Intervention de Max Brisson

Réunion du 5 décembre 2018 à 21h45
Loi de finances pour 2019 — Enseignement scolaire

Photo de Max BrissonMax Brisson :

Monsieur le ministre, depuis que vous occupez le fauteuil de Jules Ferry, le cœur de votre politique est le dédoublement des classes de CP et de CE1 en zone d’éducation prioritaire. C’est une bonne décision, je la salue. Elle aura très certainement des conséquences positives sur les apprentissages fondamentaux. Mais cette orientation a d’autres conséquences plus préoccupantes, sur lesquelles je tiens à vous alerter.

En zone rurale, la fermeture accélérée des classes et le regroupement à marche forcée des écoles sont contraires aux intérêts des enfants. Élu d’un département de montagne, je peux en témoigner. L’amendement du rapporteur pour avis Jacques Grosperrin souligne l’acuité de cette question. Au-delà, c’est la manière dont l’école replace l’équité territoriale au cœur de ses priorités qui est posée.

Autre conséquence du dispositif de dédoublement : la règle tacite du « 80-20 » dans la répartition des moyens entre public et privé n’est plus respectée. L’enseignement privé est soumis bien au-delà des 20 % aux retraits d’emplois, alors que la demande des familles en sa faveur continue de croître. Un tel écart a une cause : la création des postes s’effectue pour l’essentiel en zone d’éducation prioritaire, dont l’enseignement privé est exclu. Résultat : la règle des 80-20 s’applique bien sur les retraits, mais pas sur les dotations, et la balance tacite qui prévaut depuis 1992 n’est plus respectée.

Certes, cela pourra évoluer avec les travaux de la mission Azéma-Mathiot et la prise en compte, dans ces dispositifs, des établissements privés qui accueillent déjà en nombre important des jeunes qui relèveraient de l’éducation prioritaire s’ils étaient scolarisés à l’école publique. En attendant, comme vous vous y étiez engagé, on aurait pu espérer une dotation en heures supplémentaires suffisante pour maintenir le potentiel d’enseignement. Or la compensation semble partielle. Il y a donc rupture d’équilibre.

En examinant vos priorités, j’aurais également pu vous parler de la scolarisation des enfants de trois ans, mais je laisse le soin à mon collègue Stéphane Piednoir d’aborder cette question.

Pour ma part, je tiens à revenir sur la réforme du baccalauréat, autre marqueur de votre politique. Elle comporte des dimensions intéressantes : la suppression des séries de la voie générale, qui devrait mettre un terme à l’hégémonie de la série S ; l’introduction du contrôle continu, à trop faible dose à mon goût ; la réduction du nombre d’épreuves terminales ; la rénovation de la voie professionnelle visant à regrouper les familles de métiers.

Sur tous ces sujets, j’ai déjà eu l’occasion de vous dire mes espérances et mes inquiétudes. Ces dernières n’ont pas toutes été levées, en particulier sur le bachotage et sur la place de la culture générale dans la voie professionnelle. Or, depuis quelques jours, ces inquiétudes trouvent un nouvel écho, en particulier dans les lycées de la France des périphéries où le désarroi des lycéens rejoint celui des adultes. Aux uns comme aux autres, le Gouvernement doit apporter des réponses.

J’ai également eu l’occasion d’appeler votre attention sur les violences subies par les professeurs. Ce matin encore, en commission de l’éducation, l’audition des représentants des syndicats de chefs d’établissement était révélatrice. Au début de nos échanges, ils tenaient avant tout à relativiser les faits avant, finalement, d’aborder la question dans toute sa dimension. Toujours est-il que cela a renforcé ma conviction qu’il est difficile pour les professeurs de se sentir soutenus, tant les personnels de direction – on ne peut totalement les en blâmer – pensent avant tout à défendre l’institution. Pourtant, comme vous le dites souvent, votre ministère est avant tout riche de ses professeurs. Aucune rénovation de notre école ne se fera sans eux.

Je veux donc revenir sur les enjeux de la gestion de la ressource humaine, puisqu’elle représente 93 % des crédits de la mission « Enseignement scolaire » et que d’elle dépend la qualité des enseignements.

Le mal-être de l’enseignant ne doit pas être sous-estimé. Le combattre est un préalable à toute restauration de l’école de la confiance. Les clés sont connues, nous les avons largement abordées l’été dernier avec Françoise Laborde.

La revalorisation des salaires des jeunes professeurs est la priorité des priorités.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion