Séance en hémicycle du 6 décembre 2018 à 14h30

Résumé de la séance

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  • colère
  • retraité

La séance

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La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50–1 de la Constitution, portant sur la fiscalité écologique et ses conséquences sur le pouvoir d’achat.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite que notre débat d’aujourd’hui soit particulièrement à la hauteur de l’intérêt de notre pays.

J’appelle chacune et chacun à se montrer respectueux de la diversité des opinions qui vont s’exprimer dans notre hémicycle.

Nous devons contribuer les uns et les autres à préserver l’unité de la Nation.

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dans chacun des territoires que vous représentez, depuis trois semaines, des groupes de Français ayant enfilé un gilet jaune, parfois des groupes très restreints, parfois des groupes plus larges, organisent des barrages filtrants, ouvrent des péages, occupent des ronds-points ou des zones commerciales.

Ces actions se déroulent, en général, dans le calme, un calme qui contraste avec l’extrême violence que nous avons connue samedi dernier à Paris et dans de nombreuses villes : à Toulouse, à Marseille, au Puy-en-Velay, où le Président de la République s’est rendu mardi.

J’aurais pu également citer l’île de la Réunion, où Annick Girardin s’est rendue la semaine dernière pour échanger avec les manifestants, les élus et apporter des réponses aux questions et aux colères qui étaient formulées.

Vous êtes ou avez été des élus locaux. Moi aussi. Cette colère, vous ne la découvrez pas. Moi non plus. Nous l’avons sentie monter, année après année, élection après élection, qu’elle se formule parfois par des abstentions massives ou qu’elle se formule d’autres fois par des coups de semonce.

Contrairement à quelques autres, je ne cherche pas à désigner les coupables de cette colère, mais je constate qu’elle vient de loin, qu’elle a longtemps été muette et que, si elle a été muette, c’est parce que, longtemps, elle a été tue, par pudeur, par fierté parfois, car se mettre en colère et dénoncer quelque chose que l’on subit, c’est parfois vécu et perçu comme quelque chose qui ne serait pas à la hauteur.

Certains ont reconnu avec beaucoup de sagesse et d’honnêteté que cette colère venait de loin. Je veux les en remercier, pas en mon nom propre, bien entendu, mais au nom de ceux qui, loin des surenchères, recherchent, sans renier bien évidemment leurs convictions – comme quoi les deux sont possibles –, une issue républicaine à une crise dont la violence a surpris tout le monde.

J’ai déjà eu l’occasion de citer – et je le refais bien volontiers dans cet hémicycle – le nom et l’œuvre de Marc Bloch. Dans un de ses plus célèbres ouvrages, il évoque l’importance de la lucidité, lucidité évoquée comme un exercice permanent qui implique d’être constant quand on croit que ce que l’on fait est juste et d’avoir le courage de faire autrement quand quelque chose ne fonctionne pas. Tous les maires, tous les présidents d’exécutifs locaux l’ont vécu au moins une fois.

C’est à cet exercice que nous nous sommes attelés, un exercice qui se traduit de trois manières différentes.

Lucidité, d’abord, sur la situation d’extrême tension que traverse notre pays. Ces tensions nous ont conduits à la conclusion qu’aucune taxe ne méritait de mettre en danger la paix civile. Comme je l’ai dit hier à l’Assemblée nationale, nous avons donc décidé, avec le Président de la République, de renoncer aux mesures fiscales concernant le prix des carburants et les prix de l’énergie, qui devaient entrer en vigueur le 1er janvier 2019. Le Sénat ayant voté la suppression de ces taxes dans le projet de loi de finances pour 2019, elles ne seront pas réintroduites.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Bernard Buis applaudit également.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Lucidité, ensuite, sur la méthode.

Une bonne méthode, ce n’est jamais que le moyen qui permet d’atteindre le but qu’on s’est fixé. C’est une méthode qui s’adapte à une situation qui, par nature, n’est jamais figée ; parce que certains problèmes demandent des solutions rapides et que d’autres exigent des concertations plus larges. C’est l’objectif du débat que le Président de la République m’a demandé de conduire. Un débat qui vise à répondre à trois questions concrètes.

La première concerne le rythme, les modalités, le calendrier de la transition écologique. Celle-ci demeure, nous le savons tous, pour notre pays, pour nos territoires – je pense en particulier à nos territoires ultramarins, mais cela vaut pour tous les territoires de la France –, pour notre économie, pour notre agriculture, pour notre pouvoir d’achat, un horizon qui n’est ni négligeable ni négociable.

J’ai proposé une première série de mesures d’accompagnement de cette transition, venant s’ajouter à des mesures déjà existantes.

Ces mesures, massives par leur montant, ont, à bien des égards, prouvé une partie de leur efficacité, en tout cas auprès d’une partie de la population, si j’en juge par la consommation, par le recours massif, et même supérieur à celui qui avait été initialement envisagé, à des dispositifs comme la prime à la conversion automobile.

Elles ont prouvé, donc, une partie de leur efficacité, mais elles ne répondent pas, si j’en crois les manifestants, à la totalité des besoins exprimés par les Français. Le débat doit donc permettre de les compléter, avec les Français, avec les professionnels, avec les élus, avec tous ceux qui peuvent en exprimer le besoin précis et travailler aux réponses adaptées.

La deuxième question concerne les trajets domicile-travail. Des trajets qui ponctionnent une part importante des salaires, des revenus en général, un peu, certains l’ont dit, comme un impôt caché sur le travail.

J’ai chargé Muriel Pénicaud, Jacqueline Gourault et Élisabeth Borne de conduire une concertation avec les organisations syndicales et avec les élus pour nous aider à trouver des solutions rapides, concrètes et adaptées aux spécificités de leurs territoires. Un certain nombre de ces consultations avaient été engagées dans le cadre de la préparation du projet de loi d’orientation des mobilités. J’observe que nombre d’associations d’élus avaient salué ce travail de concertation, mais il peut être approfondi, là encore, pour trouver, territoire par territoire, indépendamment des dispositifs institutionnels, le cas échéant, les solutions adaptées aux besoins exprimés par nos concitoyens.

Troisième et dernière question : la fiscalité et la dépense publique.

Les Français qui portent un gilet jaune l’ont dit : ils veulent moins d’impôts, moins de taxes, et savoir à quoi ces impôts et ces taxes servent. C’est bien légitime.

Nous devons donc ouvrir un débat. Le débat, il a lieu, évidemment et heureusement – c’est le sens même de la démocratie et du contrôle parlementaires – chaque année dans les deux assemblées. Mais reconnaissons ensemble, mesdames, messieurs les sénateurs, que la grande technicité de ce débat, sa qualité, à certains égards, rend parfois difficile la lecture, les enjeux de l’utilisation de telle ou telle enveloppe, la réalité ou les perspectives de telle ou telle recette.

Nous devons donc ouvrir un débat qui permette de ramener de la clarté, de la transparence, sur une question dont nous savons tous qu’elle est très passionnelle en France. Une question passionnelle que nous devons aborder dans le calme, sans pour autant transiger sur l’ambition.

Je me fixe deux règles en la matière. D’abord, que ce débat ne crée pas de nouvelles taxes et qu’il ne vienne pas creuser ou augmenter encore la dette. Nous voulons baisser les impôts. Très bien. Alors, regardons l’ensemble du sujet : la dépense, les recettes et cette dette qui a crû de façon très significative en France depuis maintenant de nombreuses années.

Soyons vigilants, vigilants à ce que nous ne léguions pas à nos enfants des taxes futures, des dettes qui viendront grever leur pouvoir d’achat.

Mme Sophie Joissains applaudit.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Soyons vigilants à ce que la maîtrise de la dépense publique préserve les territoires et les Français qui en ont le plus besoin.

Même si, là encore, pour beaucoup de Français, cela semble clair, je souhaite que ce débat puisse aussi nous permettre de prendre conscience de la chance dont nous disposons de pouvoir bénéficier de services publics de qualité. Des services qui, ailleurs, peuvent parfois coûter très cher, et très cher directement.

En France, nous payons des impôts effectivement très élevés. Mais c’est aussi grâce à ces impôts que nous pouvons consacrer, en moyenne, 6 200 euros par an à chaque élève scolarisé à l’école primaire, 8 500 euros à chaque collégien français, 12 000 euros à chaque élève de lycée professionnel, des sommes importantes à la charge de l’État ou des collectivités territoriales et qui relèvent du paiement par les Français de l’impôt et des taxes.

Ce débat, il doit être national et il doit être également territorial, au plus près des Français. Il doit être institutionnel, puisque nous pouvons nous appuyer – et c’est tant mieux – sur des associations, des institutions créées pour faire vivre le débat public, au premier rang desquelles, bien entendu, les deux assemblées parlementaires, mais, au-delà, le Conseil économique, social et environnemental, les institutions régionales qui existent en la matière.

Ce débat, il doit être aussi informel, direct, afin que chacun sache qu’il pourra y prendre part et qu’il pourra être entendu.

Je souhaite que les élus, leurs associations, y prennent toute leur place, que les Français puissent y contribuer, qu’on y parle aussi peut-être de toutes ces dépenses contraintes qui, sans être juridiquement ni des impôts ni des taxes, pèsent au fond au moins autant sur ce qui reste à la fin du mois.

Il est impératif, mesdames, messieurs les sénateurs, que les maires prennent toute leur part dans ce débat. §Permettez-moi de profiter de cette tribune pour saluer et remercier ceux d’entre eux qui ont relayé notre message d’apaisement, pour remercier l’Association des maires d’Île-de-France, qui a proposé d’ouvrir des cahiers à destination de ceux des Français qui souhaitent s’exprimer directement, pour remercier aussi les maires ruraux, qui organisent ce samedi une journée « mairie ouverte » pour dialoguer.

Pour moi, la vraie démocratie directe, celle qui permet d’allier proximité et légitimité, c’est bien celle-là.

Les maires sont d’ailleurs, une fois encore, en première ligne sur le terrain pour appeler au calme et répondre à la colère. Certains nous ont demandé des effectifs policiers supplémentaires en prévision de samedi prochain : nous travaillons activement avec ceux qui expriment ces besoins pour pouvoir y répondre dans des conditions satisfaisantes.

Cette lucidité nous a conduits à rechercher l’apaisement. Elle nous conduit aussi à continuer à avancer, à continuer à apporter – tenter d’apporter – des réponses très concrètes, sur mesure, pas toujours très spectaculaires, mais durables, à nos territoires, des territoires dont nous savons tous qu’ils n’ont ni les mêmes atouts ni les mêmes besoins.

C’est ce qui nous a conduits à travailler avec les élus alsaciens pour essayer d’imaginer avec eux une structuration, une évolution permettant de prendre en compte leurs aspirations, mais aussi les aspirations également légitimes des autres élus de la région Grand Est.

C’est ce qui nous a permis de travailler avec les élus, notamment du département des Ardennes, à la constitution et à la construction d’un pacte permettant, là encore, de trouver des solutions concrètes et des moyens pour faire évoluer la situation dans le bon sens.

C’est ce qui nous a conduits à poursuivre l’initiative qui avait été prise dans le bassin minier, en y apportant les financements qui avaient été évoqués, de façon, là encore, à définir sur mesure les besoins des territoires et la réponse de l’État.

C’est ce qui sera inscrit dans le pacte qui liera l’État à la région Bretagne et dans celui qui est en discussion avec les Pays de la Loire.

C’est aussi la raison du déploiement de la police de sécurité du quotidien.

C’est aussi, dans le domaine du raccordement au haut débit, dont nous discutons souvent de la nécessité et de l’urgence qui s’y attachent, le plan d’équipement grâce auquel 2 800 pylônes, depuis janvier dernier, ont reçu les équipements nécessaires pour la 4G avec, vous le savez, un changement de logique dans la relation entre l’État et les opérateurs, qui nous permet d’envisager un équipement plus rapide et plus complet du territoire par rapport à ce qui était initialement prévu.

C’est aussi, dans le domaine de la santé, la suppression du numerus clausus, afin, dans le temps, de faire en sorte que le nombre de médecins augmente. Depuis mai 2017, ce sont 1 500 jeunes médecins qui ont décidé de s’installer dans des zones fragiles.

C’est aussi le remboursement, depuis septembre 2018, de la téléconsultation.

Aucun de ces instruments à lui seul n’est une réponse à des problèmes très vastes et très anciens, mais il nous paraît que ces instruments constituent des éléments de réponse et qu’il faut les évoquer.

C’est aussi le déploiement du plan « Action cœur de ville », qui consacre 5 milliards d’euros à la revitalisation du centre de 222 villes petites et moyennes.

C’est aussi la réorientation de nos investissements des TGV vers les déplacements du quotidien, une réorientation forcément lente et toujours délicate, jamais insensible, notamment pour les territoires qui attendent la construction de ces lignes à grande vitesse, mais qui est nécessaire si nous voulons pouvoir entretenir dans de meilleures conditions les infrastructures qu’utilisent des millions de passagers, si nous voulons essayer de désengorger les métropoles grâce au rail, notamment grâce au rail de proximité, si nous voulons désenclaver les villes ou les territoires ruraux.

Je pense à la RN 164, en centre Bretagne, promise par le général de Gaulle, je crois ; à la RN 122, à Aurillac, qu’Édouard Balladur, me semble-t-il, s’était engagé à construire ; à la RN 88, du Puy-en-Velay vers Mende et Rodez. Je citerai également la RN 2, entre Hirson et Maubeuge, la RN 21 vers Périgueux, ainsi que l’autoroute vers Castres depuis Toulouse.

C’est aussi, et enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi d’orientation sur les mobilités, que vous allez prochainement examiner.

Cette lucidité doit nous conduire à continuer de mieux rémunérer le travail : derrière la question du pouvoir d’achat, il y a celle de la rémunération du travail en France, qui, durant de nombreuses années, n’a pas assez augmenté ou a été grevée par des évolutions, notamment des évolutions d’impôt.

Depuis le mois d’octobre, des millions de salariés ont bénéficié d’une hausse, certes toujours moins importante que celle qu’on espérait, mais réelle de leur salaire net.

Dès le mois de janvier 2019, le SMIC augmentera de 1, 8 %. Sur un an, grâce à l’action conjuguée de cette indexation de la baisse des cotisations sociales et de la prime d’activité, la hausse est de l’ordre de 3 % par rapport au 1er janvier 2018.

La hausse de la prime d’activité que nous avons décidée pour avril 2019 amplifiera encore cet effet. Je suis prêt à examiner toutes les mesures qui permettraient d’augmenter les rémunérations au niveau du SMIC sans pénaliser excessivement la compétitivité de nos entreprises.

Les salariés pourront encore gagner plus, grâce à la suppression des cotisations sociales sur les heures supplémentaires.

Vous aurez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’occasion d’acter, dans le cadre du projet de loi PACTE, le développement massif de l’épargne salariale, de l’intéressement et de l’actionnariat salarié.

Nous continuerons à nous battre pour l’égalité des chances, parce que la colère qui s’exprime concerne évidemment les fins de mois – et même souvent les milieux de mois –, mais elle concerne aussi l’avenir, celui d’enfants de millions de familles qui ont le sentiment de ne pas avoir les mêmes chances que les autres de réussir.

C’est le sens des mesures de dédoublement des classes dans les réseaux REP et REP+, dont les retours formulés par les élus, les enseignants et les parents sont positifs.

C’est le sens du dispositif « Devoirs faits » au collège, de la scolarisation obligatoire, évoquée prochainement, dès l’âge de 3 ans, qui est une très belle mesure républicaine.

C’est le sens de la réforme de l’apprentissage, dont chacun sait qu’il permet de s’insérer avec plus de facilité dans le monde du travail.

C’est le sens de la refonte de notre système de formation professionnelle, le sens de l’investissement massif dans les compétences que nous souhaitons réaliser.

Cette lucidité nous oblige à continuer de réduire la dépense publique dans notre pays, justement pour pouvoir baisser les impôts. Nous avons vu combien ces deux baisses, parce qu’elles sont liées, sont urgentes.

En 2017, la France a réduit ses déficits et elle continuera à le faire. Elle maîtrise la hausse de la dépense publique de l’État. Grâce à l’engagement des élus, elle maîtrise aussi la hausse de la dépense publique locale. Grâce à nos efforts continus, ceux de nos prédécesseurs et ceux de la majorité actuelle, nous allons pouvoir voter un budget de la sécurité sociale à l’équilibre.

Ces tendances encourageantes sont le fruit d’efforts collectifs – en vérité moins ceux de majorités successives que ceux des Français – passés, présents, nationaux et locaux.

Depuis le mois d’octobre, des millions de contribuables ont bénéficié d’une baisse de 30 % de leur taxe d’habitation, une taxe que beaucoup d’entre nous disaient, à juste titre, injuste, une taxe que beaucoup d’entre nous dénonçaient depuis des années, et que nous allons supprimer par tranches successives en en compensant la charge, comme c’est bien naturel – et c’est surtout constitutionnel –, à l’euro près pour les collectivités.

Nous avons choisi aussi de réduire et de simplifier la fiscalité sur le capital. Parce qu’il s’agissait d’un engagement pris au moment de la campagne présidentielle puis de la campagne législative devant les Français. Parce que nos entreprises ont besoin de capital pour se développer. Parce que notre pays a besoin d’investisseurs, nationaux et étrangers. C’est un choix de stratégie économique totalement annoncé et totalement assumé.

Ce choix, je l’ai dit hier, nous sommes prêts à l’évaluer. Nous n’avons pas peur de ce débat, nous pensons qu’il est nécessaire et nous croyons même qu’il permettra de documenter, de démontrer le bien-fondé de ce choix.

Cette lucidité nous conduit à poursuivre ce combat indispensable en faveur de solidarités bien réelles.

Ce ne sont pas forcément les mesures dont on parle le plus. Pourtant, nous savons que ce sont souvent celles qui changent la vie dans les faits : la revalorisation de tous les minima sociaux, bien entendu ; la mise en place du tiers payant pour le complément de mode de garde au 1er janvier 2019 ; l’offre de petits déjeuners dans les zones REP+ ; les repas à 1 euro dans les cantines des communes rurales qui ne disposaient pas de ce service ou ne pouvaient pas l’offrir ; la possibilité pour tous les Français, à partir de 2019, et de manière progressive, de bénéficier d’une prise en charge à 100 % de leurs lunettes, de leurs frais dentaires ou de leurs prothèses auditives, autant de dépenses souvent très lourdes qui ne pèseront plus sur le pouvoir d’achat.

Là où la lucidité commande de faire différemment, la même lucidité commande de poursuivre les grandes transformations, parce que toutes ces transformations apportent une réponse, parfois de court, parfois de moyen, parfois de long terme aux préoccupations qui s’expriment.

Avant que le débat ne s’engage, je voudrais dire, mesdames, messieurs les sénateurs, un mot des violences que nous avons déplorées et de la sécurisation des probables manifestations de samedi prochain.

Mes premiers mots seront d’abord pour nos forces de l’ordre. Ces hommes, ces femmes ont été les victimes d’un incroyable déchaînement de violence dont, bien souvent, le but était d’attaquer, de blesser, parfois même de tuer.

Ces hommes, ces femmes ne sont pas simplement des représentants de la République. Ne seraient-ils que des représentants de la République, ce serait déjà une immense fierté. Ils ont été, samedi, les gardiens de la République, les incarnations de la République, les défenseurs de la République. Je veux leur dire, en mon nom propre, au nom de l’ensemble du Gouvernement et, je crois, au nom de l’ensemble de la Nation, ma reconnaissance, mon admiration face à leur sang-froid, face à leur professionnalisme.

Mmes et MM. les sénateurs, parmi lesquels certains se lèvent, du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain applaudissent longuement. – Mme Michelle Gréaume applaudit également.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Permettez-moi de remercier également l’administration et les services judiciaires, qui se sont mobilisés pour apporter des réponses pénales rapides et fermes aux délits commis samedi dernier.

Je voudrais aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, redire mon dégoût en découvrant les images du saccage de l’Arc de Triomphe. Ce dégoût, des millions de Français l’ont ressenti dans leur chair, tout comme ils condamnent les menaces ou les agressions contre les représentants de la Nation, élus ou fonctionnaires. Nous en retrouverons les auteurs ; ils seront traduits en justice et, je l’espère, sévèrement punis.

Depuis le début des contestations, nous n’avons jamais interdit de rassemblement. Cela étant, les événements de samedi dernier doivent nous conduire à faire preuve de la plus grande prudence et de la plus grande détermination. C’est pourquoi le ministre de l’intérieur a invité celles et ceux qui envisageaient de se rendre à Paris samedi prochain pour manifester à ne pas le faire.

Il s’agit non pas de leur interdire de s’exprimer, mais d’éviter qu’ils ne tombent dans le piège que leur tendent les casseurs.

Pour y faire face, le Gouvernement va mobiliser des moyens exceptionnels, qui s’ajouteront aux 65 000 forces de sécurités déployées dans toute la France. Nous continuerons à interpeller et à traduire en justice toute personne prise en flagrant délit de violences ou de dégradations. Nous continuerons à faire preuve de la plus grande fermeté. Nous nous battrons contre la haine, qui s’exprime dans une incroyable violence.

Mesdames, messieurs les sénateurs, dans la situation à laquelle nous faisons face, le devoir de lucidité et de responsabilité s’impose à tous : aux membres du Gouvernement, aux élus nationaux et locaux, aux responsables des formations politiques, aux commentateurs, aux éditorialistes, aux citoyens, à tous. Il s’impose à tous, parce que la liberté va toujours de pair avec la responsabilité.

Je voudrais profiter de cette tribune pour saluer tous ceux qui ont lancé ou relayé cet appel au calme : les organisations syndicales, les associations, des élus nationaux, quelles que soient les formations politiques dont ils sont membres et quelle que soit leur position face au Gouvernement. Ils ont dit que leur responsabilité était d’appeler au calme et à ne pas manifester samedi. Cette responsabilité les honore, et je voudrais dire combien elle les grandit.

En France, dans cet hémicycle, comme dans toutes les rues, c’est la République qui doit avoir, toujours, le dernier mot ; elle est notre chose commune. Puisque nous l’aimons, nous devons la préserver !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement. Nous allons maintenant procéder au débat sur la déclaration du Gouvernement.

Dans le débat, la parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre pays traverse l’un de ces moments de fièvre politique qui ont émaillé son histoire. Nul ne saurait s’en réjouir, hormis ceux qui font toujours du tumulte, de la division et de la haine leur fonds de commerce électoraliste.

Alors que le peuple s’exprime avec force, parfois avec violence, il est de notre devoir d’élus d’en comprendre les raisons. Et d’y répondre avec sincérité et responsabilité, avant que les excès de fièvre ne cassent irrémédiablement le thermomètre de la démocratie. Cette réponse, justement, doit être d’abord politique. Et le Sénat doit y avoir toute sa place.

Toutefois, il y a, à notre sens, un préalable absolu : le maintien de l’ordre républicain. Les dérapages quasi factieux qui se sont déroulés la semaine dernière sont intolérables. Ils appellent une réponse ferme de la justice. Mon groupe salue l’engagement et le dévouement de nos forces de l’ordre sur l’ensemble du territoire national. §J’insiste : force doit être donnée aux lois de la République et au respect de l’ordre public.

Monsieur le Premier ministre, nous le savons, nos démocraties occidentales subissent, aujourd’hui, la pression croissante de forces contradictoires qui veulent mettre à bas l’héritage des Lumières. Nous devons prendre très au sérieux ce qui se passe aux États-Unis, en Italie, en Pologne ou en Hongrie, pour ne citer que ces pays.

À cela s’ajoute la mutation de l’information, sous l’effet des réseaux sociaux et des chaînes d’information en continu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Jamais l’information n’a circulé aussi vite. Jamais elle n’a subi autant de déformations. Jamais non plus elle n’a autant défié notre socle démocratique, avec des risques de sur-réactions de certains de nos concitoyens.

Pour autant, la crise que nous vivons ne ressemble à aucune autre, car elle se rattache à l’un des plus grands défis de l’humanité. À l’instar de l’immense majorité de nos concitoyens, mon groupe est convaincu depuis longtemps de la menace que fait peser le réchauffement climatique sur l’homme, ainsi que de l’urgence d’une transition écologique et énergétique. C’est aussi notre modèle de croissance qui doit être interrogé, tout comme la redistribution des richesses.

Sans doute cette transition appelle-t-elle aussi à imaginer cet avenir à l’échelle de nos concitoyens, afin qu’ils deviennent des acteurs pleinement conscients de cette transformation profonde.

Oui, le besoin de réformer est une évidence ! Néanmoins, réussir à réformer suppose d’user de pragmatisme et de simplicité. Dans le respect de chacun, l’écoute et l’attention, pour répondre aux besoins quotidiens.

Il est vrai que les revendications d’une grande partie des « gilets jaunes » sont hétéroclites, pour ne pas dire parfois contradictoires. On ne peut pas réclamer dans le même souffle la baisse des impôts et davantage de services publics. Mais il est certain qu’il faut donner l’attention nécessaire à ceux qui souffrent et veulent vivre dignement de leur travail ! En revanche, nous déplorons que la parole soit donnée sur des plateaux de télévision à ceux qui appellent à la sédition et au coup de force.

Mme Françoise Laborde approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Nous voyons encore dans cette crise le symptôme de la déconnexion qui s’est progressivement installée entre gouvernants et citoyens. La fiscalité écologique cédera la place demain à un autre sujet sans doute, car cette crise ne se résoudra pas en quelques semaines.

Vous avez déjà annoncé un certain nombre de mesures, que nous considérons pour notre part comme nécessaires, mais insuffisantes : suppression de la hausse de la fiscalité des carburants – le Sénat l’a fait en premier –, gel de l’augmentation des prix du gaz et de l’électricité, suspension du nouveau contrôle technique automobile.

Vous souhaitez également lancer avec la Commission nationale du débat public un grand débat « national et local », « institutionnel et informel », selon des « formules de représentation innovantes », consacré aux grandes questions qui préoccupent les Français. Nous en prenons acte.

(Sourires.) Cessons de ne donner la parole qu’aux financiers !

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Mais nous notons surtout que le Sénat, et mon groupe en particulier, travaille sur ces questions depuis longtemps sans être dans la posture ou le tweet permanent. Nous cherchons d’abord à répondre aux besoins spécifiques des territoires, dans leur diversité. Non, tout le monde n’a pas vocation à créer une start-up ! Pas plus que le numérique ne doit devenir l’alpha et l’oméga de toute réforme. Pensez aux zones qui attendent encore la 1G, c’est-à-dire le téléphone portable ! §

Mon groupe a toujours privilégié le dialogue à la verticalité du pouvoir. Pour nous, l’empathie, c’est-à-dire le fait d’aimer les gens, est une méthode de gouvernement, sans doute parce que nous sommes tous élus locaux et fiers de l’être.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Bernard Buis applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Il faut donc réhabiliter les corps intermédiaires : élus locaux, syndicats, monde associatif, eux qui sont en prise avec les forces vives de la Nation. Redonnons à leur voix toute sa vigueur !

Il faut aussi écouter ces Français qui subissent la fracture territoriale, laquelle s’amplifie depuis trop longtemps. Eux qui ont l’impression de ne même plus exister vu de Paris. Eux qui subissent le recul continu de l’accès aux services publics. Eux qui ont vécu l’instauration technocratique du 80 kilomètres à l’heure comme un oukase surréaliste.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Vincent Éblé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Eux qui n’ont que leur voiture pour se déplacer et aller travailler. Dans le monde rural, on a plus besoin de voitures que de trottinettes électriques.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Il faut comprendre ces retraités à faibles revenus à qui l’on a brutalement annoncé qu’ils devraient changer leur chaudière à fioul, mais à qui aucune banque ne prêtera l’argent nécessaire.

Mme Brigitte Lherbier applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Il faut encore, monsieur le Premier ministre, que la technostructure fasse montre d’un peu moins de certitudes et d’un peu plus d’humilité.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Nous constatons aujourd’hui les effets de décisions bureaucratiques complètement déconnectées des réalités. Aimer les gens n’est pas une incongruité ; c’est le devoir des personnes en responsabilité.

Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Vous l’aurez compris, nous appelons de nos vœux des mesures pragmatiques et simples, qui répondent aux problèmes de nos concitoyens et que ces derniers pourront immédiatement s’approprier : valorisation du travail, accès aux services publics, mobilités, fiscalité, protection sociale… Ces sujets mobilisent les Français, mais n’y répondons pas par une énième structure technocratique.

Les constats sont connus : allons au but ! Pour cela, vous pourrez toujours compter sur les élus locaux et les parlementaires, le Sénat en particulier.

Comme l’écrivait Pierre Mendès France, « la démocratie est d’abord un état d’esprit ». Le groupe du RDSE, dans toutes ses expressions, est fier de porter chaque jour cet état d’esprit !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Exclamations sur de nombreuses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, dix-huit mois après son élection, le chouchou, pour ne pas dire le joujou, de la finance, celui que la presse avait déifié, celui qui avait fait de ses adversaires acharnés de doux ministres flagorneurs, celui qui ne pouvait plus seulement présider, mais qui s’apprêtait à régner, ce Président tout puissant, est aujourd’hui contraint de fuir la France en colère !

