Intervention de Mireille Jouve

Réunion du 5 décembre 2018 à 21h45
Loi de finances pour 2019 — Enseignement scolaire

Photo de Mireille JouveMireille Jouve :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous évoquons ce jour les crédits alloués à la mission « Enseignement scolaire », en progression de 1, 2 milliard d’euros, soit 1, 7 %. Cette évolution est à remettre en perspective, puisqu’elle se fait à un rythme moindre qu’entre 2012 et 2017, période durant laquelle les mêmes crédits avaient progressé en moyenne de 2, 4 %. La totalité de cette hausse a vocation à financer des dépenses de personnel, comme des mesures de revalorisation catégorielle, indispensables à une profession dont l’attractivité s’érode année après année.

Sur le plan des emplois, 1 800 postes sont supprimés.

La priorité demeure à l’enseignement primaire, avec la création de 2 850 postes d’enseignants titulaires. Dans le même temps, 1 050 postes d’enseignants stagiaires y sont supprimés.

Sans marges budgétaires supplémentaires significatives, cet effort consenti vers l’apprentissage des fondamentaux se fait aux dépens du secondaire, où 2 650 postes d’enseignants disparaissent, tout comme 550 postes dans l’enseignement privé et 400 postes administratifs.

Le principal effort entrepris en direction de l’enseignement primaire continue de résider dans le dispositif de dédoublement des classes de cours préparatoire et de CE1 au sein des écoles situées en réseau d’éducation prioritaire. Nous sommes toutes et tous convaincus du bien-fondé de cette démarche.

Lire, écrire, compter, mais également faire preuve de respect vis-à-vis d’autrui sont autant d’éléments essentiels qui nécessitent une attention toute particulière et un apprentissage rigoureux afin d’établir un socle sur lequel tout individu peut ensuite sereinement « construire » son parcours de vie. Toutefois, le dispositif déployé au sein des établissements ne devra pas faire l’économie d’une évaluation prochaine, car sa concrétisation mobilise, au sein du ministère de l’éducation nationale, des moyens importants qui peuvent faire défaut ailleurs. Elle mobilise également des moyens significatifs auprès des collectivités territoriales concernées. Ces dernières, semble-t-il, n’ont pu suffisamment bénéficier des dotations mobilisées à cet effet.

Enfin, il apparaît que ces dédoublements de classes au sein des quartiers prioritaires ont « coûté » au monde rural de nombreuses fermetures de classes.

Si l’immense majorité des quartiers prioritaires ne se situe pas en zone rurale, ces territoires n’en sont pas moins également en proie à des difficultés sociales importantes. Nous ne le rappellerons jamais assez : une école en zone rurale joue un rôle primordial dans l’attractivité d’une commune. L’accessibilité à une école conditionne bien souvent le départ ou l’arrivée des familles, celles qui, par la suite, assureront le renouvellement générationnel et la vie de la commune.

Le groupe du RDSE soutiendra donc l’amendement proposé par notre collègue Françoise Laborde visant à financer la création de 300 postes d’enseignants supplémentaires pour pallier les fermetures observées à la rentrée de 2018 de 300 classes en zone rurale. Notre amendement diffère de celui porté par la commission de la culture, car il ne vient pas ponctionner les crédits dédiés à l’enseignement secondaire, dont les moyens sont déjà amputés dans ce projet de budget.

Nous pouvons également observer que ce rééquilibrage salutaire des moyens au bénéfice des écoles primaires est facilité par une dynamique démographique favorable qui conduira l’année prochaine, ainsi que les suivantes, à accueillir un nombre d’élèves décroissant. Toutefois, si le primaire profite d’une conjoncture démographique favorable, il en est tout autrement des établissements du secondaire, qui absorbent actuellement les générations nombreuses du début des années 2000.

Il nous faut donc, compte tenu de la baisse des effectifs portée par ce budget, nous montrer particulièrement vigilants. Ces réductions de postes doivent être compensées par un recours aux heures supplémentaires. Si cette perspective peut être intéressante en matière de pouvoir d’achat des enseignants, elle nous interroge.

Initialement tenus d’accepter au moins une heure supplémentaire par semaine, les professeurs ne seront plus en mesure d’en refuser deux si leur établissement leur en fait la demande. Il apparaît toutefois que la moitié des professeurs compte déjà au moins deux heures supplémentaires par semaine. La marge d’augmentation d’heures de cours dispensés ne risque-t-elle pas d’être trop réduite pour parvenir à pallier la baisse des effectifs budgétaires dans le second degré ?

J’évoquerai enfin l’abaissement de l’âge de la scolarité obligatoire de six à trois ans.

Même si sa portée est limitée, avec près de 97 % des enfants de trois ans déjà scolarisés, cette évolution s’inscrit dans le bon sens et continue de recueillir notre soutien. Toutefois, cette nouvelle disposition va engendrer de nouvelles obligations et de nouvelles charges pour nos communes tenues, depuis 1959, de participer au fonctionnement des écoles sous contrat d’association avec l’État. Aucune compensation financière n’est prévue pour le moment dans ce budget.

Le projet de loi pour une école de la confiance, présenté ce matin en conseil des ministres, nous apporte des éléments d’information sur l’accompagnement financier dont bénéficieront les collectivités. La réponse apportée ne nous apparaît pas satisfaisante, dans la mesure où elle semble reposer sur un principe inédit en matière de décentralisation : quand le Sénat dit « qui décide, paie », le Gouvernement semble répondre « qui faisait quoi avant ? » Monsieur le ministre, toutes les collectivités devront être accompagnées, et pas uniquement celles qui ne le faisaient pas déjà sur la base du volontariat.

Je conclurai mon propos en évoquant l’enseignement agricole, dont l’attractivité continue de décroître en dépit de la qualité de l’enseignement dispensé et des perspectives d’emplois à l’issue des formations. Nous devons redoubler d’efforts dans la valorisation et la visibilité de ces cursus, qui font aussi la richesse de nos territoires.

Le groupe du RDSE, dans sa majorité, votera les crédits de la mission.

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