Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Claude Nougein et moi-même nous sommes répartis les interventions sur les différents programmes, afin d’éviter toute redondance. Compte tenu du peu de temps de parole accordé aux rapporteurs spéciaux, nous vous renvoyons à notre rapport écrit.
Pour ma part, j’évoquerai l’administration fiscale, qui représente à elle seule les trois quarts des 10, 7 milliards d’euros de crédits de la mission, en diminution de 0, 7 %. Nous sommes à la veille d’un bouleversement inédit depuis des décennies, du moins si l’on en croit les ambitions affichées par le Gouvernement.
Le rapport du comité Action publique 2022 a donné le cap, l’objectif étant notamment de mettre en place à l’horizon 2022 une agence unique de recouvrement regroupant les missions de la DGFiP, de la douane et de l’URSSAF, ainsi que de généraliser les procédures dématérialisées, de réorganiser les implantations territoriales, dans une logique de séparation entre l’accueil physique et la gestion des dossiers, ou encore d’intensifier le recours au data mining dans le cadre de la programmation du contrôle fiscal.
Ces transformations auront, pour la DGFiP, des incidences sur ses effectifs et sur son organisation sans commune mesure avec les réformes de ces dernières années. Dans ses interventions prononcées les 11 juillet et 28 novembre derniers devant les cadres du ministère, le ministre de l’action et des comptes publics, M. Gérald Darmanin, n’a pas caché que ces transformations se traduiraient par d’importantes réorganisations et suppressions de postes.
Ces chantiers trouvent-ils une traduction dans le projet de budget qui nous est présenté pour l’année prochaine ? En un mot : non.
Certes, le projet de loi de finances n’a qu’une portée annuelle, et des chantiers de cette ampleur s’étendent évidemment sur plusieurs années, mais ils se préparent aussi en amont, et sont, pour certains, déjà lancés ; il est surprenant de n’en trouver aucune trace ou presque dans ce projet de budget. L’approche des élections professionnelles y est-elle pour quelque chose ?
Je ne voudrais pas, pour autant, sous-estimer l’effort consenti cette année encore par la DGFiP : 2 130 postes seront supprimés en 2019, soit un rythme comparable à celui des dernières années, exception faite de 2017 et de 2018, où 500 postes avaient été « préservés » dans le cadre de la mise en œuvre du prélèvement à la source. Cette année encore, Bercy est de loin le principal contributeur aux réductions d’effectifs dans la fonction publique d’État.
Mais, en réalité, ce budget apparaît bien davantage comme le « dernier des budgets précédents » que comme le « premier des suivants ». Je me limiterai à évoquer, à titre d’illustrations, la réorganisation territoriale, la pression croissante au sein des services et les systèmes d’information.
Premièrement, la navigation à vue se poursuit en matière de réorganisation territoriale. Des efforts ont été accomplis : 890 services comptaient moins de cinq agents en 2012, ils ne sont plus que 506 aujourd’hui ; des 42 services qui ne comptaient qu’un seul agent en 2012, il n’en reste plus que 6. Mais ce chantier reste mené de façon opportuniste, au gré des départs à la retraite et des mutations individuelles, sans stratégie d’ensemble et sans concertation avec les territoires et les autres administrations.
En pratique, chaque directeur est prié de « restituer » un certain nombre de postes chaque année pour respecter le schéma d’emplois. Tout cela manque de logique – 61 % des EPCI dépendent aujourd’hui encore de deux trésoreries ou plus – et de mutualisation : la DGFiP n’est présente que dans 250 maisons de services au public sur 1 200.
Dans ses interventions des 11 juillet et 28 novembre derniers, M. Gérald Darmanin a dit vouloir une « déconcentration de proximité ». Les territoires, les élus, les agents de la DGFiP, ont besoin de visibilité ; à l’avenir, il est impératif que l’administration se dote, en la matière, d’un schéma pluriannuel explicite, fixant un cap.
Deuxièmement, j’évoquerai la pression croissante au sein des services. En dix ans, les effectifs de la DGFiP ont diminué de 16 %, mais les tâches ont augmenté, et elles augmenteront encore avec le prélèvement à la source, la suppression de la taxe d’habitation, la mise en place du prélèvement forfaitaire unique, le PFU, et de l’IFI, l’impôt sur la fortune immobilière, la révision des valeurs locatives et l’accroissement du nombre d’entreprises. Il viendra un moment où, à missions inchangées, les agents ne seront plus en mesure de faire leur travail correctement. Là encore, le Gouvernement semble faire preuve d’une inquiétante légèreté, ou, à tout le moins, d’un sérieux manque de transparence au regard de ces échéances.
Troisièmement, je parlerai des systèmes d’information, clé de voûte des réformes structurelles qui s’annoncent. Les treize grands projets rattachés à la mission représentent un quart du coût total des grands projets de l’État, soit 608 millions d’euros. Le dérapage budgétaire est très préoccupant, avec un surcoût global de 95 %. À titre de mise en garde contre les erreurs de conception et la faiblesse du pilotage, en dépit du transfert et du rôle de la DINSIC, la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État, faut-il rappeler le précédent fâcheux de l’opérateur national de paie et des 346 millions d’euros dépensés en pure perte ?
Le budget informatique de la DGFiP a été divisé par dix en dix ans, et 80 % des dépenses d’investissement vont à la maintenance d’applications obsolètes, dont certaines datent des années quatre-vingt. Il y a une dizaine de « ruptures applicatives » dans la chaîne du contrôle fiscal.
Aucun des grands chantiers à venir ne pourra se faire sans rendre les systèmes interopérables et évolutifs. Peut-être faudra-t-il même tout recommencer de zéro, ou presque, tant les systèmes actuels sont hétérogènes, sédimentés et « défendus » par les services qui les ont conçus et qui les utilisent.
Dans le projet de budget qui nous est présenté cette année, aussi exigeant soit-il en matière de réductions du nombre de postes, un effort de clarification s’impose, monsieur le ministre.
J’en viens maintenant aux crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».
Un changement de logique dans le financement de la politique immobilière de l’État semble s’engager. Le constat d’un essoufflement du mode de financement historique, consistant à céder des biens pour construire et rénover, est partagé. Le déficit du compte, qui s’élève à 73 millions d’euros, en est la preuve.
Comme nos voisins européens, nous devons désormais envisager une valorisation de notre patrimoine immobilier. À cette fin, le Gouvernement envisage de mettre en location des biens non utilisés, mais dont la vente n’est pas envisageable. Sans doute, monsieur le ministre, pourrez-vous nous préciser davantage les contours de ce projet.
Cette orientation nouvelle pourrait notamment prendre la forme de la création d’une foncière publique, qui recevrait ces biens afin de les valoriser. Le cas échéant, quel serait le devenir de la foncière existante – je veux parler de la SOVAFIM, la société de valorisation foncière et immobilière ?
De façon très concrète, nous avons identifié des cas pour lesquels la constitution d’une foncière publique, non exclusivement orientée vers la production de logements sociaux, pourrait présenter un réel avantage.