Mais qu’a-t-il bien pu se passer pour que des Français qui n’avaient jamais manifesté descendent dans la rue, pour y crier « Macron démission ! » ? Cet effondrement est la conséquence de trois hausses : tout d’abord, la hausse des insultes par celui qui était censé être le protecteur des Français, qu’il qualifiait tour à tour d’« illettrés », de « fainéants », de « cyniques », d’« extrêmes », de « Gaulois réfractaires au changement » et même de « lépreux », pour 11 millions d’entre eux ; ensuite, bien entendu, la hausse des taxes et des prélèvements en même temps que la baisse des prestations et la disparition des services publics, et, au nom de la transition écologique, la hausse vertigineuse des taxes sur les carburants, qui représentent 60 % du prix du litre à la pompe ; enfin, la hausse du mépris envers un mouvement populaire, apolitique et pacifique.

Exclamations sur de nombreuses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

La contestation est devenue lame de fond.

Qui sème l’insulte, l’appauvrissement et le mépris récolte la colère ! La colère d’un peuple qui n’arrive plus à vivre. Beaucoup de nos compatriotes sont contraints de puiser dans leur épargne modeste pour survivre. Des millions de Français que votre politique ultralibérale a jetés sur le bas-côté, sur la bande d’arrêt d’urgence sociale et qui n’ont pas d’autre choix que de porter ce gilet jaune, signe extérieur de détresse ! Colère légitime de millions de Français qui travaillent, qui paient leurs impôts et vos taxes. Des Français qui constituent le « peuple central » méprisé par le pouvoir central.

Ces Français ne sont ni les « très aidés », où l’on retrouve les bataillons de l’immigration

Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

… ni les « très aisés », qui bénéficient de tous les cadeaux fiscaux de votre gouvernement.

Ces Français en colère que vous n’avez pas vus venir, ce sont ces salariés, ces artisans, ces commerçants, ces fonctionnaires, ces chômeurs, ces jeunes, ces retraités… Tous ces Français qui sont sur les Champs-Élysées, ce sont les mêmes que l’on a vus devant l’église de la Madeleine l’année dernière. La France des « gilets jaunes », c’est la « France Johnny Hallyday » !

Exclamations sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

M. Stéphane Ravier. C’est la France enracinée, la France qui ne demande qu’à travailler et à vivre des fruits de son travail.

Exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

M. Stéphane Ravier. C’est la France périphérique, la France des terroirs et des clochers, qui est obligée de parcourir des dizaines de kilomètres pour aller travailler ou pour chercher du travail, faute d’en trouver en traversant la rue ! C’est cette France contrainte de payer des taxes en même temps qu’elle voit disparaître les services publics de proximité, engloutis par la politique de la ville, dont la carte ressemble étrangement à celle de l’immigration !

Protestations et huées sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Il faut arrêter de raconter n’importe quoi, monsieur Ravier !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

C’est cette France qui, d’habitude, se tait, mais qui crie aujourd’hui qu’elle ne veut pas mourir et que vous avez tenté en vain de décrédibiliser !

Alors, si l’on suit votre logique du pollueur-payeur, pourquoi ne pas avoir taxé les plus gros pollueurs que sont les compagnies aériennes et les compagnies de navigation ? Avions et super porte-conteneurs polluent bien davantage que toutes les voitures du monde ! Mais, fidèle à sa ligne et à ses amis de l’hyperclasse, Emmanuel Macron protège les forts et matraque les faibles.

Vous allez taxer les Français en assénant qu’ils seraient responsables du réchauffement climatique, alors que nous n’émettons que 0, 9 % du total des émissions de gaz à effet de serre : l’Allemagne en émet deux fois plus, et la Chine… trente fois plus !

En réalité, monsieur le Premier ministre, vous tentez de culpabiliser les Français pour mieux les racketter, car il faut tenir les engagements que vous avez pris devant Bruxelles. Alors, tout est bon, même les plus gros bobards : « Passons au tout-électrique, et nous sauverons la planète. » Or la production de voitures électriques est plus polluante que celle de véhicules à essence ; la production et le recyclage des batteries constituent une hérésie écologique et nous mettront de plus sous dépendance économique chinoise.

Non seulement votre transition écologique est une imposture, mais en plus elle ruine nos compatriotes.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

On se demande bien de qui vous êtes le porte-parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Vous taxez les Français, réduisez leurs pensions, leurs allocations, comme ce sera bientôt le cas avec la réforme de l’allocation logement, qui touchera 1, 2 million de Français. Certains bénéficiaires perdront jusqu’à 1 000 euros par an.

Emmanuel Macron estimant que les minima sociaux coûtent « un pognon de dingue », il sabre, il supprime… Et c’est ce même Emmanuel Macron qui s’apprête à signer le Pacte mondial de Marrakech, pacte qui fera de l’immigration un « droit de l’homme » qu’il sera impossible de contester.

Protestations et huées sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

M. Stéphane Ravier. Il s’agit là, ni plus ni moins, d’accélérer le processus de submersion et de ruine de notre pays par des millions d’individus qu’il faudra assister en tout, car démunis de tout !

Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Vous surtaxez les Français en leur disant qu’il faut faire des sacrifices et, dans le même temps, vous faites savoir à toute la misère du monde qu’elle trouvera en France de quoi être logée, soignée, éduquée et formée : c’est complètement délirant et suicidaire !

Nous vous invitons à tourner la page de l’ultralibéralisme au profit d’un modèle national et protecteur.

Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste frappent vivement sur leur pupitre. – Brouhaha.

Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste frappent de plus en plus vivement sur leur pupitre pour couvrir la voix de l ’ orateur. – Brouhaha.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Difficile de lire dans ces conditions, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

M. Stéphane Ravier. Produisons, consommons et retraitons local !

Des sénateurs du groupe La République En Marche se joignent à ceux du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste pour frapper encore plus vivement sur leur pupitre. – Brouhaha.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Comme la moitié des pays d’Europe, comme les États-Unis, ne signez pas les accords de Marrakech, supprimez l’AME…

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

M. Stéphane Ravier. … et toutes les pompes aspirantes de l’immigration !

« Trois, deux un, zéro : c ’ est fini ! » sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, dont les membres ne cessent de frapper sur leur pupitre. – Brouhaha.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

M. Stéphane Ravier. Vous pourrez ainsi augmenter le pouvoir d’achat de nos compatriotes.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

M. Stéphane Ravier. En mettant un terme à votre violence fiscale et vos injustices sociales, vous ferez enfin cesser cette violence inadmissible…

Le micro de l ’ orateur est coupé.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, au moment où nous engageons ce débat, ici, au Sénat, l’atmosphère est étrange. Elle est pesante, insaisissable, souvent inquiétante. Nous avons le sentiment presque d’une veillée d’armes. Certains jettent de l’huile sur le feu, comme on vient de le voir, tandis que le Gouvernement est amené à réviser la doctrine d’emploi des forces de l’ordre.

Comment a-t-on pu en arriver là ? À une France aussi fracturée, parfois désespérée, souvent colérique ? Comment a-t-on pu voir profaner la tombe du Soldat inconnu et saccager l’Arc de Triomphe ? À mon tour, je m’associe à l’hommage rendu par M. le Premier ministre aux forces de l’ordre et aux sapeurs-pompiers, à leur courage, à leur maîtrise, à leur professionnalisme.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Monsieur le Premier ministre, oui, votre gouvernement a eu raison d’engager des réformes trop longtemps repoussées. Oui, votre gouvernement a raison de vouloir une Europe plus protectrice. Nous subissons non pas trop d’Europe, mais une insuffisance de volonté, de réactivité et d’ambition européennes. §Oui, votre gouvernement a eu raison de mettre en évidence l’urgence climatique.

Malheureusement, derrière ces intentions louables, il y a eu beaucoup d’erreurs de jugement et de maladresses ! Je n’en ferai pas la liste. Beaucoup s’en sont déjà chargés. Chaque critique est fondée, légitime, sauf peut-être lorsque ceux qui ont le plus rempli la cruche sont aujourd’hui ceux qui dénoncent avec le plus de cynisme les dernières gouttes versées.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Martin Lévrier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Le rejet de nos institutions se nourrit aussi de ces comportements médiocres. La France, malheureusement, n’a pas l’exclusivité de telles manifestations. Voyez ce qui s’est passé en 2013 en Italie, avec le mouvement des « fourches » – Forconi –, qui a ensuite donné lieu à l’existence du Mouvement 5 étoiles, et vous connaissez la suite.

L’urgence est absolue. Au-delà de l’impact à l’étranger et du coût économique, un nouveau samedi de chaos nous rapproche d’un bilan dramatique. Le vandalisme, le déchaînement de violences y conduisent. Les réactions de peur et d’autodéfense y mènent tout autant.

Dans ce contexte, la question d’un abandon des nouvelles taxes carburant ne se posait même plus. Le Sénat les avait supprimées. Il est dommage de ne pas nous avoir écoutés dès l’an dernier. §Un freinage à temps aurait mieux valu qu’une sortie de route !

Ce sont des annulations, et le problème du pouvoir d’achat demeure entier. Au demeurant, le problème de l’annulation des hausses sur l’électricité va se poser dramatiquement ; on sait quelle est la doctrine du Conseil d’État en la matière, et il y aura rattrapage.

La crise doit désormais offrir l’occasion de repartir sur de nouvelles bases.

Notre expérience d’élus locaux conduit à quelques certitudes : les réformes doivent avoir un sens ; le ressenti est aussi important que la réalité ; l’égalité des chances à long terme ne peut compenser l’injustice sociale immédiate ; le discrédit partiel des corps intermédiaires ne peut justifier la verticalité de l’exercice du pouvoir ; enfin, les responsabilités de vos prédécesseurs ne vous exonèrent pas de vos propres erreurs.

Ce n’est pas parce que vous avez trouvé des dettes publiques considérables, des prélèvements excessifs, des déficits extérieurs et une compétitivité des entreprises en berne que vous aviez le champ ouvert à toutes les impulsions de la majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Monsieur le Premier ministre, les réformes structurelles produisent des ennuis tout de suite et des dividendes différés. C’est bien pourquoi autant de gouvernements ont aussi souvent renoncé. Ne soyons pas hypocrites ! Vous en avez lancé. C’est à porter à votre crédit.

L’insuffisance du pouvoir d’achat est une source terrible de frustration et de colère. Beaucoup de salariés, d’artisans, de travailleurs indépendants, d’agriculteurs témoignent en ce sens depuis des semaines. C’est une désespérance, une humiliation qui se renouvellent chaque mois pour des millions de Français, renforcées par l’indécence de certains revenus ou de comportements issus d’un capitalisme outrageusement financiarisé.

Une réponse doit être adressée immédiatement à ces Français qui expriment leurs difficultés quotidiennes.

Notre groupe propose ainsi de diminuer immédiatement le taux d’imposition de l’impôt sur le revenu sur les deuxième et troisième tranches, celles des revenus modestes et des classes moyennes. Nous proposons également l’exonération des heures supplémentaires pour les salariés aux faibles revenus. Ces mesures peuvent être partiellement compensées par un relèvement de la contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus.

La baisse des aides personnalisées au logement a été vécue difficilement par leurs bénéficiaires. Il faut absolument les revaloriser.

Monsieur le Premier ministre, les symboles sont cruciaux. Ils comportent une part d’injustice, mais ils sont ainsi, plus encore depuis l’avènement des réseaux sociaux et des chaînes d’information en continu. Nous avons connu le Fouquet’s, nous avons connu Leonarda ; il y a désormais le « président des riches ».

Votre gouvernement assume que la réussite des uns doit également servir de bienfaits aux autres. Ce raisonnement se défend, et vous avez raison d’essayer, puisque tout le reste a échoué.

Cependant, la mise en œuvre compte autant que la justesse de l’intention. Alors que notre société est assaillie par la précarisation, par la peur du déclassement, il faut mettre sous conditions ce que nos compatriotes ressentent comme des cadeaux accordés aux plus favorisés. Leur légitimité doit reposer sur une utilité sociale probante.

Les entreprises ont été fiscalement matraquées au début de la décennie. Souvenons-nous du mouvement des « pigeons » ! L’ampleur des dégâts a ensuite conduit à diminuer leurs charges. Il s’agit aujourd’hui que les mesures prises en leur faveur soient évaluées, mais également assujetties à des obligations sociales. Les aides ne sont pas faites pour augmenter les rémunérations des dirigeants ou les dividendes.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

On l’a vu encore voilà peu chez Vallourec : après avoir distribué de nombreux dividendes, l’entreprise se tourne de nouveau vers la BPI pour solliciter des aides. Les aides sont faites pour augmenter les investissements, préserver les emplois, puis augmenter les salaires.

Pour nous, le montant de l’impôt payé par les entreprises ne doit plus être unique. Il doit être variable en fonction du respect d’un partage équilibré des excédents d’exploitation.

L’optimisation fiscale des grands groupes est devenue insupportable, financièrement et moralement. Ces entreprises s’enrichissent sur le dos des États en ne contribuant en rien à une prospérité dont leurs produits ou services profitent à plein.

L’Europe doit en terminer avec la règle de l’unanimité pour faire évoluer les dispositions fiscales européennes.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

On ne peut pas construire une Europe solidaire en maintenant une faculté de veto aussi ouverte. On le voit avec le piteux accord sur les GAFA. La règle de la majorité qualifiée doit progressivement s’imposer.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Dans le schéma du Gouvernement, la suppression de l’ISF était cohérente. Au demeurant, chacun d’entre nous se souvient que nous étions nombreux à l’avoir demandée sur ces travées. Mais abandonner cette icône aurait dû être accompagné par un symbole tout aussi fort : celui d’une contribution des plus aisés au développement de nos petites et moyennes entreprises, principales sources des créations d’emplois à venir. §Au demeurant, on voit aujourd’hui que de nombreux chefs d’entreprise demandent à pouvoir donner 10 % de leurs ressources en direction de fondations ou d’institutions. Faisons en sorte d’exaucer leurs vœux, monsieur le Premier ministre.

Le sentiment d’injustice repose aussi sur l’accumulation de dispositifs dérogatoires et illisibles, ainsi que sur l’ampleur des fraudes fiscales et sociales. Rien n’est plus dévastateur que de compter un à un ses euros lorsque d’autres trichent sans vergogne ou abusent sans scrupule. La lutte contre ces fraudes doit être non pas un slogan, mais une priorité.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Le sujet central est pourtant celui de la réforme de l’État et des politiques publiques. Il n’y a que sous cet angle que nous pourrons diminuer la dépense publique. Trop d’impôts et trop de prélèvements pour trop peu de résultats. Ce n’est pas la charge qui est choquante ; c’est le décalage entre son importance et l’insuffisance des résultats produits. La table rase dont rêvent certains est un fantasme. Néanmoins, on ne réforme pas sans écoute, sans considération et sans relais d’opinion. Plutôt que de contourner ces supposés enquiquineurs, il faut les revivifier. Ce n’est pas une conviction ; c’est une certitude sur laquelle nous vous avons maintes fois alerté.

La versatilité des peuples rend illusoire la démocratie directe. Au pays des injonctions contradictoires, il faut des enceintes de dialogue et de hiérarchisation des priorités. Des réformes subies font éclore le seul ressentiment.

Nous qui avons tous été élus locaux savons qu’on ne révise pas un plan local d’urbanisme seulement avec une poignée d’élus dans un conseil municipal.

Très bien ! sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

M. Hervé Marseille. La limitation de la vitesse à 80 kilomètres par heure est à cet égard, le président Requier l’a dit, l’illustration d’une méthode cauchemardesque.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Monsieur le Premier ministre, face à ce défi global des réformes, comment faire pour que l’impulsion ne se perde pas dans les sables mouvants de la concertation et de la consultation ?

Nous proposons d’introduire dans notre droit une plus large ouverture aux consultations populaires. Nos référendums sont binaires et tardifs. Le peuple ne peut répondre que par oui ou non à un projet totalement ficelé, dans un contexte de dramatisation où la réponse est moins liée au sujet qu’à celui qui la pose. L’exécutif, national ou local, doit pouvoir interroger les Français sur une intention et leur permettre de manifester leur préférence pour une option parmi d’autres. S’il fallait schématiser, ces consultations seraient un sondage citoyen avec une question à choix multiples. Après un large débat tranché par un vote, charge ensuite de légiférer selon l’option privilégiée.

Monsieur le Premier ministre, l’élection d’Emmanuel Macron incarnait l’acceptation et même la demande d’une large remise à plat de nos politiques et de notre gouvernance, sans tabou, en dehors de toute approche dogmatique. Nous lui avons souvent tendu la main, ici, au Sénat, et l’avons alerté de manière constructive et loyale.

Dans une période aussi volatile, je suis convaincu que le Sénat conservera cette attitude responsable, comme un gage de la stabilité nécessaire des institutions qui constitue la force de notre pays.

Monsieur le Premier ministre, les mesures annoncées, ou du moins leur annulation, vont coûter un peu plus de 4 milliards d’euros. Aujourd’hui, nous aimerions savoir quelle est désormais la ligne du Gouvernement, quelle est sa politique, quelles sont les réformes qu’il va nous proposer.

Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

M. Hervé Marseille. En quelques jours, on est passé d’une ligne à une autre. Dimanche, on tenait le cap ; mardi, on était dans le moratoire ; mercredi, vous avez annoncé que ce moratoire pouvait se muer en annulation, et le Président de la République l’a confirmé par un communiqué hier soir. Quelle est aujourd’hui la ligne du Gouvernement que vous proposez à notre Haute Assemblée d’apprécier ?

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la France est le plus révolutionnaire des pays conservateurs. Et la crise politique et sociale qui nous guette depuis trente ans est arrivée. Cette colère, tous autant que nous sommes, nous l’avions sentie venir, dans nos campagnes, dans nos quartiers, dans nos territoires. Pourtant, année après année, nous n’avons pas su relever le défi : par lâcheté, peut-être ; par faiblesse, sûrement ; par renoncement, c’est certain.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Nous n’avons pas réformé alors que tous les autres autour de nous réformaient. En punition, nous avons eu le pire des deux mondes : plus de dépenses publiques et moins de services publics ; plus de dette et moins de justice ; plus de mots et moins d’actes.

Les événements nous mettent au pied du mur. Allons-nous sortir de cette crise, comme de tant d’autres auparavant, avec un rafistolage qui ne changera rien ? Ou allons-nous profiter de cet électrochoc pour poser enfin, et résoudre, le sujet essentiel, soigneusement mis de côté depuis des années ?

Allons-nous continuer la politique du chien crevé au fil de l’eau, de toujours plus de taxes et de toujours plus de dépenses ? Ou allons-nous enfin arriver à faire, dans notre pays recordman du monde de la fiscalité, ce que plusieurs de nos voisins ont réussi, c’est-à-dire l’optimisation et la rénovation profonde de la dépense publique et des services publics, seul moyen de parvenir à la baisse des impôts, donc à la hausse du pouvoir d’achat réclamée aujourd’hui ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

C’est la même crise dans toute l’Europe !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Êtes-vous favorable à la hausse des impôts ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Ce défi concerne le Gouvernement comme le Parlement.

Il concerne le Gouvernement, tout d’abord. Cette grande consultation que vous annoncez, monsieur le Premier ministre, vous devez vous assurer qu’elle sera suivie d’effets. Si ce Grenelle de la fiscalité et de la transition écologique devait déboucher sur l’application de la formule de Queuille, « la politique, ce n’est pas de résoudre les problèmes, mais de faire taire ceux qui les posent », si elle devait consister à noyer le poisson, à mettre la tête dans le sable en attendant des jours meilleurs, alors la colère d’aujourd’hui ne sera rien en comparaison de celle qui saisira les Français, qui, depuis longtemps, n’en peuvent plus des autruches !

Si, au contraire, vous saisissez cette occasion que l’histoire vous présente, alors peut-être avez-vous une chance, dans des conditions difficiles, de réformer vraiment ce pays qui crève de ne pas avoir été réformé.

Quant à nous, parlementaires, notre responsabilité n’est pas moindre. Si notre participation au débat n’est que l’occasion, comme je l’ai déjà entendu depuis plusieurs jours, de faire des propositions démagogiques et contradictoires, du genre baisse des impôts couplée à une augmentation des dépenses, ce qui revient à essayer de soulever un seau alors qu’on a les deux pieds dedans

Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

, s’il s’agit demander la démission du Président de la République depuis un trottoir des Champs-Élysées ou la dissolution de l’Assemblée nationale par ceux qui rêvent d’un Grand Soir, croyant qu’ils ont rendez-vous avec l’histoire alors qu’ils n’ont rendez-vous qu’avec le journal de TF1

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Dans tous les cas, il y a une responsabilité que Gouvernement et Parlement partagent. C’est celle de retrouver leurs prérogatives. Chacun a le droit d’aimer ou de ne pas aimer les « gilets jaunes », chacun a le droit de soutenir leurs revendications ou de les trouver confuses et irréalisables, chacun a le droit de penser qu’on peut bloquer les routes ou, comme c’est mon cas, d’être allergique aux atteintes à la liberté d’aller et venir. Mais, à la fin des fins, dans une démocratie représentative, la loi se fait au Parlement et pas sur les ronds-points ! §Pour les mêmes raisons, il est préférable dans une démocratie de mettre des bulletins dans les urnes que des pierres dans les vitrines.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Pourquoi est-ce que je dis ça ? Parce que je voudrais que, dans cet hémicycle, nous nous interrogions avec gravité, mes chers collègues, sur le fait que l’une des premières revendications du mouvement actuel, nous l’avons tous entendue, était la suppression du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

et qui se retrouve aujourd’hui logiquement, ayant fait le vide de ses interlocuteurs institutionnels, en confrontation directe avec une base radicalisée ; de l’autre, un mouvement qui pense que, sans aucune organisation et grâce à Facebook, on peut se passer de la représentation nationale, voire demander sa disparition.

Ce que nous savons, nous, c’est qu’un pays ne peut se diriger par les réseaux sociaux, que chaque jour un peu plus ces mêmes réseaux sont envahis de fake news et de bullshit, que chaque jour un peu plus leur devise semble être : « Je hais donc je suis. »

Ce que nous savons, c’est qu’une situation dans laquelle une base radicalisée s’oppose sans aucun intermédiaire au Gouvernement et au Président de la République, au point qu’un de ses leaders n’a pas hésité hier à appeler à envahir l’Élysée samedi prochain, ne peut se terminer que de deux manières : soit par l’insurrection, soit, en cas de pourrissement, par la dispersion d’un mouvement et l’oubli de ses objectifs, dont il ne resterait pas plus que ce qui reste d’un moineau ayant traversé un ventilateur !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

S’il y a une chose que nous devons rappeler aujourd’hui, ici, dans cet hémicycle, que nous devons rappeler au Président de la République comme aux « gilets jaunes », c’est que, la dernière chose dont la France a besoin, c’est l’affaiblissement du Sénat et, plus généralement, de tous les corps que l’on appelle à tort « intermédiaires » et que l’on ferait mieux d’appeler « indispensables », car ils constituent la colonne vertébrale du pays.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Il me reste un dernier sujet à évoquer, celui des violences, car la crainte de ce qui pourrait se passer samedi prochain est en train de devenir la préoccupation majeure.

Ces violences ne sont pas seulement graves en elles-mêmes.

Elles sont graves, d’abord, par leurs conséquences sur ceux que les casseurs prétendent défendre, ceux qui travaillent dans les commerces ou les entreprises détruits et qui ont les mêmes problèmes de fin de mois que les autres.

Elles sont graves, ensuite, pour l’image de la France à l’étranger, qui est en train, une fois encore, de plonger.

M. Jean-Marie Bockel applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Elles sont graves, enfin, par le lieu choisi. L’Arc de Triomphe comme l’Assemblée nationale, le Sénat, la Concorde sont les lieux emblématiques de l’histoire de France ; ce sont les symboles de la mère patrie. Taguer l’Arc de Triomphe, casser ses bas-reliefs, dévaster son intérieur, c’est comme donner une gifle à sa mère.

Ceux qui sont capables de faire ça, et je ne les confonds pas, bien sûr, avec l’ensemble des « gilets jaunes », ne sont pas seulement des casseurs, ils ne dégradent pas uniquement un monument, ils dégradent aussi notre identité nationale !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

C’est la raison pour laquelle appeler à une nouvelle manifestation à Paris samedi, dans les mêmes conditions d’impréparation et d’irresponsabilité que celle de samedi dernier, c’est prendre une lourde responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Il y aura, en face des manifestants, ceux qui sont, eux aussi, le rempart de notre identité nationale et de notre sécurité : les forces de l’ordre. Je voudrais à mon tour, après le Premier ministre, saluer leur courage dans des circonstances particulièrement difficiles, alors même qu’elles sont, depuis trois ans, constamment sur la brèche dans la lutte contre le terrorisme.

Mes chers collègues, dans ce moment crucial, je souhaite que nous puissions faire preuve du même courage. D’abord, le courage des mots, le courage de dire la vérité aux Français, la vérité sur l’état de nos finances publiques, sur nos choix de société et sur l’avenir de la planète. Ensuite, le courage des actes, celui de prendre les décisions difficiles dont le pays et les Français ont besoin.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

M. Claude Malhuret. C’est notre mission aujourd’hui !

Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le Premier ministre, nous avons, en cet instant, tous conscience de la gravité de la situation et de la portée des mots. Cet après-midi, je vous parlerai avec mon cœur de Français, avec mes convictions républicaines. Je vous parlerai d’homme à homme aussi. Dans cette situation difficile, qui, évidemment, peut déraper et exige de nous une hauteur de vue, je vous parlerai comme nous parlons habituellement, ici, au Sénat avec une conscience et un sens aigu de la responsabilité, avec le sentiment de nos devoirs : le devoir, bien sûr, cher Claude Malhuret, du courage, de la lucidité sans complaisance, parce que nous ne pouvons pas traverser cette épreuve sans regarder en face la vérité.

La vérité, c’est aussi que nous avons le devoir de nous rassembler sur une double exigence : une exigence de fermeté et une exigence de responsabilité.

L’exigence de fermeté, d’abord, face à la violence. Nous sommes les élus de la République, mes chers collègues, nous ne devons supporter aucune atteinte à ceux qui la servent, c’est-à-dire aux forces de l’ordre et aux forces de sécurité civile. Nous ne devons tolérer aucun acte de vandalisme, aucun acte qui dégrade, qui profane les symboles les plus sacrés de la République et de la France !

Je pense, bien sûr, à l’Arc de Triomphe, à ce lieu sacré où repose le Soldat inconnu. Je pense à la tombe profanée. Mon grand-père était un poilu et je ne doute pas que certains d’entre vous, ici, aient également pour aïeux, pour grands-parents, des poilus. Ces actes ne sont pas des actes de résistance, comme je l’ai entendu dire. Ce ne sont pas non plus des actes qu’il faudrait excuser. Ce sont des actes de barbarie, qu’il faut punir de la façon la plus sévère !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – MM. André Gattolin et Jean-Marc Todeschini applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

En cet instant, monsieur le Premier ministre, ce que nous vous demandons, ce que nous demandons à vos ministres, c’est de casser les casseurs ! Ils n’ont droit, de notre part, à aucune excuse ! La force de la loi doit passer !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Le Sénat a fait des propositions, notre famille politique aussi. N’ayez aucune pudeur partisane : vous devez vous en saisir, quitte à les modifier, bien entendu. L’important est d’agir, et d’agir vite !

Foch avait coutume de la rappeler : une seule faute est infamante, c’est l’inaction. Alors, agissez ! Car aujourd’hui, en France, le droit à manifester dans le calme est désormais blessé ; il est peut-être même blessé gravement. L’État régalien ne doit plus désormais, à compter de ce jour, s’excuser de protéger nos concitoyens !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Devoir de fermeté ; exigence de responsabilité !

Cette exigence, nous l’avons eue : depuis le départ, nous avons dénoncé les violences ; depuis le début, nous appelons au calme. C’est ce que je fais aujourd’hui, avec tous mes collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, quels que soient les groupes auxquels ils appartiennent.

Depuis le début, nous avons fait la différence. Nous n’avons pas confondu cette France du grand déclassement, celle qui travaille dur sans parvenir à boucler ses fins de mois, celle qui manifeste en plantant des drapeaux tricolores sur des ronds-points et en chantant La Marseillaise. Nous ne confondons pas cette France du labeur avec la France de l’ensauvagement, celle qui profite du désordre pour piller, pour crier, pour crier, surtout, sa haine de la République !

Mme Esther Benbassa proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

De tels débordements sont intolérables, tous les groupes devraient les dénoncer sans aucune fausse pudeur !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le Premier ministre, pour ramener le calme, il faut aussi – le devoir de vérité m’oblige à vous le dire – que le Gouvernement revienne à une certaine réalité. En effet, depuis le début de cette grande colère, vous avez semblé en décalage.

