenant avoir des preuves concrètes du soutien de l’État, que ce soit au travers de la mise en œuvre effective des politiques annoncées, comme les opérations « Cœur de ville » ou de soutien aux centres-villes et centres-bourgs, et avec des outils incitatifs forts ainsi que des subventions ciblées et bien réparties entre collectivités, comme la DETR.
Nous demandons que la situation de certaines intercommunalités ayant perdu de 70 % à 100 % de leur dotation du fait de mécanismes complexes de garantie applicables, soit revue.
Pour ma part, je fais confiance aux élus locaux qui ont tracé des trajectoires vertueuses en réduisant leurs dépenses de fonctionnement pour se ménager des possibilités d’investissement.
Je voudrais également profiter de cette tribune pour rendre un hommage appuyé à tous les maires, notamment ceux des petites communes rurales. Ce sont des élus exemplaires qui ne comptent pas leur temps pour rendre service à leurs administrés et qui s’engagent au quotidien pour dynamiser leur territoire et créer du lien, bien souvent – hélas ! – avec peu de moyens. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement pour prévoir un mécanisme de garantie de sortie de la dotation de solidarité rurale dans le cadre de la modification des périmètres des intercommunalités. Cela peut en effet pénaliser une commune rurale dite « défavorisée » qui intégrerait un EPCI dit « riche ».
La tentation de tout miser sur les métropoles pour tenir notre rang et résister dans une mondialisation de plus en plus concurrentielle peut se comprendre ; mais y céder serait une erreur. Ce n’est pas en opposant rural et urbain, communautés de communes et communautés d’agglomération, ruralité et métropoles, qu’on résoudra le problème. C’est en travaillant les complémentarités.
Les campagnes ont des difficultés, mais elles ne font pas la manche. C’est d’une logique de réciprocité dans le développement que nous avons besoin. La République ne peut pas se contenter de n’être qu’une somme de territoires gagnants et de territoires perdants. Lorsqu’une partie des Français se sentent oubliés par la République, ils se tournent vers les extrêmes et se rappellent à son bon souvenir le jour des élections.
Il est essentiel de donner aux collectivités les moyens d’agir pour l’intérêt des populations et de respecter leurs libertés. Dès leur création, et encore plus depuis les lois de décentralisation, les collectivités ont été les piliers de notre modèle républicain, garants de nos valeurs d’égalité, de vivre-ensemble et acteurs de la démocratie de proximité. Nous devons rendre hommage à nos élus locaux et leur apporter un soutien sans faille.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2019 tel qu’amendés.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, cher collègue seine-et-marnais, mes chers collègues, le Congrès des maires se tenait voilà une quinzaine de jours. À cette occasion, chacun a pu entendre la volonté des élus locaux de participer à la transformation de notre pays dès lors qu’ils sont écoutés et considérés.
Le Président de la République, dans son courrier adressé à tous les maires de France, a pu renouveler sa confiance envers l’intelligence territoriale. Conformément à ses engagements, il a souhaité qu’il n’y ait dans ce quinquennat ni réforme institutionnelle concernant les collectivités locales ni nouveaux transferts de compétences. Et c’est heureux : pour les élus locaux que nous avons été, notamment dans les exécutifs, et que nous représentons, les années passées ont été très traumatisantes.
Toutefois, comme l’a indiqué le Président de la République, il est nécessaire de mettre à plat la fiscalité locale, et même la fiscalité tout court. Le système est extrêmement technique, opaque, au point qu’il est devenu un domaine d’experts. Une réforme de la fiscalité en concertation avec les élus est prévue au printemps 2019. Nous espérons qu’elle s’accompagne d’une réflexion globale sur les ressources des collectivités leur permettant une pérennité financière. À cet égard, je ne peux qu’inviter le Gouvernement à préciser rapidement les options envisagées pour compenser la suppression de la taxe d’habitation, afin de sceller le pacte de confiance réciproque.
Les aspects budgétaires nous réunissent aujourd’hui. Nous ne pouvons que saluer le Gouvernement, qui, comparativement aux années précédentes, a compris que les collectivités étaient asphyxiées.
M. Arnaud de Belenet. Je vous remercie, chers collègues, de saluer l’attention singulière et particulière qui existe depuis deux ans.
Marques d ’ ironie au banc des commissions.
Les transferts financiers globaux entre l’État et les collectivités territoriales augmentent de 3 milliards d’euros par rapport à 2018, et les concours financiers de l’État aux collectivités locales augmentent, s’élevant à 48, 6 milliards d’euros au lieu de 48, 3 milliards d’euros en 2018. Au sein de ces concours, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » demeure constante. C’est sans doute pour cette raison que, dans son rapport pour avis, notre collègue Loïc Hervé s’est déclaré favorable à l’adoption des crédits de la mission qui nous intéresse aujourd’hui.
Je souhaite aborder rapidement trois points : la DGF, la péréquation et l’investissement local.
Après des baisses successives, la DGF est, pour la deuxième année, stable à enveloppe globale. J’espère néanmoins que les variations connues en 2018 – M. Malhuret les évoquait à l’instant – seront moins importantes. À cet égard, je souligne un amendement de notre collègue député Jean-René Cazeneuve visant à prévoir que la publication des chiffres relatifs à la DGF soit assortie de la communication simultanée des explications des écarts et variations par rapport à l’année précédente.
Si, pour la DGF, l’endiguement de la péréquation horizontale est positif, la péréquation, qu’elle soit verticale ou horizontale, est encouragée. Les ressources du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, sont maintenues. Il faut le noter, la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et la dotation de solidarité rurale, la DSR, progressent.
Dans le prolongement de l’intervention de Claude Malhuret, je souhaite partager avec vous une interrogation sur ces petites communes qui, à 10 000 euros, 15 000 euros ou 20 000 euros près, voient leur situation considérablement évoluer.
Je pense notamment à ces élus contraints de supprimer un demi-équivalent temps plein et d’aller tondre la pelouse eux-mêmes devant leur mairie, quand 10 000 ou 15 000 euros leur manquent. La mécanique des dotations de fonctionnement ne mériterait-elle pas que l’on prenne en compte, dans le budget de l’État, pour quelques centaines de millions d’euros, la situation de ces très petites communes ?
Enfin, le soutien à l’investissement local constitue l’un des objectifs affichés de ce budget. Comme l’a indiqué M. le rapporteur, l’investissement local est l’un des moteurs de la croissance économique et du progrès social comme culturel. Le soutien de l’État à cet investissement est donc primordial. C’est pourquoi il est maintenu à un niveau élevé, grâce à la DETR, la dotation politique de la ville et la DSIL.
La dotation globale d’équipement des départements est quant à elle transformée en une véritable dotation de soutien à l’investissement des départements, composée de deux parts : la première serait répartie en enveloppes régionales pour des projets jugés prioritaires et la seconde serait ventilée entre les départements en fonction de leur potentiel fiscal. Mes chers collègues, je connais les réserves de certains à son égard. Voyons à moyen terme les résultats de cette nouvelle dotation !
En conclusion, je remercie le Gouvernement d’avoir, par ce budget, montré sa confiance envers les collectivités, qui jouent le rôle précieux de premier lien dans l’architecture de notre pays.
Nous voterons évidemment les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Pierre Louault applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chaque année, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » tient du jeu de bonneteau et de l’exercice de camouflage, auxquels le fractionnement des crédits, les complications ésotériques et les changements de périmètres tiennent lieu de couverture. La bureaucratie de Bercy, qui excelle dans cet art, croit rendre service au Gouvernement en lui permettant d’afficher des propositions plus sympathiques qu’elles ne sont en réalité. En fait, ces pratiques ne font que ronger un peu plus le peu de confiance que les élus territoriaux continuent d’accorder à la parole de l’État.
Parmi les techniques de brouillage, on compte la dispersion des crédits qui intéressent de près ou de loin les collectivités territoriales dans des tiroirs sans communication, les réductions des aides indirectes et le transfert de charges aux autres.
