Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur les crédits de la mission depuis quatre ans. Bien que cette période ait vu une augmentation régulière de ces crédits, je constate une évolution moins solidariste des politiques publiques qu’elle finance.
La prime d’activité nous en fournit depuis deux ans l’illustration. Voilà une prestation sociale dont le succès, certes, ne se dément pas, mais dont l’objectif repose sur une ambiguïté : minimum social ou incitation financière au retour à l’emploi ?
La réduction de la pauvreté est un objectif évidemment louable, mais encore faut-il qu’il soit mesuré à partir de principes fermement établis, et pas simplement à l’aune de dépenses budgétaires reconduites, année après année, sans que le cap soit clairement défini.
La prime d’activité repose sur deux composantes : l’une familialisée et l’autre individuelle. Selon l’arbitrage, un effort concentré sur la première contribuera à l’augmentation du niveau de vie des ménages les plus pauvres, alors que la seconde touchera davantage l’incitation financière au retour à l’emploi. Par les mesures contenues dans le présent projet de loi de finances, le Gouvernement privilégie ce dernier aspect, limitant ainsi le soutien aux revenus les plus modestes.
Le programme dispersé de la stratégie pluriannuelle de prévention et de lutte contre la pauvreté, qui sera majoritairement orienté vers l’insertion dans l’activité, promet, certes, de belles réussites, mais laisse présager d’inquiétantes lacunes… Tandis que les efforts porteront sur les « moins pauvres des plus pauvres », qu’en sera-t-il des autres ? Les mesures qui les visent directement sont d’une ambition moindre et, surtout, ne paraissent pas encore parfaitement abouties : crèches à vocation sociale et « petit-déjeuner pour tous » sont dénoncés par certaines associations comme inopérants. À ceux qui sont susceptibles d’en faire le meilleur usage, on attribue les revenus de remplacement réévalués ; aux autres, on réserve les prestations en nature : curieuse partition…
Un autre sujet de la mission doit être évoqué : la réforme de l’allocation aux adultes handicapés. La revalorisation de son montant, qui passera à 900 euros d’ici au 1er novembre 2019, est une excellente nouvelle.
Je tiens néanmoins à rappeler mon attachement au caractère spécifique de l’AAH et au danger qu’il y aurait à calquer sur cette prestation, créée pour des personnes en situation d’inadaptation durable à l’emploi, les critères généraux des autres minima sociaux, conçus, eux, pour inciter à la reprise d’une activité. Le début de rapprochement de l’AAH et du RSA, qu’illustre notamment la fusion des compléments de ressources, présente selon moi le danger de la perte d’une spécificité qu’il faut maintenir.
Enfin, la commission des affaires sociales a adopté un amendement visant à créer, sans modification de crédits, un nouveau programme budgétaire spécifique à l’évaluation et à l’hébergement d’urgence des mineurs non accompagnés, afin que soit officiellement consacrée la compétence exclusive de l’État en cette matière.