Cette colère est une colère sociale. Elle est profonde dans ses causes. Elle est aussi, bien sûr, inédite dans son mode d’expression. On a souvent eu le sentiment que vous essayiez de courir après les événements. Cette colère, vous avez du mal à la saisir avant tout parce que vous vous êtes installé dans une situation de déni.

Déni lorsque vous avez cru qu’il suffirait de faire preuve de pédagogie et d’expliquer à nos concitoyens que le cap était le bon.

Déni lorsque vous avez cru qu’il fallait répondre à cette colère qui venait du monde d’en bas par des solutions d’en haut : un haut conseil du climat !

Comme si, finalement, il fallait répondre à cette exaspération par une solution technocratique. Comme si, finalement, la promesse de dépassement du clivage n’était pas autre chose qu’une utopie technocratique. Comme si, finalement, cette promesse d’un nouveau monde n’était que le remplacement du gouvernement inspiré et empathique des hommes, cher Jean-Claude Requier, par l’administration froide des choses.

Déni aussi sur votre responsabilité. Je ne nie pas, et je l’ai écrit dans une lettre ouverte, que les racines de cette crise sont lointaines, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

… mais vous ne pouvez pas pour autant vous exonérer de votre responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

La France, Hervé Marseille l’a rappelé, détient deux records. Elle détient le record européen de la dépense publique. L’an prochain, Albéric de Montgolfier l’a souligné à plusieurs reprises, le déficit public, qui engendre toujours plus d’endettement pour les plus jeunes de nos générations, va de nouveau croître, ce qui n’était plus arrivé depuis dix ans. Elle détient le record du monde des impôts et des taxes. Cette colère est d’abord celle du ras-le-bol fiscal des Français qui se sont sentis piégés et finalement trompés.

Au-delà du déni, je déplore également une forme d’arrogance et, parfois, de mépris, que l’on a appelée la verticalité. Les Français n’ont pas besoin de pédagogie pour savoir ce qu’est un impôt ou ce qu’est une taxe !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Qu’est-ce que ce nouveau monde sinon un prétexte pour détruire l’ancien, pour enjamber les corps intermédiaires, notamment les maires ? Dois-je rappeler, alors que nous traversons une crise des plus difficiles de la démocratie et de la représentation, que les Français mettent encore l’essentiel de leur confiance dans les maires, les partenaires sociaux, les présidents d’association ?

Ce nouveau monde, prétendument meilleur, est, pour paraphraser Péguy, « le monde qui fait le malin. […] Le monde de ceux qui savent […] Le monde de ceux à qui on n’a plus rien à apprendre » !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

L’une des leçons de ces dernières années est que ce sont moins les longs et grands discours, les beaux discours parfois, qui s’impriment dans la mémoire des Français que les petites phrases semées au vent de l’improvisation ou de la caricature.

C’est le déni, le mépris, mais aussi le sursis. Nous nous sommes rencontrés avec d’autres ; si je me souviens bien de cette rencontre, Marc Fesneau était alors à votre droite.

Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Le Sénat avait annulé la hausse de taxes. Il est incompréhensible que vous ayez accordé un moratoire. Nous savions et vous auriez dû savoir que c’était une solution trop faible et surtout trop tardive ! Il était certain que l’annulation de la hausse de taxe aurait été demandée après le moratoire. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit. Mais le geste que vous avez dû consentir, et qui a été décidé par le Président de la République, au lieu d’apparaître comme une main tendue est apparu comme un aveu de faiblesse !

Je salue, je le dis devant mes collègues, la décision du Président de la République. Il n’y en avait pas d’autres à prendre.

Le Gouvernement pourrait d’ailleurs s’inspirer des travaux du Sénat, qui, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, cher Alain Milon, a fait le choix de réindexer les retraites, mais aussi les allocations familiales.

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains applaudit également.) Ils ont le sentiment que les choix des dirigeants ne sont pas les choix des peuples.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

J’ignore si cette mesure, trop tardive, suffira à calmer la colère. Peut-être que non. Ce que je sais, c’est que le mécontentement des Français est fait de beaucoup d’autres choses. Des forces sont actuellement à l’œuvre en France et dans le monde. Vous avez ouvert les portes de l’abîme du mécontentement. Dans ce cri de colère, il y a aussi un cri existentiel : le cri d’un peuple qui ne veut plus qu’on l’ignore, le cri d’un peuple qui veut qu’on tienne compte de ses choix. Pourquoi la crise de la démocratie s’étend-elle partout en Europe et ailleurs ? Tout simplement parce que les peuples ont le sentiment que ceux qui les gouvernent ne les entendent plus, qu’ils sont insensibles à leurs souffrances ! §

Trop de grands sujets ont été décidés dans le dos des peuples ! Je pense, bien sûr, au traité de Lisbonne.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Je pense aussi à un certain nombre d’accords internationaux, notamment à l’accord de Marrakech sur les migrations, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau. … au bas duquel, je l’espère, le Gouvernement n’apposera pas sa signature !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Henno applaudit également. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Je pense enfin aux jurisprudences des grandes institutions internationales, qui, avec leur vision anglo-saxonne du droit, ne nous correspondent tout simplement pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Mes chers collègues, il y a une crise de la démocratie : les peuples ne supporteront pas éternellement qu’on leur dise que le diagnostic qu’ils font est faux, qu’ils doivent être rééduqués ! Il faut entendre leur colère ; à défaut, croyez-moi, ils sauront nous le dire, et de façon beaucoup plus brutale !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Pour sortir de la crise, il n’y a qu’une voie, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

… c’est celle de la Nation !

Il faut redonner du sens à la Nation, il faut redonner du sens à l’unité nationale, il faut redonner du sens aussi à la République française, qui est notre bien commun à tous !

Pour redonner du sens, il faut recréer du commun. Comment ? Je vous donnerai quelques exemples tirés de l’actualité et sur lesquels nous serons amenés à travailler dans cet hémicycle dès le début de l’année prochaine.

D’abord, je citerai le modèle social.

Recréer du sens, rebâtir du commun, c’est faire en sorte de réformer notre modèle social sans le déformer. Dans une France profondément fracturée, toutes les forces en présence après-guerre, des gaullistes aux communistes, se sont entendues pour créer la sécurité sociale, conçue comme instrument de la démocratie, car il importait de signifier aux Français qu’ils étaient partie prenante du même destin, avec une belle devise : à chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Ce n’est pas parce qu’on est pauvre qu’on ne peut pas être soigné : telle est l’intuition qui a donné naissance à la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Au moment où vous appauvrissez les retraités, au moment où vous poursuivez la déconstruction de l’universalité de la politique familiale, il faut vous en souvenir ! Ne vous rapprochez pas du modèle anglo-saxon, avec un filet de sécurité, un recentrage des aides sur les plus bas revenus – ce n’est pas moi qui le dis, c’est M. Pisani-Ferry –, un éloignement des classes moyennes. En procédant de la sorte, vous créeriez une fracture entre la société de ceux qui payent toujours – les contribuables – et la société de ceux qui reçoivent. Ce n’est pas ça le modèle social français ! Penser le commun, c’est penser le social en France.

Construire du commun, c’est également faire en sorte que les réformes soient justes. Lorsque l’on baisse l’impôt, il faut le baisser pour tous !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Lorsque l’on veut mettre en place la transition écologique, qui est nécessaire, il ne faut pas la faire payer par les plus modestes. C’est tellement évident !

Mes chers collègues, ce n’est pas en ajoutant des impôts aux taxes que l’on parviendra à rendre plus riches les plus pauvres ! §Ce n’est pas en ne créant pas de richesse que l’on parviendra demain à distribuer du pouvoir d’achat !

Enfin, notre République, c’est la République laïque ! Ne touchez pas, monsieur le Premier ministre, à la loi de 1905 !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

La République n’a pas à s’adapter aux religions. La République doit, certes, s’adapter aux votes du Parlement, mais ce sont aux religions de s’adapter à la République !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Pour conclure, j’ajouterai qu’il convient de sortir de cette crise par le haut. Oubliez votre projet d’émancipation individualiste, car il affaiblit le commun et dissout les liens. Sortir par le haut, c’est penser à la France. Je suis persuadé que, dans cette colère, dans cet abîme de désespérance, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

… il n’y a pas qu’un besoin d’annonces sur la situation matérielle, il y a aussi un besoin de France, un besoin de protection, un besoin de sens !

Il faudra que le Président de la République s’adresse aux Français, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau. …qu’il retisse les liens que nous avons tous à retisser avec nos compatriotes. Je suis sûr qu’au bout du bout il parviendra à renouer les fils de ces liens

Des membres du groupe socialiste et républicain frappent sur leur pupitre.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau. … et à rallumer dans le cœur de chacun de nos concitoyens la flamme de l’amour de la patrie, pour que l’on puisse, demain, éteindre l’incendie qui se propage !

Mmes et MM. les sénateurs du groupe Les Républicains se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. François Patriat, pour le groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

M. François Patriat . Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, pourquoi sommes-nous réunis aujourd’hui ?

Exclamations amusées sur de nombreuses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Mes chers collègues, à défaut de respecter mon humble personne, respectez au moins notre institution ! J’ai écouté tous les orateurs, dont M. Retailleau, dans le plus grand calme. J’écouterai tout à l’heure Mme Assassi. Dans les quelques minutes qui me sont imparties, j’espère pouvoir m’exprimer dans le calme !

Nous sommes réunis aujourd’hui parce que la situation est préoccupante, parce que la République est menacée, parce que la colère des Français – légitime sans doute – se traduit par des actes dramatiques et – vous l’avez indiqué à juste titre, monsieur Retailleau – de barbarie. Cette colère, nous la devons souvent pour partie à nos renoncements successifs.

Nous sommes réunis parce que le moment l’exige. C’est la tâche du Gouvernement, monsieur le Premier ministre, comme vous l’avez souligné, à la fois d’assurer le redressement du pays et de le réparer.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Vous montrez aujourd’hui les voies de l’ouverture et de l’espoir. Maintenant que vous tracez le chemin, nous devons agir.

Ne nous y trompons pas, nous vivons un moment décisif : décisif pour notre pays, décisif pour notre démocratie.

Dans le prolongement de votre déclaration, monsieur le Premier ministre, ce débat est l’occasion, pour la Haute Assemblée, de regarder en face la colère qui s’exprime dans notre pays. Il convient de l’entendre, de l’écouter, de la considérer, de la comprendre et d’y répondre.

Quarante années de crises politiques non résolues ont mis à mal notre justice sociale, notre justice fiscale, notre justice territoriale. Vous l’avez rappelé, monsieur le Premier ministre, cette colère vient de loin. Elle a pris ses racines à la fin des Trente Glorieuses, à l’aune des chocs pétroliers. Puis elle a grandi, elle s’est installée, elle s’est renforcée.

Pendant toutes ces années, ce mal-être a été décrit. Beaucoup ont dénoncé la fracture sociale, le fait que la « maison brûle », le ras-le-bol fiscal. Des réformes ont, certes, été entreprises, mais des fractures territoriales profondes se sont installées, tout comme des sentiments d’abandon, de déclassement et d’exclusion tenaces.

Tout cela, mes chers collègues, a favorisé l’abstention, la montée des extrêmes, le rejet de la classe politique et des corps intermédiaires. Nul ne peut considérer la désaffection croissante des citoyens à l’égard des institutions comme une accusation passagère. Elle n’en est pas une, elle ne l’a jamais été. C’est pourquoi le renouveau démocratique ne doit pas demeurer un vain mot. Notre responsabilité, en ce jour, est historique. Nous ne devons pas nous dérober à nos obligations.

Ne tombons pas dans les querelles politiciennes. Elles nous conduiraient au discrédit collectif. Elles alimenteraient plus encore la colère de cette France invisible, qui se sent dénigrée et reléguée. Cette colère se révèle durement aujourd’hui face à notre majorité, et c’est à vous, monsieur le Premier ministre, et au Gouvernement qu’appartient la responsabilité d’y répondre, non comme certains pour l’exploiter ou pour l’encourager dans un intérêt électoraliste de court terme, mais pour apporter des solutions à ces Français lassés des grandes lâchetés, qui ne veulent plus être les exclus du monde qui vient.

Depuis dix-huit mois, nous préparons ce passage vers une révolution numérique, économique, écologique de grande ampleur. Nous le préparons pour les Français et pour tous les territoires.

Plus que jamais, nous devons prendre la mesure du moment. Les ambitions demeurent, mais nous devons la vérité aux Français : il faut du temps. Les réformes structurelles doivent pouvoir porter leurs fruits, et ce n’est pas au moment où des signes de redressement apparaissent qu’il faut les mettre à mal. La transformation de notre pays doit être poursuivie.

Au bout de nos peines, un seul but : construire une société où l’on vit mieux de son travail, honorer nos engagements sur le pouvoir d’achat, libérer l’économie française. Voilà sur quelles bases peut s’ériger un contrat social renouvelé.

Face à ce constat, faisons preuve à la fois de sagesse, d’humilité, de discernement et – vous avez tous raison de le rappeler – de responsabilité. Il n’y a qu’un seul mot d’ordre : ni entêtement ni résignation !

La responsabilité du Gouvernement est d’ouvrir le dialogue, d’organiser le vivre ensemble, de faire société. À ce titre, la main que vous tendez, monsieur le Premier ministre, doit être saisie. Dans un souci d’apaisement, le Gouvernement entend la France des oubliés et lui répond.

La suppression de la hausse des taxes sur l’énergie, accompagnée d’avancées en matière de pouvoir d’achat, en matière fiscale, en matière institutionnelle, sera de nature à permettre un retour au calme et à la raison. S’ouvrira ainsi une période de concertation durant laquelle chaque Français devra être entendu. En chaque endroit, on doit pouvoir y contribuer.

Il ne peut y avoir deux France : d’un côté, une France qui avance et qui gagne ; de l’autre, une France qui stagne et qui perd. Nous devons inverser le cercle de la défiance et le transformer en cercle vertueux de la confiance.

Des premiers signes apparaissent : la confiance des investisseurs étrangers dans notre économie n’a jamais été aussi élevée. Le financement de nos PME-TPE a progressé. L’emploi industriel redémarre. Le taux d’emploi n’a jamais été aussi haut.

Mais nous devons faire plus, nous devons faire plus vite et nous devons faire plus fort.

S’il faut entendre les inquiétudes des Français déclassés, comment ne pas mettre au centre de nos préoccupations l’urgence climatique ? Elle n’est pas une entreprise cavalière des seuls gouvernants. Elle appartient à la Nation tout entière. Ne pas dissocier la fin du monde de la fin du mois, voilà notre exigence !

À l’annonce de ces mesures fortes en faveur d’un retour au calme, mais sans renoncer pour autant au processus de transition énergétique qui engage notre pays, nous vous renouvelons notre entière confiance.

Monsieur le Premier ministre, les violences et les saccages doivent cesser. La responsabilité de chacun d’entre nous est d’appeler non pas à la manifestation, mais au dialogue et d’y participer.

Permettez-moi d’évoquer le fait que les déclarations de certains « irresponsables » politiques sont à la fois insupportables, outrancières et inadmissibles ! Par ces mots, je m’adresse à ceux qui, pensant recueillir les fruits du désordre, ne récolteront que les cendres du chaos.

Nous écouterons toujours la contestation politique, nous respecterons toujours la colère sociale, mais nous n’accepterons jamais la violence insurrectionnelle.

Saluons donc nos forces de l’ordre qui, harassées par le combat qu’elles mènent à l’encontre des actes de terrorisme et de délinquance, doivent être respectées à la hauteur de tous nos symboles républicains.

Mes chers collègues, soyez rassurés, la République n’a pas perdu son âme. Sa doctrine d’action demeure : face à la colère, l’écoute ; face à la violence, la fermeté !

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous vivons un moment de l’histoire de notre pays d’une grande gravité.

C’est au fil des jours que la parole vraie, la parole sincère, la parole libérée de ces femmes si nombreuses dans l’action, de ces hommes souvent marqués par la dureté de la vie et du travail, a souligné la profondeur, l’enracinement de ce mouvement social qui met en cause le principe même du capitalisme libéral.

Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Avez-vous entendu la colère rentrée de cette aide-soignante qui n’arrive plus à vêtir ses enfants ? Avez-vous entendu ces pères de famille meurtris de ne pouvoir offrir de cadeaux pour Noël ? Avez-vous entendu ces retraités guettant la sortie des poubelles des supermarchés pour trouver de quoi se nourrir ? Avez-vous entendu ces femmes et ces hommes dont le compte est à découvert dès le 10 de chaque mois et dans l’incapacité, à partir de ce jour, de se nourrir, de se vêtir, de vivre ?

Vivre, trouver les moyens pour vivre, trouver le temps de vivre ! C’est ce cri, qui couve depuis des années, qui aujourd’hui explose et vous prend totalement au dépourvu, vous, monsieur le Premier ministre, et, surtout, le Président de la République.

Vous ne comprenez pas cette colère ; cette incompréhension résulte d’un profond aveuglement. Vous occultez la réalité de la politique menée depuis mai 2017, une politique voulue par les riches pour les riches, symbolisée par la suppression de l’ISF sur les biens financiers.

Nouvelles exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le Premier ministre, votre projet de budget pour 2019, inspiré par l’Europe libérale, accorde 17 % de baisse d’impôt aux 0, 1 % des Français les plus riches. Le peuple l’a bien compris, et c’est pour cela que vous n’échapperez pas à la question de la justice fiscale. Vous devez rétablir l’ISF, vous devez même l’améliorer et le rendre plus efficace !

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Le grand ami et protecteur de M. Macron, Bernard Arnault, quatrième fortune mondiale, devrait payer 550 millions d’euros d’ISF ; il n’en a payé que 2, 9 millions la dernière fois. Ce super cadeau n’était pas suffisant : vous l’exonérez complètement. Pensez-vous que lui et ses amis ont réinvesti cet argent dans l’économie, alors qu’ils volent de paradis fiscal en paradis fiscal, insatiables, tels des oiseaux de proie, pour y dissimuler leur fortune, fruit du travail de nos concitoyens ?

M. Macron, muet en public, a sermonné hier ses ministres, les a recadrés, en réaffirmant son attachement viscéral à la suppression de l’ISF. Il a fait savoir – a-t-il peur de l’annoncer lui-même ? – qu’il ne céderait pas sur ce point. Cette résistance folle, dangereuse pour notre pays, démontre que la clef de voûte de la politique d’Emmanuel Macron, c’est l’injustice fiscale et l’injustice sociale au service des plus riches et des grands groupes industriels et financiers.

Or cette violence fiscale et sociale du pouvoir, c’est elle qui est contestée aujourd’hui ! Oui, monsieur le Premier ministre, vous payez l’addition de décennies de colère sans réponse, mises à part quelques brèves éclaircies, d’un peuple qui subit le dogme libéral, justifié par une mondialisation financière présentée comme inéluctable. Aujourd’hui, vous payez cette addition, car les bornes ont été dépassées. Je rappelais la suppression de l’ISF, mais que dire de l’attaque contre les retraités que constitue l’augmentation de la CSG, de l’atteinte au logement social, avec la remise en cause des APL, de la situation des handicapés, victimes de multiples mesures de restriction ?

Rappelez-vous comment, s’agissant des retraites des agriculteurs, vous avez violemment utilisé la Constitution pour repousser une modeste mesure de justice à l’égard de ces hommes et femmes qui ont travaillé dur, sans s’enrichir, durant toute leur vie ?

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cette violence fiscale, sociale, institutionnelle contre un Parlement et des élus méprisés, vous la taisez, monsieur le Premier ministre !

Que dire de l’agression dogmatique contre les services publics nationaux, comme la SNCF, et locaux, avec la remise en cause des moyens des collectivités locales, qui aggrave la fracture territoriale ?

Concernant la SNCF, vous parlez de transition énergétique, et vous attaquez l’institution qui peut porter réellement les nouvelles mobilités écologiques !

Croyez-vous que les gens ne comprennent pas, par exemple, de quelle spoliation massive ils sont victimes avec les privatisations ? Cela fait trente ans que le bien commun est cédé aux intérêts privés ! Et vous, vous continuez, avec la SNCF, dont vous préparez le bradage, avec Aéroports de Paris et la Française des jeux, que vous cédez à vos amis de la finance…

Monsieur le Premier ministre, ces questions sont cruciales, car le chemin de la justice fiscale et sociale ne pourra être retrouvé sans une puissance publique dotée des moyens de garantir l’égalité.

Rendre sa force à la puissance publique, c’est aussi garantir une transition écologique efficace. Tout le monde le dit, sauf vous : l’argent et l’écologie ne font pas bon ménage. Non, la course au profit, à la consommation et au productivisme, en un mot le capitalisme, ne font pas bon ménage avec l’écologie.

Monsieur le Premier ministre, vous disiez lors de votre discours de politique générale, le 4 juillet 2017, que « les Français nous ont habitués à travers les âges à des sursauts collectifs et à ces retours de confiance alors même que tout semblait bloqué, voire perdu ».

Ce sursaut, monsieur le Premier ministre, n’a pas eu lieu le 7 mai 2017. Ce fut alors un vote obligé, contraint, nécessaire contre l’extrême droite. Il a lieu aujourd’hui, contre le libéralisme dont M. Macron est le fruit et le soldat.

J’ai parlé des premières mesures du quinquennat du chef de l’État, mais comment ne pas évoquer la politique de sélection dans l’éducation ? Comment ne pas parler de la violence des mots, de l’arrogance, des petites phrases blessantes contre le peuple, contre son peuple ?

Alors aujourd’hui, il faut le retour à la paix, à la sérénité, il faut manifester pacifiquement. La violence a gagné la rue livrée à la colère et, comme toujours, à des agissements d’individus qui attisent le feu et dont les fonctionnaires des services de sécurité sont les premières victimes, étant trop peu, trop mal équipés, et perdus dans la crise politique. Nous condamnons avec fermeté l’usage de la violence. Mais cela vaut aussi, monsieur le Premier ministre, pour les tirs de flash ball qui défigurent de jeunes lycéennes et lycéens.

Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Oui, il faut rétablir la paix et la sérénité. Il reste quelques heures à M. Macron, et je m’adresse directement à lui, pour agir et prendre des décisions fortes sur le pouvoir d’achat et la justice fiscale. Maintenant, il doit rétablir l’ISF. Son entêtement sur ce point doit cesser. Maintenant, il doit décider une augmentation significative du SMIC, à hauteur de 200 euros nets par mois. Maintenant, il doit revenir sur l’augmentation de la CSG sur les retraites. Ces mesures seraient le point de départ d’un grand débat national. Elles pourraient permettre le retour au calme et, surtout, apporter une première réponse concrète à la détresse du peuple.

Il vous reste peu de temps, monsieur le Premier ministre, pour convaincre votre Président. Mais êtes-vous convaincu, vous-même, qu’il faut prendre ce chemin ?

Monsieur le Premier ministre, nous vivons la fin d’un régime politique. La dernière élection présidentielle a souligné le dysfonctionnement, voire l’absurdité, du système. Un homme est élu pour cinq ans, non pas sur son programme, mais contre une autre candidate. Une assemblée est élue dans la foulée, selon un mode de scrutin déformateur. Le peuple aura ainsi été mis hors jeu, après avoir signé un blanc-seing pour un programme imprécis, voire inexistant.

Mais, monsieur le Premier ministre, le peuple est de retour, et ce vieux système usé qui a vu la transmission du pouvoir du politique vers l’économie vacille. Ce retour du peuple n’est pas une mauvaise nouvelle, c’est le retour de la démocratie.

C’est en toute lucidité que vous devez aujourd’hui éteindre l’incendie que vous avez allumé, en prenant ces mesures d’urgence sociale. Demain, vous ne pourrez plus ni décider ni imposer. Votre gouvernement et ceux qui lui succéderont seront placés sous contrôle citoyen. Cela, oui, monsieur le Premier ministre, c’est une bonne nouvelle : c’est le retour aux sources, celui du peuple souverain.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe socialiste et républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Monsieur le Premier ministre, nous vous avons écouté attentivement. J’ose espérer que vos propos et vos engagements ne seront pas remis en cause, ce soir, par l’un de vos ministres qui serait en ligne directe avec le Président de la République, ce qui rendrait quelque peu illusoire la notion de cap…

Il y a cinq mois, nous étions toutes et tous à Versailles pour écouter le Président de la République. Il avait alors expliqué qu’il changerait sa méthode, pour plus de dialogue. Plusieurs responsables de groupes parlementaires lui avaient enjoint d’aller dans ce sens. J’avais moi-même prononcé ces mots : « Monsieur le Président de la République, sachez dialoguer avant de décider, sachez accepter la contradiction. Savoir écouter, savoir douter, ce n’est pas une faiblesse ; c’est ce qui renforce les décisions, c’est ce qui fait avancer la cohésion nationale. » Je ne regrette aucunement ces propos que j’ai tenus devant le Congrès.

Mes chers collègues, où en sommes-nous cinq mois après ? Où en est le fameux triptyque présidentiel : libérer, protéger, unir ?

Je ne crois pas aux prophéties, je vous rassure, mais nous voyons tous le résultat. L’entêtement de l’exécutif contre vents et marées, sans écoute, sans dialogue, nous a conduits à cette période jaune fluo.

Oui, vous auriez dû écouter plus tôt : telle est, monsieur le Premier ministre, la lucidité dont il aurait fallu faire preuve.

Oui, vous auriez dû engager un débat respectueux avec les partenaires sociaux, qui sont un facteur d’apaisement dans notre pays. Le dialogue direct avec les Français voulu par le Président de la République, s’il a pu fonctionner lorsqu’il était populaire, vous fait maintenant sombrer quand il y a une crise de confiance. Le « en même temps » et le « tout à la fois », en période de crise, cela ne marche pas !

Je ne souhaite pas faire ici l’analyse de ce mouvement ; plusieurs l’ont déjà faite avant moi. Je ne crois pas, d’ailleurs, que nous ayons suffisamment de recul pour comprendre tout ce qui se passe dans notre pays, tout ce que recouvre le phénomène des « gilets jaunes ». Ayons l’humilité de le reconnaître.

Je veux néanmoins évoquer la colère que nous observons. Cette colère a pris plusieurs formes : des blocages de ronds-points, de péages ou de centres commerciaux, des manifestations, et aussi des actes intolérables de vandalisme, voire de guérilla urbaine. Mes chers collègues, Paris ne peut pas brûler, la France ne peut pas être en état de siège ! Je condamne ici ces violences qui ne servent pas le mouvement des « gilets jaunes », et qui ne sont d’ailleurs sans doute pas le fait que de ce mouvement. Et je salue nos forces de l’ordre, l’ordre républicain, qui assure notre cohésion nationale ! §La contestation peut et doit s’exprimer dans le calme.

Cette colère est aussi celle de nos concitoyens d’outre-mer. Nous avons vu celle qui s’est manifestée à La Réunion ces dernières semaines, mais nous avions déjà vu, chacune ayant ses raisons, la colère des Mahorais, celle des Guyanais, sans oublier la profonde lassitude de nos concitoyens des îles antillaises face aux terribles catastrophes qu’ils ont subies, et leur sentiment d’être abandonnés par la République. Le mouvement des « gilets jaunes » ne doit pas masquer la situation des outre-mer, encore plus durement touchés par les mesures prises par le Gouvernement en matière de pouvoir d’achat.

Cette colère est aussi une colère silencieuse pour beaucoup de Français, tous ceux qui ont mis un gilet jaune sous leur pare-brise. Il suffit, pour le constater, de se rendre sur un parking de supermarché.

Entendez, monsieur le Premier ministre, que ce mouvement est large, et que la partie visible de l’iceberg ne doit pas masquer tous ces « gilets jaunes » invisibles, pacifiques, de l’Hexagone ou d’outre-mer, qui sont solidaires dans la colère.

C’est bien d’ailleurs ce lien entre ceux qui soutiennent le mouvement en silence et les plus radicaux que vous avez sous-estimé, croyant que l’opinion se retournerait à la suite des violences. Ce lien doit tous nous inquiéter, mes chers collègues, parce qu’il montre le danger qui menace nos principes démocratiques lorsque nos concitoyens sont prêts à soutenir, à justifier ou simplement à tolérer les exactions.

Nous souhaitons que le calme revienne, mais il ne suffit pas de le dire comme nous le faisons depuis samedi dernier. La responsabilité de l’État vous incombe. Il vous incombe de prendre les décisions propres à rétablir le calme.

Cette situation est inquiétante et doit nous faire comprendre l’urgence dans laquelle nous sommes : une urgence sociale, une urgence démocratique et citoyenne, sans oublier l’urgence écologique, qui reste entière.

L’urgence écologique n’est d’ailleurs pas remise en cause par l’opinion. Les « gilets jaunes » ne sont pas un mouvement « anti-écolo ». Ils sont d’abord un mouvement contre l’injustice. Ils ne remettent pas en cause la nécessaire transition écologique ; j’entends d’abord des citoyens qui voudraient participer à cette transition, mais qui n’en ont pas les moyens.