Comme l’a fait remarquer le rapporteur pour avis, la baisse de 800 millions d’euros, après 1 milliard d’euros en 2018, des aides aux contrats aidés et la ponction de 800 millions d’euros dans la caisse des offices d’HLM pour amortir la baisse des APL auront forcément un impact sur les finances communales. Il en va ainsi de la pratique, devenue courante, consistant à faire payer à d’autres une partie du fonctionnement de l’État, les réformes et les actes de solidarité dont il se flatte.
Au final, le prétendu acte III de la décentralisation, la révision générale des politiques publiques, le plan « Préfectures nouvelle génération » et son futur petit frère, le programme Action publique 2022, la disparition de l’ingénierie publique sont-ils autre chose qu’un transfert de charges de l’État aux collectivités ? Vêtu de démagogie candide et du lin blanc de la rigueur, on peut dénoncer le laxisme fiscal des collectivités, mais celles-ci ne peuvent faire autrement.
Ainsi, comme l’ont fait observer les rapporteurs, les mesures positives de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » – majoration des crédits de la DGE des départements, création d’une dotation exceptionnelle au bénéfice de la collectivité de Saint-Martin, majoration des crédits de la dotation attribuée en cas de calamités publiques, majoration de la dotation générale de décentralisation pour améliorer le service des bibliothèques – sont-elles financées par une minoration des variables d’ajustement de la DGF, encore une fois mises à contribution.
Plus forte encore est la transformation des crédits finançant le service de tutelle des collectivités territoriales, la direction générale des collectivités locales, ou DGCL, en crédits de soutien à ces collectivités. Ainsi, les crédits relatifs au fonctionnement de la DGCL, qui s’élèvent à 470 000 euros, figurent-ils au titre de l’action n° 02 du programme 122 de la mission. N’est-ce pas un pur chef-d’œuvre ?
Même la DETR, devenue, par absorptions successives de toutes les sources possibles d’aide à l’investissement des communes – jusqu’à la dotation parlementaire, pour partie –, la seule dotation d’investissement sur laquelle les communes rurales peuvent compter, et présentée, depuis sa création, en 2011, comme le « grand œuvre » de ces dernières années de réforme, n’échappe pas à ce mouvement de captation par l’État des concours financiers qu’il est censé accorder aux collectivités.
Ainsi, il ne vous aura pas échappé, mes chers collègues, que, si les opérations prioritairement éligibles à la DETR sont décidées par une commission d’élus, les préfets sont invités à retenir celles qui permettront de financer les politiques engagées par l’État lui-même, qu’elles soient ou non une priorité pour les petites communes. Or celles-ci pensent à boucler leurs plans de financement d’opérations imposées par les nécessités du moment avant de chercher à contribuer au financement de la politique de l’État, aussi grandiose et aussi intéressante soit-elle !
Remarquons, par exemple, que l’État fait financer par la DETR ses politiques de mutualisation de services publics et de revitalisation des centres-bourgs – ces politiques sont très intéressantes, mais ont vocation à être financées par l’État –, de rénovation thermique et de transition énergétique, d’accessibilité aux établissements publics, d’implantation et de rénovation des gendarmeries en milieu rural, d’installation des espaces numériques nécessaires à la réussite de la politique, imposée d’en haut, de dématérialisation des démarches administratives, ou encore de soutien au dédoublement des classes de CP et de CE1, alors qu’il s’agit typiquement d’une mission de l’État.
En un mot, comme les départements, en matière de politique sociale, sont devenus des services extérieurs de l’État à leurs frais, les communes sont chargées de réaliser les investissements qui permettront de donner forme aux politiques de l’État, à leurs frais bien sûr.
Je partage l’analyse de Loïc Hervé : il est grand temps de redonner du sens à la lettre « R » de la DETR, devenue, au fil des restrictions financières et du rôle désormais joué par les intercommunalités dans la gestion de la pénurie, le principal levier de l’investissement des communes rurales.
Ainsi, mon groupe soutiendra les propositions tendant à rapprocher le mode de gestion de la DSIL de celui de la DETR et à réserver une fraction de celle-ci au financement des projets que leur taille fait juger insignifiants vus d’en haut.
Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs spéciaux, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, permettez-moi de faire une remarque avant d’aborder les crédits de cette mission : nous savons que le présent projet de loi de finances constitue un dernier replâtrage avant les grands travaux de refonte de la fiscalité locale. Et qui dit « grands travaux », dit « grandes manœuvres » ! Ces dernières ont commencé depuis plusieurs mois déjà.
Pour autant, si de grands chamboulements sont à venir, il serait inexact de dire que le présent projet de loi de finances, à l’image de la présente mission, n’est qu’un texte d’attente.
Cela a été dit, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne représentent que la partie émergée de l’iceberg des relations financières liant l’État aux collectivités, la partie immergée se composant des prélèvements sur recettes, des dégrèvements d’impôts locaux, ou encore de la fiscalité transférée.
Monsieur le ministre, nous savons gré au Gouvernement d’avoir mis un terme à la contribution des collectivités au redressement des finances publiques, via une diminution de la DGF. Nous ne sommes pour autant pas totalement convaincus par le mécanisme qui lui a succédé, même s’il ne concerne que les grandes collectivités, car il repose sur une contractualisation léonine.
Mais revenons à la mission et aux articles qui lui sont rattachés.
Comme les orateurs précédents, je relève la stabilité globale de ses crédits et, plus globalement, des concours de l’État aux collectivités. Cependant, l’affermissement de l’inflation vient quelque peu ternir les éléments de langage gouvernementaux.
Selon les argumentaires développés, notamment dans le bleu budgétaire, trois objectifs sont assignés à la mission : renforcer la péréquation, accompagner l’investissement public local et compenser les charges transférées.
Nous partageons ces ambitions, tant et si bien que mon groupe a déposé des amendements pour les atteindre encore mieux. Ainsi, en matière de péréquation verticale, nous proposerons d’augmenter la DSU et la DSR et, pour ce qui concerne le soutien à l’investissement public local, nous proposerons de remettre la DSIL à son niveau de 2018.
Puisque nous évoquons les actions du programme 119, notons le gel de la DETR et de la dotation politique de la ville, dont les critères d’éligibilité sont d’ailleurs élargis, à l’article 81.
Plusieurs amendements, dont certains ont été déposés par mon groupe, visent à mieux augmenter ces dotations et à en modifier les modalités d’attribution ; je pense notamment à la commission DETR.
Pour ce qui concerne le programme 122, je m’étonne que l’augmentation du fonds exceptionnel d’aide à Saint-Martin, à hauteur de 50 millions d’euros, soit financée au sein de l’enveloppe des concours de l’État. Comme l’a rappelé M. le rapporteur pour avis de la commission des lois, en la matière, c’est la solidarité des collectivités qui remplace la solidarité nationale.
Venant à l’examen des articles rattachés, comme souvent nombreux, je mentionnerai tout d’abord la réforme de la dotation d’intercommunalité.
De l’avis de tous, le système actuel, reposant sur autant d’enveloppes que de catégories d’EPCI, était à bout de souffle. Les travaux amenant à la nouvelle mouture ont associé le comité des finances locales. La principale innovation, outre la fusion des enveloppes, consiste en l’ajout du critère de revenu par habitant. Les simulations semblent indiquer que ce sont les communautés de communes qui bénéficieraient le plus de cette donne.
Toujours à l’article 79, nous défendrons deux amendements visant à mieux prendre en compte les résidents secondaires dans les petites communes touristiques peu riches pour le calcul de la « population DGF ».
S’agissant de l’article 79 bis, relatif à l’information des collectivités quant aux évolutions de la DGF, l’année 2018 a été marquée par d’importantes incompréhensions lors de la notification des montants aux communes et EPCI, malgré la stabilité de l’enveloppe globale. Les variations, dues notamment à la refonte de la carte intercommunale, ont eu un effet désastreux dans les territoires.
Si, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, la DGF est une dotation « vivante », ce qui est souhaitable, nous constatons aussi qu’elle est illisible, ce qui est regrettable. Nous souscrivons donc à l’engagement, pris par le Président de la République devant les maires, d’« ouvrir le chantier de la réforme des règles de la DGF ».
