Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du 5 décembre 2018 à 21h45
Loi de finances pour 2019 — Enseignement scolaire

Jean-Michel Blanquer :

Ce budget approfondit le sillon de la politique lancer l’année dernière. Je remercie les uns et les autres de l’avoir relevé.

Le budget de l’enseignement scolaire relevant de mon ministère qui vous est proposé pour 2019 s’établit à 51, 1 milliards d’euros, hors cotisations aux pensions de l’État, soit une augmentation de près de 1, 7 %, c’est-à-dire 810 millions d’euros supplémentaires, si l’on ne compte pas le budget affecté à la jeunesse. Nous continuons ainsi la transformation profonde du système éducatif français, en commençant, vous l’avez noté, par l’école primaire. Cette transformation sera rendue possible grâce à l’unité de la société autour de son école et de ses professeurs. J’ai d’ailleurs été heureux de constater au cours du débat que les choses se structurent autour des thèmes essentiels de notre école, à savoir les ancrages fondamentaux et l’épanouissement de nos élèves, au travers de la capacité qu’on leur donne de faire des choix dans le cadre de leur projet scolaire et de leur orientation.

La priorité accordée à l’école primaire et à la maîtrise par tous les élèves des savoirs fondamentaux – lire, écrire, compter, respecter autrui – constitue la première brique de ce que nous voulons construire. Cette priorité me permet d’insister sur l’importance des premiers âges de la vie.

Vous l’avez noté, ce projet de loi de finances coïncide avec le projet de loi pour une école de la confiance, que je présenterai en début d’année prochaine et que j’ai présenté aujourd’hui en conseil des ministres. Ce texte prévoit une instruction obligatoire – et non pas une scolarisation obligatoire, monsieur le rapporteur spécial – à trois ans. Cette mesure permettra de faire de la France le pays qui scolarise le plus tôt dans la vie, au moment même où l’ensemble des pays du monde voit, grâce aux progrès des sciences, que les premières années de la vie sont essentielles pour l’acquisition des apprentissages.

Il s’agit donc d’une mesure de la plus haute importance, que nous devrons mettre en œuvre avec les collectivités locales. Bien entendu, je ne veux pas éluder ce qui a été dit par plusieurs d’entre vous sur les conséquences pour les collectivités locales de l’instruction obligatoire. C’est vrai, elle pourra engendrer des coûts supplémentaires, mais ils seront intégralement compensés en année n+1.

Environ 25 000 élèves supplémentaires pourront être scolarisés grâce à cette mesure. Or nous enregistrons chaque année une baisse d’environ 50 000 élèves. Autrement dit, l’évolution démographique permet largement d’absorber l’essentiel de cette disposition. J’en profite pour dire que je ne me réjouis pas de cette tendance démographique, qui devrait être un sujet de débat très important entre nous. Il y a là quelque chose qui n’est pas sans rapport, selon moi, avec la crise que nous connaissons.

À la rentrée prochaine, 2 325 postes devant élèves supplémentaires seront créés dans le primaire dans un contexte de baisse démographique. Permettez-moi à cet égard de répondre à quelques remarques formulées par les différents orateurs. La situation me permet en effet d’affirmer que, l’année prochaine, ainsi que les années suivantes – on peut avoir une vision pluriannuelle englobant le quinquennat –, dans chaque département de France, notamment dans les départements les plus ruraux, le taux d’encadrement s’améliorera. Les moyens de remplacement seront préservés et l’école rurale sera consolidée.

Monsieur le sénateur Brisson, vous avez fait référence aux Pyrénées-Atlantiques. Il y a, cette année, 10 élèves en plus dans ce département et trois classes de plus. Cet exemple, qui illustre l’amélioration sensible du taux d’encadrement à l’école primaire, je pourrais le décliner pour chacun des orateurs si besoin. Souvent, nous avons même plus de créations de classes que d’élèves supplémentaires. Parfois, nous avons des élèves en moins, alors qu’il y a des créations de classes. Il faudrait donc éviter de toujours répéter le même argument sur l’école rurale.