Ce qui agit contre la transition écologique, ce sont avant tout vos mesures injustes, qui font peser sur les classes moyennes et les plus modestes son financement, tout en redistribuant aux plus aisés. Inversez votre politique pour renforcer le soutien de notre pays à la cause environnementale !

Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

L’inversion de votre politique devrait d’ailleurs être votre priorité pour répondre à l’urgence sociale. Vous avez consenti à quelques mesures, au premier rang desquelles un moratoire non plus de six mois, mais d’un an, sur la fiscalité carbone. Dont acte : c’était, je le crois, nécessaire.

Mais ce moratoire, nous n’avons cessé de vous le dire, n’est qu’une partie du préalable à la création des conditions du dialogue, tant vous avez tardé ! L’urgence sociale reste grande, voire totale, même avec la suspension de la taxe carbone. Cette urgence sociale dépasse la question du prix de l’essence. Elle touche avant tout à la question des salaires, qui stagnent, il est vrai, depuis plus de dix ans. §S’il y a eu durant des années une tolérance face à cette stagnation, parce que chacun comprenait que la sortie de crise était difficile, il y a maintenant une impatience.

Une impatience d’autant plus prononcée que votre politique fiscale est injuste, puisqu’elle vise à diminuer les impôts des 1 % les plus riches, tout en augmentant les taxes que paient « plein pot » les classes moyennes et les plus pauvres.

L’impôt doit être accepté par tous, et pour cela il doit être juste. Sans cela, c’est le fondement même de l’État-providence que vous attaquez. Alors, la question de la justice fiscale se pose autant que celle du niveau des salaires. Nous disons « non » à l’État-pénitence !

Les prix ont repris leur progression, mais pas les salaires. C’est la réalité sociale de notre pays. C’est ce constat qui doit inspirer, avant tout, vos choix politiques.

Monsieur le Premier ministre, engagez-vous tout de suite dans la voie des négociations sociales sur le niveau des salaires. Répondez aux syndicats qui vous demandent une conférence sociale nationale. Engagez-vous tout de suite, sans attendre la fin des discussions sur le financement de la transition écologique, sur un coup de pouce au SMIC et à la prime d’activité dès le 1er janvier 2019 !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Toutes ces mesures redynamiseront l’économie réelle par la consommation, tout simplement. Vous pouvez trouver tous les moyens d’une telle politique en admettant, enfin, que votre théorie du ruissellement ne fonctionne pas. Nous n’avons pas besoin d’une année de plus pour faire le bilan de la suppression de l’ISF ; nous le connaissons déjà : aucun bénéfice pour l’économie et une perte de recettes pour l’État, …

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

… au moment où nous aurions tant besoin de redistribution.

Je demande aussi à nos collègues de la majorité sénatoriale d’entendre ce message, comme j’ai moi-même entendu les mesures annoncées par votre candidat à l’élection présidentielle !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Votre ruissellement par le haut n’a pas fonctionné. Nous proposons la redistribution par le bas et le milieu, qui, elle, a déjà fait ses preuves.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

À quoi servent, mes chers collègues, des premiers de cordée, s’il n’y a pas de corde ?

Engagez-vous tout de suite à rétablir l’ISF, l’exit tax, et à réformer la flat tax.

Mme Nicole Bonnefoy applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Engagez-vous tout de suite sur la création d’une nouvelle tranche d’imposition pour les hauts revenus, comme certains syndicats le demandent !

Monsieur le Premier ministre, prenez la mesure de la défiance de notre pays face à l’injustice fiscale. Toutes ces propositions, sur les revenus, sur la justice fiscale, nous vous les faisons depuis un an, dans la discussion budgétaire et encore au travers de notre proposition de loi déposée lundi.

Saisissez l’occasion d’apporter une réponse sociale, pour pouvoir ensuite engager sereinement un dialogue sur le financement de la transition écologique.

Sans ce nécessaire électrochoc social, vous ne réussirez pas à régler la situation d’urgence démocratique et citoyenne dans laquelle nous sommes, et qui est l’affaire de tous. Sans cet électrochoc, vous ne calmerez pas l’impatience des « gilets jaunes ».

La colère actuelle est celle d’un peuple qui se sent abandonné, méprisé peut-être, déclassé parfois, pas écouté en tout cas. Les petites phrases d’un président perçu comme arrogant doivent laisser place au respect. Les mots qui blessent doivent cesser, pour ouvrir le dialogue. Le président jupitérien a cru qu’il avait tous les droits depuis son élection. Il en a oublié qu’il avait surtout des devoirs à l’égard des citoyens de notre pays.

Ce césarisme sous couvert de relation directe avec les Français fait qu’il gouverne aujourd’hui comme un roi nu, dépouillé de ses protections, et qui pense que tout compromis est une compromission. L’écoute, le dialogue, la concertation sont les sources de la concorde et de l’unité nationale.

Monsieur le Premier ministre, les partenaires sociaux, les associations, les élus locaux, les parlementaires sont des digues sociales et démocratiques que l’absence de dialogue a amoindries.

Pour répondre à la crise des « gilets jaunes », appuyez-vous sur les drapeaux des salariés, faites confiance aux syndicats. Appuyez-vous sur les écharpes bleu-blanc-rouge, faites confiance aux élus locaux, et notamment aux milliers de maires ruraux !

Nous sommes là, prêts à construire un avenir pour notre pays, prêts à mener un débat serein sur des propositions nouvelles, dans le dialogue et la concertation, prêts à aller vers les citoyens pour un grand mouvement démocratique qui leur redonnerait la parole.

Prenez des décisions fortes pour répondre aux urgences écologique, sociale et démocratique. Répondez, monsieur le Premier ministre, sachez entendre l’angoisse de nos concitoyens. Le temps est court, très court, monsieur Philippe !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par remercier les orateurs qui se sont succédé à cette tribune. Je veux saluer le ton et la très bonne qualité de leurs interventions, sans me faire nullement juge de ce qui a été dit par chacun. J’ai indiqué aux présidents des formations politiques que j’ai reçus lundi dernier à Matignon que je souhaitais l’organisation d’un tel débat à l’Assemblée nationale, où il a eu lieu hier et a été suivi d’un vote, et au Sénat.

Je le souhaitais parce que, dans un moment politique intense, il est indispensable que le débat politique soit organisé à l’Assemblée nationale et au Sénat, que les échanges d’arguments, les mises en cause et les défenses éventuelles aient lieu au Parlement. Je salue donc encore une fois, très sincèrement, le ton et le talent des orateurs qui se sont exprimés.

Plusieurs d’entre vous ont procédé à une mise en perspective internationale, qui montre que cette crise n’est pas seulement française, même si je ne m’exonère d’aucune responsabilité quant à la recherche de sa solution. Il y a quelque chose de saisissant à constater que les crises sociales ou politiques actuelles interviennent environ une dizaine d’années après la crise financière qui a très profondément secoué nos économies et nos systèmes occidentaux.

Comment ne pas voir aussi dans cette crise une forme de « réplique », comparable à celle qui a été vécue en Italie, et qui n’est pas sans lien avec celle qu’ont connue les États-Unis, même si elle s’exprime différemment, car les génies nationaux sont ce qu’ils sont, et c’est heureux !

Je retiens aussi l’invitation à procéder à des réformes structurelles. Bien entendu, vos propositions de réformes ne sont pas toujours convergentes ; c’est normal. En tout état de cause, je veux voir dans cette invitation à des réformes structurelles autre chose que l’appel à un petit réglage fin visant à faire disparaître un problème au jour le jour.

Je ne crois pas une seconde qu’il faille s’exonérer de ses responsabilités en rejetant toute la faute sur le passé, et je ne le fais pas. Je tiens cependant à dire que de telles réformes structurelles ne sont pas intervenues dans notre pays depuis fort longtemps ; vous êtes d’ailleurs nombreux à l’avoir rappelé. Plus exactement, elles sont intervenues dans certains domaines, mais elles n’ont pas permis de régler l’ensemble des problèmes posés à notre pays.

Je voudrais en prendre un exemple que chacun connaît ici et qui a trait à la dette, dont plusieurs d’entre vous ont évoqué l’importance en France.

Au cours des dix dernières années, notre niveau de dette s’est considérablement accru. La dette publique s’élève à peu près à 100 % du PIB, ce qui représente de 30 à 35 points de PIB de dette en plus en dix ans. C’est absolument considérable !

Nous le savons tous ici, mesdames, messieurs les sénateurs, alors même que, pendant ces dix années, notre dette publique augmentait de façon considérable, nous faisions semblant de ne pas voir que, dans plusieurs domaines de l’action publique, nous étions en train d’accumuler une dette qui serait un jour requalifiée en dette publique. Nous préférions, par pudeur peut-être, par prudence aussi et, disons-le, parfois par lâcheté, ne pas la voir.

Songez que, pendant bien plus de dix ans, nous avons demandé à Réseau ferré de France et à la SNCF de s’endetter dans des conditions qu’aucune entreprise n’aurait pu supporter, parce que nous savions que, derrière, il y avait l’État, et que donc, ultimement, cette dette qui juridiquement n’était pas une dette de l’État en était bien une en réalité.

Qui peut dire que ce choix a été fait inconsciemment ? Il a été fait et répété, collectivement, par des gouvernements et des majorités successifs. En conséquence, lorsque nous avons voulu réformer la SNCF, nous avons assumé le fait que cette dette ne pourrait pas être financée dans des conditions normales par la SNCF et qu’il fallait donc la reprendre. Une partie de l’augmentation de la dette publique viendra, il est vrai, de cette reprise, et peut-être certains d’entre vous en feront-ils reproche au Gouvernement…

La vérité, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est qu’en ce domaine, et depuis trop longtemps, nous n’avons pas été à la hauteur des enjeux. Je le dis sans accuser personne, car je ne sais pas ce que j’aurais fait si j’avais été aux responsabilités à cette époque. Mais le dire, c’est aussi, je crois, faire œuvre de lucidité, comme je m’y invitais moi-même précédemment.

Je retiens de vos interventions l’appel ferme à la concertation et à l’exécution des mesures, le soutien unanime aux forces de l’ordre et l’invitation à la fermeté, le souci de la préservation de la sécurité des personnes, qui est une doctrine constante dans l’emploi des forces de l’ordre. Je retiens aussi le souci d’apaisement et l’appel à la responsabilité formulé sur toutes vos travées.

Je ne m’exonère, je l’ai dit, d’aucune responsabilité, d’abord parce que, pour le dire trivialement, ce n’est pas le genre de la maison, ensuite parce que ce n’est de toute façon pas possible lorsque l’on est Premier ministre.

J’essaie de m’exprimer avec calme et nuance, en ne cherchant jamais à simplifier ou à caricaturer, ce qui, selon les canons du débat public actuel, n’est pas toujours spectaculaire, il faut bien le reconnaître

Je n’ai jamais hésité à assumer des mesures que je savais impopulaires mais que je croyais bonnes. On a le droit de ne pas être d’accord avec ces mesures, mais assumer des mesures que l’on sait impopulaires a, me semble-t-il, une vertu démocratique.

Le président Marseille m’a interrogé sur notre ligne. Je crois avoir dit dans mon propos introductif combien le Gouvernement s’estimait tenu par les engagements pris par le Président de la République devant les Français et par les parlementaires de la majorité au moment des élections législatives. Notre objectif est de tenir le cap qui a été fixé à la majorité et au Gouvernement, en composant avec la réalité et en améliorant s’il le faut un certain nombre de mesures, mais sans renoncer à l’équilibre des finances publiques.

Les conditions du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances permettront d’avancer dans cette voie. Beaucoup de mesures ont été proposées ici. Parfois, on dépense beaucoup d’argent public en peu de mots ! Mais, souvent, on peine à déterminer où trouver les ressources qu’il conviendrait de mettre en face de ces mots…

Nous devrons donc veiller collectivement à assurer l’équilibre des finances publiques, pour éviter que la dette n’explose et que nous continuions à reporter sur les gouvernements, les majorités, les générations qui nous suivront une charge dont nul, in fine, ne pourra s’exonérer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, apaisement, débat, appel à la responsabilité et détermination à assurer la sécurité des Français : tel est le sens des mesures que j’ai annoncées et de la déclaration que j’ai faite. Je vous remercie très sincèrement de la qualité de ce débat.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur quelques travées du groupe Les Républicains. – MM. Hervé Marseille, Bernard Delcros et Jean-Michel Houllegatte applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Merci, monsieur le Premier ministre.

Nous en avons terminé avec le débat sur la déclaration du Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Hélène Conway-Mouret.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des crédits de la mission « Santé » (et articles 81 quater et 81 quinquies).

SECONDE PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, après ce moment très dense, républicain, nous reprenons l’examen des crédits de la mission « Santé » inscrits au projet de loi de finances pour 2019.

Ce budget s’inscrit dans la continuité de celui de 2018 en ce qui concerne la structuration de la mission et le montant des crédits alloués.

Ces derniers sont en augmentation de 3, 5 % et atteindront plus de 1, 4 milliard d’euros en 2019. Ils ne représentent toutefois, vous le savez, qu’une petite partie des financements que les pouvoirs publics consacrent à la politique de santé et qui sont, pour l’essentiel, discutés dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il m’apparaît donc nécessaire de conserver à l’esprit, lors de l’examen de ces crédits, le champ plus vaste dans lequel ils s’inscrivent.

Je commencerai par évoquer le programme 204, consacré à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l’offre de soins.

Les grandes masses de ce programme, doté de près de 500 millions d’euros, sont relativement stables. Plus des deux tiers des crédits sont consacrés aux quatre agences sanitaires financées par ce budget, c’est-à-dire l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, l’Agence nationale de santé publique, l’ANSP, l’Institut national du cancer, l’INCa, et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES.

Ces crédits progressent en 2019 de 2, 4 millions d’euros, ce qui permet de consolider les moyens de ces quatre structures.

Le périmètre des opérateurs concernés n’a pas évolué, la loi de finances de 2018 ayant mis en œuvre les dernières opérations de décroisement des crédits de l’État et de l’assurance maladie, avec le transfert à l’assurance maladie des dotations de l’Agence de la biomédecine et de l’École des hautes études en santé publique.

J’ai senti une certaine réserve, au travers de vos propos, sur les crédits de prévention du programme 204. Ils s’élèvent à 89 millions d’euros ; en légère progression, ils sont consacrés, pour l’essentiel, à la dotation de l’Agence nationale de santé publique.

Il faut toutefois, pour apprécier l’évolution des moyens que nous consacrons à la prévention, considérer l’ensemble des financements disponibles, quel qu’en soit le support. On constate alors que ces moyens augmentent de façon significative. Toutes les décisions que j’ai prises vont en effet dans le sens d’une progression des crédits consacrés à la prévention.

Ainsi, les crédits du Fonds national de prévention, d’éducation et d’information sanitaire, le FNPEIS, gérés par la CNAM, vont augmenter de 20 % par rapport à la période précédente dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion 2018-2022, pour s’établir à 379 millions d’euros.

Les crédits du Fonds de lutte contre le tabac, alimenté par la taxe sur les distributeurs, se sont élevés à 100 millions d’euros en 2018, contre 30 millions d’euros en 2017. Ils vont maintenant couvrir d’autres addictions que le seul tabac.

Les crédits du fonds d’intervention régional, le FIR, qui porte notamment les actions de prévention menées par les agences régionales de santé, s’élevaient à 515 millions d’euros en 2017. Ils ont augmenté de 3, 3 % en 2018 et augmenteront encore de 4, 8 % en 2019.

Enfin, les crédits du Fonds national de prévention des accidents du travail, consacrés à des aides incitatives à la prévention pour les entreprises, vont doubler, passant de 50 millions à 100 millions d’euros dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion 2018-2022.

Vous l’aurez compris, tous ces crédits sont au service des priorités de la politique de prévention telles que définies dans le plan national de santé publique présenté par le Premier ministre le 26 mars dernier, que nous avons appelé « plan Priorité prévention ».

La mise en œuvre de cette politique sera soutenue par le déploiement, d’ores et déjà en cours, du service sanitaire : 47 000 étudiants consacreront ainsi une partie de leur temps de formation à des actions de prévention dans tous les milieux, notamment auprès des jeunes. C’est l’occasion à la fois d’ancrer la culture de prévention chez ces futurs professionnels de santé et de démultiplier, au plus près du terrain, l’impact de l’éducation à la santé.

Le programme 204 porte également les dépenses d’indemnisation des victimes de la dépakine. Comme vous le savez, ce dispositif d’indemnisation est conduit par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, l’ONIAM.

Les deux instances d’expertise – le collège d’experts et le comité d’indemnisation – ont achevé de mettre en place leurs outils et méthodes de travail. Les premiers avis d’indemnisation pourront ainsi être rendus avant la fin de l’année 2018, et le nombre de décisions au bénéfice des victimes progressera de façon très significative en 2019.

Les crédits inscrits à ce budget et les reports d’un exercice sur l’autre qui interviendront à hauteur de plus de 30 millions d’euros garantiront un financement de l’ONIAM cohérent avec les demandes d’indemnisation.

Le Gouvernement soutiendra l’amendement des sénateurs du groupe La République En Marche, qui ont par ailleurs souhaité vous proposer d’améliorer le dispositif d’indemnisation en permettant le réexamen des demandes d’indemnisation ayant fait l’objet d’un rejet lorsque l’évolution des connaissances scientifiques le justifie.

Le deuxième programme de la mission, le programme 183, est consacré pour l’essentiel à l’aide médicale de l’État, l’AME.

Je suis, vous le savez, très attachée à la préservation de ce dispositif, qui est à la fois un dispositif humanitaire, conforme à nos valeurs républicaines, et un dispositif sanitaire nécessaire, répondant à un intérêt de santé publique pour tous nos concitoyens. Les crédits qui y sont consacrés augmentent ; ils s’élèveront, en ce qui concerne l’AME de droit commun, à 893 millions d’euros en 2019, en ligne avec la progression attendue des effectifs, même si, en la matière, la prévision demeure très complexe.

Il n’est pas inutile de le préciser une nouvelle fois, ces crédits servent à financer des prestations de santé dispensées, pour l’essentiel, par les hôpitaux de notre pays et permettent donc d’éviter que les établissements de santé ne supportent seuls la charge correspondante. Toute diminution de ces crédits, comme proposée par votre commission des finances à travers un amendement, se traduirait par un report de charge sur les hôpitaux.

Comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer lors de l’examen du projet de loi de règlement de 2017, nous devons encore progresser en matière de connaissance des dépenses et des bénéficiaires de l’AME. C’est une de mes priorités. J’ai ainsi demandé à la CNAM de développer la qualité des remontées d’information. Ces données nous permettront de mieux analyser les flux et d’améliorer la prévision. La centralisation, en 2019, de l’instruction des demandes d’AME dans trois caisses – celles de Bobigny, de Paris et de Marseille – contribuera aussi à la connaissance plus fine du dispositif.

Je souhaite, pour terminer, évoquer le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, qui relève également du programme 183.

Les crédits du budget de l’État destinés à doter ce fonds sont reconduits. Cette dotation intervient au titre de l’État employeur, mais correspond également à l’exercice d’une solidarité nationale à l’égard des victimes non professionnelles, qu’elles soient environnementales ou familiales, par exemple. Il s’agit bien évidemment d’une contribution annexe pour le FIVA, lequel est financé principalement, au titre de l’exposition professionnelle, par la branche accidents du travail-maladies professionnelles de la sécurité sociale. À cet égard, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoit de doter le fonds de 260 millions d’euros, ce qui permettra de lui assurer sans difficulté un niveau prudentiel suffisant.

Tels sont, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, les principaux axes d’un budget dont vous aurez compris qu’il se caractérise par sa stabilité et la continuité des programmes qu’il soutient.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Santé », figurant à l’état B.

En euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Santé

Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

Dont titre 2

1 442 239

1 442 239

Protection maladie

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° II-35, présenté par M. Joyandet, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

Protection maladie

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Cet amendement vise à diminuer de 300 millions d’euros les crédits de l’aide médicale de l’État.

Nous ne sommes pas les horribles méchants qui ne veulent pas que l’on soigne les immigrés en situation irrégulière et font courir à notre pays des risques épidémiologiques, comme j’ai pu l’entendre dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Il s’agit simplement d’essayer de trouver une cote mal taillée pour revenir à des inscriptions budgétaires cohérentes.

Mes chers collègues, il ne peut y avoir un programme dont l’augmentation des crédits échapperait à tout débat. Or il en est ainsi depuis 2012 pour les crédits destinés à l’AME, qui, cette année, augmentent encore de 50 millions d’euros.

Voilà seulement quelques années, l’AME était dotée de moins de 600 millions d’euros. Que je sache, les personnes concernées étaient soignées. Peut-être faisait-on simplement un peu plus attention… Présidant bénévolement depuis vingt-trois ans un hôpital départemental, je ne pense pas avoir de leçons à recevoir en matière de générosité, d’accueil ou d’humanisme. Me faire un tel procès serait injuste.

Nous sommes dans une discussion budgétaire. L’actualité le montre, un certain nombre de nos concitoyens peinent à boucler leurs fins de mois… Il ne s’agit pas d’opposer les uns aux autres, mais tout se passe comme s’il n’y avait pas de limite budgétaire pour l’AME, alors même que l’on rabote tous les ans les dotations du programme 204, consacrées aux agences nationales.

Mme la ministre le conteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Mes chers collègues, nous avons hésité à proposer le rejet des crédits en raison de cette augmentation totalement démesurée. Nous avons finalement préféré présenter un amendement raisonnable, qui permettra d’assurer une aide médicale de l’État fidèle à la tradition française, tout en appelant l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’une refonte du dispositif de l’AME.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, mais je voudrais donner quelques éclaircissements à l’adresse de nos concitoyens, qui entendent assez souvent un tel discours, au Sénat comme à l’Assemblée nationale.

Le panier de soins couvert par l’AME est beaucoup plus restreint que celui de la CMU-C, par exemple. Contrairement à ce que j’ai entendu dire, aucun soin de confort n’est pris en charge par l’AME. En particulier, les médicaments faisant l’objet d’un remboursement à hauteur de 15 % ne sont pas pris en charge. Seuls le sont les médicaments remboursés à 30 % ou à 60 % par l’assurance maladie, c’est-à-dire les plus indispensables. Il s’agit donc du panier de soins le plus réduit de tous ceux couverts par la sécurité sociale.

J’entends l’argument selon lequel il faudrait réserver l’aide médicale de l’État aux soins les plus urgents et au traitement des pathologies les plus graves. En tant que médecin, je ne connais pas de maladie dont le traitement coûte moins cher quand le patient est soigné en urgence, après que son état clinique s’est dégradé. Si votre proposition devait être adoptée, cela aboutirait à une augmentation des dépenses, pour assurer la prise en charge de patients en réanimation, qui auront besoin de traitements plus longs, plus lourds. Cela signifierait faire fi de toute la politique de prévention des risques que nous menons. Or la prévention coûte moins cher que les soins. Médicalement, l’argument ne tient pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Je ne l’ai pas avancé, madame la ministre !

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Bien évidemment, je comprends votre volonté de réduire les coûts. Nous essayons de rationaliser les dépenses, de mieux connaître les bénéficiaires de l’AME, d’avoir un meilleur pilotage du dispositif. Nous avons ainsi décidé de centraliser sa gestion sur trois caisses et nous nous efforçons d’obtenir des remontées d’information très robustes, mais réserver cette enveloppe aux soins urgents reviendrait, en définitive, à augmenter le coût global pour nos hôpitaux.

Pour ces raisons, je ne peux qu’être défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Bien évidemment, je voterai cet amendement.

Madame la ministre, pendant des années, j’ai été rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration ». J’ai souvenir d’un débat en commission des finances avec Marisol Touraine, voilà maintenant cinq ans. Quand je lui ai expliqué que, au rythme où il progressait, le coût de l’AME s’approcherait du milliard d’euros à un horizon de cinq années, elle a poussé des hurlements en réponse, m’accusant d’alarmisme et m’assurant qu’elle allait prendre des mesures de rationalisation, tout en maintenant à peu près les mêmes prestations.

Finalement, il ne s’est rien passé. Les crédits ont continué d’augmenter systématiquement, tous les ans, pour les excellentes raisons que vous avez rappelées. Certes, il est préférable de soigner au fil de l’eau qu’en urgence.

Mais le vrai sujet, madame la ministre, c’est que le nombre de sans-papiers, d’étrangers en situation irrégulière augmentant, la charge de l’AME augmente de facto. D’un côté, la ministre de la santé nous dit qu’il faut bien les soigner, puisqu’ils sont présents sur notre sol ; de l’autre, le ministre de l’intérieur, interrogé sur la faiblesse du taux de reconduites à la frontière effectives et sur le nombre croissant d’immigrés en situation irrégulière, nous répond que peu de moyens sont consacrés à l’exécution des décisions de justice. La représentation nationale se trouve dès lors en quelque sorte prise en étau : en somme, il nous faut accepter que, année après année, les dépenses continuent d’augmenter à ce rythme…

Je voterai cet amendement d’appel, sans me faire aucune illusion sur le sort qui lui sera réservé à l’Assemblée nationale. Il s’agit de demander au Gouvernement de faire preuve d’un peu de cohérence. Il est bien de faire des efforts de rationalisation ; poursuivez-les.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Monsieur le rapporteur, votre amendement est équilibré. Je n’en critique nullement le fondement. Il ne s’agit pas d’opposer les questions budgétaires aux sentiments humains.

Cela étant dit, nous sommes partagés sur ce sujet. Pour en avoir discuté avec le directeur de l’agence régionale de santé des Hauts-de-France, je dois bien admettre qu’il existe des risques d’épidémie liés à l’immigration illégale, à la concentration de clandestins dans ce que l’on a pu appeler la « jungle ».

La vraie question, ce n’est pas l’AME, mais l’immigration illégale. Je comprends bien la portée symbolique de cet amendement, mais comprenez de votre côté que l’on puisse être légitimement partagé sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

M. Bernard Jomier. Un amendement d’appel n’est pas fait pour être voté.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Bien sûr que si ! L’Assemblée nationale le supprimera.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Un amendement d’appel, c’est fait pour être discuté !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Si, monsieur Karoutchi. C’en est même la définition. Cet amendement est d’autant moins destiné à être adopté que cela conduirait à une insincérité budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Si vous voulez réduire la charge financière de l’AME, il faut revoir le contenu du panier de soins. Or, comme la ministre l’a souligné, les soins dits de confort en sont déjà exclus. Si vous restreignez le panier de soins de l’AME, nous le paierons par la suite, en termes à la fois budgétaires et de santé publique.Faites un peu confiance à la commission des affaires sociales, je vous prie ! On ne peut traiter de la question du coût budgétaire de l’AME sans discuter du périmètre des soins couverts. Ouvrons le débat sur ce point et je vous garantis que, comme vous êtes de bonne foi, vous serez convaincus.

Il n’y a pas, d’un côté, ceux qui se préoccupent seulement de santé publique, et, de l’autre, ceux qui se préoccupent uniquement de la bonne gestion de l’argent public : celle-ci nous importe tout autant qu’à vous, monsieur le rapporteur spécial. Votre amendement soulève une question tout à fait légitime, mais ce n’est pas par là qu’il faut commencer. On ne peut pas, en responsabilité, l’adopter en se disant que l’Assemblée nationale remettra de toute façon les choses en ordre ; ce n’est pas la conception que je me fais de notre travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Chaque année, nous avons le même débat, et chaque année, nous votons par scrutin public sur un tel amendement.

Je fais partie de ceux qui sont opposés à la réduction des crédits de l’aide médicale de l’État, pour mille et une raisons, dont celles que vous avez évoquées, madame la ministre. Notre groupe est partagé : certains d’entre nous voteront pour son adoption, d’autres contre et d’autres encore s’abstiendront.

Je le redis chaque année, on recense 1, 8 million de faux numéros INSEE, engendrant une fraude documentaire de 14 milliards d’euros via le logiciel SANDIA – Service administratif national d’immatriculation des assurés. Cet argent serait beaucoup plus à sa place dans votre budget, madame la ministre… Le constat est posé depuis au moins cinq ans, mais rien, absolument rien, n’a été fait. Votre prédécesseur m’avait annoncé la suppression de 5 000 faux numéros, sur 1, 8 million : vous en conviendrez avec moi, le compte n’y est pas ! Cet argent doit revenir dans les caisses de votre ministère : nous pourrons alors discuter de l’aide médicale de l’État de façon beaucoup plus sereine.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Comme l’a souligné Roger Karoutchi, les crédits de cette mission sont en réalité liés à ceux de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Quand j’entends certains d’entre nous, j’ai l’impression que « circulez, il n’y a rien à voir » est le mot d’ordre pour l’examen du budget de cette mission, d’année en année. Nous nous retrouverons l’an prochain pour constater que les crédits sont encore une fois en hausse et l’on nous expliquera qu’il faut les voter, sinon cela coûtera encore plus cher.

