Soyons vigilants à ce que la maîtrise de la dépense publique préserve les territoires et les Français qui en ont le plus besoin.
Même si, là encore, pour beaucoup de Français, cela semble clair, je souhaite que ce débat puisse aussi nous permettre de prendre conscience de la chance dont nous disposons de pouvoir bénéficier de services publics de qualité. Des services qui, ailleurs, peuvent parfois coûter très cher, et très cher directement.
En France, nous payons des impôts effectivement très élevés. Mais c’est aussi grâce à ces impôts que nous pouvons consacrer, en moyenne, 6 200 euros par an à chaque élève scolarisé à l’école primaire, 8 500 euros à chaque collégien français, 12 000 euros à chaque élève de lycée professionnel, des sommes importantes à la charge de l’État ou des collectivités territoriales et qui relèvent du paiement par les Français de l’impôt et des taxes.
Ce débat, il doit être national et il doit être également territorial, au plus près des Français. Il doit être institutionnel, puisque nous pouvons nous appuyer – et c’est tant mieux – sur des associations, des institutions créées pour faire vivre le débat public, au premier rang desquelles, bien entendu, les deux assemblées parlementaires, mais, au-delà, le Conseil économique, social et environnemental, les institutions régionales qui existent en la matière.
Ce débat, il doit être aussi informel, direct, afin que chacun sache qu’il pourra y prendre part et qu’il pourra être entendu.
Je souhaite que les élus, leurs associations, y prennent toute leur place, que les Français puissent y contribuer, qu’on y parle aussi peut-être de toutes ces dépenses contraintes qui, sans être juridiquement ni des impôts ni des taxes, pèsent au fond au moins autant sur ce qui reste à la fin du mois.
Il est impératif, mesdames, messieurs les sénateurs, que les maires prennent toute leur part dans ce débat. §Permettez-moi de profiter de cette tribune pour saluer et remercier ceux d’entre eux qui ont relayé notre message d’apaisement, pour remercier l’Association des maires d’Île-de-France, qui a proposé d’ouvrir des cahiers à destination de ceux des Français qui souhaitent s’exprimer directement, pour remercier aussi les maires ruraux, qui organisent ce samedi une journée « mairie ouverte » pour dialoguer.
Pour moi, la vraie démocratie directe, celle qui permet d’allier proximité et légitimité, c’est bien celle-là.
Les maires sont d’ailleurs, une fois encore, en première ligne sur le terrain pour appeler au calme et répondre à la colère. Certains nous ont demandé des effectifs policiers supplémentaires en prévision de samedi prochain : nous travaillons activement avec ceux qui expriment ces besoins pour pouvoir y répondre dans des conditions satisfaisantes.
Cette lucidité nous a conduits à rechercher l’apaisement. Elle nous conduit aussi à continuer à avancer, à continuer à apporter – tenter d’apporter – des réponses très concrètes, sur mesure, pas toujours très spectaculaires, mais durables, à nos territoires, des territoires dont nous savons tous qu’ils n’ont ni les mêmes atouts ni les mêmes besoins.
C’est ce qui nous a conduits à travailler avec les élus alsaciens pour essayer d’imaginer avec eux une structuration, une évolution permettant de prendre en compte leurs aspirations, mais aussi les aspirations également légitimes des autres élus de la région Grand Est.
C’est ce qui nous a permis de travailler avec les élus, notamment du département des Ardennes, à la constitution et à la construction d’un pacte permettant, là encore, de trouver des solutions concrètes et des moyens pour faire évoluer la situation dans le bon sens.
C’est ce qui nous a conduits à poursuivre l’initiative qui avait été prise dans le bassin minier, en y apportant les financements qui avaient été évoqués, de façon, là encore, à définir sur mesure les besoins des territoires et la réponse de l’État.
C’est ce qui sera inscrit dans le pacte qui liera l’État à la région Bretagne et dans celui qui est en discussion avec les Pays de la Loire.
C’est aussi la raison du déploiement de la police de sécurité du quotidien.
