Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 6 décembre 2018 à 9h30
Loi de finances pour 2019 — Solidarité insertion et égalité des chances

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Arnaud Bazin a parfaitement souligné les insuffisances budgétaires dont souffre cette mission, mais il ne s’agit malheureusement pas des seules.

Outre cette question des revalorisations et de ces mesures paramétriques, la mise en œuvre du budget de la mission, pour 2019, est entourée d’un certain nombre d’incertitudes. Elles concernent notamment le financement des mineurs non accompagnés. L’aide exceptionnelle aux départements s’agissant de la prise en charge partielle des dépenses d’aide sociale à l’enfance est certes reconduite, mais l’incertitude demeure sur son montant.

Il semblerait que le niveau des dépenses prises en charge par l’État diminue, passant de 30 % à 15 %. Toutefois, malgré nos demandes, le Gouvernement n’a malheureusement pas été en mesure de nous le confirmer, ce qui est regrettable, puisqu’une enveloppe a bien été budgétée pour 2019. Nous souhaiterions, madame la ministre, avoir, sur cette question, des éléments de réponse de votre part.

Par ailleurs, sur ce sujet qui relève, à notre sens, de la politique nationale d’immigration, nous estimons que l’État doit prendre ses responsabilités, d’une part, en assumant les dépenses d’évaluation et de mise à l’abri, et, d’autre part, en augmentant l’aide versée aux départements pour les dépenses d’aide sociale à l’enfance.

Outre cette question des MNA, il est un autre sujet dont l’exécution nous semble entourée d’incertitudes : il s’agit du plan Pauvreté. Nous ne pouvons que saluer les objectifs de cette stratégie et le travail mené par le délégué interministériel, que nous avons reçu en audition. Néanmoins, la majorité des crédits inscrits au titre de la mission reposent sur une contractualisation avec les départements. La mise en œuvre de ce plan semble ainsi, en l’état actuel des choses, compromise au vu de la situation financière des départements.

Un autre sujet était entouré d’incertitudes, et le Gouvernement est finalement intervenu en cours de discussion à l’Assemblée nationale : la suppression de la prise en compte, en tant que revenus professionnels, des rentes AT-MP et des pensions d’invalidité dans le calcul du droit à la prime d’activité.

Cette mesure avait été adoptée en loi de finances initiale pour 2018, contre l’avis du Sénat, pour une application au 1er janvier 2018. Elle fut appliquée temporairement, et avec retard, au 1er juin 2018, mais le Gouvernement a finalement « fait machine arrière », suspendant l’application de la mesure au vu de ses conséquences dommageables sur les bénéficiaires, conséquences que l’on avait pourtant pointées lors de l’examen de la dernière loi de finances. Des pertes ont ainsi été constatées chez les bénéficiaires – majoritairement, des familles monoparentales – s’échelonnant de 60 à 200 euros par mois.

On ne peut que regretter, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, la mise en œuvre chaotique de cette mesure, qui n’a fait l’objet d’aucune publicité auprès des bénéficiaires, ni s’agissant de la suppression du droit ni ensuite s’agissant du versement du rappel. Nous reviendrons, lors de l’examen des amendements, sur l’article que vous avez ajouté, par voie d’amendement, à l’Assemblée nationale.

Enfin, le dernier financement entouré d’incertitudes que je souhaitais aborder ici dépasse le cadre strictement national. Il s’agit du financement de l’aide alimentaire par le biais du Fonds européen d’aide aux plus démunis, dont nous avons montré le caractère essentiel dans un récent travail de contrôle sur le sujet. Nous souhaiterions, à l’heure où les négociations européennes débutent, que le Président de la République et le Gouvernement s’engagent clairement pour la pérennisation de ce fonds.

Enfin, je terminerai mon intervention par un mot sur les deux autres programmes de la mission.

S’agissant du programme 137 relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes, ses crédits sont stables à l’euro près, mais masquent des situations contrastées, notamment la diminution des crédits liés à la lutte contre la prostitution, portée par la loi du 13 avril 2016. Bien que la diminution soit moins importante que l’année dernière, nous tenions à rappeler que le maintien de financements aux associations est essentiel, puisque d’elles dépend la mise en œuvre de cette loi et des parcours d’accompagnement de sortie de la prostitution.

Enfin, s’agissant du programme 124 – il porte l’ensemble des crédits de soutien des politiques des ministères sociaux et la contribution de l’État au fonctionnement des agences régionales de santé –, ses crédits diminuent de près de 2, 5 %.

Les ministères sociaux faisant partie des ministères non prioritaires, ils sont ainsi touchés significativement, depuis plusieurs années, par des mesures d’économie budgétaire. Il semble néanmoins que le processus de rationalisation des moyens atteigne aujourd’hui ses limites. Nous serons ainsi attentifs, mesdames les ministres, au maintien d’un niveau satisfaisant des crédits en cohérence avec le bon fonctionnement de ces ministères.

Ainsi, pour ces différentes raisons, j’avais, personnellement, émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de cette mission. La commission des finances a finalement décidé de les adopter.

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