Or la sécurité sociale est un bien commun en péril, et les Français s’en rendent compte. Depuis quelques années, il est de plus en plus difficile, pour les citoyens français, de trouver un médecin traitant, des médicaments, des spécialistes…

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Dans mon département, on demande aux familles d’amener les médicaments pour leurs proches en réanimation. On en est là, aujourd’hui, en France ! Des hôpitaux ferment dans certains territoires…

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Le rapport, ma chère collègue, c’est que la générosité ne peut être infinie. Le bien commun qu’est la sécurité sociale, c’est le fruit du labeur des Français, année après année. C’est une construction fragile, qui prend eau de toutes parts.

Il est urgent de déterminer comment on dépense l’argent public, y compris en matière de santé, et de regarder les erreurs du passé.

En juillet 2014, dans cette assemblée, certains ont voté une loi scélérate sur les produits structurés, qui ont coûté environ 3 milliards d’euros aux hôpitaux. Nous sommes le seul pays à avoir voté une loi invalidant une décision de justice : les hôpitaux continuent de payer pour les emprunts toxiques, alors que les banques ont été exonérées de toute responsabilité !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je voudrais d’abord dire à Mme Goulet que les 14 milliards d’euros de fraude documentaire auxquels elle a fait allusion ne sont pas uniquement liés à la santé ; celle-ci n’en représente qu’une infime partie. Il me semble extrêmement important de le souligner. Ce montant est en outre à comparer aux 50 milliards d’euros de fraude fiscale.

Il est vrai que consacrer quelques centaines de millions d’euros à l’aide médicale de l’État dans le contexte actuel, quand certains de nos concitoyens manifestent parce que leur niveau de vie baisse, peut sembler quelque peu provocateur. Pour ma part, je trouve que c’est particulièrement courageux.

Mettez-vous à la place des personnels soignants : si les crédits de l’AME sont réduits, comme le demandent Alain Joyandet et la commission des finances, vont-ils laisser mourir un enfant atteint d’une bronchiolite si ses parents n’ont pas les moyens de payer ?

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial, s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Imaginez que se présente un patient atteint de tuberculose, maladie qui peut se propager d’autant plus facilement que la vaccination a été abandonnée voilà quelques années. Que va faire le médecin ? Il le soignera, que ce soit en cabinet ou à l’hôpital. Si ce patient ne bénéficie pas de l’AME, qui va payer ? La sécurité sociale ou le budget de l’hôpital. De toute façon, quelqu’un paiera, et le budget de l’hôpital ou celui de la sécurité sociale sera sollicité.

Pour avoir un peu exercé la médecine au siècle dernier, je puis vous dire que plus on laisse la maladie évoluer, plus soigner le patient coûte cher.

Je sais que ces arguments ne suffiront pas à convaincre les tenants de la rigueur financière. Celle-ci est nécessaire, certes, mais les professionnels de santé se sont engagés à soigner l’humain, quel qu’il soit, Français, Français aux moyens limités, étranger en situation irrégulière…

Le problème, ce n’est pas l’AME, c’est la lutte contre l’immigration clandestine. À cet égard, comme le disait Charles Pasqua, si l’on veut lutter efficacement contre l’immigration, et en particulier contre l’immigration clandestine, il faut aider les pays d’origine, pour que les gens s’y sentent mieux.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

J’irai tout à fait dans le sens d’Alain Milon et de Mme la ministre. Il est ici question de l’AME, et non de la politique migratoire de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

C’est lié de manière indirecte, mais nous sommes en train de parler de politique de santé, de soins dispensés à des patients. Cela a été dit à plusieurs reprises, une maladie prise en charge tardivement coûte beaucoup plus cher à la société.

La commission des finances me semble plus soucieuse d’obtenir un effet d’affichage que de régler un problème de fond. J’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que la commission des affaires sociales a unanimement rejeté cet amendement.

Confondre le budget de la sécurité sociale et les problématiques de l’AME, c’est poser un faux problème. Certes, monsieur Meurant, la sécurité sociale est un bien commun, mais ce n’est pas l’AME qui est responsable du trou de la sécurité sociale, de la fermeture des hôpitaux, du manque de médecins. Mon cher collègue, si vous voulez être logique, ne votez pas les projets de loi de financement de la sécurité sociale qui nous sont proposés !

Selon moi, il est très important de maintenir l’AME, pour la santé des personnes prises en charge à ce titre et, d’une manière générale, pour la santé des populations. Sinon, c’est la porte ouverte à des épidémies.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Mon collègue du groupe socialiste et républicain Bernard Jomier, le président Alain Milon et Mme la ministre ont exposé des arguments très solides en faveur du rejet de cet amendement. Sans les reprendre, je veux exprimer ici mon opposition résolue à une telle proposition, non pour donner une leçon de morale ou d’humanité à quiconque, mais pour exprimer une divergence politique profonde.

Mes chers collègues, mesurons l’impact de ce débat sur l’AME, dans le contexte actuel de révolte, de manifestations sur l’ensemble du territoire français contre la baisse du pouvoir d’achat. Nous entendons trop souvent des allusions aux avantages qui seraient octroyés aux étrangers de façon privilégiée.

Ayons le courage politique – ce n’est pas une question de générosité ou de charité – de ne pas restreindre les droits, de préserver la santé de celles et ceux, adultes ou enfants, que nous accueillons sur notre territoire. Nous devons avoir ce courage pour le bien-être non seulement de ces personnes, au nom d’une tradition humanitaire déjà évoquée, mais aussi de l’ensemble des habitants de notre territoire, la santé publique ne devant jamais être perdue de vue.

Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. François-Noël Buffet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Chaque fois que nous avons eu à débattre dans cet hémicycle de la politique migratoire, la problématique de l’AME a été évoquée.

Le budget de l’AME pour 2019 sera de 5 % supérieur à celui de 2018. Depuis 2011, le nombre de bénéficiaires de l’aide médicale de l’État a plus que doublé. Telle est la réalité.

Je n’entrerai pas dans le débat médical. Chacun en est bien convaincu, les enjeux sanitaires sont importants, mais la question de l’instauration d’une participation financière des bénéficiaires de l’AME, aussi modeste soit-elle, se pose ; c’est l’objet de l’amendement n° II-43 de la commission des finances. Sauf erreur de ma part, une telle participation avait été mise en place en 2011, puis supprimée par le premier gouvernement de M. François Hollande. C’est bien dommage ! En effet, outre qu’elle est utile sur le plan budgétaire, elle responsabilise les bénéficiaires des soins.

Pour ma part, je ne souhaite pas forcément un partisan à tout crin de la réduction du budget de l’AME. Je pense que le vrai problème est la politique migratoire et la gestion de l’immigration irrégulière. En revanche, je suis très favorable à la création d’une participation financière, pour responsabiliser les gens qui reçoivent les soins. N’oublions jamais que, en matière de recours à l’AME, il existe des réseaux qui jouent un rôle peu sympathique… Il convient de traiter ce problème dans le cadre des politiques migratoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Le groupe du RDSE votera contre cet amendement.

Certes, il est important de maîtriser les dépenses de santé est quelque chose d’important, mais, comme l’a dit M. Milon, d’un point de vue purement économique, cela suppose de traiter la maladie le plus tôt possible, sa prise en charge étant beaucoup plus coûteuse une fois qu’elle s’est aggravée : on le sait bien, une journée de réanimation coûte très cher.

Par ailleurs, vous ne verrez jamais un soignant refuser de recevoir quelqu’un qui se présente à la porte d’un service des urgences ou d’un cabinet médical. Les médecins n’en ont pas le droit, ils ont fait le serment de soigner tout le monde, quels que soient la couleur de peau, la religion, la situation administrative, le niveau social et économique. C’est aussi ce qui fait la grandeur de la politique de santé en France. Par conséquent, d’une manière ou d’une autre, qu’on le veuille ou non, les personnes dont il est question ici seront soignées.

Nous le savons tous, la santé a un coût, et ce coût sera répercuté sur le budget soit de l’hôpital, soit du professionnel de santé. On peut entendre qu’il faille maîtriser les dépenses et être vigilants à cet égard, mais il n’est pas non plus économiquement tenable de voter une réduction des crédits de l’AME sans en mesurer l’impact.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Pour que l’on comprenne notre démarche, il aurait sans doute fallu que je présente les deux amendements de la commission des finances en même temps. Avec votre autorisation, madame la présidente, j’évoquerai dès maintenant l’amendement n° II-43, ce qui nous permettra ensuite de gagner un peu de temps.

D’un côté, nous proposons de réduire de 300 millions d’euros les crédits du programme « Protection maladie » ; de l’autre, nous rétablissons un droit de timbre, c’est-à-dire une petite participation à la charge des bénéficiaires de l’AME.

Ces deux amendements sont cohérents : ils vont dans le sens d’une meilleure gestion de l’AME, dispositif qui donne lieu, personne ne peut le nier, a de nombreux abus et constitue, par ailleurs, un véritable appel d’air pour l’immigration clandestine.

Pour bénéficier de l’AME, il faut pouvoir justifier de trois mois de résidence irrégulière en France ; une fois délivrée l’attestation de la préfecture, on peut se rendre à l’hôpital pour recevoir gratuitement les soins que l’on veut.

Mon cher collègue Daudigny, vous déploriez entendre affirmer par des manifestants que l’on donnerait plus aux étrangers qu’aux Français. Eh bien oui, c’est parfois le cas ! §Mais bien sûr que si ! On devrait pouvoir tenir un langage de vérité sans être caricaturé ! C’est toute la noblesse de notre débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Personne ici ne veut qu’on laisse mourir un enfant atteint de bronchiolite ! Nous sommes tous d’accord pour maintenir la tradition humaniste française. Simplement, cela fait trop longtemps que l’on augmente systématiquement chaque année les crédits de l’AME, sans compter, sans chercher à réguler, à mieux gérer. Mes chers collègues, y a-t-il une autre mission budgétaire dans ce cas ? Non ! M. le président de la commission des affaires sociales est dans son rôle ; la commission des finances aussi. Je refuse que l’on me fasse le procès d’être antisocial ou antihumaniste !

Ces deux amendements ne sont pas des amendements d’appel, monsieur Jomier. Quand nous avons mis en place un droit de timbre, le coût de l’AME est passé sous la barre des 600 millions d’euros ; je tiens les chiffres à votre disposition. Pour autant, des enfants d’immigrés en situation irrégulière sont-ils morts d’une bronchiolite, faute de soins ? Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Par pitié, ne nous faites pas de procès en humanisme ! Bien évidemment, je maintiens cet amendement raisonnable.

Vous pouvez considérer, madame la présidente, que l’amendement n° II-43 a été défendu.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Les dépenses augmentent, certes ; nous cherchons à les rationaliser et à lutter contre la fraude. Nous apportons ainsi de nombreuses modifications en matière d’accès à l’AME.

Il est tout à fait exact, monsieur le rapporteur spécial, que le nombre de demandes d’AME a diminué quand le droit de timbre a été introduit. En effet, les gens qui n’avaient pas les moyens d’acquitter ce droit de timbre ne demandaient pas l’AME : ils ont attendu d’être très malades pour se présenter aux urgences, ce qui a abouti, de fait, à grever le budget des hôpitaux publics. Je tiens moi aussi les chiffres à votre disposition, monsieur le rapporteur spécial.

Par conséquent, instaurer un droit de timbre revient en pratique à restreindre le champ de l’AME à des soins urgents dispensés à des personnes très malades, comme vous souhaitez le faire au travers de l’amendement n° II-35, et ce sont les hôpitaux publics qui, de fait, payent la facture. Il s’agit donc là d’un transfert de charge.

Cela étant, nous devons lutter contre la fraude. Dans cette perspective, nous avons centralisé l’instruction des demandes d’AME dans trois caisses, de façon à mieux connaître les bénéficiaires, nous accroissons le nombre de contrôles et le taux de dossiers contrôlés, nous avons instauré des contrôles à chaque étape de la demande de soins et nous menons un travail avec le ministère de l’intérieur pour croiser les demandes d’AME et les demandes de visa, afin de nous assurer que des gens ne viennent pas en France uniquement pour se faire soigner. Il est tout à fait légitime de faire en sorte que des personnes ne viennent pas dans notre pays pour profiter du système.

Rétablir le droit de timbre est une très mauvaise idée. Le Gouvernement y est défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je mets aux voix l’amendement n° II-35.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 34 :

Nombre de votants341Nombre de suffrages exprimés306Pour l’adoption154Contre 152Le Sénat a adopté.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° II-962, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

dont titre 2

Protection maladie

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Le présent amendement vise à tirer les conséquences budgétaires de l’amendement n° II-762 de M. Amiel et plusieurs de ses collègues, qui sera examiné dans quelques instants et a pour objet d’améliorer le dispositif d’indemnisation des victimes de la dépakine, en prévoyant le réexamen de leur dossier si l’évolution des connaissances scientifiques le justifie.

Je suis bien entendu favorable à cet amendement, qui abonde le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » de 500 000 euros en minorant à due concurrence les crédits du programme 183 « Protection maladie ».

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Peut-être devrions-nous examiner en même temps l’amendement n° II-762, dont celui du Gouvernement n’est que la conséquence ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Monsieur le rapporteur spécial, l’amendement qui vient de nous être présenté par Mme la ministre porte sur les crédits, et non sur le texte. Nous devons donc examiner ces deux amendements séparément.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Soit, mais je serai néanmoins obligé d’évoquer l’amendement n° II-762 pour justifier notre position sur l’amendement du Gouvernement.

Il s’agit de rouvrir des droits pour les victimes de la Dépakine, très peu de dossiers d’indemnisation ayant été acceptés jusqu’à présent.

La commission des finances a émis un avis favorable sur l’amendement n° II-762, mais elle s’interroge sur le montant de 500 000 euros prévu à l’amendement n° II-962. Comment ce chiffrage a-t-il été établi, madame la ministre ? Dans l’attente de votre réponse, la commission des finances émet un avis de sagesse sur cet amendement qui lui a été communiqué la nuit dernière.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

L’amendement n° II-762, qui a été accepté par la commission des affaires sociales, vise à ouvrir aux victimes de la dépakine la possibilité de former un recours afin que leur dossier soit revu en cas d’amélioration des connaissances scientifiques.

Pour l’heure, assez peu de victimes de la dépakine ont été indemnisées. La méthode d’indemnisation est maintenant calée, les commissions se mettent en place et les premiers dossiers sont examinés en cette fin d’année 2018. Le dispositif montera en charge en 2019. Nous n’en sommes donc pas encore à devoir traiter des recours consécutifs à la progression des connaissances scientifiques. Le budget est relativement modéré, dans la mesure où il est peu probable qu’un grand nombre de personnes demandent à ce que leur dossier soit revu l’année prochaine : il faut déjà qu’il soit examiné une première fois.

Il s’agit de fait d’une activité de guichet : les commissions d’experts de l’ONIAM, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, instruisent les dossiers de demande d’indemnisation. Le dispositif pourrait monter en charge dans les années à venir, en fonction du nombre de dossiers examinés et de l’évolution des connaissances scientifiques, qui entraînerait des demandes de réexamen, mais ce chiffrage à 500 000 euros a été établi en tenant compte du fait que peu de dossiers seront étudiés en 2018 et en 2019.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Compte tenu des explications que vient de donner Mme la ministre, je prends le risque d’émettre un avis favorable sur cet amendement. Je pense que les membres de la commission des finances ne m’en voudront pas !

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Santé », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

Les crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

J’appelle en discussion les articles 81 quater et 81 quinquies ainsi que les amendements tendant à insérer des articles additionnels qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Santé ».

Santé

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° II-43, présenté par M. Joyandet, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Avant l’article 81 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – La section II du chapitre II du titre IV de la première partie du code général des impôts est complétée par un VII ainsi rédigé :

« VII : Aide médicale d’État

« Art. 963 bis. – Le droit aux prestations mentionnées à l’article L. 251-2 du code de l’action sociale et des familles est conditionné par le paiement d’un droit annuel par bénéficiaire majeur, dont le montant est fixé par décret. »

II. – Le premier alinéa de l’article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles est complété par les mots : «, sous réserve, s’il est majeur, de s’être acquitté, à son propre titre et au titre des personnes majeures à sa charge telles que définies ci-dessus, du droit annuel mentionné à l’article 963 bis du code général des impôts ».

III. – Le I et le II entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2019.

Cet amendement a été défendu.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je mets aux voix l’amendement n° II-43.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mes chers collègues, il convient de procéder à un pointage.

Dans l’attente du résultat, je vous propose de poursuivre la discussion des articles et des amendements.

Après le 21° du I de l’article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, il est inséré un 22° ainsi rédigé :

« 22° Prévention en santé. » –

Adopté.

Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 1er septembre 2019, un rapport sur la soutenabilité pour les finances publiques du dispositif prévu à la section 4 ter du chapitre II du titre IV du livre Ier de la première partie du code de la santé publique et sur la gestion de ce dispositif depuis son entrée en vigueur. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° II-762, présenté par MM. Amiel et Lévrier, Mme Schillinger, MM. Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro, Patient, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent, MM. Richard, Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Après l’article 81 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article L. 1142-24-15 du code de la santé publique, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Sous réserve que le premier avis de rejet n’ait pas donné lieu à une décision juridictionnelle irrévocable dans le cadre de la procédure mentionnée au dernier alinéa, un nouvel avis peut être rendu par le comité dans les cas suivants :

« 1° Si des éléments nouveaux sont susceptibles de justifier une modification du précédent avis ;

« 2° Si les dommages constatés sont susceptibles, au regard de l’évolution des connaissances scientifiques, d’être imputés au valproate de sodium ou à l’un de ses dérivés. »

La parole est à M. Martin Lévrier.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Je considère que cet amendement, qui a été brillamment évoqué par M. le rapporteur spécial et Mme la ministre, est défendu.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Avis favorable également.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 81 quinquies.

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Santé ».

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Le Sénat va examiner les crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » (et article 77 bis et 77 ter), « Crédits non répartis », « Action et transformation publiques », du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » (et articles 84 ter et 84 quater), de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d’affectation spéciale « Pensions ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Claude Nougein et moi-même nous sommes répartis les interventions sur les différents programmes, afin d’éviter toute redondance. Compte tenu du peu de temps de parole accordé aux rapporteurs spéciaux, nous vous renvoyons à notre rapport écrit.

Pour ma part, j’évoquerai l’administration fiscale, qui représente à elle seule les trois quarts des 10, 7 milliards d’euros de crédits de la mission, en diminution de 0, 7 %. Nous sommes à la veille d’un bouleversement inédit depuis des décennies, du moins si l’on en croit les ambitions affichées par le Gouvernement.

Le rapport du comité Action publique 2022 a donné le cap, l’objectif étant notamment de mettre en place à l’horizon 2022 une agence unique de recouvrement regroupant les missions de la DGFiP, de la douane et de l’URSSAF, ainsi que de généraliser les procédures dématérialisées, de réorganiser les implantations territoriales, dans une logique de séparation entre l’accueil physique et la gestion des dossiers, ou encore d’intensifier le recours au data mining dans le cadre de la programmation du contrôle fiscal.

Ces transformations auront, pour la DGFiP, des incidences sur ses effectifs et sur son organisation sans commune mesure avec les réformes de ces dernières années. Dans ses interventions prononcées les 11 juillet et 28 novembre derniers devant les cadres du ministère, le ministre de l’action et des comptes publics, M. Gérald Darmanin, n’a pas caché que ces transformations se traduiraient par d’importantes réorganisations et suppressions de postes.

Ces chantiers trouvent-ils une traduction dans le projet de budget qui nous est présenté pour l’année prochaine ? En un mot : non.

Certes, le projet de loi de finances n’a qu’une portée annuelle, et des chantiers de cette ampleur s’étendent évidemment sur plusieurs années, mais ils se préparent aussi en amont, et sont, pour certains, déjà lancés ; il est surprenant de n’en trouver aucune trace ou presque dans ce projet de budget. L’approche des élections professionnelles y est-elle pour quelque chose ?

Je ne voudrais pas, pour autant, sous-estimer l’effort consenti cette année encore par la DGFiP : 2 130 postes seront supprimés en 2019, soit un rythme comparable à celui des dernières années, exception faite de 2017 et de 2018, où 500 postes avaient été « préservés » dans le cadre de la mise en œuvre du prélèvement à la source. Cette année encore, Bercy est de loin le principal contributeur aux réductions d’effectifs dans la fonction publique d’État.

Mais, en réalité, ce budget apparaît bien davantage comme le « dernier des budgets précédents » que comme le « premier des suivants ». Je me limiterai à évoquer, à titre d’illustrations, la réorganisation territoriale, la pression croissante au sein des services et les systèmes d’information.

Premièrement, la navigation à vue se poursuit en matière de réorganisation territoriale. Des efforts ont été accomplis : 890 services comptaient moins de cinq agents en 2012, ils ne sont plus que 506 aujourd’hui ; des 42 services qui ne comptaient qu’un seul agent en 2012, il n’en reste plus que 6. Mais ce chantier reste mené de façon opportuniste, au gré des départs à la retraite et des mutations individuelles, sans stratégie d’ensemble et sans concertation avec les territoires et les autres administrations.

En pratique, chaque directeur est prié de « restituer » un certain nombre de postes chaque année pour respecter le schéma d’emplois. Tout cela manque de logique – 61 % des EPCI dépendent aujourd’hui encore de deux trésoreries ou plus – et de mutualisation : la DGFiP n’est présente que dans 250 maisons de services au public sur 1 200.

Dans ses interventions des 11 juillet et 28 novembre derniers, M. Gérald Darmanin a dit vouloir une « déconcentration de proximité ». Les territoires, les élus, les agents de la DGFiP, ont besoin de visibilité ; à l’avenir, il est impératif que l’administration se dote, en la matière, d’un schéma pluriannuel explicite, fixant un cap.

Deuxièmement, j’évoquerai la pression croissante au sein des services. En dix ans, les effectifs de la DGFiP ont diminué de 16 %, mais les tâches ont augmenté, et elles augmenteront encore avec le prélèvement à la source, la suppression de la taxe d’habitation, la mise en place du prélèvement forfaitaire unique, le PFU, et de l’IFI, l’impôt sur la fortune immobilière, la révision des valeurs locatives et l’accroissement du nombre d’entreprises. Il viendra un moment où, à missions inchangées, les agents ne seront plus en mesure de faire leur travail correctement. Là encore, le Gouvernement semble faire preuve d’une inquiétante légèreté, ou, à tout le moins, d’un sérieux manque de transparence au regard de ces échéances.

Troisièmement, je parlerai des systèmes d’information, clé de voûte des réformes structurelles qui s’annoncent. Les treize grands projets rattachés à la mission représentent un quart du coût total des grands projets de l’État, soit 608 millions d’euros. Le dérapage budgétaire est très préoccupant, avec un surcoût global de 95 %. À titre de mise en garde contre les erreurs de conception et la faiblesse du pilotage, en dépit du transfert et du rôle de la DINSIC, la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État, faut-il rappeler le précédent fâcheux de l’opérateur national de paie et des 346 millions d’euros dépensés en pure perte ?

Le budget informatique de la DGFiP a été divisé par dix en dix ans, et 80 % des dépenses d’investissement vont à la maintenance d’applications obsolètes, dont certaines datent des années quatre-vingt. Il y a une dizaine de « ruptures applicatives » dans la chaîne du contrôle fiscal.

Aucun des grands chantiers à venir ne pourra se faire sans rendre les systèmes interopérables et évolutifs. Peut-être faudra-t-il même tout recommencer de zéro, ou presque, tant les systèmes actuels sont hétérogènes, sédimentés et « défendus » par les services qui les ont conçus et qui les utilisent.

Dans le projet de budget qui nous est présenté cette année, aussi exigeant soit-il en matière de réductions du nombre de postes, un effort de clarification s’impose, monsieur le ministre.

J’en viens maintenant aux crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».

Un changement de logique dans le financement de la politique immobilière de l’État semble s’engager. Le constat d’un essoufflement du mode de financement historique, consistant à céder des biens pour construire et rénover, est partagé. Le déficit du compte, qui s’élève à 73 millions d’euros, en est la preuve.

Comme nos voisins européens, nous devons désormais envisager une valorisation de notre patrimoine immobilier. À cette fin, le Gouvernement envisage de mettre en location des biens non utilisés, mais dont la vente n’est pas envisageable. Sans doute, monsieur le ministre, pourrez-vous nous préciser davantage les contours de ce projet.

Cette orientation nouvelle pourrait notamment prendre la forme de la création d’une foncière publique, qui recevrait ces biens afin de les valoriser. Le cas échéant, quel serait le devenir de la foncière existante – je veux parler de la SOVAFIM, la société de valorisation foncière et immobilière ?

De façon très concrète, nous avons identifié des cas pour lesquels la constitution d’une foncière publique, non exclusivement orientée vers la production de logements sociaux, pourrait présenter un réel avantage.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Tel est en particulier le cas de l’immobilier pénitentiaire : pour atteindre les objectifs de rénovation et de création de 7 000 places supplémentaires de prison, il serait pertinent de recourir à une structure de portage afin de lisser les coûts.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je traiterai pour ma part du budget de la douane.

Depuis trois ans, la Direction générale des douanes et droits indirects, la DGDDI, fait exception au sein de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » : ses crédits et ses effectifs augmentent. Les crédits s’établissent à 1, 6 milliard d’euros pour 2019, en hausse de 2, 6 %.

La douane se prépare en effet pour le Brexit : quelle que soit l’issue des négociations, toutes ses missions seront concernées, du contrôle des voyageurs et des marchandises aux missions fiscales, notamment lors de la détaxe. Les effectifs seront affectés en priorité aux grandes frontières que nous avons avec le Royaume-Uni, dans les ports de la Manche, bien sûr, à la gare du Nord, mais aussi dans tous les petits aéroports régionaux du Sud-Ouest.

Dans ce contexte, 250 postes supplémentaires seront créés en 2019, ce solde net se déclinant en 350 créations au titre du Brexit et en 100 suppressions au titre de la modernisation de la douane. Ces créations de postes viennent s’ajouter à celles des deux années précédentes, et marquent un changement d’époque par rapport aux années de l’« après-Maastricht ».

La deuxième grande priorité de la douane pour 2019 est le soutien aux buralistes et la lutte contre la contrebande de tabac, deux actions d’autant plus nécessaires que le Gouvernement a décidé de porter progressivement le prix du paquet de cigarettes à 10 euros.

Le nouveau protocole 2018-2021, signé avec les buralistes en février, se traduit par 111 millions d’euros de crédits d’intervention supplémentaires, dont une partie destinée à abonder un « fonds de transformation » dédié au développement de nouveaux services de proximité. Je voudrais souligner ici le rôle que jouent les buralistes dans nos territoires, où ils sont parfois les derniers commerçants. À cet égard, l’article 63 du PLF, qui permettra à la DGFiP d’externaliser l’encaissement des espèces, avec un objectif « zéro numéraire » en 2022, pourrait être l’occasion pour les buralistes de diversifier leurs activités, par exemple dans le cadre d’un partenariat avec La Poste.

Le nécessaire pendant de cette politique est une action résolue contre la contrebande. La douane travaille à la mise en place d’un système de traçabilité indépendant des fabricants.

Cela m’amène, plus généralement, à évoquer l’action de la DGDDI en matière de lutte contre les trafics. Les résultats sont bons, quoique très variables d’année en année. On peut toutefois regretter que les indicateurs de performance reposent sur des seuils permettant de définir des « dossiers à enjeu ». Cela incite les douaniers à se concentrer sur les fraudes les plus graves, en laissant de côté les autres. Cette méthode n’apparaît pas adaptée à l’un des grands défis actuels que doit relever la douane : l’essor du e-commerce, caractérisé par une multitude de petits envois représentant chacun un faible risque ou enjeu, mais dont l’ensemble est, au total, très important.

Enfin, en 2019, la douane achèvera le renouvellement de ses moyens opérationnels. Sa flotte aérienne est maintenant au complet, et trois des sept nouveaux avions Beechcraft sont déjà opérationnels. S’agissant du renouvellement des hélicoptères, la douane a finalement fait le même choix que la sécurité civile avant elle : pour trois d’entre eux, dont deux sont basés aux Antilles, elle a opté pour la location, un choix dicté avant tout par les coûts de maintenance. L’avenir dira s’il s’agit d’une décision budgétaire avisée.

Voilà pour les perspectives immédiates. Cela étant, la douane est, comme la DGFiP, engagée dans une transformation de long terme de son organisation et de ses missions. Les progrès de la dématérialisation et de l’exploitation des données, la mise en œuvre du nouveau code des douanes de l’Union et du « droit à l’erreur » et, surtout, la mise en place de l’agence de recouvrement auront des conséquences majeures sur l’organisation de la DGDDI.

Ces transformations ne devraient toutefois pas avoir l’ampleur de celles de la DGFiP, ne serait-ce que parce que la douane, avec 17 000 agents, est une « petite » administration. Quelque quarante-quatre fusions ont eu lieu depuis 2015, selon un plan stratégique qui devrait s’achever en 2020.

J’aborderai maintenant la mission « Action et transformation publiques ».

