Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’objectif fixé pour la politique de sécurité routière est clair : réduire au maximum le nombre de morts et de blessés, donc d’accidents sur les routes françaises.
Ce faisant, cette politique diminue le coût de l’insécurité routière. Si la valeur d’une vie brisée est inestimable, le coût matériel des accidents de la route – évalué par l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, l’ONISR, à 39, 7 milliards d’euros – est très élevé. Comment évaluer la politique de sécurité routière à l’aune de ses résultats ?
Si l’on est loin de l’objectif, fixé par l’Union européenne, de passer sous la barre des 2 000 morts en 2020, les années 2017 et 2018 laissent enfin entrevoir une éclaircie.
En 2017, après trois années consécutives de hausse - une première depuis quarante-cinq ans –, le nombre de tués sur les routes repart enfin à la baisse. Ce sont 3 600 tués qui ont été dénombrés sur les routes de France métropolitaine et des départements d’outre-mer, soit 55 décès de moins par rapport à 2016.
Toutefois cette embellie demeure fragile et doit être relativisée. En effet, le nombre d’accidents et de blessés hospitalisés continue d’augmenter. En outre, la France se trouve toujours en quatorzième position, c’est-à-dire dans le « ventre mou » du classement des pays de l’Union européenne.
Quand on considère la distance parcourue sur les réseaux routiers, plusieurs de nos voisins – l’Allemagne, le Royaume-Uni ou la Suisse – affichent de meilleurs résultats. La France peut donc mieux faire.
Les crédits du programme 207, « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités », qui ne représentent que 0, 2 % du montant de la mission, augmentent de nouveau légèrement – de 3, 9 % par rapport à 2018 –, pour s’établir à 41, 4 millions d’euros.
Le point saillant de ce programme est le permis de conduire, dont les coûts d’organisation représentent plus de la moitié des crédits. La réforme de cet examen, engagée en 2014, s’essouffle : les indicateurs de performance stagnent, tandis que l’opération « permis à un euro par jour », qui m’apparaît, comme l’an dernier, trop budgétée, connaît un succès très relatif.
Cet été, le Gouvernement a confié une mission à deux de nos collègues députés, visant à relancer la réforme du permis de conduire, tandis que l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités, dit « LOM », qui vient d’être déposé au Sénat, doit aussi permettre de lui donner un nouvel élan.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles pistes envisagez-vous pour aider les jeunes à obtenir leur permis, souvent indispensable pour « décrocher » un premier emploi ?
S’agissant du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », le « CAS Radars », l’estimation, en projet de loi de finances, du produit total des amendes de la police de la circulation et du stationnement n’a jamais été aussi élevée : elle atteint 1 867 millions d’euros.
J’avoue que cette estimation, il y a encore quelques semaines, me semblait quelque peu frileuse. Le montant du produit réalisé, l’an dernier, c’est-à-dire en 2017, s’est révélé en effet nettement supérieur aux prévisions de la loi de finances initiale de 2017.
Cependant, au cours de ces trois dernières semaines de mobilisation des « gilets jaunes », de nombreux radars ont été vandalisés et sont désormais hors service – selon les éléments qui nous ont été donnés, plus de 800 radars automatiques, soit 20 % du parc. L’impact sur les recettes de l’État pourrait être important.
S’agissant des dépenses, j’observe que les décisions prises à l’issue du comité interministériel réuni le 9 janvier 2018 s’inscrivent dans la droite ligne de la politique des deux précédents gouvernements.
Si je reste très mesuré – c’est un euphémisme – quant aux effets de l’abaissement de la vitesse autorisée à 80 kilomètres par heure, j’aurais préféré, comme beaucoup de mes collègues, notamment ceux du groupe de travail sur la sécurité routière, que ces décisions soient prises en concertation avec les collectivités et les élus locaux et davantage ciblées sur les routes les plus accidentogènes. Je salue cependant certaines des mesures du comité interministériel, qui rejoignent les recommandations émises par notre collègue Vincent Delahaye dans son rapport de contrôle budgétaire de 2017.
Par ailleurs, je constate que le plan de déploiement de ces nouveaux équipements prend un sérieux retard. L’objectif des 4 700 radars et des 200 itinéraires sécurisés, qui devait être atteint au 31 décembre 2018, est pratiquement reporté d’une année.
Ce décalage, qui serait en partie lié à une phase d’homologation des nouveaux dispositifs plus longue que prévu, notamment ce que l’on appelle les radars tourelles, me fait m’interroger sur la nécessité d’augmenter encore les crédits du programme 751, même si, à ce jour, je comprends bien que cette augmentation puisse être justifiée par une évolution de la composition du parc privilégiant des radars plus intelligents, donc plus onéreux.
En outre, cette hausse de crédits pourrait d’ailleurs être absorbée par les frais de remise en état des radars détériorés. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous dire à combien pourraient s’élever les frais de remise en état de ces appareils, compte tenu du bilan connu à ce jour et que je viens de citer ?
S’agissant des collectivités locales, je note que les crédits du programme 754 diminuent de nouveau d’environ 7 % en 2019. Cette baisse est certes justifiée par l’entrée en vigueur de la décentralisation du stationnement payant. En effet, depuis le 1er janvier, les communes et les intercommunalités ont la faculté de fixer le montant du forfait post-stationnement et à en recueillir le produit. Ce n’est, en revanche, pas le cas des départements, auxquels incombe l’entretien de quelque 370 000 kilomètres de voirie.
Au cours de l’examen de la première partie, le Sénat a adopté un amendement, présenté par le rapporteur général, visant à créer un prélèvement sur le produit des amendes forfaitaires hors radars et amendes forfaitaires majorées au bénéfice des départements. Je présenterai donc un amendement de crédits pour permettre de financer ce prélèvement, au détriment du programme 755 « Désendettement de l’État ».
Je suis en effet convaincu que la politique de sécurité routière, pour être efficace, doit être comprise par nos concitoyens. Même si la part des recettes issues du contrôle automatisé et fléchées vers le désendettement de l’État est inférieur à 9 %, le manque de lisibilité du compte d’affectation spéciale et son architecture tarabiscotée, enchevêtrant les flux des différentes catégories d’amendes, ne contribuent pas à rendre la politique de sécurité routière plus transparente et plus acceptable dans la répartition des produits collectés.
Je préconise donc, monsieur le secrétaire d’État, d’étudier une refonte complète de l’architecture de ce compte d’affectation spéciale, avec un souci de simplification.
En conclusion, la commission des finances propose donc d’adopter les crédits de la mission dans sa partie « Sécurité et éducation routières » – 0, 2 % du total –, sans modification, ainsi que ceux du compte d’affectation spéciale, ainsi modifiés.