Intervention de Loïc Hervé

Réunion du 6 décembre 2018 à 21h15
Loi de finances pour 2019 — Immigration asile et intégration

Photo de Loïc HervéLoïc Hervé :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, « la qualité de notre politique d’intégration est au cœur de l’équilibre général de notre politique d’immigration et d’asile. Nos priorités sont connues. Nous voulons un système d’asile plus rapide, une politique d’éloignement plus efficace pour les étrangers en situation irrégulière, une politique d’intégration digne de notre République pour tous ceux à qui nous donnons le droit de séjourner en France. »

Ces mots ne sont pas de moi, mais du Premier ministre, qui les a prononcés devant le Comité interministériel à l’intégration, le 5 juin dernier. En d’autres termes, le Gouvernement entend mettre en œuvre l’ensemble des moyens nécessaires à la réalisation de ses objectifs. Nous saluons cette volonté.

Au regard de ces dernières années, force est de constater que la demande d’asile connaît, en France, une hausse sans précédent, alors que, dans d’autres États européens, elle est en baisse. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : au cours de la décennie 2007-2017, la demande de protection internationale en France a pratiquement triplé, augmentant de 183 %.

L’immigration régulière est toujours très dynamique, certains efforts ayant été réalisés. En effet, l’année 2019 sera marquée par une augmentation des crédits destinés à l’accueil des étrangers primoarrivants.

De plus, la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie produit ses premiers effets. Elle a permis, entre autres résultats, une meilleure insertion professionnelle des étrangers, auxquels elle assure une formation dispensée en langue française.

Néanmoins, notre collègue François-Noël Buffet signale, au nom de la commission des lois, que, « malgré des hausses ponctuelles, les moyens programmés par le présent budget sont fondés sur des hypothèses irréalistes et restent notoirement insuffisants au regard de la réalité des phénomènes migratoires auxquels la France est aujourd’hui confrontée ». En particulier, en raison de la forte hausse de la demande d’asile dans notre pays, les objectifs avancés par le Gouvernement – respect d’un délai cible de six mois pour le traitement des demandes d’asile et 86 % de demandeurs d’asile hébergés – ne semblent pas tenables.

Je voudrais attirer votre attention sur les crédits alloués à l’action n° 03 du programme « Immigration et asile », intitulée Lutte contre l’immigration irrégulière. Ils sont certes bienvenus, mais ne prennent pas en compte les conséquences de l’augmentation du nombre des demandes d’asile, non plus que les flux secondaires en provenance, notamment, d’Italie et d’Espagne. Ma collègue Denise Saint-Pé avait alerté le Gouvernement à cet égard lors des questions d’actualité au Gouvernement du 8 novembre dernier, expliquant que les Pyrénées étaient devenues une nouvelle route pour les populations migrantes. De fait, plus de 50 000 personnes sont arrivées sur les côtes espagnoles depuis le début de l’année, ce qui représente la moitié des entrées sur le continent. En réponse à ma collègue, monsieur le secrétaire d’État, vous avez exprimé votre volonté de nommer un coordinateur pour l’ensemble du massif pyrénéen, afin qu’un interlocuteur unique dialogue avec les autorités espagnoles : pouvez-vous nous indiquer si cette initiative s’est concrétisée et ce qui ressort de vos échanges avec les autorités espagnoles ?

La suite de mon propos sera consacrée au nombre de mesures d’éloignement effectivement exécutées.

Nous le savons, mes chers collègues, l’effort à cet égard est quasi nul. En effet, depuis quatre ans, les dépenses d’éloignement des migrants en situation irrégulière stagnent à un niveau proche de 30 millions d’euros. Je fais notamment référence à l’organisation des procédures d’éloignement par voies aérienne et maritime des étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement, dont la mise en œuvre revient à la police aux frontières.

Le problème est connu : près de neuf obligations de quitter le territoire sur dix ne sont pas exécutées. C’est une question complexe, dont la résolution, j’en suis bien conscient, ne nécessite pas simplement une écriture budgétaire.

Plus globalement, le problème majeur sur lequel bute ce gouvernement, comme d’ailleurs ceux qui l’ont précédé, est celui du traitement des déboutés du droit d’asile.

Oui, la France doit continuer à protéger les populations en danger au titre de l’asile. Oui, elle a encore des progrès à faire dans le traitement de ces demandes et sur les garanties offertes à ceux qui obtiennent l’asile. Mais, surtout, pour que ce système fonctionne, pour qu’il ait un sens, il est indispensable que nous trouvions de nouvelles solutions efficaces afin que les déboutés ne viennent pas presque systématiquement grossir les rangs des personnes en situation irrégulière sur notre territoire.

Monsieur le secrétaire d’État, cette diminution des crédits est en contradiction avec l’intention affichée à plusieurs reprises par le Gouvernement de faciliter l’accès aux places de rétention partout sur le territoire, en vue, notamment, de lutter contre l’insécurité et de renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière.

Compte tenu de l’ensemble de ces observations, les sénateurs centristes ne peuvent pas apporter leur soutien aux crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances pour 2019 !

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