Les enjeux budgétaires sont d’une moindre envergure, mais cette mission revêt une importance politique cruciale, puisqu’elle constitue un vecteur budgétaire du plan « Action publique 2022 ». Toutefois, les fonds prévus servent avant tout à légitimer cette démarche ; en pratique, cette mission comporte essentiellement des crédits dédiés à la rénovation des cités administratives. Ce programme répond à un besoin réel : nous connaissons tous, dans nos préfectures, l’état des cités administratives, qui sont rarement des œuvres architecturales remarquables.

Nous attirons néanmoins l’attention sur deux éléments : tous les projets ne pourront pas être financés et un lien direct est opéré avec la réforme des services déconcentrés de l’État, dans une perspective de rationalisation et de mutualisation.

Je conclurai par quelques mots sur la mission « Crédits non répartis ».

Le projet de loi de finances prévoit un montant total de 177 millions d’euros pour les deux programmes de cette mission. La dotation dédiée au programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles » est maintenue à son niveau de 2018, soit 124 millions d’euros de crédits de paiement.

Les 53 millions d’euros qui restent inscrits au titre du programme « Provision relative aux rémunérations publiques » me laissent en revanche plus circonspect. Une partie des crédits initiaux ont certes été répartis en seconde délibération à l’Assemblée nationale, mais pas ceux concernant la revalorisation du barème de monétisation des jours épargnés sur un compte épargne-temps. Pourtant, le rendez-vous salarial a eu lieu il y a cinq mois !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

Quand comptez-vous répartir ces crédits dans les différentes missions, monsieur le secrétaire d’État ?

Sous réserve de ces observations, je propose au Sénat de voter les crédits de cette mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Vermeillet

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la contribution de l’État aux régimes sociaux et de retraite s’élève à 6, 28 milliards d’euros. Elle est nécessaire pour couvrir les deux tiers des retraites versées par les caisses des régimes spéciaux, principalement ceux de la SNCF, pour 3, 3 milliards d’euros, de la RATP, pour 736 millions d’euros, des marins, pour 815 millions d’euros, et des mines, pour 1, 1 milliard d’euros.

Les besoins de financement de ces régimes proviennent des déséquilibres démographiques résultant d’un nombre de cotisants très inférieur à celui des pensionnés. Dans le régime général, on compte 1, 3 actif pour un pensionné, contre 0, 65 à la SNCF et 0, 85 à la RATP.

La contribution de l’État couvre également des avantages dérogatoires. L’âge de départ est de 52 ans pour les agents de conduite de la SNCF, et la durée de service d’une pension atteint 40 ans à la RATP, soit plus que la période d’activité.

La revalorisation des retraites au 1er janvier 2019 va coûter 30 millions d’euros ; la non-indexation des pensions sur l’inflation représente toutefois une économie de 100 millions d’euros.

Le compte d’affectation spéciale « Pensions » bénéficie de la sous-revalorisation des retraites. Compte tenu des charges, qui s’élèvent à 59 milliards d’euros, l’effet est très significatif, avec une économie de 600 millions d’euros par point d’inflation non pris en compte. En l’absence de revalorisation générale du point d’indice et du fait de la hausse du nombre de contractuels – 11, 8 % des effectifs en 2006, contre 16, 5 % aujourd’hui –, les recettes augmentent peu.

Malgré tout, le solde du compte d’affectation spéciale est largement positif, à 1, 6 milliard d’euros ; à la fin de l’exercice budgétaire, les excédents cumulés s’élèveront à plus de 8 milliards d’euros, car, ces dernières années, les cotisations salariales des fonctionnaires ont davantage augmenté que la charge employeur, alimentant ainsi l’excédent.

Globalement, les soldes financiers des régimes couverts par le compte d’affectation spéciale devraient demeurer positifs – ils le sont dans tous les scénarios – à l’horizon de 2070, au contraire du solde du régime général, qui ne pourra l’être que si la croissance est supérieure à 1, 5 % par an.

Les perspectives financières à long terme induisent une réduction du taux de rendement des cotisations du fait de l’allongement de la vie active, qui réduit la valeur actualisée des droits, et de la décorrélation entre les droits à pension et la croissance économique.

Sans surprise, dans un tel contexte, le niveau de vie des retraités de la fonction publique recule par rapport à celui de la population active. La perspective du taux de remplacement n’est pas sans poser problème, puisqu’elle incite les intéressés à accroître leur effort d’épargne, avec probablement des effets assez discriminants selon les niveaux de revenu d’activité et la composition des familles.

Pour les régimes spéciaux, le rééquilibrage des comptes suppose que les anciennes réformes portent leurs fruits, en particulier le relèvement de l’âge de départ effectif à la retraite, pour la SNCF et la RATP.

L’adoption du pacte ferroviaire entraîne la création d’un nouveau régime spécial de retraite SNCF. Le déficit de ce nouveau régime va d’abord se creuser, car il n’y aura plus de nouveaux cotisants, et les besoins d’équilibre vont augmenter. À très long terme, le déficit s’effacera de lui-même avec la diminution naturelle du nombre de pensionnés.

L’un des objectifs de la réforme des retraites est, dit-on, d’instaurer un système plus juste. Le principe d’uniformité des rendements contributifs nécessitera néanmoins le maintien d’un certain niveau de solidarité, ce qui, finalement, nous ramènera à une situation assez proche de l’existant.

La question de la transition entre les deux systèmes est fondamentale : quelle en sera la durée ? Que fera-t-on des excédents ou des déficits des différents régimes actuels ? Les uns compenseront-ils les autres ? Comment prendra-t-on en compte la pénibilité ou la dangerosité de certains métiers – je pense notamment aux militaires ou aux gendarmes ? Comment prendra-t-on en compte les différentes situations familiales ? Que vont devenir les actuels gestionnaires des retraites appelés à se regrouper en une seule entité ? Les personnels seront-ils déplacés ? Les sites de province seront-ils abandonnés? Comment sera pilotée la valeur fondamentale du point dans le futur système ? Comment convaincre les fonctionnaires que leur salaire net actuel doit baisser pour une meilleure retraite ?

Je n’ai pas la réponse à ces questions, et l’échéance de juin 2019 annoncé par le Gouvernement pour y répondre me paraît bien proche.

Pour conclure, malgré ces interrogations lourdes de conséquences, et compte tenu de la nécessité de l’équilibre du compte d’affectation spéciale « Pensions » et des actuels besoins de la mission « Régimes sociaux et de retraite », je vous propose, mes chers collègues, d’adopter les crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen des crédits de ces missions me donne l’occasion de rappeler deux messages qu’a portés, cet automne, la commission des affaires sociales du Sénat en matière de retraite, bien avant que l’on ne voie les retraités manifester.

Le premier concerne la principale économie budgétaire proposée par le Gouvernement, à savoir la sous-revalorisation de l’ensemble des prestations sociales, au premier rang desquelles les pensions de retraite : elles ne progresseront que de 0, 3 % en 2019 et en 2020. Dans le contexte d’une reprise de l’inflation, c’est véritablement insoutenable.

Cette mesure, qui rapportera, en 2019, 2, 4 milliards d’euros dans le champ de la sécurité sociale, engendrera également 800 millions d’euros d’économie pour le budget de l’État, principalement au titre des dépenses de retraite des fonctionnaires de l’État et des régimes spéciaux équilibrés par la solidarité nationale.

En cumulant la sous-revalorisation des pensions et l’augmentation de la CSG pour les retraités, la politique du Gouvernement en matière de retraites affiche un rendement financier proche de celui de la réforme des retraites de 2010.

Vous êtes donc en train de mener, sans l’assumer, une réforme financière des retraites pesant sur les seuls retraités, ce qui est en contradiction avec votre discours selon lequel il s’agirait d’une réforme non financière, qui ne concernera pas les retraités actuels. Nous considérons que la réforme doit maintenir, à l’avenir, le niveau des pensions, et ne doit exclure aucun paramètre de justice intergénérationnelle.

Le second message concerne les régimes spéciaux de retraite, dont j’ai entendu les représentants au cours des derniers mois.

Malgré les réformes de convergence vers le régime général, entreprises depuis 2003 pour les régimes de la fonction publique et depuis 2008 pour les autres régimes, trois spécificités principales demeurent : l’architecture de ces régimes, intégrant retraite de base et retraite complémentaire, les règles de calcul des pensions et l’existence des catégories actives, qui correspondent aux emplois particulièrement dangereux ou pénibles, aux personnels qui sont en première ligne actuellement : policiers, gendarmes, pompiers, infirmiers notamment.

La commission des affaires sociales considère que le débat sur la prise en compte de la pénibilité pour l’ensemble de la population active dans le futur système de retraite doit être ouvert rapidement. Il conviendra toutefois de tenir compte de l’échec récent du compte personnel de prévention de la pénibilité et de ne pas créer de tensions au sein des entreprises ni de stigmatisation.

En 2018, le Sénat a été le promoteur d’un débat ouvert et transparent sur la réforme des retraites, en organisant notamment le colloque du 19 avril dernier, qui a permis de lancer la réforme. Nous continuerons l’année prochaine dans cet esprit, pour construire une réforme qui soit acceptable par l’ensemble de nos concitoyens en 2019.

M. Jackie Pierre applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Catherine Troendlé, en remplacement de Mme le rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis, qui m’a demandé de la remplacer. En tant que présidente des commissions administratives paritaires, elle devait être présente au centre de gestion du Rhône, pour les élections professionnelles.

L’avis budgétaire « Fonction publique » de la commission des lois porte prioritairement sur la fonction publique de l’État et, plus précisément, sur le programme 148, destiné à compléter les actions des ministères en matière de ressources humaines.

Ce programme 148 est doté de 206, 91 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2019, soit une baisse de 0, 91 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, à périmètre constant.

Concernant la formation interministérielle, des projets de réforme des instituts régionaux d’administration et de l’École nationale d’administration permettent de dégager une économie de 1, 92 million d’euros par rapport à l’exercice 2018. La commission des lois a salué le plan de transformation de l’ENA, qui doit permettre un retour à l’équilibre budgétaire dès 2020.

En 2019, les aides pour le recrutement des apprentis dans la fonction publique de l’État ne figurent plus dans le programme 148, mais sont réparties entre les budgets de chaque ministère. On peut regretter ce choix, car, d’une part, l’action de l’État en faveur de l’apprentissage perd en lisibilité, et, d’autre part, son pilotage devient plus complexe. Nous n’avons pas pu connaître l’enveloppe précise consacrée à l’apprentissage pour l’exercice 2019.

Néanmoins, je vous propose de voter en faveur de l’adoption des crédits du programme 148.

Au-delà de ce programme, je souhaite aborder trois points.

Le premier concerne la réduction des effectifs dans la fonction publique de l’État. En deux ans, seuls 5 824 équivalents temps plein seront supprimés dans les ministères et chez les opérateurs, alors que le Gouvernement s’est engagé à en supprimer 50 000 en cinq ans. L’objectif paraît donc très difficile à atteindre.

Le deuxième point a trait au retard pris dans le déploiement du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel, le RIFSEEP. Seulement 23 % des fonctionnaires de l’État sont couverts par ce régime indemnitaire. Les retards pris par l’État sont préjudiciables aux employeurs et aux agents territoriaux, car, pour rejoindre dans le RIFSEEP, un cadre d’emplois de la fonction publique territoriale doit attendre l’adhésion du corps équivalent dans la fonction publique de l’État.

Cette situation constitue une source d’incompréhension pour les agents territoriaux et de complexité pour les employeurs. Il y a donc urgence à achever le déploiement du RIFSEEP, notamment dans les filières techniques, et à mieux valoriser les résultats des services.

De même, la commission des lois a regretté que des corps de la haute fonction publique soient exclus du RIFSEEP, comme celui des directeurs d’administration centrale.

Troisième point, la volonté du Gouvernement est de multiplier le recours aux agents contractuels pour les emplois de direction de la fonction publique territoriale. Sur le fond, la modification des règles de recrutement pour les emplois fonctionnels ne fait pas consensus.

D’une part, le droit en vigueur satisfait les employeurs territoriaux. Ces derniers n’expriment pas le besoin de recruter davantage d’agents contractuels pour des emplois fonctionnels. En revanche, ils souhaitent plus de souplesse pour recruter des contractuels sur des missions spécifiques.

D’autre part, ouvrir de nouveaux emplois fonctionnels aux agents contractuels nécessite, en amont, de repenser et de sécuriser les procédures de recrutement, de rémunération et de déontologie.

Après avoir entendu l’ensemble des parties prenantes, la commission des lois a émis beaucoup de réserves concernant une éventuelle réforme des règles applicables au recrutement pour les postes de direction de la fonction publique territoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous revenons à l’examen des crédits de la mission « Santé », pour le résultat du scrutin public n° 35, qui a donné lieu à un pointage.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mes chers collègues, voici, après pointage, et compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 35, sur l’amendement n° II-43 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 81 quater.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous reprenons l’examen des crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » (et article 77 bis et 77 ter), « Crédits non répartis », « Action et transformation publiques », du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » (et articles 84 ter et 84 quater), de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d’affectation spéciale « Pensions ».

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la question du recouvrement de nos impôts, celle de la qualité de la relation entretenue avec le citoyen contribuable et celle de la gestion de notre service public local ou hospitalier sont au cœur du débat qui nous réunit ce jour.

Il nous faut évoquer, à la suite de M. le rapporteur spécial Thierry Carcenac, la problématique de l’évolution des effectifs de l’administration fiscale.

Cette année encore, le ministère des finances conduit une politique de réduction de ses effectifs, avec la suppression de 1 872 postes au sein de la direction générale des finances publiques, qui affecte à la fois les centres des finances publiques et les sous-directions de Bercy.

La lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, sujet qui nous tient particulièrement à cœur au Sénat, nécessite pourtant des moyens matériels et humains tout à fait particuliers.

On ne fera croire à personne que la dématérialisation des procédures de déclaration et de recouvrement suffirait, par elle-même, à garantir la transparence des résultats fiscaux et la fluidité des recettes de l’État.

De la même manière, la retenue à la source, désormais applicable à l’impôt sur le revenu, ne saurait nous garantir tout à fait contre la fraude.

C’est au premier niveau, en prise directe avec le terrain, que les agents des impôts, des douanes et de la police nationale détectent les fraudes les plus sophistiquées.

La fraude fiscale, ce n’est pas qu’une affaire de relations à fleurets mouchetés entre le Trésor public, représenté par la direction des grandes entreprises, et les grands groupes, leurs obligations de publicité et l’armada d’avocats qu’ils rémunèrent pour discuter de quelques points de droit avec l’administration fiscale.

La fraude et l’évasion fiscales sont deux maux dont souffre notre pays. Elles nous contraignent probablement à maintenir certaines recettes à rendement élevé pour pallier les manques constatés hier.

La fraude fiscale, dont on dit qu’elle coûterait environ 80 milliards d’euros à l’État, c’est-à-dire l’équivalent du déficit constaté à la fin de 2018 pour l’ensemble des comptes publics, demeure concentrée sur l’impôt sur les sociétés, la TVA et l’impôt sur les revenus les plus élevés. Elle se double de fraudes aux assurances sociales, frappant les cotisations sociales, ressource indispensable au maintien de l’égalité devant la santé, la vieillesse, la maladie ou encore les plans sociaux et leurs effets sur leur environnement économique immédiat.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, cela commence donc à la base, par le plus simple contrôle sur pièces, par l’étude concrète, par exemple, d’une demande de crédit d’impôt recherche, par l’analyse de la relation commerciale privilégiée entre une entreprise et l’un de ses fournisseurs : cela nécessite des équipes suffisamment denses, œuvrant au sein d’un maillage territorial suffisamment renforcé, au rebours de la ligne suivie par le Gouvernement au travers d’un projet de budget où les gains de productivité des agents et cadres de la DGFiP se traduisent par un nouvel étiolement de la présence physique et territoriale des services. L’article 77 ter du projet de loi, rattaché aux crédits de la mission, montre d’ailleurs clairement où cela risque encore de nous mener.

Nous ne pouvons, en rejetant cet article comme les crédits de la mission, que confirmer notre refus de ce démembrement continu de nos administrations fiscales et financières.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, les missions que nous examinons à présent concernent le pôle économique et financier de l’État : l’État employeur, avec la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », dans le cadre de la mission relative aux régimes dits sociaux et de retraite, ainsi que la politique de l’État propriétaire, par le biais du compte d’affectation spéciale « Patrimoine immobilier de l’État ».

Quatre articles rattachés ont été ajoutés à l’Assemblée nationale, prévoyant notamment l’expérimentation du compte financier unique dans les regroupements de collectivités territoriales, la délégation d’opérations relevant habituellement de la compétence du comptable public, et le transfert de la propriété de l’hôtel du commandement de la Marine, en Polynésie.

Avec près de 2 millions de fonctionnaires, l’État est le premier employeur, et la gestion de son personnel revêt une importance cruciale pour notre pacte social et pour la vie de nos territoires, avec des implications sur l’efficacité de l’administration, la qualité et l’accessibilité des services publics, ainsi que le développement économique.

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite qu’il soit mis un terme à la fuite des personnels de l’État exerçant dans les services déconcentrés de nos départements vers les métropoles et les préfectures de région.

Comme en 2018, la réduction des effectifs sera certes modeste, mais réelle, avec environ 1 500 suppressions nettes de postes. Si les grandes masses d’effectifs par ministère sont restées stables, la plus forte baisse est supportée par le ministère de l’action et des comptes publics. Mais quoi de plus normal quand on demande beaucoup d’efforts aux autres ?

L’analyse des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d’affectation spéciale relatif aux pensions des fonctionnaires montre que, si les retraites des régimes spéciaux restent encore subventionnées dans des proportions importantes, leurs situations, au demeurant très diversifiées, tendent à converger vers le régime général. Le budget de la mission sera stable en 2019 tant en montant, à 6, 3 milliards d’euros, qu’en périmètre. Quant au solde du compte d’affectation spéciale « Pensions », il est nettement excédentaire, de 1, 6 milliard d’euros.

En revanche, le rapport spécial sur la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » met en lumière des points à améliorer dans la gestion des ressources humaines de l’État. Ainsi, les déploiements de programmes informatiques créent toujours des difficultés importantes, avec beaucoup de retards, et de surcoûts aussi, mais vous le savez, monsieur le secrétaire d’État.

Il nous paraît essentiel d’améliorer la situation de l’administration dans ce domaine. Cela passe aussi par des organisations repensées, une meilleure gestion des ressources humaines et des carrières, une autre utilisation des compétences au sein des services et une meilleure négociation des contrats de fourniture et de services avec les prestataires extérieurs.

La direction générale des finances publiques, issue elle-même de fusions successives – la fusion entre le Trésor et les services fiscaux n’a pas toujours été facile -, connaît des changements importants liés aux réformes actuellement mises en œuvre, en particulier l’instauration du prélèvement à la source.

La lutte contre la fraude fiscale, effectivement fondamentale, doit rester la priorité des priorités.

La direction générale des douanes, quant à elle, est l’une des principales administrations concernées par la préparation du Brexit, dont une étape cruciale devrait se jouer la semaine prochaine.

Ces deux importantes directions sont confrontées à des défis communs, dans le cadre du programme Action publique 2022 : la dématérialisation, la distinction entre accueil physique et gestion des dossiers en back office, enfin et surtout la mise en place prévue d’une agence unique du recouvrement regroupant aussi l’URSSAF. Sachant, monsieur le secrétaire d’État, le poids considérable, de plusieurs milliards d’euros, des indus dans le budget de l’État, je souhaite que l’on s’attaque enfin à cette question, découlant également de la non-mise en place de la contemporanéité. Un certain nombre d’efforts sont consentis au titre du budget pour 2019, mais il faut aller plus loin.

Quant à la politique de l’État propriétaire, je sais le travail effectué par M. Carcenac sur ce dossier. Il y aurait beaucoup à dire, et je n’ai pas suffisamment de temps pour cela, mais il serait bon que Bercy fasse preuve de célérité en matière de cessions d’immobilier de l’État. Tout le monde s’en réjouirait, surtout ceux qui veulent bâtir.

Enfin, la mission « Action et transformation publiques », qui porte sur la rénovation des cités administratives, est importante.

Monsieur le secrétaire d’État, je conclurai ce trop bref propos en disant que le groupe du RDSE votera les crédits de ces quatre missions et de ces deux comptes spéciaux, dont les enjeux sont importants.

Debut de section - PermalienPhoto de Dany Wattebled

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Action et transformation publiques » et « Régimes sociaux et de retraite ».

Les évolutions liées à la première de ces missions nous semblent aller dans le bon sens. La maîtrise des effectifs des ministères économiques et financiers est réelle et doit être saluée. La suppression de 1 947 équivalents temps plein fait de cette mission le principal contributeur à l’effort de réduction des effectifs de la fonction publique d’État. Cet effort doit avoir valeur d’exemple pour les autres ministères et pour la sphère publique dans son ensemble. Oui, assurer un service public de qualité avec moins de fonctionnaires est possible.

C’est d’ailleurs l’honneur de notre fonction publique d’avoir traversé les réformes successives de l’action publique, de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, à la modernisation de l’action publique, la MAP, en s’adaptant pour servir avec la même excellence et la même efficacité. Nous soutenons donc le Président de la République dans sa démarche de suppression de 120 000 postes de fonctionnaire sur la durée du quinquennat.

Malheureusement, force est de constater que nous en sommes très loin. Les résultats de l’année 2018 et les prévisions pour l’année 2019 sont trop timides pour que l’on puisse espérer atteindre les objectifs de masse salariale fixés par le Gouvernement. Nous en sommes à peine à 6 000 suppressions nettes sur deux ans, ce qui est bien trop peu ! Toutefois, cette diminution de 120 000 du nombre des fonctionnaires ne doit pas être un totem, une coupe brutale comme nous en avons connu par le passé. Elle doit s’accompagner d’une réflexion d’ampleur sur les secteurs de l’action publique que nous entendons sanctuariser ou renforcer, comme la sécurité ou la justice, sur les dépenses inefficientes ou peu utiles, enfin sur la nature de l’État que nous voulons, ses missions essentielles, son périmètre, ses modes d’action.

Nous fondons aussi de grands espoirs sur la mission « Action et transformation publiques », dont nous espérons que les résultats seront à la hauteur de l’intitulé volontariste.

Le comité Action publique 2022 devra d’abord contribuer à redonner aux agents publics le goût de leur métier. La succession de réformes de l’État depuis vingt ans les a parfois conduits à perdre de vue le sens de leurs missions. Ensuite, il ne pourra pas faire l’économie d’une réforme d’envergure de la fonction publique et du statut des fonctionnaires.

Nous attendons du projet de loi qui sera présenté au début de l’année prochaine qu’il traite de la simplification des normes et des procédures dans les domaines de la mobilité, des instances de représentation, de la grille salariale et de la retraite des fonctionnaires. La Cour des comptes rappelle d’ailleurs régulièrement la nécessité d’un rapprochement avec le régime du secteur privé.

Les retraites sont justement l’objet de la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Ses crédits correspondent aux subventions d’équilibre que l’État verse à divers régimes spéciaux de retraite dont l’autofinancement est rendu impossible par un déséquilibre démographique de plus en plus insoutenable. Ces subventions s’élèvent à 6, 3 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2019, ventilés principalement entre les régimes des transports terrestres, des marins et des mineurs.

Nous devrons réfléchir à une réforme en profondeur de ces régimes spéciaux de retraite, dont l’équilibre financier est rompu depuis l’origine et dont le modèle n’est plus tenable sur le long terme. Le Président de la République et le Premier ministre se sont engagés à mener à bien, avec l’aide de Jean-Paul Delevoye, une réforme d’ampleur de ces régimes de retraite, avec l’instauration d’un régime universel. Nous saluons ces efforts en vue de la mise en place d’un système plus équitable, plus juste et plus solide. Alors que se poursuivent les consultations citoyennes autour de cette réforme, il importera de veiller à ce qu’elle ne fasse aucun perdant, surtout parmi les ménages les plus fragiles.

Pour conclure, le groupe Les Indépendants soutient le Gouvernement dans sa volonté d’améliorer les services publics, de renforcer notre fonction publique et de moderniser l’action de l’État. Nous voterons donc les crédits de ces missions, en portant un regard particulièrement vigilant sur les résultats concrets du comité Action publique 2022, qui se font malheureusement encore attendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Haut

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, chers collègues, le service public est au cœur du pacte républicain.

Le service public, c’est ce « Lazare juridique », comme le disait le président du Conseil d’État Roger Latournerie, capable de renaître de ses cendres et d’évoluer constamment.

Le service public doit renaître. Il est critiqué par une partie de la population, car pas assez efficace, pas assez égalitaire entre nos territoires et, en même temps, pas suffisamment adapté à la réalité de ceux-ci. Il est critiqué, parce que la dépense publique française atteint un niveau indépassable. Le service public doit mieux faire. Répondre à cette demande des Français implique de faire des choix clairs et forts. Monsieur le secrétaire d’État, votre ministère fait des sacrifices importants pour que l’État réoriente ses effectifs et réponde aux enjeux du temps présent ; je salue ce courage.

Débattre de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » me permettra d’évoquer les enjeux importants pour le service public du XXIe siècle, à savoir les mesures prises pour faciliter les relations avec l’administration et les mesures qui concernent la fonction publique.

La loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, dite « loi ESSOC », a traduit la volonté d’adapter les services publics aux usagers : je veux dire par là adapter les services publics aux attentes des usagers, mais aussi mettre fin à un modèle standardisé.

Assurer l’égalité signifie adapter : c’est dédoubler les classes de cours préparatoire, par exemple, c’est aussi accepter que tous les demandeurs d’emploi ne soient pas suivis de la même manière – un cadre ne doit pas avoir le même soutien qu’une personne précaire et très éloignée du marché de l’emploi.

Ce sont ainsi des mesures concrètes qui ont été annoncées par le Gouvernement : extension des horaires d’ouverture pour les faire correspondre au rythme de la vie, fin des numéros surtaxés pour joindre les administrations et services de l’État, dématérialisation des démarches avec l’administration, principe du « dites-le-nous une fois ».

Simplifier les relations entre l’administration et les Français participera au rétablissement de la confiance avec l’État, les collectivités et, bien entendu, les élus que nous sommes.

Il faut simplifier la vie des Françaises et des Français comme nous devons simplifier la vie des entreprises. Les échanges sont le quotidien dans de nombreux territoires : le succès de la certification d’opérateur économique agréé mise en place par les douanes et retracée dans l’un des objectifs du programme 302 est, pour moi, l’une des meilleures preuves de l’évolution en cours.

Ces mesures doivent réconcilier les Français avec l’administration, à l’image du droit à l’erreur, pour qu’enfin les contrôles opérés par les pouvoirs publics soient réalisés non plus d’abord pour sanctionner, mais pour orienter.

Mais simplification ne veut pas dire laxisme. Nous pouvons tous ici saluer les créations d’emplois dans les filières de surveillance et de dédouanement : la loi de finances pour 2018 a enclenché une trajectoire de 700 créations d’emplois sur trois ans, tirant notamment les conséquences du Brexit.

Le renforcement de la surveillance concerne aussi les trafics illégaux, notamment celui du tabac, qui détruit le chiffre d’affaires des buralistes frontaliers. Je vous rappelle ici, chers collègues, les mesures entérinées par le projet de loi de lutte contre la fraude, qui renforcent les sanctions et les moyens de surveillance.

Les Français attendent aussi que la fonction publique évolue pour répondre aux transformations de l’action publique. Cela veut dire renverser le paradigme selon lequel l’administration centrale doit imposer des choix déconnectés des réalités, et plutôt inciter les managers publics à prendre des risques, à innover pour améliorer la qualité du service et les conditions de travail des agents. Le Fonds de transformation de l’action publique, doté de 700 millions d’euros, est à ce titre un levier utile.

Nous connaissons les grandes lignes de la transformation de la fonction publique : une rémunération plus individualisée pour récompenser le travail et l’efficacité, l’ouverture aux contrats pour aller plus vite lorsque c’est nécessaire, car nous vivons une époque où tout s’accélère ; une meilleure mobilité entre les trois fonctions publiques ; un meilleur dialogue social dans la fonction publique. Les concertations sont en cours, qui doivent porter en priorité sur la qualité du service public et les conditions de travail des agents publics.

En cette période de troubles où l’État est comptable aujourd’hui des intérêts des Français, et le sera demain de leurs espoirs, les fonctionnaires doivent avoir tout notre soutien, car ils sont la sève du lien social dans notre pays. Ils méritent que l’État dépasse l’approche comptable des politiques publiques ; le grand défaut de la RGPP, qui a été mise en œuvre sans le soutien des agents, a été d’en rester à la seule dimension comptable. Ils méritent d’être partie prenante à la transformation engagée, comme ils méritent un service public adapté et moderne.

Cette mission traduit en partie cette transformation. Par conséquent, le groupe La République En Marche votera ses crédits.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est pour préparer une année bien particulière et à un moment singulier que nous discutons de la mission « Régimes sociaux et de retraite » du projet de loi de finances pour 2019.