En tant que ministre de l’éducation et de la jeunesse, je suis le premier défenseur de l’école rurale. Je n’ai donc de leçons à recevoir de personne sur ce sujet. Parce que je considère que la ruralité est essentielle, je n’ai pas besoin d’être forcé par quelque événement que ce soit. C’est une conviction que je partage totalement avec vous : nous devons défendre l’école rurale en France, c’est une école qui réussit. Nous devons contribuer à sa renaissance en la plaçant à l’avant-garde des innovations pédagogiques et des éléments d’attractivité. Ne faisons donc pas semblant d’être opposés sur ces questions. Soyons au contraire unis pour arriver au rebond de l’école rurale, dont nous avons besoin, mais qui est rendu plus difficile par les évolutions démographiques dont j’ai parlé.

Bien évidemment, ce gouvernement, comme tous les précédents et comme tous ceux qui suivront, tient compte de la démographie. Nous la compensons en partie, mais quand il n’y a plus d’enfants dans un village, eh bien, oui, une classe ferme ! Cela a toujours existé et existera malheureusement toujours. Le vrai sujet est donc d’ordre démographique.

Quoi qu’il en soit, notre attention est grande sur cette question. M. le sénateur Duran nous a d’ailleurs aidés au cours de ces dernières années, en nous permettant, avec les contrats ruraux, d’avoir une vision pluriannuelle, département par département.

À cet égard, je voudrais lancer un appel. Comme vous pouvez le constater, nous créons des postes, ce qui nous permet d’aller au-delà des simples dédoublements des CP et des CE1 en REP et REP+. Nous menons également une vraie politique rurale, du fait non seulement de l’augmentation des crédits, mais aussi des évolutions démographiques. Il nous manque l’union de tous sur les enjeux liés au rebond de l’école rurale. Nous avons déjà fait une partie du chemin, grâce aux conventions départementales de ruralité, mais tout n’est pas fait, et je reste bien évidemment votre serviteur sur ce sujet.

L’école primaire, qu’elle soit rurale ou urbaine, est au cœur de ce projet de loi de finances. Je le rappelle, 20 % d’une classe d’âge est concernée par le doublement des classes de CP et de CE1, ce qui coïncide avec les 20 % d’élèves en difficulté pour des raisons sociales dans l’ensemble de la France. Nous le savons, ce programme est examiné au niveau international.

Conformément aux vœux que vous avez émis, il y aura une évaluation de cette politique publique. Nous disposerons des premiers éléments au mois de janvier prochain. Il est normal que cette politique publique déploie ses effets progressivement. Si nous ne pouvons attendre de miracle immédiat, nous pouvons espérer des améliorations certaines. Mon objectif est non seulement de réduire les inégalités scolaires, mais aussi, à moyen terme, d’en finir avec l’écart constaté en fin de CP ou en fin de CE1 entre les élèves de certains territoires et les élèves d’autres territoires.

Nous devons aussi accompagner les élèves vers la réussite dans le second degré. Ainsi le volume d’enseignement du second degré public sera-t-il maintenu en 2019. En effet, la diminution de 2 450 moyens d’enseignement, auxquels vous avez fait référence, sera compensée par une augmentation du volume des heures supplémentaires. C’est une mesure qui permettra d’apporter une réponse plus souple aux besoins des établissements. Elle permettra aussi aux professeurs de bénéficier d’une rémunération complémentaire, d’autant que ces heures seront désocialisées. Cette mesure s’inscrit en appui de la politique du pouvoir d’achat, qui constitue un autre pilier de ce projet de loi de finances.

Au collège, nous accompagnons plus et mieux tous les élèves vers la réussite. C’est tout le sens de la mesure « Devoirs faits ». Mis en œuvre à l’automne 2017 dans tous les collèges de France, ce dispositif poursuit sa montée en charge, avec une augmentation de près de 27 millions d’euros de son enveloppe, qui est portée à 247 millions d’euros.

Cet effort important produira, nous l’espérons, un effet de levier. En effet, il s’agit non seulement de compenser les inégalités entre les élèves, du fait de circonstances familiales différentes, mais aussi de créer des pratiques nouvelles dans les établissements. Cette mesure contribue donc au double objectif de ce projet de loi de finances, à savoir l’élévation du niveau général et la justice sociale, et elle vise à faire évoluer la pédagogie. Vous êtes sans doute nombreux à l’avoir constaté, un nouveau rapport s’est instauré entre les professeurs et les élèves, entre les professeurs et les parents, mais aussi entre les élèves et leurs parents. Nous en attendons donc beaucoup en termes de progrès des élèves.