Pour terminer, je veux évoquer les finances des départements. Nous notons la volonté des rapporteurs spéciaux de revenir sur la transformation de la DGE en une dotation de soutien à l’investissement départemental, ou DSID.
Nous prenons aussi acte de la traduction législative de l’accord trouvé entre l’Assemblée des départements de France et le Gouvernement sur un énième plan d’urgence. La pérennisation du fonds de 115 millions d’euros sur trois ans permet de donner un peu de visibilité. S’y ajoute un mécanisme de péréquation horizontale, qui fait l’objet d’un amendement du Gouvernement. Mais, disons-le, un tel plan ne répond pas de façon pérenne à l’enjeu du financement des dépenses sociales, notamment des allocations individuelles de solidarité, les AIS.
Nous serons donc particulièrement attentifs au sort des amendements déposés, notamment par le groupe du RDSE. Il conditionnera notre vote sur les crédits de la mission et sur les articles rattachés. Nous les accueillons, a priori, avec une certaine bienveillance.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs spéciaux, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » que nous examinons aujourd’hui est particulièrement singulière en ce qu’elle ne regroupe qu’une très faible partie des concours financiers de l’État en faveur des collectivités – nous sommes loin des 10 %.
Plusieurs années de réformes territoriales brouillonnes couplées à une baisse sans précédent des dotations, de l’ordre de 11 milliards d’euros entre 2014 et 2017, ont quelque peu essoré les collectivités territoriales.
Le budget qui nous est présenté est stable. Nous nous en réjouissons sincèrement.
Toutefois, deux éléments de contexte oubliés nuancent quelque peu notre satisfaction : l’inflation, dont le taux avoisinerait 2 % l’an prochain, et la diminution d’autres crédits qui affectent directement les territoires – je pense à la baisse du nombre de contrats aidés et du budget des agences de l’eau, ou encore au fait que les offices d’HLM soient priés de compenser la diminution des APL.
De manière plus générale, ce budget nous laisse en arrière-goût un sentiment de tentation recentralisatrice.
D’abord, le principe de la contractualisation léonine proposé par l’État aux grandes collectivités donne aux élus l’impression de se voir imposer un budget, au risque d’une sanction financière.
Certes, monsieur le ministre, nous préférons très largement la contractualisation au coup de rabot de ces dernières années. L’idée est fort intéressante, mais elle suppose une réelle capacité de négociation, fondée sur une vraie relation partenariale et la prise en compte de l’inflation et du coût des dépenses obligatoires imposées en particulier aux départements, avec notamment la hausse des dépenses liées aux mineurs non accompagnés et le surcoût de normes. Cette contractualisation nécessite, vous le savez, une évaluation et une clause de revoyure.
Ensuite, le texte prévoit de remplacer la DGE des départements par une dotation de soutien à l’investissement départemental. Or ce nouveau système de subvention s’apparente à une sorte de tutelle, contraire à l’esprit de décentralisation et de libre administration des collectivités.
Cette tentation recentralisatrice toujours présente, nous la retrouvons également dans les modalités d’affectation de la DETR et de la DSIL. S’agissant de la DETR, la commission d’élus donne un simple avis consultatif et n’a pas de vision globale sur toutes les demandes de subventions adressées au préfet. Quant à la DSIL, les élus ne sont pas associés à la décision, laquelle est d’ailleurs prise à l’échelon régional.
Aussi, le groupe centriste soutiendra la proposition du rapporteur pour avis d’étendre les prérogatives de la commission DETR, afin que les parlementaires soient associés à la décision, et de déconcentrer une partie de la DSIL au niveau départemental, les préfets de département, interlocuteurs privilégiés des élus locaux, ayant une meilleure connaissance des territoires que les préfets régionaux.
Par ailleurs, la commission des lois propose de réserver une partie de la DETR au financement des projets des petites communes. On se rend compte, en effet, que les petites communes font souvent les frais de la suppression de la réserve parlementaire, mais également des orientations dans l’affectation de la DETR, qui privilégie trop souvent de gros projets.
Concernant la dotation d’intercommunalité, je salue, monsieur le ministre, la volonté du Gouvernement de simplifier sa répartition et de veiller à une certaine égalité dans la « valeur » des habitants, que ceux-ci habitent les campagnes ou les villes, en créant une enveloppe unique, au lieu des cinq enveloppes existantes, et en complétant également les critères de répartition.
Toutefois, cette refonte reste quelque peu au milieu du gué. Elle ne peut être qu’une étape transitoire, s’inscrivant dans une réforme plus globale des dotations de l’État et des outils de péréquation.
À ce titre, je veux évoquer le FPIC, qui doit impérativement être revu. La nécessaire solidarité entre les territoires a justifié la création de ce fonds, dans un contexte particulier, mais l’équation compliquée de son mécanisme a été totalement bouleversée par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe, et la refonte de l’intercommunalité. L’État a maintenu le montant global du prélèvement, alors que les recompositions d’intercommunalités ont fait disparaître un grand nombre de contributeurs importants au FPIC. De ce fait, les contributeurs restants ont vu leur contribution augmenter de manière considérable, voire insupportable, sans que leurs ressources aient évolué. À titre d’exemple, je veux citer une communauté de communes de 25 000 habitants dont la contribution au FPIC est passée, en quelques années, de 35 000 euros à 750 000euros !
Le modèle existant au moment de la création du FPIC a considérablement évolué. L’équation, d’un autre temps, n’est plus tenable. Si la taxe d’habitation a été déclarée injuste, le FPIC l’est également devenu.
Il en est de même de l’évolution de la DSR dans le cadre des communes nouvelles et des nouveaux périmètres d’intercommunalité. Il est urgent de reprendre ces éléments.
Monsieur le ministre, ce projet de loi de finances s’inscrit dans un contexte de relations compliquées entre l’État et les collectivités territoriales. Nous espérons tous que ces relations sont amenées à se réchauffer.
L’année 2019 sera marquée par deux temps forts : la réforme constitutionnelle, qui reconnaît le droit à la différenciation territoriale, que nous appelons de nos vœux, et la réforme de la fiscalité locale. Cette dernière est une impérieuse nécessité devant tant de complexité ! Il est d’ailleurs regrettable que la suppression de la taxe d’habitation n’ait pas été pensée dans un cadre global. Les maires réclament la capacité à agir, l’autonomie financière et fiscale et une indispensable prévisibilité. Ils doivent connaître l’issue du chemin pour définir le meilleur trajet à emprunter.
Monsieur le ministre, vous le savez, les élus locaux sont les vigies de la démocratie et de la solidarité. Ménagez-les, écoutez-les, car ils sont, au quotidien, les inventeurs des possibles. Ce sont de grands serviteurs de l’intérêt général. Ils sont la solution, et non le problème.
L’avenir de notre pays viendra des territoires, qui sont d’indispensables espaces de proximité, de synergie et de cohésion, qui rassemblent.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Jean-Marc Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après le honteux hashtag #BalanceTonMaire, il serait temps que le Gouvernement lance le hashtag #EntendsLesTerritoires.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
En effet, il n’est un secret pour personne que ses relations avec les collectivités territoriales ne sont pas au beau fixe.
Il n’est non plus un secret pour personne que nos collectivités font des efforts pour réduire leur déficit, ce qui n’est pas le cas de l’État.
Aussi, la Cour des comptes salue les efforts de gestion des collectivités locales, qui ont ralenti leurs dépenses en 2018. En outre, le niveau de leur épargne s’est redressé par rapport à celui de 2013.
Pour autant, monsieur le ministre, votre gouvernement continue à étrangler financièrement les collectivités, avec, notamment, la suppression de la taxe d’habitation.
D’ailleurs, vous n’avez toujours pas éclairci la question cruciale de la compensation du produit de cette taxe, qui représente 20 % des recettes de fonctionnement des communes et intercommunalités. Vous portez ainsi clairement atteinte à l’autonomie de nos collectivités. Vous amoindrissez le lien entre les contribuables et nos communes, que vous affaiblissez, particulièrement en milieu rural. Le découragement de nos maires en est le triste résultat.