Le moment est celui d’une crise sociale et politique qui renvoie notamment à la problématique du pouvoir d’achat des Français. Aiguë, elle est en partie nourrie par des choix opérés par le Gouvernement au travers des projets de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 et pour 2019. Je pense ici au choix d’augmenter la CSG pour 8 millions de retraités et à la non-indexation des pensions sur l’inflation.

L’année particulière, c’est 2019 : selon l’agenda du Gouvernement, elle devrait être celle de la réforme des retraites, l’objectif affiché étant de simplifier un système complexe et difficilement lisible pour nos concitoyens. Les régimes spéciaux de retraite en seront un sujet clef.

L’examen des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » me donne l’occasion de m’exprimer à propos de cette réforme.

Les crédits de cette mission restent d’année en année relativement stables. Certaines interrogations perdurent, notamment sur l’imputation de la retraite complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles sur la mission examinée aujourd’hui, et non sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Cette mission prend surtout en charge les subventions d’équilibre versées par le budget de l’État à onze régimes spéciaux de retraite, ainsi que la subvention de l’État au régime complémentaire obligatoire des exploitants agricoles.

L’évolution qui sera proposée sera l’un des enjeux de la réforme des retraites à venir. Le haut-commissaire à la réforme des retraites, M. Jean-Paul Delevoye, est venu en présenter les prémices devant la commission des affaires sociales du Sénat. Il a été clair et bienveillant, mais nous considérons que tout reste à faire, car la bienveillance et la compétence ne font pas tout…

Ainsi, les représentants des régimes spéciaux de retraite ont signifié leur attachement à la singularité de leurs régimes respectifs et ont exprimé une inquiétude légitime, liée à la crainte d’être stigmatisés.

De fait, il va nous falloir être particulièrement vigilants ; l’état actuel de la France, caractérisé par une colère qui gronde et un profond mécontentement qui se fait jour, nous commande de faire tout particulièrement attention à la manière dont nous aborderons et traiterons ce dossier.

Je n’imagine d’ailleurs pas qu’une transformation aussi profonde de notre système de retraites que celle qui est envisagée aujourd’hui, dans un contexte aussi tendu et porteur de tant de remises en question, ne fasse pas l’objet d’un temps de travail et de réflexion particulièrement important.

C’est la raison pour laquelle je m’interroge sur la possibilité et la pertinence de voter ce texte dès 2019, sachant que la discussion ne démarrerait qu’au troisième trimestre de cette même année.

Si, toutefois, cette réforme devait être menée, j’ose espérer que l’on mettra – pour une fois – le temps qu’il faudra pour parvenir à un résultat juste et équilibré : une acceptation des Français sera indispensable, et demandera travail et dialogue.

Beaucoup de questions se posent : que deviendront les pensions de réversion, sujet .extrêmement sensible ? Sur quels régimes seront alignées les retraites des fonctionnaires ? Quid des carrières longues ? Nombreux sont ceux qui ont commencé à travailler très tôt et qui ont effectué des carrières longues et pénibles. Il est bien sûr hors de question que la réforme remette en cause leurs droits. Quid de la valeur du point, de son évolution, de la gouvernance du futur système ?

Monsieur le secrétaire d’État, les temps démontrent qu’aucune réforme, grande ou petite, ne peut être menée sans une véritable concertation avec la représentation nationale et les corps intermédiaires. Ils sont nécessaires à l’équilibre de notre démocratie. Ils sont indispensables pour que notre action soit comprise par nos concitoyens, dont le consentement est un préalable indispensable à toute réforme.

Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec ces trois missions et ces deux comptes spéciaux, nous abordons de vastes sujets, qui mériteraient sans doute un plus long débat. Pour ma part, j’emploierai le temps qui m’est imparti pour formuler quelques remarques, réflexions et analyses.

J’évoquerai tout d’abord la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », qui rassemble les crédits de l’essentiel des effectifs du ministère de l’économie et des finances. Elle traduit un objectif de baisse des dépenses de fonctionnement et des effectifs, laquelle est censée aller de pair avec une hausse de l’efficacité des services. Cette volonté s’inscrit dans la continuité de la trajectoire amorcée l’année dernière pour redéfinir les politiques publiques, dans le cadre du comité Action publique 2022.

Le seul programme dont les crédits sont en hausse est le programme 302, « Facilitation et sécurisation des échanges », notamment avec la création de 350 emplois dans les filières de surveillance et de dédouanement, afin d’anticiper le Brexit.

Avec un certain nombre de collègues, j’ai travaillé sur cette question au sein de mon groupe et de la commission des affaires européennes. Dès ce projet de budget pour 2019, nous observons le changement de paradigme que le Brexit entraîne et les coûts qu’il impose à l’État ; à mon sens, nous n’en sommes encore qu’au début. La fragilisation du multilatéralisme diplomatique et commercial va engendrer des surcoûts ; le bilatéralisme commercial va, dans le même temps, poser un certain nombre de problèmes, et ceux-là mêmes qui critiquaient le multilatéralisme vont découvrir les inconvénients résultant de sa remise en cause…

La mission « Action et transformation publiques » s’inscrit dans un vaste chantier de transformation de l’action publique et de renouvellement de la relation entre l’usager et le service public, dont relèvent des mesures comme l’instauration du droit à l’erreur ou le guichet unique. Comme le Gouvernement, je souhaite que l’on repense notre action publique à l’aube du XXIe siècle. Internet a modifié toutes nos habitudes. Il suffit de nous voir, les uns et les autres, twitter pendant les séances : je ne dénonce personne, nous le faisons toutes et tous !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

L’État ne peut rester étranger aux transformations que provoque internet. Demain, notre service public sera de plus en plus numérique. Dès lors, sera-t-il toujours aussi humain ? L’expérience du déménagement de ma permanence de sénateur m’inspire à cet égard un certain scepticisme : lorsqu’on doit contacter EDF, GDF, son fournisseur d’accès à internet, tel ou tel service de l’État, et que l’on est renvoyé d’une plateforme téléphonique à une autre, l’on en vient à regretter le bon vieux temps où l’on avait affaire à une personne…

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Faire en sorte que les services publics restent humains est un défi !

La transformation numérique est certes nécessaire, mais elle ne pourra se faire que si elle s’accompagne d’une amélioration du service rendu. Le Sénat et, tout particulièrement, le groupe Union Centriste seront les garants vigilants et exigeants de cette mutation. La transformation de notre service public ne saurait aggraver encore la fracture territoriale. Plus que jamais, nos concitoyens, dans leurs villes et dans leurs villages, ont besoin de sentir, à leurs côtés, un État de proximité.

Enfin, pour ce qui concerne la mission « Régimes sociaux et de retraite », je salue le travail accompli par nos collègues rapporteurs René-Paul Savary, au nom de la commission des affaires sociales, et Sylvie Vermeillet, au nom de la commission des finances.

Le sujet des régimes sociaux et de retraite est presque tabou dans notre pays. Or, à l’aube d’un projet de réforme systémique qui s’annonce plus que difficile pour le Gouvernement, il est indispensable de se plonger dans les chiffres.

Engagée depuis plus de quinze ans, la convergence réelle des régimes spéciaux vers le régime général semble encore un véritable défi pour la réforme à venir. Les dépenses de rééquilibrage, bien qu’en baisse, sont toujours très élevées : elles représentent près de 7 milliards d’euros. En outre, comme l’a indiqué M. Savary lors de nos échanges en commission des affaires sociales, les régimes spéciaux font partie de l’histoire de notre pays et l’attachement culturel des assurés à leur régime spécial est très fort.

L’existence des régimes spéciaux provoque de vifs débats dans notre société. Il conviendra de travailler à leur évolution sans en stigmatiser les bénéficiaires. J’appelle solennellement le Gouvernement au dialogue et à la concertation pour cette réforme à venir, qui touchera au quotidien des Français.

Sur le papier, le régime par points semble idéal, mais sa mise en œuvre pratique me laisse un peu perplexe. De toute manière, les leviers sont toujours les mêmes : le montant des pensions, le taux de cotisation et l’âge de départ à la retraite.

En attendant ces débats passionnants, les membres du groupe Union Centriste voteront les crédits de ces missions et comptes spéciaux, amendés par le Sénat.

Mmes Nathalie Goulet et Catherine Troendlé applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, chers collègues, « le Gouvernement s’est résolument engagé dans une transformation profonde de l’action publique. Notre société est traversée par des évolutions importantes liées notamment aux nouvelles technologies. […] Le Gouvernement conduit la sphère publique dans cette transformation significative. […] Il a ainsi décidé de se doter des moyens d’investissement nécessaires à la mise en œuvre de réformes structurelles et ambitieuses. »

Dans ces mots du préambule du projet annuel de performance de la mission « Action et transformation publiques », je retrouve l’ambition qu’exprimait le Premier ministre en lançant le comité Action publique 2022, le 13 octobre 2017 : « Durant trop longtemps, on a recherché les économies avant de penser l’organisation. La démarche “action publique 2022” propose l’inverse : d’abord, mieux s’organiser, plus simplement, plus clairement, avec de nouveaux outils, plus performants, grâce à de nouvelles compétences, pour ensuite, mais ça, je dirais que c’est la conséquence logique, redonner du sens à l’action publique et mieux dépenser l’argent des Français. »

Monsieur le secrétaire d’État, au-delà des mots, j’ai cherché dans les programmes et les actions de la mission des propositions concrètes. J’avoue un progrès par rapport à 2018.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Les actions sont désormais assorties d’un préambule et d’une présentation. Mais, en même temps, j’avoue une grande déception. Les trois quarts des autorisations d’engagement et le tiers des crédits de paiement de la mission sont consacrés à la rénovation thermique et à l’accessibilité des bâtiments administratifs. Certes, bien souvent, ce n’est pas du luxe – vous connaissez d’ailleurs mon attachement à la rénovation thermique des bâtiments publics. Il s’agit là d’une action concrète au service de la sobriété énergétique. De plus, selon la direction de l’immobilier de l’État, au regard des résultats des premiers rapports d’audit, les besoins du parc des cités administratives dépassent potentiellement le montant total du programme. Ce qui est vrai pour l’État l’est aussi pour les collectivités territoriales : faites donc un geste en leur faveur et maintenez l’article, introduit par le Sénat, leur reversant une partie des recettes fiscales sur l’énergie. Comme vous pouvez le constater, je suis tenace !

J’en reviens aux crédits dont nous débattons.

Quel est le lien entre la maquette budgétaire qui nous est présentée et la transformation de l’action publique décrite avec tant d’emphase ? En analysant cette maquette, j’ai eu l’impression de revivre la déception du comité Action publique 2022 : les discours ne se traduisent pas en actes.

Pendant plusieurs mois, les membres dudit comité ont conduit des auditions pour faire foisonner des idées et, ainsi, tenter de répondre à cet impératif de modernisation de l’action publique. Mais au nom de quelle logique les avoir fait travailler sur des sujets comme l’agriculture ou le logement, alors que le projet de loi ÉGALIM pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et pour une alimentation saine, durable et accessible à tous et le projet de loi ÉLAN portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique avaient déjà été rédigés par le Gouvernement ? Comment prétendre que vous respectez leur travail dès lors que vous refusez de leur laisser lire l’intégralité du rapport auquel ils étaient censés avoir contribué ? J’emploie sciemment cette expression, car les missions d’appui et la direction interministérielle de la transformation publique ont fini par prendre la plume, pour ne pas dire plus, au cours de la phase finale.

Je ne rappellerai ni les soubresauts qui ont marqué la publicité du rapport ni le fait que le président de la commission des finances de notre assemblée ait dû expressément en demander la communication. Là encore, où est la cohérence avec les propos tenus par le ministre Gérald Darmanin devant la commission des finances en septembre 2017 ? Il déclarait alors : « Le Président de la République et le Premier ministre vont lancer la revue de ces missions. Elle sera réalisée par un comité Action publique 2022 […]. Le Parlement se saisira de ce travail, et nous pourrons alors définir collectivement ce que sont les missions de l’État, ainsi que les moyens humains et les crédits budgétaires correspondants. » De toute évidence, nous n’avons pas la même définition du mot « collectivement »…

La transformation de l’action publique est la pierre angulaire de la stratégie budgétaire du quinquennat. Si les économies annoncées ne sont pas au rendez-vous, l’objectif de réduction du déficit structurel ne sera jamais atteint.

Le chemin à accomplir jusqu’en 2022 est encore long. La présentation du projet de loi de finances pour 2019 en énumère les premières étapes : réforme des aides personnelles au logement, réforme de l’audiovisuel public, réduction du nombre des contrats aidés, mise en place du nouveau service public de l’emploi, ou encore réorganisation des services de l’État et de ses opérateurs à l’étranger.

Il vous reste trois ans, trois ans seulement, pour réduire de 50 000 le nombre des emplois dans la fonction publique d’État, 2018 ayant été une année blanche en la matière. À première vue, les efforts réalisés en 2019 seront quatre fois plus importants, avec la suppression de 4 164 ETP. Mais ce satisfecit relatif ne tient pas longtemps. En effet, lorsque l’on y regarde de plus près et que l’on raisonne en équivalents temps plein travaillé, c’est-à-dire lorsque l’on considère ce qui pèse sur la masse salariale, le solde des plafonds d’emplois sur le périmètre de l’État et des opérateurs progresse de 1 322 ETPT.

Le chemin est encore long pour transformer notre pays ; c’est utile et nécessaire. Les événements des derniers jours nous rappellent que cette transformation ne pourra se faire sans concertation avec les corps intermédiaires et sans le maintien de services publics de proximité.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la baisse du plafond d’emplois de cette mission est l’inverse du signal qu’il faudrait envoyer si le Gouvernement souhaitait véritablement engager une politique de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Quand, dans ce moment si particulier de colère sociale, le peuple se mobilise contre l’injustice fiscale, une augmentation du nombre de contrôleurs fiscaux serait de bon augure. En effet, la fraude fiscale illustre, avec une grande violence, l’injustice et le mépris social.

L’augmentation du nombre d’entreprises et de foyers fiscaux nécessiterait une augmentation du nombre des contrôles. Or que constate-t-on ? Ce budget consacre la suppression de nombreux emplois dans les services du contrôle fiscal de la DGFiP, qui étaient jusqu’à présent sanctuarisés.

On observe une baisse du nombre de contrôles, et donc un recul du taux de couverture fiscale. Ainsi, pour ce qui concerne l’impôt sur les sociétés, le taux de couverture du contrôle fiscal externe est passé de 3, 17 % en 2008 à 2 % en 2016, cependant que le taux de couverture du contrôle sur pièces reculait de 7, 16 % en 2008 à 3, 37 % en 2016.

On constate également une telle baisse pour la TVA et l’impôt sur le revenu supporté par les foyers fiscaux. Elle s’accompagne, ces dernières années, d’une baisse des droits nets notifiés lors des opérations de contrôle fiscal. Les statistiques de la DGFiP pour 2018 nous indiquent qu’ils sont passés de 16, 1 milliards d’euros en 2015 à 13, 9 milliards d’euros en 2017.

La lutte contre la fraude fiscale doit s’intensifier. Il ne faut pas supprimer ces postes ! On assiste aujourd’hui, dans nos rues, à une lutte contre l’injustice fiscale, mais aussi pour le retour du service public. Or que constate-t-on ? Des fermetures de trésoreries : les services publics s’éloignent encore.

Quand on observe ce projet de budget d’un peu plus près, on remarque qu’il comporte un fonds de 50 millions d’euros destiné à soutenir les coûts de transition nécessaires à la mise en œuvre des réformes structurelles – entendez des suppressions de postes et des réorganisations. Ces 50 millions d’euros – je cite les propos de M. le ministre devant l’Assemblée nationale – sont censés financer « la formation des agents et des bilans de compétences pour reclasser les agents ».

Monsieur le secrétaire d’État, je vous fais une proposition : plutôt que d’utiliser ces 50 millions d’euros à détricoter le service public, remettez-les dans le budget, rehaussez les plafonds d’emplois pour répondre aux demandes des Français et des Françaises, pour lutter contre l’injustice fiscale, …

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

… pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales !

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Madame la présidente, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, en l’espace de quelques minutes, énormément de sujets ont été abordés concernant les crédits des principales missions assumées par le ministère de l’action et des comptes publics. Je vais m’efforcer non seulement de vous apporter des réponses, mais aussi de faire un point d’étape sur la transformation de l’action publique que nous entreprenons, notamment dans les deux grandes administrations à réseau phares de l’État que sont la DGFiP et la direction générale des douanes et des droits indirects, la DGDDI.

Voilà en effet un peu plus d’un an et demi, nous avons choisi de remettre à plat chaque mission d’action publique en partant des usages d’aujourd’hui et en questionnant l’efficacité de la dépense publique.

Sur le plan législatif, cette ambition s’est d’ores et déjà traduite par de nombreuses dispositions contenues dans plusieurs textes.

Je pense, bien entendu, à la loi ESSOC pour un État au service d’une société de confiance, qui comporte deux mesures essentielles au renouvellement de la relation entre l’usager et le service public, à savoir l’instauration du principe du « droit à l’erreur » et celle d’un référent unique comme interlocuteur d’un usager dans sa relation avec les services publics concernés. Nous avons récemment fait la démonstration de l’application de ce texte et de son esprit aux URSSAF, ces dernières étant peut-être l’administration la mieux connue de toutes les entreprises de France.

Je pense aussi à la clarification et à l’amélioration de la lisibilité de la politique fiscale que nous mettons en œuvre dans les lois financières, à commencer par la suppression de plus d’une vingtaine de petites taxes. Je note, au passage, que votre assemblée a judicieusement fait le choix d’accompagner ce mouvement en proposant la suppression de deux taxes supplémentaires lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2019. Vous aurez l’occasion de vous prononcer une nouvelle fois en faveur de la rationalisation de notre politique fiscale, en seconde partie, avec le transfert du recouvrement de certaines taxes de la DGDDI vers la DGFiP ; le but est de recentrer l’administration des douanes sur ses missions premières.

Nous avons en outre, avec Gérald Darmanin, engagé en février dernier une large consultation pour bâtir la fonction publique de demain. Dans quelques instants, nous examinerons un certain nombre d’amendements qui tendent à escamoter ce temps de concertation. Je pense notamment aux amendements qui tendent à instaurer trois jours de carence dans la fonction publique ou à effectuer des coupes massives dans les effectifs, en particulier ceux de la DGFiP, que certains d’entre vous prétendent, quant à eux, renforcer.

Au cours de cette concertation, nous avons identifié quatre leviers de transformation : la simplification du dialogue social, qui doit s’opérer en garantissant la couverture des droits ; le recours accru au contrat afin de donner davantage de liberté et de souplesse aux encadrants pour désigner leurs collaborateurs, tout en améliorant les conditions de recrutement et d’emploi des agents publics contractuels ; l’individualisation de la rémunération des agents publics ; enfin l’accompagnement renforcé des mobilités et des transitions professionnelles – nous devons anticiper l’évolution des métiers et des services qu’impliqueront les prochaines transformations, mieux former et mieux accompagner les agents.

Ces leviers n’épuisent pas les enjeux de modernisation du statut de la fonction publique, auquel nous sommes attachés, mais ils sont essentiels pour refonder le contrat social avec les agents publics. L’objectif du Gouvernement reste de soumettre au Parlement un projet de loi relatif à la fonction publique au cours du premier semestre de 2019.

Sur le plan opérationnel, de nombreuses réformes ont été lancées. Elles ne nous semblent pas répondre à la logique du rabot que deux de vos rapports spéciaux évoquent dans leurs conclusions.

Parmi ces réformes opérationnelles, je citerai le transfert à la DGFiP du recouvrement de l’essentiel de la fiscalité relevant de l’État. Comme je viens de l’indiquer, l’objectif est que la mission fiscale de la DGDDI soit concentrée sur la fiscalité proprement douanière. Ce mouvement s’inscrit dans une logique plus large d’unification du recouvrement pour les entreprises et les particuliers d’ici à la fin du quinquennat. Dans cet esprit, une agence unique de recouvrement pour la sphère de l’État et la sphère sociale pourra être constituée.

Je citerai également la mise en place, avec les collectivités territoriales, du compte financier unique, qui, se substituant à titre expérimental aux comptes administratifs et de gestion, devrait assurer une meilleure lisibilité, et donc un meilleur usage des crédits.

Je mentionnerai enfin l’expérimentation de l’agence comptable, qui traduit une évolution du principe de séparation de l’ordonnateur et du comptable, ainsi que l’objectif du « zéro espèces » dans l’administration d’ici à 2022. Ce dernier chantier est assorti d’un appel d’offres, afin que d’autres réseaux, comme La Poste ou les buralistes, puissent assurer, dans le cadre de conventions, la manipulation des espèces. Qu’il s’agisse du compte financier unique ou de l’agence comptable, la démarche est avant tout expérimentale.

J’en viens aux principales critiques ou interrogations formulées par la commission des finances du Sénat au travers de ses rapports spéciaux. Au fond, elles sont de trois ordres.

Premièrement, vous indiquez que la priorité donnée à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales ne se retrouve ni dans les moyens ni dans les résultats du contrôle fiscal.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Je m’inscris en faux contre ce constat : tout d’abord, au sujet des moyens, permettez-moi de rappeler les deux textes adoptés cette année, la loi ESSOC et la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale, qui transforment en profondeur la philosophie du contrôle fiscal.

La logique est double : d’une part, nous nous efforcerons de parvenir à des contrôles apaisés avec les contribuables de bonne foi, c’est-à-dire des contrôles mieux compris, plus rapides, plus précis, avec des procédures courtes, et donc in fine de meilleurs recouvrements ; d’autre part – ce volet est essentiel –, la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale renforce les instruments de détection et de répréhension de la fraude. Je pense notamment à la création d’une police fiscale, à l’augmentation du montant des sanctions, à l’utilisation du name and shame et, bien sûr, à l’ouverture du verrou de Bercy.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Au-delà des mesures contenues dans cette loi, la DGFiP exploite les nouvelles technologies à sa disposition, notamment le data mining et l’analyse-risque, pour améliorer la programmation du contrôle et ainsi mieux cibler les entreprises et les particuliers vérifiés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous constaterez avec moi que la lutte contre la fraude constitue bien une priorité du Gouvernement, non pas seulement dans les paroles, mais bien dans les moyens.

Pour ce qui concerne les résultats du contrôle, il convient peut-être de prendre un peu de recul à l’égard des chiffres avancés. En effet, certains d’entre eux sont inexacts : le montant total des droits et pénalités notifiés en 2017 s’élève non pas à 13, 5 milliards d’euros, mais à 16, 6 milliards d’euros.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Si l’on y ajoute les résultats du service de traitement des déclarations rectificatives, le STDR, soit 1, 3 milliard d’euros en 2017, ce montant total s’élève même à 17, 9 milliards d’euros.

Cela dit, il est vrai que les résultats ont baissé de 1, 6 milliard d’euros depuis l’année dernière, ce qui représente un recul de 8, 2 %. Plusieurs facteurs permettent de l’expliquer.

Tout d’abord, les résultats du contrôle fiscal fluctuent naturellement du fait des affaires exceptionnelles, qui sont plus ou moins nombreuses selon les années et représentent une large fraction des résultats nationaux du contrôle fiscal.

Ensuite, la fermeture du STDR, à la fin de l’année 2017, explique en partie la baisse des résultats, car les dossiers les plus importants ont été traités au début de son existence.

Enfin, les chiffres présentés au titre des années précédentes ne reflétaient pas forcément la réalité des résultats du contrôle : il a pu y avoir, par le passé, une tendance à pratiquer des redressements qui finissaient au contentieux sans donner lieu à aucun recouvrement. Cette pratique pouvait conduire à gonfler quelque peu artificiellement les chiffres présentés. Depuis 2017, nous nous efforçons au contraire de sincériser les résultats du contrôle fiscal, comme nous le faisons plus généralement pour le budget de la Nation. Nous préférons mettre en place un vrai plan de lutte contre la fraude, juste avec les contribuables de bonne foi et intransigeant avec les fraudeurs.

Deuxièmement, vous avancez que le pilotage « au rabot » et la réorganisation « à vue » du réseau ne seraient plus tenables, et vous insistez pour que la DGFiP se dote d’une stratégie pluriannuelle claire, élaborée en concertation avec les territoires. C’est précisément la raison pour laquelle une réorganisation territoriale des services est en cours d’élaboration, dans une logique de délocalisation des services centraux situés en région parisienne et de multiplication des points de contact avec les usagers, aux fins de renforcer la proximité du service public.

Compte tenu de la taille de ce réseau et de la complexité des enjeux associés, une préfiguration de ce que Gérald Darmanin et moi-même appelons la « déconcentration de proximité » sera mise en œuvre dans sept départements pilotes avant d’être étendue à l’ensemble du territoire. Les parlementaires, les organisations syndicales et les élus locaux seront naturellement associés à ce travail.

Troisièmement, vous nous reprochez de ne pas anticiper suffisamment, d’un point de vue budgétaire, les bouleversements auxquels fait face l’administration fiscale, en particulier au regard des crédits informatiques. Or ces crédits sont, en réalité, en hausse de 15 millions d’euros depuis 2017. Je rappelle que cette hausse fait suite à la baisse continue qu’ont connue ces crédits entre 2015 et 2017.

Par ailleurs, comme vous le savez, le budget informatique sera complété en 2019 par une enveloppe de crédits dédiée au lancement du prélèvement à la source ; elle sera de 37 millions d’euros, dont 27 millions d’euros consacrés aux seules dépenses informatiques.

De la même manière, en 2019, une dotation de 20 millions d’euros sera débloquée afin de financer les projets participant à la transformation des services des ministères économiques et financiers. Elle constituera un levier d’impulsion de la transformation de ces ministères, en complément des projets de transformation relevant, eux, du fonds de transformation pour l’action publique. Ce fonds s’élèvera à 245 millions d’euros en 2019, dont 50 millions d’euros destinés au fonds d’accompagnement interministériel des ressources humaines et 7, 2 millions d’euros au fonds pour l’accélération du financement des start-ups d’État.

Avant de conclure, je souhaite répondre plus particulièrement à deux questions qui m’ont été posées.

Tout d’abord, monsieur Carcenac, la société de valorisation foncière et immobilière, la SOVAFIM, fera bien évidemment l’objet d’un travail dans le cadre de la réforme de la politique immobilière de l’État. Nous avons la volonté de mieux louer les biens et, parfois, de céder ceux qui ne sont plus utiles. La SOVAFIM devra être incluse dans la réflexion sur l’ensemble des foncières et leur efficacité.

Ensuite, aux différents orateurs qui ont évoqué la réforme des retraites des fonctionnaires, j’indique que notre travail s’inscrit dans le cadre de la concertation menée par le haut-commissaire, M. Delevoye. Nous sommes conscients que les retraites des fonctionnaires soulèvent un certain nombre de difficultés et de questions particulières, s’agissant notamment de la règle des six derniers mois ou de l’intégration du régime indemnitaire dans l’assiette des cotisations. Pour que la réforme des retraites soit acceptable et contribue à instaurer plus d’équité, plus d’égalité et plus de transparence, dans la fonction publique comme dans le secteur privé, il faut se donner le temps de travailler sur ces sujets. Nous avons la volonté d’harmoniser le système des retraites à tous les niveaux, tant dans le secteur privé que dans le secteur public.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Marc Laménie applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », figurant à l’état B.

En euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local

Dont titre 2

6 880 827 172

6 880 827 172

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

Dont titre 2

507 375 096

507 375 096

Facilitation et sécurisation des échanges

Dont titre 2

1 245 123 293

1 245 123 293

Fonction publique

Dont titre 2

200 000

200 000

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° II-49, présenté par M. Nougein, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits du programme :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local

dont titre 2

2 200 000 000

2 200 000 000

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

dont titre 2

Facilitation et sécurisation des échanges

dont titre 2

Fonction publique

dont titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

Il s’agit de dispositions que le Sénat a déjà adoptées l’an dernier, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018.

Cet amendement vise à réduire les crédits du programme 156 « Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local » à hauteur de 2, 2 milliards d’euros. Cette économie résulterait d’un alignement du temps de travail des agents publics sur la durée habituelle de travail de l’ensemble des actifs, soit 37, 5 heures hebdomadaires.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Monsieur le rapporteur spécial, l’avis du Gouvernement est, comme l’an dernier, défavorable, pour des raisons tant de fond que de forme.

Sur la forme, cet amendement tend à faire peser sur le seul programme 156, donc sur les seuls services de la DGFiP, une économie d’un montant considérable, car calculé pour l’ensemble du périmètre de l’État. S’il était adopté, la masse salariale de la DGFiP serait amputée de 32 %, ce qui engendrerait un véritable risque d’insoutenabilité. Vous indiquez que les économies correspondantes devront être réparties entre toutes les missions du budget général : c’est méconnaître le fait que la répartition des crédits votés par le Parlement au titre de chaque programme ne peut être modifiée qu’à la marge et sous des conditions précises, fixées par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, notamment par son article 12.

