Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, au sein du budget de l’État, la mission interministérielle « Enseignement scolaire » regroupe l’ensemble des crédits consacrés à l’enseignement scolaire qui relèvent du ministère de l’éducation nationale et du ministère de l’agriculture et de l’alimentation.
Avec plus de 72, 762 milliards d’euros de crédits de paiement prévus dans le projet de loi de finances pour 2019, la mission « Enseignement scolaire », qui est par ailleurs l’une des plus importantes missions du budget général de l’État, verra ses crédits augmenter d’environ 1, 2 milliard d’euros, soit une hausse de 1, 6 % hors inflation. Cette hausse est toutefois moindre que celle constatée au cours du quinquennat précédent, qui s’élevait à 2, 4 % en moyenne annuelle.
Cette mission se décompose en cinq programmes du ministère de l’éducation nationale, pour une valeur de 71, 28 milliards d’euros, tous en augmentation, sauf le programme 214, « Soutien de la politique de l’éducation nationale », et en un programme du ministère de l’agriculture, « Enseignement technique agricole », doté de 1, 46 milliard d’euros, soit en hausse de 1, 4 %. Hors contribution au compte d’affectation spéciale « Pensions », les crédits de cette mission s’élèveront donc à 51, 387 milliards d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, soit une reconduction des crédits au même niveau qu’en 2018. À titre de comparaison, l’augmentation supplémentaire était de 3 milliards d’euros en 2017 et de 1, 3 milliard d’euros l’année précédente, contre seulement 811 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2019.
Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que ces 811 millions d’euros supplémentaires permettront d’être en « capacité d’augmenter le pouvoir d’achat des professeurs ». Cela veut-il dire que cette somme permettra d’honorer la promesse d’octroyer « 1 000 euros de plus à un professeur sur une année en début de carrière » ? Si oui, pourquoi cela n’a-t-il pas été fléché en ce sens dans le bleu budgétaire ? Une telle mesure, découlant des accords « Parcours professionnels, carrières et rémunérations », décidée par le précédent gouvernement en 2017 et bloquée depuis, est très attendue par le monde enseignant.
Contrairement à ce que j’ai pu lire dans les différents rapports et avis sur cette mission, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, son budget se situe donc clairement en deçà des objectifs fixés par la loi de programmation des finances publiques.
De plus, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit la suppression de 2 600 postes d’enseignants, pour 1 900 postes créés dans le premier degré. À ce chiffre s’ajoutent la suppression de 600 postes dans l’enseignement privé et celle de 400 postes administratifs. L’annonce initiale de 1 800 postes supprimés n’est donc pas tout à fait exacte et aura, quoi qu’il en soit, des impacts importants. D’ailleurs, contrairement à ce qu’indiquait le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, M. Olivier Dussopt, ces coupes ne peuvent pas être justifiées par une baisse des effectifs dans le secondaire, puisque les collégiens et lycéens ne seront pas moins nombreux l’an prochain, bien au contraire ! Il devrait y avoir 40 000 élèves supplémentaires, selon les prévisions de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale, pour chaque rentrée entre 2019 et 2021.
Dès lors, la question des effectifs des classes se posera sous peu, ce qui est d’autant plus grave que la France était plutôt bien classée quant au nombre d’élèves par enseignant dans le secondaire. Se dessine en conséquence un schéma scolaire dans lequel les classes à 30 élèves en collège et à 35 en lycée seront la norme.
J’ajoute que cette suppression de 2 600 postes dans le secondaire, au collège et au lycée mettra en difficulté certaines académies qui conjuguent faible attractivité du métier de professeur et forte croissance démographique. Par ailleurs, ces suppressions de postes se marieront mal avec la nouvelle politique publique de réforme du lycée, mise en place dès cette année pour les élèves de seconde pour une expérience sur trois ans, jusqu’au bac 2021. On se dirige, ni plus ni moins, vers une réforme du lycée utilisée comme variable d’ajustement, à moyens constants et avec des postes en moins.
