Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 6 décembre 2018 à 21h15
Loi de finances pour 2019 — Immigration asile et intégration

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

M. le rapporteur pour avis regrette que la circulaire Valls sur l’admission exceptionnelle au séjour n’ait pas été abrogée. Une circulaire est une sorte de compilation de textes législatifs et réglementaires. Il ne nous dit pas exactement ce qu’il voudrait y changer. S’agissant des paramètres sur lesquels le Gouvernement a une certaine marge de manœuvre, je signale que les critères d’admission prévus par les circulaires Sarkozy de 2006 et Hortefeux de 2008 étaient plus souples…

Vous regrettez aussi, monsieur Buffet, l’absence d’augmentation des crédits pour le financement de l’exécution des mesures d’éloignement. Je rappelle qu’un éloignement coûte en moyenne plus de quatre SMIC. C’est la méthode qui pose problème aujourd’hui, pas le manque d’argent. En réalité, le « tout-rétention » n’est pas efficace, surtout quand les pays d’origine ne coopèrent pas. La méthode allemande, plus souple, est plus efficace.

Monsieur Buffet, vous déplorez que le nombre de personnes en situation irrégulière augmente. Cela vaut pour toute l’Europe : de la Grèce à l’Allemagne et de la Turquie au Maroc, partout on constate une telle augmentation. Ces dernières années, le flux est plutôt mieux maîtrisé en France que dans nombre de pays voisins.

Le rapport de la commission des finances, quant à lui, semble confondre les crédits de cette mission de pilotage de la politique d’asile et d’immigration avec un supposé coût de l’immigration. Pourtant, les estimations de recettes, en termes de cotisations sociales ou d’impôts, rapportées au coût des prestations sociales et de la scolarité des enfants, notamment, montrent que la population immigrée apporte une contribution positive, tant à l’État qu’aux organismes sociaux, alors que l’immigration est toujours vue comme un coût !

Je rappelle à ceux qui affirment que signer le pacte de Marrakech sur les migrations serait une mauvaise chose que, si l’on souhaite lutter contre les passeurs et les trafics, il est bon d’améliorer le dialogue entre pays d’arrivée et pays de départ. Instaurer un cadre de dialogue est utile pour lutter contre l’immigration irrégulière : c’est l’objet de ce pacte, qui sera un outil non contraignant à la disposition des différents États, dont il respecte pleinement la souveraineté.

La France n’est pas seule face à ces défis. Depuis 2015, l’Europe a fait beaucoup. Ainsi, les franchissements irréguliers des frontières européennes sont passés de plus de 1, 8 million en 2015 à moins de 150 000 par an aujourd’hui. Au cours de la même période, le nombre des demandes d’asile a été divisé par deux. C’est le résultat des politiques européennes. À cet égard, le budget de FRONTEX a plus que doublé entre 2015 et 2018. Si la situation reste préoccupante, il faut rappeler le chemin déjà parcouru !

Il est important, monsieur le secrétaire d’État, d’être attentif au budget de l’OFPRA, qui représente moins de trois semaines de financement de l’ADA. Pour des raisons à la fois humanitaires, d’efficacité et budgétaires, il importe que cet organisme puisse étudier rapidement les demandes d’asile. Ne le ramenons pas à sa situation de 2012 ! Aujourd’hui, il faut à l’OFPRA moins de cent jours pour étudier une demande d’asile : c’est un beau résultat, fruit du travail de ses agents. Pour aller plus loin et faire davantage d’économies, il faudrait donner la possibilité aux demandeurs d’asile de travailler et veiller à ce que l’application de la nouvelle loi sur l’asile permette d’améliorer l’accueil dans les services des étrangers des préfectures, la formation et le statut des personnels, ainsi que la cohérence entre les informations disponibles sur service-public.fr et les sites des préfectures et la réalité des choses. Je souligne aussi l’importance de la question des langues pour accélérer le traitement des demandes d’asile.

Les conditions de travail difficiles des agents de la police aux frontières – leur temps de travail dépasse souvent largement ce qu’il devrait être – pèsent aussi sur le quotidien des personnes en rétention.

Monsieur le secrétaire d’État, si nous sommes très critiques à l’égard des positions de la majorité sénatoriale, nous ne pourrons cependant pas voter les crédits dévolus à une politique qui manque de solidarité envers des pays comme l’Italie ou l’Espagne, avec les conséquences politiques que nous constatons aujourd’hui en Italie. Nous ne sommes bien sûr pas seuls responsables de cette catastrophe européenne, mais nous y avons participé.

Après l’Aquarius, ce sont aujourd’hui des bateaux marchands qui, alors qu’ils ne font que respecter le droit de la mer en sauvant des vies, ne savent pas où accoster pour mettre en sécurité les personnes qu’ils ont repêchées !

Je constate aussi que la coopération entre les garde-côtes libyens et l’Union européenne est très aléatoire, d’autant que l’on ne sait pas très bien à qui ils répondent.

Enfin, nous refusons une application de la procédure Dublin qui conduit 30 % des demandeurs d’asile en France à végéter pendant dix-huit mois avant de pouvoir engager la démarche. En attendant, ils vivent de manière indigne dans nos rues. Soit un autre pays a déjà étudié leur demande d’asile, auquel cas il faut changer les règles pour plus d’efficacité, soit ils n’ont pas encore déposé de demande d’asile, auquel cas nous devons appliquer le système Dublin de manière plus souple, pour qu’ils puissent la formuler immédiatement en France.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, pourquoi les personnes ayant travaillé avec l’armée française en Afghanistan n’obtiennent-elles pas toutes rapidement un visa dans des conditions dignes ?

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