Je me bornerai à formuler de brèves observations, compte tenu de l'impossibilité dans laquelle nous nous sommes trouvés, avec nos collègues rapporteurs de l'Assemblée nationale, de parvenir à un compromis, tant les points de divergence sur ces textes sont nombreux.
En première lecture, le Sénat s'est efforcé d'adopter des textes plus équilibrés et aboutis que ceux présentés par le Gouvernement, en s'inspirant des travaux de la mission d'information de la commission des lois sur le redressement de la justice, publiés au mois d'avril 2017, et des dispositions de la proposition de loi et de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice qu'il avait adoptées, le 24 octobre 2017, à l'initiative de Philippe Bas.
Nous avons souhaité proposer une réforme à la hauteur des enjeux concernant tant les moyens que l'organisation et le fonctionnement de la justice. Nous avons tout d'abord rétabli la trajectoire budgétaire que le Sénat avait adoptée dès octobre 2017, comportant une hausse des crédits de 33,8 % en cinq ans, pour atteindre 9 milliards d'euros, quand celle prévue par le Gouvernement était bien en deçà de ce montant avec une progression de 23,5 % sur la même période. Par comparaison, la dernière loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, dite loi Perben, avait permis une augmentation des moyens de la justice de 37,2 % sur cinq ans. La hausse des crédits que nous avons proposée incluait en outre la création de 13 700 emplois, quand le Gouvernement en prévoyait 6 500.
Le Sénat a ensuite veillé à ce que la nouvelle organisation de la première instance préserve le maillage territorial et la proximité de l'institution judiciaire. Tout en acceptant la mise en place d'une gestion commune du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance, qu'il avait déjà approuvée dans la proposition de loi sur le redressement de la justice, en retenant la dénomination de tribunal de première instance, il s'est assuré, par la mise en place de chambres détachées, qu'aucun site judiciaire ne serait fermé, et a prévu un mécanisme d'encadrement de toute évolution de la carte judiciaire. Il a également créé une fonction de juge chargé des contentieux de proximité.
Refusant une justice au rabais qui risquait de fragiliser encore davantage la situation des personnes les plus vulnérables, le Sénat s'est attaché à garantir l'accès au juge pour tous les justiciables, en supprimant par exemple l'extension de la tentative obligatoire de résolution amiable des litiges préalable à toute saisine du juge, en raison de l'absence d'évaluation du dispositif instauré en 2016 et de l'impossibilité probable pour les conciliateurs de justice d'absorber ce surcroît d'activité.
Nous avons limité la déjudiciarisation de la révision des pensions alimentaires aux hypothèses dans lesquelles les parties ont trouvé un accord, pour éviter qu'en cas de désaccord, la fixation de la contribution repose exclusivement sur l'application mathématique d'un barème, sans possibilité de prise en compte de la situation particulière des parties et de l'intérêt supérieur de l'enfant, comme le fait actuellement le juge.
Le Sénat a également souhaité encadrer la dématérialisation des procédures, conserver la phase de conciliation en matière de divorces contentieux et maintenir un contrôle effectif des comptes de gestion des personnes en tutelle.
Il a également pris les mesures nécessaires pour assurer l'avenir de l'aide juridictionnelle.