Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 19 novembre dernier, j’étais à être Haybes, dans les Ardennes, aux obsèques de Maggy Biskupski, présidente de l’Association des policiers en colère.
Elle était le trente-troisième membre de la police à mettre fin à ses jours en 2018, de même qu’il y a eu trente et un gendarmes. En m’embrassant, sa maman m’a dit : « Ma fille demandait si peu ». Je lui ai répondu : « Oui, si peu et si juste : des conditions matérielles minimales, un peu de considération et de respect, du soutien moral et juridique que doit tout employeur à ses employés. »
Il faut écouter les policiers qui souffrent au lieu d’envoyer l’Inspection générale de la police nationale aux policiers qui expriment cette souffrance. Place Beauvau, on met depuis trop longtemps la poussière sous le tapis ; vous devez le savoir, monsieur le secrétaire d’État. C’est bien de cultiver le secret – c’est même indispensable à la Direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI. C’est moins bien dissimuler la réalité, au risque de se mentir à soi-même et parfois aux autres.
Au sein de la commission d’enquête sur l’état des forces de sécurité intérieure, nous n’avons rien dissimulé de la réalité, ni même de nos responsabilités antérieures : RGPP et pression par les chiffres pour la droite ; faiblesse pénale et sous-investissement pour la gauche. Et puis, il y a eu la vague terroriste, la vague migratoire, l’Euro, les manifestations contre la loi Travail… Le problème réside non pas dans les responsabilités antérieures, mais dans la situation actuelle.
Certaines solutions appellent non pas des moyens financiers, mais de la volonté politique, d’autres attitudes morales, des déblocages idéologiques, des révolutions culturelles. La première est certainement celle du management dans la police nationale ; le rapport dit beaucoup sur ce point. Je parle de révolutions culturelles, de déblocages idéologiques et de volonté politique pour apporter enfin une réponse pénale adaptée.
Policiers et gendarmes courent de plus en plus de risques pour pas grand-chose ou pour rien, et cela les mine. Ils sont dévorés aussi par la lourdeur et la complexité de la procédure pénale, qui mangent les deux tiers de leur temps.
En cinq ans, vous créerez péniblement 7 500 postes de policiers et 2 500 postes de gendarmes, en grande partie gommés, on l’a dit, par la vacation forte ou la directive européenne sur le temps de travail. Vous en gagnerez des dizaines de milliers en allégeant drastiquement la procédure pénale. Mais là, ce n’est pas Bercy qui commande ; c’est la place Vendôme. Le projet de loi sur la justice, c’est seulement un cinquième de ce qui était attendu, soit une timide numérisation. L’oralisation était exclue ; on l’a réintroduite au Sénat par amendement ; l’Assemblée nationale l’a pour l’instant maintenue. J’espère que cela tiendra.
Nicolas Hulot disait que le Gouvernement se mentait à lui-même et donc aussi aux autres. Ce budget est en trompe-l’œil ; nos rapporteurs l’ont parfaitement démontré. Ce budget ne résorbera pas le stock des 22 millions d’heures supplémentaires impayées, qui vont continuer à augmenter. Ce budget ne répond pas au déficit de formation. Ce budget ne résorbe pas les dizaines de millions d’euros d’arriérés de loyers dus aux collectivités, qui logent les gendarmes tellement mieux que l’État, lequel les montre pourtant du doigt.
Nous avons vu comment l’État loge ces gendarmes, par exemple à Satory, dans des appartements indignes, insalubres, sans double vitrage, avec des baignoires sabots des années cinquante et des installations électriques non conformes, aussi dangereuses que ces voitures qui ne passeraient pas le contrôle technique si elles n’étaient pas sérigraphiées.
Vous vous apprêtez à déployer samedi prochain les blindés de la gendarmerie. Ils ont quarante-cinq ans ! Quand j’étais gamin, je jouais avec un VBRG Solido ; c’est dire s’ils ne sont pas jeunes !