Intervention de Édouard Philippe

Réunion du 6 décembre 2018 à 14h30
Fiscalité écologique et pouvoir d'achat — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Édouard Philippe :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dans chacun des territoires que vous représentez, depuis trois semaines, des groupes de Français ayant enfilé un gilet jaune, parfois des groupes très restreints, parfois des groupes plus larges, organisent des barrages filtrants, ouvrent des péages, occupent des ronds-points ou des zones commerciales.

Ces actions se déroulent, en général, dans le calme, un calme qui contraste avec l’extrême violence que nous avons connue samedi dernier à Paris et dans de nombreuses villes : à Toulouse, à Marseille, au Puy-en-Velay, où le Président de la République s’est rendu mardi.

J’aurais pu également citer l’île de la Réunion, où Annick Girardin s’est rendue la semaine dernière pour échanger avec les manifestants, les élus et apporter des réponses aux questions et aux colères qui étaient formulées.

Vous êtes ou avez été des élus locaux. Moi aussi. Cette colère, vous ne la découvrez pas. Moi non plus. Nous l’avons sentie monter, année après année, élection après élection, qu’elle se formule parfois par des abstentions massives ou qu’elle se formule d’autres fois par des coups de semonce.

Contrairement à quelques autres, je ne cherche pas à désigner les coupables de cette colère, mais je constate qu’elle vient de loin, qu’elle a longtemps été muette et que, si elle a été muette, c’est parce que, longtemps, elle a été tue, par pudeur, par fierté parfois, car se mettre en colère et dénoncer quelque chose que l’on subit, c’est parfois vécu et perçu comme quelque chose qui ne serait pas à la hauteur.

Certains ont reconnu avec beaucoup de sagesse et d’honnêteté que cette colère venait de loin. Je veux les en remercier, pas en mon nom propre, bien entendu, mais au nom de ceux qui, loin des surenchères, recherchent, sans renier bien évidemment leurs convictions – comme quoi les deux sont possibles –, une issue républicaine à une crise dont la violence a surpris tout le monde.

J’ai déjà eu l’occasion de citer – et je le refais bien volontiers dans cet hémicycle – le nom et l’œuvre de Marc Bloch. Dans un de ses plus célèbres ouvrages, il évoque l’importance de la lucidité, lucidité évoquée comme un exercice permanent qui implique d’être constant quand on croit que ce que l’on fait est juste et d’avoir le courage de faire autrement quand quelque chose ne fonctionne pas. Tous les maires, tous les présidents d’exécutifs locaux l’ont vécu au moins une fois.

C’est à cet exercice que nous nous sommes attelés, un exercice qui se traduit de trois manières différentes.

Lucidité, d’abord, sur la situation d’extrême tension que traverse notre pays. Ces tensions nous ont conduits à la conclusion qu’aucune taxe ne méritait de mettre en danger la paix civile. Comme je l’ai dit hier à l’Assemblée nationale, nous avons donc décidé, avec le Président de la République, de renoncer aux mesures fiscales concernant le prix des carburants et les prix de l’énergie, qui devaient entrer en vigueur le 1er janvier 2019. Le Sénat ayant voté la suppression de ces taxes dans le projet de loi de finances pour 2019, elles ne seront pas réintroduites.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion