Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me limiterai à quelques remarques.
S’agissant de la mission « Pouvoirs publics », la charge grandissante du Conseil constitutionnel renvoie en grande partie à l’augmentation des saisines directes au titre de l’article 61 de la Constitution et surtout à l’explosion des questions prioritaires de constitutionnalité, ces QPC qui, selon l’expression de Xavier Dupré de Boulois, sont devenues un « supermarché des droits fondamentaux » : « La configuration actuelle de la QPC, nous dit-il, a permis le développement d’une pratique des sociétés commerciales consistant à soulever des moyens tirés de la violation de droits et libertés constitutionnels, dont elles ne sont pas titulaires, pour obtenir du juge qu’il abroge une disposition législative qui nuit à leurs intérêts économiques. La catégorie des droits constitutionnels devient alors un vaste supermarché, où les opérateurs économiques puisent des ressources argumentatives au gré de leurs besoins. Quitte pour cela à détourner ces droits de leurs finalités initiales. »
Selon d’autres chercheurs, pas moins de 10 000 QPC auraient été déposées en cinq ans, essentiellement par des cabinets d’avocats d’affaires, et entre 60 et 80 d’entre elles finissent par être jugées par le Conseil constitutionnel.
Au palmarès de ces cabinets, en décembre 2016, la censure par le Conseil constitutionnel de l’article 137, anti-évasion fiscale, de la loi Sapin II, qui faisait obligation à certaines sociétés de rendre publics des indicateurs économiques et fiscaux correspondant à leur activité pays par pays.
En décembre 2017, le Conseil constitutionnel censure la « taxe Google », qui entendait obliger les entreprises qui réalisent des activités et des profits en France d’y payer des impôts. Abominable… Cette disposition, paraît-il, violait le principe d’égalité des citoyens devant l’impôt !
Dans la foulée, les « sages » censuraient un autre article de la loi de finances visant la fraude à la TVA, laquelle coûte à l’État entre 20 milliards et 30 milliards d’euros par an.
Ces recours s’accompagnent de pratiques connues sous le nom de « portes étroites » ou « contributions extérieures », elles sont souvent signées d’éminents constitutionnalistes ou de cabinets d’avocats d’affaires. Sur ce point, je suis en désaccord complet avec la position exprimée par Jean-Pierre Sueur : publier ces argumentaires serait un moyen d’équilibrer les forces entre les plaignants qui peuvent recourir à des cabinets d’avocats et à d’éminents universitaires et ceux qui n’ont pas cette possibilité.
Le problème, ici, n’est pas d’arbitrer entre des principes, mais de faire descendre sur terre le principe de l’égalité des citoyens devant la loi. Si la publication de ces « portes étroites » ne résoudra pas tout, elle représenterait un progrès dans la bonne direction.
S’agissant de la mission « Conseil et contrôle de l’État », je constate que les crédits de personnel destinés au Conseil d’État et à la Cour des comptes augmentent. Ces éminentes institutions chargées de surveiller la vertu financière des autres ne s’appliquent donc pas à elles-mêmes un régime identique…
Si le tiers des membres des corps du Conseil d’État et de la Cour des comptes, qui ne sont pas en poste dans leur institution, y étaient, les demandes en personnel seraient peut-être moins importantes…
S’agissant de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », je ferai une première remarque concernant la coordination du travail du Gouvernement, qui est de la responsabilité du Secrétariat général du Gouvernement : il n’a pas publié le taux d’application des lois pour 2018. Il plaide le fait que « sa marge d’action n’est pas sans limites en ce domaine »…
Ma deuxième remarque concerne le devenir du programme 333, qui sera absorbé par le programme 307. Monsieur le ministre, plusieurs questions se posent à ce sujet.
Enfin, s’agissant de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, MILDECA, nous ne pouvons que regretter, une fois encore, la baisse des crédits qui lui sont alloués, crédits qui ont déjà baissé de 26 % depuis 2012.
Autre signe du peu d’entrain du Gouvernement en la matière, nous attendons depuis six mois la présentation du plan gouvernemental 2018-2022 de lutte contre les addictions. À croire que les conduites addictives, drogues licites et illicites comprises, avec les conséquences que l’on connaît, sont en régression… À moins qu’après l’intégration par l’INSEE du trafic de drogue dans le calcul du PIB ce ne soit une forme de soutien discret à la croissance économique. Nous vivons une époque formidable !