Espérons que votre réforme prochaine de la fiscalité locale ne sera pas la grosse cerise sur le gâteau qui étouffera nos collectivités !
La mission « Relations avec les collectivités territoriales », dont nous discutons aujourd’hui, est révélatrice de votre soutien limité à nos collectivités locales.
Nous constatons tout d’abord une baisse des dotations de soutien à l’investissement du bloc communal. Par rapport à 2018, les autorisations d’engagement, à ce titre, sont en diminution de 45 millions d’euros.
En outre, même si les subventions d’investissement aux collectivités territoriales sont pérennisées en 2019, 40 millions d’euros de crédits prévus au titre de la défunte réserve parlementaire n’ont pas été redéployés en faveur de la DETR et de la DSIL. Aussi, je soutiens la position des rapporteurs spéciaux, qui veulent créer un prélèvement sur les recettes de l’État de 85 millions d’euros, afin de garantir une stabilité des dotations d’investissement du bloc communal.
Par ailleurs, on constate que le Gouvernement élargit les possibilités de financement de la DETR dans le cadre d’un contrat passé entre l’État et les collectivités territoriales. Attention à ne pas utiliser cette dotation pour financer toutes les politiques partenariales engagées par l’État ! Cela réduirait le soutien à des projets répondant à des besoins locaux identifiés en dehors de ce cadre.
Déjà, face à un manque cruel de financement, nos élus locaux demandent la mise en place d’une dotation parlementaire pour accompagner leurs projets communaux et associatifs, alors qu’il existe une dotation ministérielle.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre, le spectre de l’État central omniprésent plane toujours et réduit encore la libre administration des collectivités locales.
À ce sujet, je dénonce la consultation purement formelle des parlementaires pour ce qui concerne l’attribution de la DETR. Quelle est votre conception du mot « consultation » ? Est-ce celle que l’on vit sur le terrain, qui consiste à informer les parlementaires des projets des collectivités locales déjà sélectionnés par le préfet ? Ce procédé traduit la défiance du pouvoir central actuel à notre égard. Nous, les élus, connaissons les besoins de nos territoires et de nos communes ! Cette recentralisation des crédits, notamment ceux de la DETR, nous éloigne encore plus de la proximité tant réclamée aujourd’hui par nos élus et nos concitoyens.
Je souhaite ainsi que les parlementaires soient intégrés à ce processus décisionnel, comme nous l’avons toujours réclamé, car nous sommes les élus de la Nation et de nos territoires.
Une autre disposition de la mission est essentielle pour nos communes rurales : la DSR, plus particulièrement la sortie de communes de la DSR « cible ».
Au nom de nos territoires, je soutiens une sortie en sifflet plus progressive que celle que prévoit le projet actuel. En effet, la DSR « cible » est destinée aux communes les plus défavorisées parmi celles qui sont éligibles à la DSR – en somme, les plus défavorisées des défavorisées. Une sortie en sifflet sur trois ans, voire cinq ans, est donc plus adaptée aux réalités.
Monsieur le ministre, le son du sifflet aime se faire entendre lorsque vous perdez un soutien !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Valérie Létard applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, messieurs les rapporteurs spéciaux, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, l’examen des crédits de cette mission pourrait presque paraître anecdotique au regard du volume budgétaire de celle-ci qui ne représente qu’un faible pourcentage des concours de l’État aux collectivités.
Il s’effectue cependant dans un contexte de crise sociale et politique qui doit nous conduire à nous interroger lors de la prise de chacune de nos décisions, alors que les symboles de la République, des préfectures aux perceptions, en passant par les gendarmeries, jusqu’à l’Arc de Triomphe, sont incendiés, attaqués, tagués, que la défiance envers les responsables politiques ne cesse d’augmenter et que le consentement à l’impôt est remis en cause.
Certes, nos concitoyens, qui manifestent majoritairement dans le calme, revendiquent l’annulation de la hausse des taxes sur le carburant et une amélioration de leur pouvoir d’achat, mais ils réclament aussi le droit de vivre paisiblement dans leurs communes, souvent rurales.
Jusqu’à présent, ils font massivement confiance à leurs maires, ils sont attachés à leur territoire, mais ils constatent, et cela contribue aussi à leur colère, que les services publics y sont de moins en moins présents et qu’il est difficile de s’y faire soigner. Ils s’inquiètent désormais que le conseil municipal éprouve des difficultés à boucler un budget pour répondre à leurs attentes.
Vous me direz, monsieur le ministre, reprenant un des arguments développés par votre majorité ces derniers temps, que c’est le résultat de plus de trente ans de politiques publiques et que les responsabilités sont partagées. J’en conviens aisément, d’autant que je n’ai jamais été un fervent partisan de la baisse des dotations aux collectivités, même si les conditions de l’époque et l’état des finances du pays pouvaient le justifier. Cela étant, aujourd’hui, c’est vous qui êtes aux responsabilités, c’est votre deuxième budget et il n’est pas bon.
Vous avez d’ailleurs dû constater, comme nous, lors du récent congrès des maires, que ces derniers étaient mécontents. Ils l’expriment fortement, et nous pouvons tous et toutes en témoigner.
L’épisode du hashtag #BalanceTonMaire a, à cet égard, particulièrement marqué les esprits, alors que 85 % des communes ont maintenu le taux de leur taxe d’habitation et que le nombre de celles qui l’ont augmenté est inférieur à 2017.
Vous avez décidé de supprimer la taxe d’habitation pour 80 % des contributeurs. Le Conseil constitutionnel vous a indiqué que cette mesure devait concerner 100 % des ménages, ce qui représente 10 milliards d’euros de plus à financer.
Nous sommes impatients d’en connaître les modalités.
Monsieur le ministre, les élus sont inquiets des conditions de compensation. Vous parlez de dégrèvement. Soit, mais l’expérience de la suppression de la taxe professionnelle et l’histoire des évolutions des compensations invitent, a minima, à la plus grande prudence.
La relation entre le Gouvernement et les collectivités est tendue. Comme l’a lucidement souligné le Premier ministre, vous devez rétablir la confiance avec les élus locaux et, pour cela, répondre à leurs interrogations et leur garantir des moyens financiers suffisants pour conduire les affaires communales, départementales et régionales.
Or, monsieur le ministre, la trajectoire retenue pour ce budget est dans la droite ligne de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, qui prévoit une baisse de 13 milliards d’euros, en tendance, des dépenses des collectivités.
En présentant ce projet de budget, vous nous annoncez qu’il est construit sur trois piliers : la stabilité des dotations, l’augmentation des dotations d’investissement et l’amélioration de la péréquation. Nous n’avons pas dû examiner les mêmes documents ; permettez-moi de ne pas être en phase avec cette présentation.
Si la DGF reste au même niveau qu’en 2018 en euros courants, il ne s’agit pas de stabilité, mais il s’agit d’un gel duquel il faut déduire l’inflation. Fin 2017, la Banque de France l’estimait à 1, 4 % ; fin octobre, elle s’établissait à 2, 2 %. Ajoutez à cela l’augmentation des prix de l’énergie, du carburant, l’évolution du glissement vieillissement technicité, le GVT, et vous obtenez une augmentation du panier du maire de l’ordre de 2, 5 %.
En outre, il faut mettre en regard de l’évolution des dotations l’incidence des baisses de crédits de politiques publiques destinées aux territoires et que les collectivités doivent en partie compenser. Je pense à la diminution drastique du nombre de contrats aidés qui touche particulièrement les associations, aux clubs sportifs dont les subventions baissent, à la politique du logement, aux moyens des agences de l’eau.
Nous avons demandé lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances un ajustement de DGF du niveau de l’inflation pour 2017. Vous vous y êtes opposé, ce que nous regrettons.
En ce qui concerne les dotations d’investissement, plusieurs remarques permettent de contredire le Gouvernement.
Pour ce qui est de la DETR, le nombre d’établissements de coopération intercommunale éligibles va augmenter en raison de l’introduction d’un critère de densité de population.
Pour la dotation politique de la ville, la DPV, c’est le pourcentage d’habitants des quartiers politique de la ville ramené à la population totale qui évolue.