Monsieur le ministre, à la lecture de la présentation stratégique de la mission, il semblerait que la première des priorités soit de transmettre les savoirs fondamentaux à tous les élèves et d’agir à la racine de la difficulté scolaire, c’est-à-dire dès les premières années de la scolarité. Vous érigez également la confiance comme ciment de cette ambition : confiance de l’école envers les parents, des professeurs envers leurs élèves, de l’institution envers les professeurs. Vous avez raison. Qui ne partagerait pas cette belle et noble ambition ? Pourtant, et c’est là que le bât blesse, le Gouvernement a-t-il les moyens de ses ambitions ? Se donne-t-il réellement les moyens d’y parvenir ? L’annonce d’une priorité donnée au primaire et d’un maintien des taux d’encadrement dans le second degré, via une augmentation imposée des heures supplémentaires sans cotisations sociales, ne va pas dans le sens d’une confiance des personnels dans les orientations de l’exécutif. Je préciserai d’ailleurs sur ce point que les professeurs attendent parfois quatre à six mois pour recevoir le paiement des heures supplémentaires. Est-ce normal ?
Le dédoublement des classes de CP et de CE1 en réseau d’éducation prioritaire – REP et REP renforcé – constitue la principale mesure mise en œuvre par le Gouvernement en vue de favoriser la réussite à l’école primaire. Mais, pour ce faire, selon les évaluations effectuées par les syndicats et les autres partenaires sociaux, de tels dédoublements consommeraient entre 4 000 et 4 100 postes. À quel niveau seront prélevés les 2 200 à 2 300 postes manquants ? Parmi les 1 496 postes de « maîtres plus » encore existants, ce qui mettrait ainsi fin à cette expérimentation ?
Je rappelle que 300 classes ont été fermées à la rentrée de 2018 en milieu rural, du fait du redéploiement des postes pour financer le dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire. Assistera-t-on à un bis repetita de cette mesure pour mener à bien les dédoublements prévus ? Ce n’est pas ce que j’appelle « assurer la continuité du service public sur tout le territoire métropolitain et outre-mer » et faire de l’éducation une priorité !
Je ne m’attarderai pas plus sur ce point, car mon collègue Patrice Joly interviendra spécifiquement sur ce sujet.
Pour ce qui concerne l’enseignement technique agricole, il est prévu une suppression de 50 équivalents temps plein, 38 enseignants et 12 postes administratifs, sans qu’il en soit précisé la répartition entre public et privé. Ces 12 suppressions de postes ne sont pas non plus acceptables au regard de la situation très difficile que connaissent les services dans ces établissements, déjà fortement impactés par les suppressions successives d’emplois prévues au programme 215.
Le redéploiement par transfert sur le programme de 25 emplois d’AESH ne peut en aucun cas être utilisé pour minimiser les 50 emplois supprimés. Par ailleurs, il faudra s’assurer que les 1 247 assistants d’éducation seront effectivement présents physiquement dans les établissements. Ils n’étaient que 1 120 ETP en 2016-2017, selon la direction générale de l’enseignement et de la recherche.
Enfin, si le principal objectif poursuivi par l’éducation nationale, à savoir l’amélioration des performances scolaires, est en outre-mer similaire à celui des autres académies françaises, la donne de départ est profondément différente.
Il est essentiel que l’égalité réelle outre-mer se concrétise dans le système éducatif, des performances scolaires moindres ne pouvant avoir que des répercussions négatives sur l’insertion socioprofessionnelle des jeunes et le développement du territoire. L’accès à une éducation de qualité, prenant en compte les spécificités locales pour la réussite et le bien-être de tous les élèves, est également fondamental à ce niveau.
Néanmoins, d’importants écarts demeurent du fait d’un décalage persistant entre les ambitions affichées dans les plans d’action, d’une part, et le calibrage des moyens et des besoins, d’autre part. Je prendrai la situation de la Martinique comme exemple : l’affectation massive de nos lauréats hors de l’académie, la diminution importante du vivier des titulaires sur zone de remplacement, quasi vide dans certaines disciplines, et le recrutement de contractuels sur le marché sans aucune expérience sont autant de signes de cette dichotomie. Cela signifie que, chaque année, plusieurs disciplines sont en déficit d’enseignants.
Monsieur le ministre, il faut des actes pour garantir que les transformations à venir visent bien des améliorations pour les élèves et les personnels. Toutes réformes de l’éducation en outre-mer doivent, à mon sens, s’accompagner d’un moratoire sur de nouvelles méthodes de calcul tenant vraiment compte de la situation des académies, …