Par ailleurs, parce qu’il n’y a pas de pays qui réussisse sans fraternité, le présent budget se caractérise aussi par sa dimension sociale, en renforçant le soutien aux élèves les plus fragiles.

Une augmentation de 4 % des moyens alloués en faveur des bourses de collège et de lycée est prévue. Cela représentera 739 millions d’euros en 2019. En complément, une enveloppe de 65 millions d’euros de fonds sociaux permettra de répondre ponctuellement aux difficultés de certaines familles qui peuvent survenir en cours d’année.

Je veux également évoquer l’école inclusive, qui, vous le savez, est l’une des grandes priorités du Gouvernement.

Le ministère consacrera en 2019 près de 2, 7 milliards d’euros par an à l’accompagnement des élèves en situation de handicap. Cette politique nous permet ainsi d’affirmer qu’il y aura toujours un grand nombre d’adultes présents dans les établissements, puisqu’il y aura une assez nette augmentation du nombre d’accompagnants. Les élèves en situation de handicap pourront donc bénéficier d’un accompagnement de qualité, par des personnels formés et disposant d’un emploi stable.

À la rentrée de 2018, pour la première fois, le nombre d’accompagnants ayant le statut d’AESH était supérieur à celui des emplois aidés, qui étaient majoritaires jusqu’alors. Ce mouvement se poursuivra en 2019 avec le financement de 12 400 nouveaux emplois d’accompagnants d’élèves en situation de handicap, dont 6 400 accompagnants supplémentaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aidés et 6 000 AESH supplémentaires par recrutement direct.

Cet effort extrêmement important s’accompagne d’un effort qualitatif. Avec la secrétaire d’État Sophie Cluzel, nous avons lancé une vaste concertation, qui a commencé le mois dernier et qui s’achèvera au mois de février. Elle nous permettra de consolider la situation des AESH. Nous sommes pleinement conscients du fait qu’un trop grand nombre d’entre eux ont des salaires insuffisants, parce qu’ils se trouvent à temps partiel. Nous menons donc une réflexion qui devrait leur permettre d’être plus souvent à temps complet, dans une vision englobant le scolaire et le périscolaire, ce qui implique une coopération entre l’éducation nationale et les communes. Nous gardons également à l’esprit les enjeux de formation, puisque nous prévoyons de garantir 60 heures de formation pour tous les AESH.

L’évolution qualitative de l’accueil des élèves handicapés, c’est aussi une évolution de la formation initiale et continue des professeurs, afin que, dans le futur, la formation initiale des professeurs inclue systématiquement cette dimension.

Recevoir et scolariser 340 000 élèves handicapés dans notre système scolaire, c’est évidemment nouveau. Cela suppose des adaptations, mais c’est aussi la possibilité pour notre système scolaire de prouver que, pour les élèves handicapés comme pour les autres, il est capable de personnaliser les parcours.

Dans le cadre de la personnalisation des parcours, je souhaite évoquer le numérique, cher à plusieurs d’entre vous. À cet égard, je salue le rapport que vous avez réalisé, madame la présidente de la commission de la culture, sur cette question.

Lors de mon intervention à l’université d’été Ludovia sur l’éducatif numérique, j’ai eu recours à deux mots clés : protection et ambition.

La protection répond au besoin d’établir un cadre de confiance. Aujourd’hui même, j’ai signé une convention avec la présidente de la CNIL concernant la protection des données au sein de l’éducation nationale. À l’issue du discours que j’ai prononcé à la fin du mois d’août, j’ai nommé un responsable national de la protection des données, qui a des correspondants dans chaque académie, pour s’assurer que les données de nos élèves ne servent qu’à leur intérêt et leur éducation et soient protégées des grands opérateurs numériques, qui pourraient en faire d’autres usages.

À mes yeux, ce sujet est essentiel. La protection n’est pas une question simplement défensive. Elle est la condition d’une vision offensive du numérique. Nous devons établir un cadre de confiance, qui passe par la protection non seulement des données, mais aussi contre le cyberharcèlement.

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