En bref, pour ces deux dotations, c’est autant qu’en 2017, mais divisé par plus de communes : c’est donc moins pour chacune.
La DSIL est, elle, amputée de 45 millions d’euros, ce que vous justifiez par la fin des contrats de ruralité ; mais la fin des contrats ne signifie pas la fin des besoins. Au total, en deux ans, la DSIL aura baissé de 266 millions d’euros.
Enfin, la dotation de soutien à l’investissement des départements, l’ex-DGD, serait attribuée à 77 % sous forme d’appel à projets, passant ainsi d’une dotation à un système de subvention. Les départements perdent de la sorte une nouvelle parcelle de liberté.
Pour la DETR et la DSIL, vous noterez, monsieur le ministre, la volonté largement partagée d’une meilleure information et d’une plus grande association des élus à leur répartition, ainsi que d’une moindre captation pour financer les priorités de l’État. Nous souhaitons, par ailleurs, qu’une enveloppe de la DETR soit clairement réservée pour les petits projets des petites communes qui bénéficiaient antérieurement de la réserve parlementaire et qui éprouvent aujourd’hui des difficultés pour faire valoir leur besoin d’accompagnement, qu’il s’agisse de l’achat d’un tracteur ou de la réfection d’une salle de classe.
Enfin, le Gouvernement nous annonce une amélioration de la péréquation. En fait, nous assistons à l’inversion de la trajectoire des fonds de péréquation.
Les variables d’ajustement diminuent, ce qui se traduit par une nouvelle baisse du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle, le FDPTP, qui touchera plus particulièrement les communes rurales des départements industrialisés comme la Seine-Maritime, dont je suis l’élu.
Le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, sera quant à lui gelé pour la quatrième année consécutive. Certes, il a des défauts, mais il a permis aussi de resserrer les écarts de richesse entre EPCI. Néanmoins, ces écarts restent importants.
Quant à DSU et à la DSR, elles avaient connu une progression significative sous le quinquennat précédent à raison de 180 millions d’euros chacune en 2016 et en 2017. L’an dernier, vous aviez ramené cette évolution à 110 millions d’euros. Cette année, vous la ramenez à 90 millions d’euros, renonçant ainsi à combler les écarts entre communes riches et communes pauvres.
Quant à la dotation d’intercommunalité, elle augmente de 30 millions d’euros, comme l’a proposé le comité des finances locales, le CFL. Néanmoins, le Gouvernement n’a pas suivi la totalité des préconisations du CFL puisque vous faites supporter l’intégralité du financement par les collectivités en refusant que l’État en prenne en charge la moitié. Cette augmentation n’exclut pas la nécessité profonde d’une réforme de cette dotation qui a aujourd’hui atteint ses limites, comme le soulignait Claude Raynal, rapporteur spécial.
Dans la même veine, monsieur le ministre, il est intolérable que l’État fasse discrètement prendre en charge par les collectivités le financement du fonds d’urgence de 50 millions d’euros absolument nécessaire, par ailleurs, à la collectivité de Saint-Martin. Nous regrettons que ce fonds ne soit pas financé directement par l’État, conformément à l’engagement pris par le Président de la République le 17 septembre dernier.
Monsieur le ministre, nous aurons l’occasion de revenir lors de l’examen des articles sur ces sujets puisque nous avons déposé plusieurs amendements, qui, je l’espère, vous convaincront.
Nos collègues élus ont besoin de lisibilité, de solidarité. Ces dimensions devront conduire la réflexion que vous avez décidé d’engager sur la fiscalité locale au premier trimestre de 2019. Mais il n’est pas concevable de réformer celle-ci sans remettre à plat notre système de dotation aujourd’hui totalement bloqué.
Les élus veulent que l’esprit de la décentralisation soit garanti, ils veulent retrouver de la liberté et de la capacité à agir. C’est à ce prix que vous rétablirez la confiance avec eux et, par leur intermédiaire, avec l’ensemble des Françaises et des Français.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Claude Raynal, rapporteur spécial, et M. le rapporteur pour avis applaudissent également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les quatre minutes qui me sont imparties, je veux d’abord dénoncer un budget en trompe-l’œil, à travers le jeu de dupes que nous propose le Gouvernement en prenant l’argent dans la poche des uns pour le mettre dans celle des autres !
C’est tout de même incroyable ! Faute d’être capable de mettre en place une véritable politique de réduction du train de vie de l’État, le Gouvernement est de plus en plus régulièrement amené à faire les poches, tantôt des communes, tantôt des départements, tantôt des intercommunalités, afin de distribuer ses bons points et ses punitions !
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Il est pour le moins paradoxal que l’État, incapable de voter un budget à l’équilibre depuis quarante-trois ans, délivre des leçons de vertu aux collectivités qui, elles, votent leur budget en équilibre, et ce alors même qu’il les dépouille consciencieusement depuis cinq ans, notamment au travers de la baisse continue de la DGF !
Sur ce point, la contractualisation proposée – pardon, imposée ! – par l’État sur les efforts demandés en termes de fonctionnement est un marché de dupes. On nous dit : « on vous impose un effort en matière de dépenses ; si vous n’obtempérez pas, on baisse vos dotations ». Cela revient en fait à nous dire : « on baisse vos dotations pour vous obliger à baisser vos dépenses » !
Plus fort encore, l’État se paye le luxe de faire des cadeaux fiscaux aux contribuables avec l’argent des autres, comme ce fut le cas pour la suppression de la taxe d’habitation, qui représente un cadeau de 26 milliards d’euros, alors qu’il n’a pas le premier centime pour compenser le manque à gagner des communes.
Une autre preuve de cette duplicité est ce débat en trompe-l’œil sur le projet de loi de finances pour 2019 alors que se prépare pour le printemps prochain un projet visant à refonder complètement le dispositif financier des collectivités territoriales. Parce que les robinets de la croissance sont taris, cette nouvelle organisation fiscale ne pourra que monter les métropoles contre les régions, les départements contre les intercommunalités, le tout sur le dos des communes, condamnées à se regrouper ou à périr.
C’est l’ultime avatar du processus de recentralisation entamé depuis la fin des années 1990 par la loi Chevènement et le maillage intercommunal qui étouffe peu à peu les communes de France.
La situation de l’Île-de-France illustre malheureusement cet état de fait, avec une organisation inaboutie, « abracadabrantesque », qui fait cohabiter aujourd’hui cinq strates de pouvoir contre trois précédemment. Il fallait le faire tout de même !
Depuis plus d’un an, l’avenir de l’Île-de-France est suspendu au bon vouloir du chef de l’État, qui s’est arrogé le pouvoir de décider seul de l’architecture territoriale de la région capitale, au mépris de l’esprit de la loi de décentralisation.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains applaudit également.
Cela nous vaut aujourd’hui, en raison des atermoiements de l’exécutif, d’avoir une métropole du Grand Paris au bord de la faillite, des territoires exsangues et des communes privées de ressources par le jeu croisé de la baisse drastique des dotations, du renforcement de la péréquation, en attendant l’hypothétique remboursement à l’euro près de la disparition de la taxe d’habitation.
Dans ce contexte où se met en place une véritable mécanique infernale destinée à assécher les finances locales, rien d’étonnant que plus de la moitié des maires de France envisagent de ne plus se représenter, …
M. Philippe Pemezec. … faute de pouvoir maîtriser les mécanismes financiers et les transferts de compétences vers les intercommunalités – elles ne servent à rien en région Île-de-France –, notamment la compétence relative à l’urbanisme qui permettait pourtant au maire de valoriser les ressources d’un territoire communal.
Applaudissements sur les mêmes travées.
Je ferai maintenant une observation à M. le Président de la République, qui, avec ses amis de la caste, contrôle tout et avec mépris de surcroît : la maison brûle et il regarde ailleurs, vers Buenos Aires ou vers Bruxelles, bientôt vers Marrakech !
La colère qui monte dans le pays est aggravée par l’affaiblissement du tissu territorial, par le découragement des élus locaux, par la marginalisation des corps intermédiaires, tout ce qui jouait le rôle d’amortisseur social dans notre pays.
