Je m'interroge de plus en plus sur notre rôle depuis le début de la discussion sur ce projet de loi de finances. Vous venez d'entendre le ministre nous exhortant à voter cet amendement de crédits concernant la revalorisation de la prime d'activité, avant de nous dire qu'une autre solution pourrait être présentée d'ici quelques heures ou quelques jours. A priori, les 100 euros supplémentaires pour les bénéficiaires du SMIC passeraient par la prime d'activité, tel que le propose l'amendement. Mais le ministre nous affirme dans le même temps que d'autres dispositifs sont à l'étude... À ce niveau-là, ce n'est même plus de la navigation à vue !
Nous vivons cette année une discussion budgétaire assez inédite. À plusieurs reprises, le Gouvernement nous a expliqué d'abord que telle ou telle mesure était trop coûteuse, avant de se raviser et d'affirmer quelques instants plus tard que son coût est finalement faible sous telles conditions et que l'on peut l'adopter. Ainsi, le gel de la hausse des taxes sur les carburants que nous avons voté nous avait d'abord été reproché. Finalement, le Gouvernement s'y rallie.
À présent, le Gouvernement souhaite notre vote immédiat sur les amendements sur lesquels nous devons nous prononcer, pour avancer l'application de la seconde bonification de la prime d'activité et augmenter les crédits correspondants. Peut-être une autre idée surgira-t-elle de Bercy quelques minutes après notre vote ?
Trois amendements sont soumis à notre examen. L'amendement C-1 modifie les crédits de la prime d'activité, financée par la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Je rappelle qu'un article rattaché à cette mission, l'article 82 du projet de loi de finances pour 2019, créé une nouvelle bonification de la prime d'activité. Vous pourrez lire davantage sur le sujet dans le rapport spécial de nos collègues Arnaud Bazin et Éric Bocquet pour la commission des finances et dans l'avis de Philippe Mouiller pour la commission des affaires sociales. La prime d'activité est versée par les caisses d'allocations familiales (CAF) à ceux qui perçoivent un revenu d'activité situé entre 0,5 et 1,2 SMIC. Contrairement à ce qu'a pu dire le ministre Gérald Darmanin, il s'agit bien d'une dépense publique. Le Gouvernement propose ainsi de majorer de 600 millions d'euros les crédits de la mission « Solidarité », comprise dans le budget de l'État. Ces 600 millions d'euros seront ensuite versés à la CAF, puis aux bénéficiaires.
En lien avec cet amendement de crédits C-1, l'amendement C-2 modifie l'article 82 pour anticiper la création d'une seconde bonification individuelle de la prime d'activité dès le 1er janvier 2019 et non plus le 1er avril 2019 tel que le prévoyait le texte issu de l'Assemblée nationale. Fixé au départ à 20 euros dans le texte initial, le montant de cette bonification a été rehaussé à 30 euros, l'Assemblée nationale votant un amendement de crédits en ce sens. L'amendement ne prévoit pas de modifier ce montant, il appartient au pouvoir réglementaire de mettre en oeuvre de cette mesure. Comment le Gouvernement arrive-t-il à la somme de 100 euros en 2019 ? Il n'ajouterait en réalité que 50 euros en 2019 à la prime d'activité, s'il inclut déjà, par exemple, dans ces 100 euros les 20 euros de la première bonification créée en 2018 et les 30 euros de la seconde bonification déjà prévue pour 2019. Les amendements C-1 et C-2 n'emporteraient donc pas de grand changement dans cette hypothèse puisqu'une trajectoire en hausse de la prime d'activité était déjà prévue, avec une revalorisation chaque année portant le montant total de la seconde bonification à 70 euros au 1er avril 2021. Le ministre a bien précisé qu'il s'agit d'un montant moyen de 100 euros et que cette prime est fonction du foyer. Cela signifie donc que dans un foyer où l'un des conjoints touche le SMIC mais l'autre perçoit un salaire bien plus élevé, le conjoint smicard ne bénéficierait pas nécessairement de ces 100 euros supplémentaires.
Nous pouvons nous prononcer concrètement sur l'amendement C-2 dont l'objet est clair. En revanche, notre vote sur l'amendement de crédits C-1 donnerait une sorte de « blanc-seing » au Gouvernement, qui décidera de la répartition des 600 millions d'euros supplémentaires. Encore une fois, nous allons nous exprimer sur ces amendements tout en sachant que le Gouvernement pourrait aussi revenir dessus et remplacer cette mesure par une autre...nous verrons bien. L'amendement C-3 est un amendement de coordination tirant simplement les conséquences de ces amendements sur le tableau de l'article d'équilibre.