C’est aussi, dans le domaine du raccordement au haut débit, dont nous discutons souvent de la nécessité et de l’urgence qui s’y attachent, le plan d’équipement grâce auquel 2 800 pylônes, depuis janvier dernier, ont reçu les équipements nécessaires pour la 4G avec, vous le savez, un changement de logique dans la relation entre l’État et les opérateurs, qui nous permet d’envisager un équipement plus rapide et plus complet du territoire par rapport à ce qui était initialement prévu.
C’est aussi, dans le domaine de la santé, la suppression du numerus clausus, afin, dans le temps, de faire en sorte que le nombre de médecins augmente. Depuis mai 2017, ce sont 1 500 jeunes médecins qui ont décidé de s’installer dans des zones fragiles.
C’est aussi le remboursement, depuis septembre 2018, de la téléconsultation.
Aucun de ces instruments à lui seul n’est une réponse à des problèmes très vastes et très anciens, mais il nous paraît que ces instruments constituent des éléments de réponse et qu’il faut les évoquer.
C’est aussi le déploiement du plan « Action cœur de ville », qui consacre 5 milliards d’euros à la revitalisation du centre de 222 villes petites et moyennes.
C’est aussi la réorientation de nos investissements des TGV vers les déplacements du quotidien, une réorientation forcément lente et toujours délicate, jamais insensible, notamment pour les territoires qui attendent la construction de ces lignes à grande vitesse, mais qui est nécessaire si nous voulons pouvoir entretenir dans de meilleures conditions les infrastructures qu’utilisent des millions de passagers, si nous voulons essayer de désengorger les métropoles grâce au rail, notamment grâce au rail de proximité, si nous voulons désenclaver les villes ou les territoires ruraux.
Je pense à la RN 164, en centre Bretagne, promise par le général de Gaulle, je crois ; à la RN 122, à Aurillac, qu’Édouard Balladur, me semble-t-il, s’était engagé à construire ; à la RN 88, du Puy-en-Velay vers Mende et Rodez. Je citerai également la RN 2, entre Hirson et Maubeuge, la RN 21 vers Périgueux, ainsi que l’autoroute vers Castres depuis Toulouse.
C’est aussi, et enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi d’orientation sur les mobilités, que vous allez prochainement examiner.
Cette lucidité doit nous conduire à continuer de mieux rémunérer le travail : derrière la question du pouvoir d’achat, il y a celle de la rémunération du travail en France, qui, durant de nombreuses années, n’a pas assez augmenté ou a été grevée par des évolutions, notamment des évolutions d’impôt.
Depuis le mois d’octobre, des millions de salariés ont bénéficié d’une hausse, certes toujours moins importante que celle qu’on espérait, mais réelle de leur salaire net.
Dès le mois de janvier 2019, le SMIC augmentera de 1, 8 %. Sur un an, grâce à l’action conjuguée de cette indexation de la baisse des cotisations sociales et de la prime d’activité, la hausse est de l’ordre de 3 % par rapport au 1er janvier 2018.
La hausse de la prime d’activité que nous avons décidée pour avril 2019 amplifiera encore cet effet. Je suis prêt à examiner toutes les mesures qui permettraient d’augmenter les rémunérations au niveau du SMIC sans pénaliser excessivement la compétitivité de nos entreprises.
Les salariés pourront encore gagner plus, grâce à la suppression des cotisations sociales sur les heures supplémentaires.
Vous aurez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’occasion d’acter, dans le cadre du projet de loi PACTE, le développement massif de l’épargne salariale, de l’intéressement et de l’actionnariat salarié.
Nous continuerons à nous battre pour l’égalité des chances, parce que la colère qui s’exprime concerne évidemment les fins de mois – et même souvent les milieux de mois –, mais elle concerne aussi l’avenir, celui d’enfants de millions de familles qui ont le sentiment de ne pas avoir les mêmes chances que les autres de réussir.
C’est le sens des mesures de dédoublement des classes dans les réseaux REP et REP+, dont les retours formulés par les élus, les enseignants et les parents sont positifs.
C’est le sens du dispositif « Devoirs faits » au collège, de la scolarisation obligatoire, évoquée prochainement, dès l’âge de 3 ans, qui est une très belle mesure républicaine.
C’est le sens de la réforme de l’apprentissage, dont chacun sait qu’il permet de s’insérer avec plus de facilité dans le monde du travail.