Ce débat sur le projet de loi de finances devrait être autre chose que l’examen de mesures techniques additionnées venant corriger les nombreuses erreurs des années précédentes.
M. Philippe Pemezec. Il devrait s’accompagner d’un nécessaire débat de fond sur une véritable politique d’aménagement du territoire et un juste partage des compétences et des ressources.
Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « stabilité, lisibilité » ! J’ai écouté attentivement les propos prononcés à l’Assemblée nationale par le ministre de l’action et des comptes publics lors de la discussion budgétaire. Il avait pris le cas concret de la DGF qui, disait-il, est stable pour la seconde fois pour le bloc communal. Ici, dans cet hémicycle, je voudrais vous parler de la réalité !
À l’échelon national, en 2018, 16 000 communes ont vu leur DGF diminuer. Dans mon département, la Loire, sur 326 communes, 238 ont vu leur DGF baisser entre 2017 et 2018, soit 72 % d’entre elles.
Ainsi, même si des baisses de DGF pour certaines communes sont compensées par des hausses dans d’autres, le résultat final est négatif.
Maintenant, si je m’intéresse à la variation de la totalité des dotations entre 2017 et 2018, toujours dans la Loire, 173 communes subissent une diminution, soit 53 % d’entre elles.
Nous avons dix communes – par exemple Néronde, Montchal, Saint-Cyr-de-Valorges, Saint-Maurice-en Gourgois – qui perdent jusqu’à 20 % de dotations. Dans un département comme le mien où 85 % des communes sont rurales, cette baisse des moyens n’est pas sans conséquence. D’autant que les communes rurales investissent proportionnellement près de 50 % de plus que les autres communes françaises.
Monsieur le ministre, vous pouvez présenter les chiffres de manière tout autre, mais la réalité reste la même : les communes rurales, que je défends particulièrement, sont de moins en moins aidées par l’État et elles perçoivent de moins en moins de recettes fiscales.
À l’heure où la fracture territoriale est criante, ce que l’actualité nous rappelle tous les jours, il est de moins en moins supportable de constater que la DGF par habitant pour une commune de moins de 3 500 habitants varie de 64 euros à 88 euros, alors qu’elle est de 128 euros pour les villes de plus de 200 000 habitants.
La dotation varie donc du simple au double…
Nous attendons beaucoup du Premier ministre, qui s’est engagé à revoir le fonctionnement de la DGF. Nous ferons, avec les maires, des propositions pour mettre fin à ces fameux quarante-deux critères auxquels aucun élu ne comprend rien. Nous devons faire cesser cet écart de richesse qui est complètement injustifié et auquel aucun gouvernement n’a voulu s’attaquer ces dernières années.
Plus généralement, j’ai été surpris des propos de certains élus de La République En Marche qui demandent, dans les réformes à venir, une plus grande autonomie des collectivités.
Nous avons, là aussi, sûrement, une utilisation différente du mot « autonomie » ou une conception tout autre de la libre administration des collectivités puisque vous avez mis en place les contrats de maîtrise de la dépense locale avec 322 communes !
Quid aussi de la suppression de la taxe d’habitation dont nous ne savons par quoi elle sera compensée ?
Il est indispensable, monsieur le ministre, que les politiques mises en œuvre aient une certaine cohérence. Nous ne pouvons pas, d’un côté, fermer des classes, des trésoreries, des hôpitaux pour des raisons budgétaires et, …
M. Bernard Fournier. … de l’autre, entendre le ministre de l’action et des comptes publics admettre qu’il faut d’urgence « remettre des services publics sur le territoire ». Quelle est la logique ? Où est le bon sens ?
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les mêmes travées. – M. le rapporteur pour avis applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, nous avons entendu à de multiples reprises que ce budget dédié à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » était stable. Nous ne pourrions que nous en féliciter si la réalité n’était pas tout autre.
Sur le papier, certes, l’article 23 affiche effectivement le maintien de la dotation globale de fonctionnement pour 2019 à son niveau de 2018. Mais dans la réalité, le compte n’y est pas !
En effet, monsieur le ministre, vos chiffres ne prennent en compte ni l’augmentation de la population ni l’inflation : ce sont pourtant des données qui sont essentielles pour connaître le montant réel que les collectivités territoriales vont percevoir. En réalité, avec une inflation à 1, 7 %, ce que vous appelez stabilité des dotations signifiera une baisse de ces dernières !
Parlons clair : plus de 5 000 communes verront leur dotation baisser. La dotation de soutien à l’investissement local diminue de 25 %. Les dotations générales de décentralisation et la dotation globale de fonctionnement diminuent également.
Sans compter les mesures techniques glissées dans le budget voté par la majorité et dont les effets alourdiront le fardeau des collectivités. Je pense, par exemple, à la taxe sur le gazole non routier qui est doublée. Certes, un moratoire de six mois a été instauré hier au sujet de cette mesure, mais si celle-ci devait s’appliquer, elle alourdirait considérablement le coût des travaux et des chantiers publics. Elle constitue donc un frein à l’investissement, alors que les collectivités locales assurent près de 70 % de la commande publique.
Depuis 2013, les municipalités ont vu leur dotation globale de fonctionnement amputée de près d’un quart. Que dire de certains territoires, nombreux dans mon département, déjà fortement contributeurs au FPIC et qui se voient affectés par une DGF négative ?
Il ne s’agit nullement de remettre en cause le principe de péréquation et de solidarité. En revanche, il faut cesser de faire peser sur ces territoires une part déraisonnable et disproportionnée de péréquation horizontale. Si l’État continue à affaiblir les collectivités qui jouent le rôle de moteur dans notre pays, c’est l’ensemble de nos collectivités qui resteront à quai.
Les collectivités locales font des efforts considérables et ont baissé leurs dépenses de 27 milliards d’euros pendant que l’État augmentait les siennes du même montant. Ce sont pourtant elles qui sont montrées du doigt, alors qu’elles votent leur budget en équilibre et ne peuvent recourir à l’emprunt pour financer leur fonctionnement.
Le Gouvernement fonce dans le mur avec la suppression non compensée de la taxe d’habitation. Ce n’est pas en remplaçant cette taxe par la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties, autrement dit ce n’est pas en déplaçant le problème du bloc communal vers les départements, que vous sortirez de l’impasse dans laquelle vous êtes aujourd’hui bloqué, monsieur le ministre.
Cette absence de visibilité sur le long terme et ces coups de canif incessants portés à l’autonomie des collectivités locales ne sont plus supportables
Un ancien et célèbre sénateur de Haute-Savoie, Bernard Pellarin, aimait à rappeler le principe selon lequel « qui paye commande, qui commande paye » : je soumets cette citation emplie de bon sens à votre réflexion en vue de la prochaine refonte de la fiscalité locale !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur pour avis applaudit également.
Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous retrouver ce matin et je vous remercie de vos différentes prises de parole.
Le cadre que je vous propose, au nom du Gouvernement, est assez simple : d’une part, j’y reviendrai ultérieurement, il s’agit d’aller vers plus de stabilité, de lisibilité et de cohérence, dans la continuité des orientations qui ont été fixées l’année dernière ; d’autre part, il s’agit d’aller vers plus de liberté pour prendre en compte les revendications légitimes des territoires.
Concernant le budget qui vous est présenté, trois axes se dégagent : un choix clair en faveur de la prévisibilité et de la stabilité globale des ressources versées aux collectivités ; un soutien fort de l’État à l’investissement public local ; un renforcement soutenable de la péréquation en faveur des collectivités les moins favorisées.
Je commencerai par la stabilité. Il n’y aura pas au cours de ce quinquennat de grands bouleversements institutionnels. Les élus, notamment ceux de 2014 et de 2015, dont je fais partie, appartiennent à une génération de décideurs convalescents ayant connu des coupes brutales dans les dotations de l’État et des compétences modifiées en profondeur. Ils demandent désormais d’y voir clair et de se concentrer sur les projets de leur territoire. C’est pourquoi, comme l’an passé, le Gouvernement ne réduira pas de façon unilatérale, contrairement à ce que j’ai entendu dire, les concours financiers de l’État aux collectivités là où, entre 2014 et 2017, pour mémoire, ils avaient baissé de 11, 5 milliards d’euros.
