Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du 5 décembre 2018 à 21h45
Loi de finances pour 2019 — État b

Jean-Michel Blanquer :

L’occasion m’est offerte de le dire devant la représentation nationale. J’espère être entendu par tous les acteurs. J’ai d’ailleurs envoyé des messages de soutien aux proviseurs et aux professeurs. Certains d’entre eux ont vécu des choses épouvantables ces jours-ci, dans l’exercice de leur métier : des menaces, visant même parfois leurs familles. Cela se passe aujourd’hui, en France !

Je me suis adressé aussi aux élèves, au travers d’une vidéo que chacun peut voir, dans laquelle je leur demande de ne pas aller à ces manifestations, quelle que soit l’opinion qu’ils ont sur quelque sujet que ce soit, parce que, vu les circonstances, ils se mettraient en danger. Je ne dirais pas cela pour n’importe quelle manifestation : ce sont les circonstances qui m’amènent à le dire, et je pense que nous pourrons tous partager cette position.

Ensuite, j’en viens à l’amendement en discussion. Ce sujet revient en effet souvent à cette période de l’année.

Je mesure la dimension symbolique d’un tel amendement, mais vous cherchez à remettre en cause une situation qui est très ancrée dans notre histoire éducative, histoire dont les éléments ont été rappelés par plusieurs sénateurs.

Je tiens à dire – c’est l’occasion de répondre au sénateur Max Brisson – qu’il y va d’un problème d’équilibre. M. Longuet a fait référence au temps de Jules Ferry. Depuis lors, d’autres moments ont fait étape, comme la loi Debré ou les mesures d’apaisement prises par un gouvernement de gauche après la crise de 1984. Je ne vois pas vraiment l’intérêt de revenir sur ces mesures d’équilibre et d’apaisement telles qu’elles ont résulté de notre histoire. Elles ont abouti à cette règle du 80-20, qui permet d’inclure dans notre système d’éducation un enseignement privé sous contrat qui, justement, respecte les règles de la République – nous en avons besoin.

À cet égard, je remercie la sénatrice Gatel à la fois pour ses propos et pour le travail qu’elle a effectué cette année pour nous permettre de distinguer ce qui relève d’un enseignement privé qui respecte les règles d’un enseignement privé qui ne les respecte pas – une telle distinction est évidemment absolument essentielle. Dans ce cadre, nous avons à consolider l’esprit de service public, qui est inhérent au contrat d’association, et à respecter les équilibres.

Ces équilibres peuvent connaître un « bougé ». Je dois dire qu’il y a une certaine ironie à constater que je suis attaqué sur l’instruction obligatoire à trois ans, dont certains, plutôt à gauche, me disent qu’elle serait un « cadeau au privé », et sur notre politique de l’éducation prioritaire, dont certains, plutôt à droite, me disent qu’elle léserait l’enseignement privé.

Il peut arriver que des évolutions générales du système créent quelques petites oscillations dans cet équilibre du 80-20. Je vous le concède : l’enseignement privé étant moins présent en éducation prioritaire, un petit changement, de faible nature, est à prévoir. De même, les montants en cause dans les bénéfices que l’enseignement privé peut tirer de l’instruction obligatoire à trois ans ne sont pas grand-chose par rapport à l’évolution d’ensemble que représente ladite instruction obligatoire.

Le 80-20 peut donc connaître un peu de jeu, de même que la tour Eiffel repose sur des éléments de caoutchouc qui autorisent un peu de jeu. Mais l’essentiel, c’est-à-dire l’équilibre, est là : il n’est bien entendu pas question pour moi de remettre en question ce 80-20.

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