C’est le sens de la refonte de notre système de formation professionnelle, le sens de l’investissement massif dans les compétences que nous souhaitons réaliser.
Cette lucidité nous oblige à continuer de réduire la dépense publique dans notre pays, justement pour pouvoir baisser les impôts. Nous avons vu combien ces deux baisses, parce qu’elles sont liées, sont urgentes.
En 2017, la France a réduit ses déficits et elle continuera à le faire. Elle maîtrise la hausse de la dépense publique de l’État. Grâce à l’engagement des élus, elle maîtrise aussi la hausse de la dépense publique locale. Grâce à nos efforts continus, ceux de nos prédécesseurs et ceux de la majorité actuelle, nous allons pouvoir voter un budget de la sécurité sociale à l’équilibre.
Ces tendances encourageantes sont le fruit d’efforts collectifs – en vérité moins ceux de majorités successives que ceux des Français – passés, présents, nationaux et locaux.
Depuis le mois d’octobre, des millions de contribuables ont bénéficié d’une baisse de 30 % de leur taxe d’habitation, une taxe que beaucoup d’entre nous disaient, à juste titre, injuste, une taxe que beaucoup d’entre nous dénonçaient depuis des années, et que nous allons supprimer par tranches successives en en compensant la charge, comme c’est bien naturel – et c’est surtout constitutionnel –, à l’euro près pour les collectivités.
Nous avons choisi aussi de réduire et de simplifier la fiscalité sur le capital. Parce qu’il s’agissait d’un engagement pris au moment de la campagne présidentielle puis de la campagne législative devant les Français. Parce que nos entreprises ont besoin de capital pour se développer. Parce que notre pays a besoin d’investisseurs, nationaux et étrangers. C’est un choix de stratégie économique totalement annoncé et totalement assumé.
Ce choix, je l’ai dit hier, nous sommes prêts à l’évaluer. Nous n’avons pas peur de ce débat, nous pensons qu’il est nécessaire et nous croyons même qu’il permettra de documenter, de démontrer le bien-fondé de ce choix.
Cette lucidité nous conduit à poursuivre ce combat indispensable en faveur de solidarités bien réelles.
Ce ne sont pas forcément les mesures dont on parle le plus. Pourtant, nous savons que ce sont souvent celles qui changent la vie dans les faits : la revalorisation de tous les minima sociaux, bien entendu ; la mise en place du tiers payant pour le complément de mode de garde au 1er janvier 2019 ; l’offre de petits déjeuners dans les zones REP+ ; les repas à 1 euro dans les cantines des communes rurales qui ne disposaient pas de ce service ou ne pouvaient pas l’offrir ; la possibilité pour tous les Français, à partir de 2019, et de manière progressive, de bénéficier d’une prise en charge à 100 % de leurs lunettes, de leurs frais dentaires ou de leurs prothèses auditives, autant de dépenses souvent très lourdes qui ne pèseront plus sur le pouvoir d’achat.
Là où la lucidité commande de faire différemment, la même lucidité commande de poursuivre les grandes transformations, parce que toutes ces transformations apportent une réponse, parfois de court, parfois de moyen, parfois de long terme aux préoccupations qui s’expriment.
Avant que le débat ne s’engage, je voudrais dire, mesdames, messieurs les sénateurs, un mot des violences que nous avons déplorées et de la sécurisation des probables manifestations de samedi prochain.
Mes premiers mots seront d’abord pour nos forces de l’ordre. Ces hommes, ces femmes ont été les victimes d’un incroyable déchaînement de violence dont, bien souvent, le but était d’attaquer, de blesser, parfois même de tuer.
Ces hommes, ces femmes ne sont pas simplement des représentants de la République. Ne seraient-ils que des représentants de la République, ce serait déjà une immense fierté. Ils ont été, samedi, les gardiens de la République, les incarnations de la République, les défenseurs de la République. Je veux leur dire, en mon nom propre, au nom de l’ensemble du Gouvernement et, je crois, au nom de l’ensemble de la Nation, ma reconnaissance, mon admiration face à leur sang-froid, face à leur professionnalisme.