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Par conséquent, les concours financiers de l’État en 2019 seront stables, voire en légère augmentation, comme l’honnêteté des chiffres me commande de le rappeler, par rapport à 2018.
Au sein de ces concours, la mission « Relations avec les collectivités territoriales », que vous examinez aujourd’hui, est globalement stable, avec 3, 8 milliards d’euros en autorisations d’engagement, traduisant le maintien à un niveau historiquement élevé des dotations de soutien à l’investissement local. Je prendrai devant vous plusieurs exemples concrets.
Premier exemple, la DGF. Pour la seconde fois, après quatre années de baisse, la DGF des départements et du bloc communal sera stable en 2019 et s’élèvera à 27 milliards d’euros. J’ai eu l’occasion de le dire la semaine dernière, lors d’une séance de questions au Gouvernement ici même au Sénat, au sein de cette enveloppe, il y aura bien sûr des variations collectivité par collectivité, en fonction des critères de répartition. C’est normal, car la DGF est une dotation vivante, il faut le rappeler, prenant en compte des indicateurs qui évoluent chaque année, à l’image des territoires. C’est la condition d’une répartition juste et équitable entre eux.
Ces variations devraient toutefois être moins importantes qu’en 2018, année où ont été pris en compte pour la première fois les nouveaux périmètres intercommunaux entrés en vigueur au 1er janvier 2017. En 2019, ce facteur ne jouera plus. Une garantie de sortie de la DSR « cible » a d’ailleurs été instituée lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale. C’est un élément de sécurisation supplémentaire que nous apportons aux communes rurales.
Tout à l’heure, nous débattrons d’un amendement déposé par les rapporteurs spéciaux visant à améliorer l’information des collectivités sur les motifs d’évolution des attributions individuelles des composantes de la DGF. Il s’agira déjà d’un pas énorme. Pour éviter les situations que nous avons connues cette année, il faut que l’argent public soit réparti de manière intelligible pour les citoyens ; nous en sommes loin si les élus eux-mêmes, et je partage les remarques qui ont été formulées, ne sont pas en mesure de comprendre.
Ensuite, comme vous le savez, le Président de la République a annoncé qu’il était prêt à ouvrir le chantier de la réforme de la DGF. Nous le ferons en concertation totale avec les élus, mais aussi, bien évidemment – je m’y suis engagé auprès du président du Sénat, Gérard Larcher –, avec les parlementaires, notamment avec ceux de la commission des finances ou de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales. Le débat démarre maintenant et peut trouver son aboutissement d’ici au projet de loi de finances pour 2020.
Le deuxième exemple porte sur la péréquation. Comme l’an passé, le Gouvernement continue à faire progresser la péréquation en faveur des collectivités les plus fragiles au regard de critères de ressources et de charges. Les composantes péréquatrices de la DGF seront abondées de 190 millions d’euros en 2019, conformément aux engagements pris dans la loi de programmation des finances publiques. Il ne s’agit pas là, contrairement à ce qui s’est fait dans le passé, d’accompagner une baisse de la DGF afin de la rendre moins difficile pour les collectivités les plus fragiles. Il s’agit, bien au contraire, d’un choix clair en faveur de la solidarité pour réduire les fractures territoriales.
La répartition de cette augmentation de la péréquation se fera au travers de la dotation de solidarité urbaine des communes, la DSU, dont les crédits augmentent de 90 millions d’euros, de la dotation de solidarité rurale des communes, la DSR, dont les crédits augmentent également de 90 millions d’euros, et des dotations de péréquation des départements, à savoir la dotation de péréquation urbaine, la DPU, et la dotation de fonctionnement minimale, la DFM, à hauteur de 10 millions d’euros.
Le troisième exemple – il en a été beaucoup question dans vos interventions, mesdames, messieurs les sénateurs – porte sur l’investissement local. Les différentes dotations de la mission atteindront 2 milliards d’euros en 2019, soit une quasi-stabilité par rapport à l’an dernier, dont 1, 8 milliard d’euros pour le bloc communal – DETR, dotation d’équipement des territoires ruraux, DSIL, dotation de soutien à l’investissement local, et DPV, dotation politique de la ville. Ainsi, nous consolidons le niveau exceptionnel atteint en 2018 par les subventions d’investissement au bloc communal.
Comme cela a été annoncé l’an dernier, la DSIL est donc bel et bien pérennisée. Elle n’est plus un outil de compensation d’une DGF en baisse telle qu’imaginée dans la période précédente, mais elle est bien un accélérateur pour l’investissement local. Par rapport à 2015, l’augmentation de ses crédits atteint 73 %, soit 745 millions d’euros, une diminution modeste par rapport à 2018 de 45 millions d’euros, comme plusieurs intervenants l’ont souligné, devant être notée. Cette baisse, prévue par la loi de programmation, s’explique par l’avancée des projets et par la fin des besoins de financement en matière de contrats de ruralité. Je ne parle pas de l’extinction de ceux-ci. À ce sujet, tous les engagements figurant dans ces contrats de ruralité seront tenus. À l’heure actuelle, 478 contrats sont signés ou en cours de signature. Il n’y a donc pas de diminution, comme j’ai pu l’entendre dire.
Le solde de la DSIL est quant à lui maintenu. Nous reviendrons, lors de l’examen des amendements, sur la nécessaire transparence de l’utilisation de ces crédits, car c’est une attente légitime exprimée par les élus locaux et par les parlementaires.
Pour continuer à assurer la stabilité, paradoxalement, il faut aussi savoir réformer. C’est tout l’objet – je vous remercie, messieurs les rapporteurs, de l’avoir rappelé – de la réforme de la dotation d’intercommunalité présentée à l’article 79, après une importante concertation engagée au printemps via les travaux du comité des finances locales présidé par M. Laignel.
Ce PLF prévoit donc la réforme de cette dotation de 1, 5 milliard d’euros, qui constitue avec la dotation de compensation ce que l’on appelle la « DGF des EPCI ». Depuis plusieurs années, la répartition de cette dotation, divisée en sous-enveloppes par catégories juridiques d’EPCI, connaissait des difficultés structurelles. On se retrouvait avec des évolutions parfois imprévisibles pour les collectivités et quelquefois avec des besoins de financement qui exigeaient que l’on réalimente cette dotation.
Afin de résoudre ces problèmes qui ont entraîné de l’illisibilité et de l’instabilité pour les collectivités, nous présentons une réforme concertée, largement amendée par les députés de tous bords, et qui pourra continuer à être améliorée dans cette enceinte par voie d’amendement. Cette réforme redonne de la vigueur aux critères existants, qui étaient devenus progressivement inopérants, en les complétant d’un critère tenant compte des charges des collectivités : le revenu des habitants. Elle simplifie l’architecture de la dotation avec la création d’une seule enveloppe – il s’agissait d’une demande ancienne – et améliore la prévisibilité de cette ressource en faisant en sorte que les garanties s’appliquent effectivement.
La réforme bénéficiera globalement à toutes les catégories juridiques d’intercommunalité, 90 % d’EPCI devant être gagnants ou connaître une situation stable à un horizon de cinq ans.
Lors des débats à l’Assemblée nationale, nous avons entendu les inquiétudes exprimées par certains sur cette réforme, même si personne n’a remis en cause son utilité. Sachez que la concertation menée cet été avec l’ensemble des associations d’élus s’est poursuivie jusqu’à l’examen de la mission au Sénat. C’est pourquoi le Gouvernement a accepté un certain nombre d’amendements déposés par les députés. Il émettra également, messieurs les rapporteurs, des avis plus que favorables sur certains amendements que vous présenterez.
Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.
Afin d’assurer plus de liberté aux collectivités, car si les élus demandent de la stabilité, ils demandent aussi depuis longtemps à l’État de faire preuve de souplesse et de réalisme, le Gouvernement a fait le choix d’une méthode. Il propose un cadre davantage adapté à chaque territoire, ce que nous avons appelé le « principe de différenciation ».
