Intervention de Laurent Nunez

Réunion du 6 décembre 2018 à 21h15
Loi de finances pour 2019 — Immigration asile et intégration

Laurent Nunez :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » représentent 1, 694 milliard d’euros, soit une hausse de 13 % à périmètre constant, après une progression de 26 % en 2018.

Cette hausse significative traduit le fait que la pression migratoire reste forte dans notre pays, avec notamment une demande d’asile très soutenue. Notre attachement à la sincérité budgétaire nous a donc conduits à accompagner cette hausse de la demande d’asile sur le plan budgétaire.

Cette hausse correspond également à la traduction budgétaire de priorités politiques très claires en application, d’une part, des décisions prises lors du comité interministériel à l’intégration du 5 juin 2018, et, d’autre part, du plan d’action du Gouvernement pour garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires.

Ce budget pour 2019 est donc robuste et complet. En effet, il garantit les moyens qui permettront à l’État de renforcer les capacités d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés – j’y reviendrai.

Ensuite, il assure des ressources nouvelles pour renforcer les instruments de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière, qui est bien une priorité.

Enfin, il permet le changement d’échelle des politiques d’intégration, qui sont déployées en faveur des étrangers qui ont vocation à rester durablement en France. Il s’agit d’une politique très équilibrée, madame Benbassa, qui priorise certes la politique de reconduite, mais également l’intégration. Je vous donnerai quelques éléments chiffrés dans un instant.

Vous le savez, notre pays reste soumis à une pression migratoire intense, évolutive, qui appelle de notre part une action toujours plus déterminée.

Cette pression migratoire n’est pas sans paradoxes. Entre 2016 et 2017, le nombre de demandeurs d’asile dans l’Union européenne a diminué de moitié, mais il a augmenté de 17 % en France, dépassant le cap des 100 000 demandes d’asile enregistrées à l’OFPRA. Pour une part importante, cette hausse de la demande d’asile émane de personnes qui n’ont pas de véritable besoin de protection. J’en citerai deux exemples.

En 2017, le pays qui se classait au premier rang des demandeurs d’asile dans notre pays était l’Albanie, pays sûr, candidat à l’entrée dans l’Union européenne, dont les ressortissants n’ont guère plus de 6 % de chances d’obtenir le statut de réfugié.

La même année, on constatait en Guyane une hausse constante et préoccupante de la demande d’asile provenant d’Haïti, avec des personnes qui ne font généralement pas état de motifs de protection au sens du droit international.

D’où ce paradoxe : la demande d’asile est en hausse, alors que les arrivées sur notre continent de personnes fuyant véritablement la guerre baissent. Cette réalité, le Gouvernement s’en est saisi à bras-le-corps, et je reprendrai, pour en apporter la démonstration, les deux mêmes exemples.

La demande d’asile en provenance de l’Albanie enregistre, sur les neuf premiers mois de 2018, une baisse de 41 % par rapport à la même période en 2017. Pour obtenir ce résultat, l’élaboration avec le Gouvernement albanais d’un plan d’action très concret, destiné à dissuader les flux migratoires irréguliers, a été décisive.

En Guyane, le constat avait été dressé que la durée excessive de nos procédures d’asile constituait un facteur important d’attractivité. Nous avons donc pris un décret réduisant à titre expérimental le délai de traitement de l’asile dans ce territoire à deux mois, ce qui a permis une baisse de 49 % de la demande d’asile.

L’année écoulée nous le prouve, mesdames, messieurs les sénateurs, pour dissuader les flux migratoires irréguliers, l’action déterminée de l’État porte ses fruits.

Il n’en reste pas moins, et je le reconnais volontiers devant vous, que la France reste confrontée à une situation migratoire délicate, qui justifie de poursuivre et d’amplifier notre action et, par conséquent, d’y allouer les moyens nécessaires. Là aussi, je ne prendrai que deux exemples particulièrement illustratifs.

Après l’Albanie, la France est aujourd’hui la destination d’un nombre important et toujours croissant de demandeurs d’asile originaires de Géorgie. Ce pays a obtenu récemment une exemption de visas pour ses ressortissants qui se rendent dans l’Union européenne.

Or, sur les neuf premiers mois de l’année, la demande en provenance de ce pays a enregistré une hausse de 289 %. Notre détermination sera totale pour endiguer ce phénomène, qui relève effectivement d’une migration économique et concerne très largement des personnes qui n’ont pas de besoins de protection au sens du droit. Nous mobiliserons tous les outils bilatéraux, mais aussi européens, pour y parvenir.

Du fait des dysfonctionnements actuels du règlement de Dublin, notre pays est fortement exposé aux flux secondaires internes à l’Union européenne, flux dans lesquels les déboutés du droit d’asile sont, hélas, de plus en plus nombreux, comme M. Bonhomme l’a rappelé. Un tiers des demandes d’asile enregistrées en France provient de personnes ayant déjà enregistré une demande dans un autre pays de l’Union européenne. Ce n’est pas acceptable. Voilà pourquoi Christophe Castaner et moi-même nous sommes fortement engagés dans les négociations européennes, pour réformer enfin le système qui permet ce phénomène.

Même si vous pouvez compter sur mon courage et ma ténacité pour affronter ce qui nous attend samedi prochain, monsieur Karoutchi, et même si je suis devant vous ce soir, j’étais ce matin encore à Bruxelles…

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