Sur le fond, je souligne que le temps de travail dans la fonction publique est d’ores et déjà aligné réglementairement sur celui du secteur privé : il est fixé à 35 heures hebdomadaires en vertu de l’article L. 3121-27 du code du travail. En effet, le décret du 25 août 2000 précise que la durée de travail effective est fixée à 35 heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l’État comme dans les établissements publics locaux d’enseignement. Ce décret est applicable à la fonction publique territoriale, et un texte similaire est applicable à la fonction publique hospitalière.

Pour l’ensemble de ces raisons, et notamment du fait de l’insoutenabilité totale de cet amendement au regard du programme de la DGFiP, le Gouvernement émet un avis défavorable.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° II-51, présenté par M. Nougein, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits du programme :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local

dont titre 2

216 000 000

216 000 000

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

dont titre 2

Facilitation et sécurisation des échanges

dont titre 2

Fonction publique

dont titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

Ces dispositions ont, elles aussi, été adoptées par la commission et le Sénat, dans une version légèrement différente, lors de l’examen des projets de loi de finances pour 2015, 2016 et 2018.

Cet amendement vise à porter le délai de carence applicable aux congés de maladie des agents publics d’un jour – comme actuellement prévu par l’article 115 de la loi de finances pour 2018 – à trois jours. L’économie supplémentaire qui en résultera peut être estimée à 216 millions d’euros.

Les économies liées à l’adoption de cet amendement seront imputées sur les crédits du programme 156. Dans la mesure où elles concernent l’ensemble de la fonction publique d’État, elles devront être réparties entre toutes les missions.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Sur la forme, le Gouvernement estime que ces dispositions, comme celles du précédent amendement, ne sont pas compatibles avec l’article 12 de la LOLF.

Sur le fond, nous sommes opposés à la mesure proposée. Nous avons réintroduit un jour de carence dans la fonction publique pour lutter contre les arrêts de travail courts. Cependant, il faut garder à l’esprit que, dans la fonction publique, les protections sociales complémentaires sont relativement rares, ou en tout cas très hétérogènes. Au reste, nous avons commandé une mission aux inspections générales des finances, de l’administration et des affaires sociales pour pouvoir faire le point, en début d’année 2019, sur l’hétérogénéité de ces situations, qu’il s’agisse de la protection sociale complémentaire, de la prévoyance ou de la couverture maladie. C’est seulement après ce travail sera achevé et qu’une éventuelle généralisation d’un tel système de protection sociale complémentaire aura été envisagée que cette proposition pourra être étudiée. À ce stade, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° II-52 rectifié, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits du programme :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local

dont titre 2

45 400 000

45 400 000

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

dont titre 2

Facilitation et sécurisation des échanges

dont titre 2

Fonction publique

dont titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. le rapporteur général.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Le Président de la République s’est engagé à supprimer 50 000 emplois dans la fonction publique. Nous constatons que cet engagement n’est jusqu’à présent que très modestement tenu : 90 % de l’effort reste à faire d’ici à la fin du quinquennat.

Cet amendement de la commission des finances, dont la portée symbolique est importante, vise à réduire les effectifs des administrations centrales, en revenant notamment sur les « primorecrutements » prévus pour 2019, sans toucher aux personnels en place.

Faut-il plus de médecins, d’infirmières, de policiers, de gendarmes ? Certaines missions sont prioritaires, nous en convenons, monsieur le secrétaire d’État. La majorité sénatoriale avait d’ailleurs approuvé les mesures tendant à renforcer de telles missions, s’agissant par exemple de la sécurité de l’État.

Cet amendement vise les effectifs des administrations centrales parce que, nous le constatons tous depuis des années, le service public est de moins en moins assuré sur le terrain. Dans beaucoup d’administrations, y compris la vôtre, on a parfois l’impression de ne plus avoir grand monde en face de soi : la DGFiP, par exemple, a fermé certaines trésoreries et réduit les horaires d’ouverture d’autres, des postes ont été regroupés, des services d’accueil téléphonique ont été supprimés, comme j’ai pu le constater moi-même en faisant le test avec le ministre de l’action et des comptes publics. En revanche, dans les administrations centrales et, parfois, régionales, les effectifs ont continué à croître, au point que nous sommes parfois suradministrés, alors que les services publics sont de moins en moins présents sur le terrain. C’est pourquoi cet amendement ne tend aucunement à réduire les effectifs aux échelons départemental et local, là où l’on a particulièrement besoin des services publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Nous n’échapperons pas à ce débat : notre pays compte des centaines de milliers de fonctionnaires de plus qu’il y a dix ans ; est-il pour autant mieux administré ? Je n’en suis pas certain.

Je vais vous donner un exemple concret. Il ressort d’un rapport de la Cour des comptes intitulé La chaîne de paiement des aides agricoles 2014-2017, une gestion défaillante, une réforme à mener que le contrôle des aides à l’agriculture est effectué à trois niveaux : l’Europe, le ministère et les régions. Ne sommes-nous pas suradministrés, au détriment des services publics de proximité ?

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

J’ai cru comprendre, d’après les propos de M. le rapporteur général, qu’il s’agissait d’un amendement d’appel.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

En tout cas, monsieur le rapporteur général, il y a une difficulté de forme, déjà évoquée à propos des deux amendements précédents : tel qu’il est rédigé, votre amendement porte exclusivement sur la Direction générale des finances publiques, ce qui n’est pas soutenable.

Sur le fond, nous avons engagé un programme de réorganisation et de modernisation de l’administration dont nous souhaitons qu’il permette d’assurer un service de même qualité avec, à terme, des agents en nombre moins important. Ce programme est en cours d’élaboration, nous y travaillons dans le respect d’une circulaire du Premier ministre du 24 juillet dernier, qui fixe comme principe directeur, pour la réorganisation de l’administration territoriale de l’État, de retenir l’échelon départemental comme l’échelon pertinent et efficace d’action, ce qui, je crois, répond à votre préoccupation.

Au bénéfice de ces explications, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Nous avons longuement débattu de cet amendement en commission des finances.

Nous sommes devant un dilemme constant, entre la suradministration à l’échelon central et la suppression de moyens humains pour les services publics de proximité.

La DGFiP est, depuis 2012, l’une des administrations le plus touchées par la baisse des emplois. Sur le terrain, nous constatons tous, malheureusement, des fermetures ou des regroupements de trésoreries. Pourtant, les trésoreries sont des interlocuteurs privilégiés des maires et des secrétaires de mairie, ainsi que des particuliers et des chefs d’entreprise.

Quant à l’administration des douanes, même si, globalement, elle gagne quelques centaines d’emplois, cela reste peu de choses au regard de la particulière complexité de ses missions de lutte contre la contrefaçon ou la fraude. Élu d’un département frontalier, les Ardennes, je peux en témoigner.

Pour ces raisons, je soutiens l’amendement du rapporteur général.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Monsieur le rapporteur général, l’amendement n° II-52 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Le secrétaire d’État m’a invité à le retirer au motif que son dispositif est centré sur la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». Je l’ai conçu ainsi pour la fluidité des débats parlementaires : j’aurais pu déposer le même amendement pour chaque mission, au risque de lasser le Gouvernement…

Je souhaite que cet amendement soit voté. Il appartiendra ensuite au Gouvernement d’en répartir les effets sur l’ensemble des missions. Les ministères de la transition écologique et solidaire et de l’agriculture et de l’alimentation ne produisent-ils pas trop de normes, par exemple ? Le dispositif de cet amendement est bien ciblé sur les administrations centrales, et non sur les services publics de proximité. Les effectifs des administrations centrales augmentent, mais nos concitoyens constatent que nous ne sommes pas pour autant mieux administrés.

Je souhaite que ce débat ait lieu. Je pense d’ailleurs qu’il concernera également, tôt ou tard, l’échelon régional, qui n’est plus forcément le plus pertinent. En tout état de cause, je maintiens l’amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

M. Dominique de Legge. Je voterai cet amendement pour deux raisons. La première, c’est que les arguments de M. le rapporteur général m’ont pleinement convaincu. La seconde, c’est que vous m’avez vous-même convaincu, monsieur le secrétaire d’État, qu’il fallait le voter, en nous indiquant que le Gouvernement allait entamer une réflexion en vue d’amener sur le terrain les services publics, et donc les personnels nécessaires à leur fonctionnement, l’objectif étant de mener une politique de proximité. Vous nous avez ainsi donné à entendre qu’il fallait effectivement rééquilibrer la répartition des moyens humains entre l’échelon national et l’échelon local… Pour vous être agréable et vous inciter à poursuivre dans cette voie, je voterai donc avec enthousiasme l’excellent amendement présenté par M. le rapporteur général !

Sourires.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° II-423, présenté par M. Vaugrenard, Mme Meunier, MM. Raynal et Féraud et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local

dont titre 2

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

dont titre 2

Facilitation et sécurisation des échanges

dont titre 2

Fonction publique

dont titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Cet amendement vise à renforcer de 3 millions d’euros les crédits du programme « Fonction publique ».

Il s’agit en fait de traiter un problème spécifique lié à l’amiante. L’immeuble Le Tripode, à Nantes, a été évacué en 1993 pour cause de présence d’amiante à tous les étages. Il a été détruit depuis, mais, paradoxalement, l’État n’a pas encore décidé s’il devait être reconnu comme site amianté ou pas. Il convient de mettre fin à une situation dramatique, car 1 800 personnes relevant du ministère des affaires étrangères, de l’INSEE et du Trésor public ont travaillé dans ces locaux en vingt-deux ans d’exploitation.

Les agents ayant contracté des maladies liées à la présence d’amiante sont au nombre de 200, toujours en exercice, sur les 850 agents en service lors de l’évacuation du site en 1993. Ces crédits permettront d’accorder l’allocation de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante aux agents nantais ayant eu à travailler sur ce site.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

Je comprends l’intention des auteurs de cet amendement. Néanmoins, l’article 146 de la loi de finances pour 2016 prévoit que, dès lors que ces agents ont contracté une maladie liée à l’amiante et dont l’imputabilité au service est reconnue, ils peuvent bénéficier d’une cessation anticipée d’activité et même percevoir, à ce titre, une allocation spécifique. L’amendement me semble donc satisfait par le droit existant. Je demande à ses auteurs de le retirer ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

La situation de l’immeuble Le Tripode, à Nantes, est bien connue. Ce bâtiment a, entre 1972 et 1993, accueilli 1 800 agents des ministères économiques et financiers ainsi que des affaires étrangères. Ils ont été exposés à l’amiante présente dans cet immeuble. Conscients de la réalité de l’exposition et de ses conséquences, les deux champs ministériels ont mis en place des dispositifs simplifiés de reconnaissance de maladie professionnelle en cas de pathologie liée à l’amiante, ainsi qu’un suivi médical renforcé des agents.

Par ailleurs, les agents souffrant d’une maladie en lien avec l’amiante peuvent actuellement bénéficier d’une cessation anticipée d’activité et présenter une demande d’indemnisation au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA.

Votre amendement vise à dégager des crédits pour permettre la mise en œuvre de ce dispositif pour tous les agents ayant travaillé dans l’immeuble Le Tripode, au-delà de ceux qui en bénéficient déjà.

Les deux ministères concernés ont abordé le sujet de façon extrêmement sérieuse et ont commandité une étude épidémiologique portant sur la population des agents ayant travaillé dans cet immeuble. Les trois études déjà menées ne permettent pas, jusqu’à présent, de mettre en évidence un abaissement sensible de l’espérance de vie lié à une présence dans cet immeuble, en dehors des cas que j’ai évoqués précédemment.

Toutefois, au-delà de ces premières conclusions, nous avons souhaité que les études épidémiologiques se poursuivent pour aller au bout de l’expertise et avoir la connaissance la plus parfaite possible de la situation.

Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, présenté le 17 mars dernier, conclut également défavorablement au classement du site. Nous avons saisi le Premier ministre sur la question des suites à lui apporter.

À ce stade, retenir la mesure que vous proposez ne nous paraît pas justifié à court terme, car celles et ceux qui sont touchés par une maladie professionnelle peuvent être accompagnés de manière simplifiée dans le cadre du FIVA et des mesures déjà prévues.

Pour ce qui concerne le classement de l’intégralité du site, nous n’y sommes pas favorables pour l’heure, puisque les trois études ne concluent pas en ce sens. En revanche, si les travaux complémentaires que nous avons demandés donnaient des résultats différents, la situation serait reconsidérée.

Au bénéfice de ces explications, je vous demande de retirer cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Monsieur Vaugrenard, l’amendement n° II-423 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

J’entends vos arguments, monsieur le secrétaire d’État, et j’ai connaissance du rapport de l’IGAS, mais il y a là, selon moi, un paradoxe. Cet immeuble a été évacué en 1993, Pierre Bérégovoy étant alors ministre de l’économie et des finances, puis détruit.

Je maintiens cet amendement, en vous demandant, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir rencontrer les organisations syndicales, afin que vous leur exposiez votre argumentation dans le détail, de manière à pouvoir avancer et à engager, éventuellement, de nouvelles études, qui ne seraient sans doute pas inutiles. Les organisations syndicales demandent depuis plus d’un an à être reçues à Bercy : il me semblerait de bon aloi de les rencontrer.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

Les crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

J’appelle en discussion les articles 77 bis et 77 ter ainsi que l’amendement tendant à insérer un article additionnel avant l’article 77 bis et l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 77 ter, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° II-50, présenté par M. Nougein, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Avant l’article 77 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au I de l’article 115 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « quatrième ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

Cet amendement tend à tirer les conséquences de l’adoption de l’amendement n° II-49 en modifiant l’article 115 de la loi de finances pour 2018 afin d’augmenter la durée de carence.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

L’avis est défavorable, par cohérence avec l’avis donné sur l’amendement n° II-49.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 77 bis.

I. – Un compte financier unique peut être mis en œuvre, à titre expérimental, par les collectivités territoriales et leurs groupements volontaires, à compter de l’exercice budgétaire 2020 et pour une durée maximale de trois exercices budgétaires. Ce compte financier unique se substitue, durant la période de l’expérimentation, au compte administratif ainsi qu’au compte de gestion, par dérogation aux dispositions régissant ces documents.

II. – Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent se porter candidats à cette expérimentation, auprès du ministre chargé des collectivités territoriales et du ministre chargé des comptes publics, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi. Le ministre chargé des collectivités territoriales et le ministre chargé des comptes publics se prononcent sur les candidatures ainsi que, pour chacune des collectivités retenues, sur les exercices budgétaires concernés par l’expérimentation. Une convention entre l’État et les exécutifs habilités par une décision de l’assemblée délibérante de chaque collectivité ou groupement de collectivités retenu précise les conditions de mise en œuvre et de suivi de l’expérimentation. Un bilan de l’expérimentation est transmis par le Gouvernement au Parlement au plus tard six mois avant la fin du troisième exercice budgétaire d’application. –

Adopté.

I. – Par dérogation à l’article L. 1617-1 du code général des collectivités territoriales, à l’article L. 6145-8 du code de la santé publique, à l’article L. 315-16 du code de l’action sociale et des familles et à l’article L. 212-12 du code de l’éducation, l’État peut, pour une durée de trois ans reconductible, déléguer par convention la réalisation des opérations relevant de la compétence exclusive du comptable public aux établissements publics de santé, aux collectivités territoriales et à leurs groupements ainsi qu’aux établissements publics locaux qui s’y rattachent.

Les compétences ainsi déléguées sont exercées au nom et pour le compte de l’État, sous son contrôle et sous l’autorité d’un agent comptable soumis au régime de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics organisé par l’article 60 de la loi de finances pour 1963 (n° 63-156 du 23 février 1963) et aux dispositions relatives à la gestion budgétaire et comptable publique.

Les établissements publics de santé, les collectivités territoriales ou leurs groupements ainsi que les établissements publics locaux qui s’y rattachent présentent une demande de délégation de la réalisation des opérations relevant de la compétence exclusive du comptable public au plus tard le 31 mars de l’année qui précède la date de mise en œuvre envisagée de la délégation. Si cette demande est acceptée, la convention est conclue dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande et prévoit une mise en œuvre de la délégation à compter du 1er janvier de l’année suivante.

La convention détermine les conditions d’exercice de la délégation, notamment les moyens financiers, matériels et en personnels mis en œuvre par chacune des parties.

II. – L’agent comptable de l’établissement public de santé, de la collectivité territoriale, du groupement de collectivités ou des établissements publics locaux qui s’y rattachent est nommé par l’autorité investie du pouvoir de nomination au sein de la personne publique délégataire après avis du directeur départemental des finances publiques ou du directeur régional des finances publiques.

Il ne peut être remplacé ou révoqué que dans les mêmes formes.

L’agent comptable est un fonctionnaire de l’État ou, selon la nature de la personne publique délégataire, un fonctionnaire territorial ou un fonctionnaire hospitalier.

Lorsque l’agent comptable est un fonctionnaire de l’État mis à disposition, la convention mentionnée au I précise le montant du remboursement, par la personne publique délégataire, de la dépense afférente à cette mise à disposition.

Pour les besoins de la délégation, tout ou partie des agents de la direction générale des finances publiques qui exercent leurs fonctions dans un service ou une partie de service précédemment affecté à la gestion comptable et financière de la personne publique délégataire, désignée par la convention mentionnée au I, sont placés d’office en position de détachement auprès de celle-ci pour la durée initiale de la délégation afin d’assister l’agent comptable dans ses fonctions.

III. – Dans le cadre d’une délégation établie en application du I, les fonctions de comptable des régies mentionnées aux articles L. 2221-1 et L. 2221-2 du code général des collectivités territoriales sont assurées par le comptable mentionné au premier alinéa du II, hormis en ce qui concerne les régies dont les fonctions de comptable sont déjà confiées à un agent comptable.

Les fonctions de comptable des établissements publics qui sont exclusivement rattachées à la personne publique délégataire et ne sont pas confiées à un agent comptable sont assurées par le comptable mentionné au premier alinéa du II.

IV. – Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation du dispositif prévu au présent article au plus tard le 1er juillet 2022.

V. – Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application du présent article notamment le contenu de la convention, les conditions de contrôle de l’État sur la mise en œuvre de la délégation, l’obligation d’une transmission périodique à l’État des informations comptables et financières nécessaires à la production des comptes publics, les adaptations des modalités de remise gracieuse applicables aux agents comptables mentionnées au I en cas de mise en jeu de leur responsabilité personnelle et pécuniaire, les modalités de mise à disposition ou de détachement ainsi que la méthodologie de l’évaluation prévue au IV. Il précise les conditions dans lesquelles l’agent comptable et les agents mentionnés au dernier alinéa du II bénéficient des dispositifs indemnitaires d’accompagnement dans la fonction publique en cas de détachement ainsi que des dispositions régissant leur précédent corps ou emploi de détachement. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° II-973, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 77 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 5424-1 du code du travail s’applique aux personnels mentionnés aux 1°, 2° et 5° de cet article, à l’exception de ceux relevant de l’article L. 4123-7 du code de la défense, lorsque ces personnels sont involontairement privés de leur emploi.

Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, y compris les cas dans lesquels la privation d’emploi est assimilée à une privation involontaire ainsi que les éléments de rémunération pris en compte pour le calcul de l’allocation mentionnée au premier alinéa de l’article L. 5424-1 du code du travail.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Cet amendement vise à sécuriser juridiquement le droit à l’allocation chômage des agents publics, à la suite des modifications du code du travail apportées par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Nous souhaitons apporter une correction pour éviter la création d’un vide juridique s’agissant des agents publics à partir du 1er janvier 2019. Les agents publics bénéficient de l’allocation chômage en cas de perte involontaire de leur emploi, dans les mêmes conditions que les salariés du secteur privé.

Nous reprendrons prochainement la concertation avec les organisations syndicales et les employeurs publics sur l’ouverture du bénéfice de l’allocation chômage dans certains cas de rupture volontaire de la relation de travail, mais la rédaction de la loi du 5 septembre 2018 emporte bien plus que ce qui avait été pensé et voulu tant par les deux assemblées que par le Gouvernement. Nous vous proposons donc d’adopter une mesure de correction.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

Actuellement, les agents publics peuvent percevoir l’allocation de retour à l’emploi, comme les salariés de droit privé.

À l’inverse de ce qui vaut pour le secteur privé, cette allocation est financée par l’employeur public en auto-assurance, et non par le régime d’assurance chômage.

Or, selon l’objet de cet amendement, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a involontairement supprimé ce droit. Le présent amendement vise à le rétablir. Bien qu’il ait été déposé extrêmement tardivement et que la commission n’ait pu l’expertiser dans le détail, il me semble que cet amendement est de bon sens.

L’avis est donc favorable.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 77 ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Crédits non répartis », figurant à l’état B.

En euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Crédits non répartis

Provision relative aux rémunérations publiques

Dont titre 2

52 749 773

52 749 773

Dépenses accidentelles et imprévisibles

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

Les crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Action et transformation publiques », figurant à l’état B.

En euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Action et transformation publiques

Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants

Fonds pour la transformation de l’action publique

Dont titre 2

5 000 000

5 000 000

Fonds d’accompagnement interministériel Ressources humaines

Dont titre 2

40 000 000

40 000 000

Fonds pour l’accélération du financement des start-up d’État

ligne nouvelle

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° II-445 rectifié, présenté par Mme L. Darcos, MM. Piednoir, Grosperrin, Longuet, Daubresse, Karoutchi et Milon, Mme Estrosi Sassone, MM. Rapin et Allizard, Mme A.M. Bertrand, M. Bonhomme, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux et Brisson, Mme Bruguière, MM. Chaize et Cuypers, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne et Di Folco, MM. Dufaut, B. Fournier et Gremillet, Mmes Gruny et Imbert, MM. Laménie et D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre et Le Gleut, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Panunzi, Pellevat et Poniatowski, Mme Procaccia et MM. Revet, Savary, Savin, Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Rénovation énergétique des établissements à caractère scientifique, culturel et professionnel

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants

Fonds pour la transformation de l’action publique

dont titre 2

Fonds d’accompagnement interministériel Ressources humaines

dont titre 2

Fonds pour l’accélération du financement des start -up d’État

dont titre 2

Rénovation énergétique des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Laure Darcos.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Le présent amendement a pour objet de créer un programme budgétaire dédié à la rénovation énergétique des établissements publics d’enseignement supérieur.

Le patrimoine immobilier des universités représente 18, 6 millions de mètres carrés ; c’est le deuxième parc de l’État, composé d’une majorité de bâtiments construits dans les années soixante et soixante-dix.

Véritable passoire énergétique, il constitue une source de dépenses considérables, faute d’ambition politique pour l’entretenir, le réhabiliter, l’adapter aux évolutions d’usage ou le valoriser. Le coût énergétique de ce patrimoine pénalise durablement la compétitivité de nos universités, déjà fortement affectée par l’importance des charges d’exploitation.

On ne peut demander aux universités de gérer un patrimoine sans leur en donner les instruments. En parachevant l’autonomie universitaire dans son volet immobilier, l’État pourra concevoir ce patrimoine comme un actif valorisable plutôt que comme une charge de fonctionnement. L’engagement de l’État portera sur 300 millions d’euros, les études opérationnelles seront réalisées en 2019 et les travaux engagés en 2020 et en 2021.

Les crédits sont prélevés sur l’action n° 12, Travaux et gros entretien à la charge du propriétaire, du programme 348, « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

Cet amendement vise à transférer un tiers des crédits affectés pour 2019 à la rénovation des cités administratives au titre du programme 348 au profit de la rénovation des universités, en créant un nouveau programme.

Ses auteurs attirent notre attention sur la situation dégradée du patrimoine immobilier des universités. Leur préoccupation est fondée, ainsi que nous pouvons le constater dans nos départements.

Le patrimoine des universités relève de statuts différents selon que les établissements ont bénéficié ou non de la dévolution immobilière. Toutes les universités non propriétaires seraient concernées. Or les crédits prévus pour le programme 348 ne suffiront déjà pas pour rénover toutes les cités administratives : il sera indispensable de procéder à une sélection de projets.

Les cités administratives ont visiblement besoin de rénovation. Il importe donc de ne pas réduire davantage les crédits inscrits à cette fin en étendant la liste des projets ayant vocation à être soutenus. Nous ne saurions ainsi déshabiller Pierre pour habiller Paul !

L’avis de la commission est défavorable.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Je partage l’avis du rapporteur spécial.

D’une part, le Grand Plan d’investissement d’avenir prévoit une enveloppe de 400 millions d’euros pour les bâtiments universitaires.

D’autre part et surtout, le programme 348 doit nous permettre à la fois d’investir afin de réaliser des économies, notamment énergétiques, dans cinquante-six cités administratives et de reconstruire totalement quatre très grandes cités administratives, celles de Lille, de Nantes, de Lyon et d’Amiens.

Si cet amendement était adopté, nous ne pourrions mener à bien ces projets, qui sont « encalminés » depuis trop longtemps et que nous allons pouvoir débloquer au cours de l’année 2019, sur l’initiative de la direction de l’immobilier de l’État.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Madame Darcos, l’amendement n° II-445 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Cet amendement avait surtout vocation à nous permettre de discuter de ce sujet très important. Il faudra continuer à débloquer des crédits dans les années à venir pour rénover ces bâtiments dans l’optique de la transition énergétique.

Je retire cet amendement, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° II-445 rectifié est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Action et transformation publiques », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

Les crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », figurant à l’état D.

En euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Gestion du patrimoine immobilier de l’État

Contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État

Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

Les crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

J’appelle en discussion les articles 84 ter et 84 quater, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».

Gestion du patrimoine immobilier de l ’ État

Le II de l’article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’une collectivité territoriale, un établissement public, une société ou un opérateur mentionnés au 1° du présent II dispose de réserves foncières propres et de biens susceptibles de permettre la réalisation d’un programme qui comporte la construction de logements sociaux, le taux de la décote est calculé dans la limite d’un plafond établi en considération du coût moyen constaté pour la construction de logements sociaux à l’échelle de la commune ou de l’agglomération. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent alinéa. » –

Adopté.

L’hôtel du commandement de la Marine, situé boulevard Pomare, à Papeete (Tahiti), implanté sur la parcelle cadastrée section AE n° 19 est transféré en pleine propriété, à titre gratuit, à la Polynésie française en vue de la réalisation, à ses frais, d’un Centre de Mémoire des expérimentations nucléaires en Polynésie française.

Le transfert de propriété intervient au jour de la signature de l’acte authentique constatant le transfert. La Polynésie française est substituée à l’État dans les droits et obligations liés au bien transféré, qu’elle reçoit en l’état.

En cas de revente, y compris fractionnée, ou de cession de droits réels portant sur le bien transféré, pendant un délai de quinze ans à compter de la date de signature de l’acte authentique, la Polynésie française verse à l’État, à titre de complément de prix, la somme correspondant à la moitié de la différence entre le produit des ventes et la somme des coûts afférents au bien transféré et supportés par la Polynésie française, y compris les coûts de dépollution.

Si dans un délai de cinq ans à compter de la date de signature de l’acte authentique constatant le transfert de propriété, la Polynésie française n’a pas procédé à la réalisation de l’objet pour lequel ce transfert est intervenu, le bien est rétrocédé de plein droit à l’État, à titre gratuit, à la date d’expiration de ce délai. Cette disposition constitue une clause résolutoire, inscrite dans l’acte authentique.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° II-959, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer les mots :

L’hôtel du commandement de la Marine, situé boulevard Pomare, à Papeete (Tahiti) implanté sur la parcelle cadastrée section AE n° 19 est transféré

par les mots :

La parcelle cadastrée section AE n° 19, située sur la commune de Papeete et sur laquelle se trouve l’hôtel du commandement de la Marine, est transférée

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Cet amendement vise à spécifier la consistance du bien transféré, c’est-à-dire l’ancien hôtel du commandement de la Marine de Papeete, à la collectivité territoriale de Polynésie française. Il s’agit de préciser que le transfert porte sur le bâtiment de l’hôtel, mais aussi l’ensemble de la parcelle sur lequel ce bâtiment est implanté.

Je saisis cette occasion pour souligner que, après de nombreuses années de discussion entre la collectivité territoriale de Polynésie française et l’État français, un accord a été trouvé pour que l’ancien hôtel du commandement de la Marine puisse accueillir le mémorial des essais nucléaires. C’est pour que la parole de la France à l’égard de la Polynésie française soit – enfin – tenue que l’État transfère de manière gracieuse cette parcelle et ce bâtiment.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

L’adoption de cet amendement de précision contribuera à remplir une importante mission de mémoire.

L’avis de la commission est favorable.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 84 quater est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », figurant à l’état B.

En euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Régimes sociaux et de retraite

Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

Les crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Pensions », figurant à l’état D.

En euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Pensions

Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité

Dont titre 2

55 357 750 000

55 357 750 000

Ouvriers des établissements industriels de l’État

Dont titre 2

1 927 030 000

1 927 030 000

Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions

Dont titre 2

16 000 000

16 000 000

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

Les crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous avons achevé l’examen des crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Crédits non répartis », « Action et transformation publiques », du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d’affectation spéciale « Pensions ».

Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quinze.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-et-une heures quinze, sous la présidence de M. Philippe Dallier.