C’est bien évidemment l’esprit de la révision constitutionnelle qui sera de nouveau soumise à la discussion du Parlement au début de l’année prochaine. C’est aussi l’esprit de la méthode employée par Jacqueline Gourault, avec les élus alsaciens et ceux de la région Grand-Est pour ce qui concerne le pacte Alsace. Sur le même modèle, je mène actuellement des discussions pour conclure un pacte Ardennes avec la région, le département et des élus locaux.
Cette méthode, nous pouvons la décliner dans les territoires. Nous faisons, mesdames, messieurs les sénateurs, du sur-mesure.
Par ailleurs, nous sommes aux côtés des communes qui veulent se regrouper en commune nouvelle sur la base du volontariat, nous aurons l’occasion d’y revenir.
Nous donnons également davantage de souplesse. C’est le sens de notre travail sur les irritants de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, …
M. Sébastien Lecornu, ministre. … une loi que je n’ai pas soutenue. Et j’ai parfois regretté qu’un certain nombre de parlementaires proches de mes convictions l’aient votée.
Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.
Les préfets de l’ensemble des départements nous on fait remonter les contraintes, pas toujours justifiées, auxquels sont parfois confrontés les élus. Le travail se poursuivra, monsieur le président du Sénat, avec le Parlement et les associations d’élus. C’est aussi l’esprit de la proposition de loi soutenue dans cette assemblée par Françoise Gatel et Agnès Canayer portant sur les communes nouvelles, afin d’accompagner ces mutations.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous pourrez le dire à vos collègues : le Gouvernement sera au côté du Sénat pour apporter ces modifications attendues par les territoires.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est la première fois que je suis applaudi au Sénat depuis dix-huit mois, je risque de finir par y prendre du plaisir !
Sourires.
Dans ce budget, on trouve également plusieurs mesures de simplification. Je pense à la transformation de l’actuelle dotation globale d’équipement des départements, la DGE – je l’ai bien connue comme président de conseil départemental – en dotation de soutien à l’investissement des départements, que l’on pourrait appeler DSID.
On observe aujourd’hui, contrairement à ce que j’ai pu entendre dans les interventions précédentes, une très grande disparité, pour ne pas dire une certaine inégalité, dans l’accès aux crédits de la DGE.
Les présidents des départements les plus fragiles, les plus dépourvus en ingénierie le savent et peuvent en témoigner, comme certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs.
La complexité de cette dotation pouvait même dissuader certains départements de monter des dossiers pour en bénéficier.
De plus, l’État ne disposait pas d’outils pour soutenir un département qui avait besoin d’une aide ponctuelle et immédiate, puisque la DGE intervenait, comme vous le savez, une fois les investissements réalisés, soit plusieurs mois, voire plusieurs années plus tard.
Les grands axes de la réforme que nous vous proposons sont donc les suivants : tout d’abord, passer d’une logique complexe de guichet à une logique souple de projets, à l’appui des initiatives des départements et sur le modèle de la DSIL ;…
… ensuite, insister sur la péréquation, notamment pour les départements qui bénéficient des fractions péréquatrices de l’ancienne DGE, et qui ne seront pas oubliés.
Cette réforme se fait, là aussi, à moyens constants, contrairement à ce que j’ai pu entendre précédemment. L’effort de l’État demeure inchangé, avec 212 millions d’euros d’engagements en 2019.
Pour ce qui concerne le mécanisme de bonification destiné aux départements signataires d’un contrat dit « de Cahors », plusieurs amendements visant à le supprimer ont été déposés à l’Assemblée nationale, afin qu’il ne soit pas fait de différence entre un conseil départemental qui aurait signé un tel contrat et un autre qui n’en aurait pas signé. Le Gouvernement ayant exprimé par ma voix un avis de sagesse bienveillante, le dispositif a été supprimé. Nous avons ainsi devancé une demande du Sénat.
Stabilité, liberté et – permettez-moi de vous le dire, monsieur le président Dallier – rupture caractérisent donc notre méthode.
J’évoquais les départements. Un important travail de concertation, qu’il nous faut saluer, a été mené ces dernières semaines avec l’Assemblée des départements de France, l’ADF.
Vous le savez, un amendement a été adopté à l’Assemblée nationale visant à créer un fonds de stabilisation des charges induites par le financement des dépenses d’allocations individuelles de solidarité – le revenu de solidarité active, le RSA, bien évidemment, mais aussi l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et la prestation de compensation du handicap, la PCH –, d’un montant de 115 millions d’euros par an pour les années 2019, 2020 et 2021. C’est la première fois qu’un tel dispositif est pluriannuel, offrant ainsi une visibilité jusqu’à la fin du mandat départemental.
Une trentaine de départements devraient bénéficier en 2019 de ce dispositif, ainsi que des 135 millions d’euros déjà inscrits dans le projet de loi de finances au titre du fonds de lutte contre la pauvreté et d’accès à l’emploi. Ce sont donc bel et bien 250 millions d’euros qui seront apportés dès 2019, au titre du soutien financier direct de l’État, aux départements pour l’exercice de leurs compétences en matière de politique sociale.
Nous renforçons également la solidarité financière entre les départements, à hauteur d’environ 250 millions d’euros supplémentaires.
Le Gouvernement – là aussi, la méthode est originale ! – attendait une proposition de l’ADF, laquelle devait préciser ses critères de répartition au terme d’un travail consensuel mené avec l’ensemble des présidents de conseil départemental.
Nous reprenons donc le travail de l’ADF sous forme d’un amendement gouvernemental. C’est la première fois que cela se produit ! Il s’agit d’un véritable tournant et d’un marqueur de la bonne volonté du Gouvernement, qui souhaite avancer avec les conseils départementaux. Mais peut-être, me direz-vous, le ministre chargé des collectivités territoriales n’est-il pas complètement objectif sur le sujet…
Sourires.
La réforme de la fiscalité locale répondra à vos inquiétudes sur le financement du bloc communal. Je forme le vœu, à la tribune du Sénat, qu’elle permette également de trouver des solutions structurelles et définitives au financement des prestations sociales des conseils départementaux.
Là où les dépenses sont dynamiques, il faut trouver pour les conseils départementaux des recettes dynamiques, en n’excluant pas le principe d’une part de fiscalité nationale. En effet, si le pays va mieux, les collectivités territoriales doivent pouvoir aller mieux en même temps. Et s’il va un peu moins bien – je m’adresse à vous qui représentez le peuple et la Nation –, il est bien naturel que les collectivités territoriales participent à due concurrence à cet effort, comme je l’ai entendu dire lors de plusieurs campagnes électorales en 2017.
Nous comptons appliquer de nouveau cette méthode de concertation, notamment avec le Parlement. À l’Assemblée nationale, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » a été enrichie d’amendements défendus par divers groupes, avec une phase de consultation en amont. Je pense ainsi au travail inter-partisan mené sur la métropole du Grand Paris.
J’espère prolonger ce travail avec le Sénat. J’ai déjà eu l’occasion d’être auditionné par la commission des lois, mais aussi par la délégation aux collectivités territoriales à l’invitation du président Jean-Marie Bockel. Je siégerai la semaine prochaine à ce banc pour débattre de la proposition de loi sur les communes nouvelles, qui participe de cette volonté de prévisibilité pour les élus.
Je crois qu’il est essentiel d’associer les parlementaires aux futurs travaux que nous conduirons, tant sur la fiscalité locale que sur la DGF.
Rien donc n’est arrêté, contrairement à ce que j’ai pu entendre, mais tout est à écrire. Je le ferai bien évidemment avec le Sénat, chambre qui représente les collectivités. J’y serai attentif en tant qu’ancien maire et ancien président de conseil départemental.
Comme tous les membres du Gouvernement, j’ai vocation à redevenir un élu local, en l’occurrence président de conseil départemental, c’est-à-dire à la fois demandeur et client.
Rires.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur Karoutchi, le département de l’Eure est un département tenu !
Sourires et applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quinze.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures quinze, sous la présidence de M. Philippe Dallier.