Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions se sont réunies au Sénat le 13 décembre 2018.
Les commissions mixtes paritaires ont tout d'abord procédé à la désignation de leurs bureaux, identiques et ainsi constitués : M. Philippe Bas, sénateur, président ; Mme Yaël Braun-Pivet, députée, vice-présidente ; M. François-Noël Buffet, sénateur, rapporteur pour le Sénat ; M. Yves Détraigne, sénateur, rapporteur pour le Sénat ; Mme Laetitia Avia, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale et M. Didier Paris, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
Les commissions mixtes paritaires ont procédé ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.
Je souhaite la bienvenue à nos collègues députés.
Nous vous remercions pour votre accueil. En première lecture, la majorité sénatoriale a profondément modifié les deux projets de loi, au profit parfois d'améliorations utiles, d'enrichissements bienvenus et de compléments nécessaires sur lesquels l'Assemblée nationale n'est pas revenue ou qu'elle a prolongés. D'autres modifications, plus substantielles, ont remis en cause l'équilibre général de la réforme et traduisent une divergence de points de vue que les débats à l'Assemblée nationale et le vote des députés ont confirmée.
En dépit de nos convergences par ailleurs nombreuses et de discussions préparatoires de bonne tenue, hier, entre rapporteurs, les points de désaccord entre nos assemblées apparaissent trop importants pour que les commissions mixtes paritaires puissent aboutir.
Le premier désaccord concerne les orientations budgétaires pluriannuelles, que nous souhaitons à la fois ambitieuses et réalistes.
En outre, sur le volet civil, notre attachement à l'objectif d'efficacité nous conduit à diverger sur plusieurs sujets, principalement sur l'extension du recours aux modes de règlement alternatif des différends et l'encadrement des services en ligne, en particulier la certification des legal techs, les modalités de révision de la pension alimentaire et la réforme de la procédure du divorce contentieux. Les conditions de la représentation obligatoire, la compétence exclusive du notaire en matière de recueil du consentement à l'assistance médicale à la procréation, les conditions du changement de régime matrimonial, la réforme du régime des tutelles, les modalités de la procédure sans audience et de la procédure dématérialisée en cas de petits litiges, les modalités d'inventaire et de contrôle des comptes de gestion des personnes protégées, la réforme des juridictions consulaires et la définition de la consultation juridique représentent également des points d'achoppement.
S'agissant de la réorganisation territoriale, les divergences portent en particulier sur l'expérimentation des fonctions d'animation et de coordination attribuées à certains chefs de cours d'appel, supprimée par le Sénat et rétablie par l'Assemblée nationale. Des désaccords existent également sur la dénomination des tribunaux judiciaires et des chambres de proximité, ainsi que sur les conditions de spécialisation contentieuse.
Nous souhaitons que la réforme de l'aide juridictionnelle soit précédée d'une évaluation précise de l'état du droit existant et des conséquences éventuelles d'une telle réforme sur l'accès des justiciables à la justice, au travers de la mission d'information installée par l'Assemblée nationale et de la concertation lancée par le Gouvernement.
Enfin, les divergences portant sur l'ensemble des articles du projet de loi organique résultent naturellement des désaccords sur les dispositions précitées du projet de loi ordinaire. L'Assemblée nationale ne voit dans ce texte que le prolongement de la loi ordinaire et non l'occasion d'une réforme profonde et sans concertation du statut de la magistrature.
Les divergences ne paraissent pas moindres sur les dispositions à caractère pénal du projet de loi. Sur ce volet, nous avons veillé à trouver une voie médiane entre l'objectif de simplification de la procédure pénale et la nécessaire garantie des droits, à mieux protéger et lutter contre le terrorisme, à moderniser et personnaliser les peines ainsi qu'à enrichir les dispositions relatives aux prisons.
Sur plusieurs sujets, nos positions sont apparues trop éloignées pour faire l'objet d'un compromis, en particulier sur l'habilitation donnée par l'Assemblée nationale au Gouvernement pour légiférer par ordonnance afin de réformer la justice pénale des mineurs, sur la plainte en ligne, sur le régime de la visioconférence et sur la place à donner à l'emprisonnement ferme et à la probation dans l'échelle des peines correctionnelles. Des divergences demeurent également sur les moyens de l'harmonisation et de la simplification des règles encadrant le recours aux interceptions, à la géolocalisation et à l'enquête sous pseudonyme, sur la présentation systématique au parquet à fin de prolongation de la garde à vue, sur l'assistance de la victime par un avocat dès le dépôt de plainte, sur le régime des perquisitions, sur les dispositions relatives au juge unique, sur le régime de l'amende forfaitaire délictuelle, sur la création d'une procédure de comparution différée, sur les règles de compétence des juridictions françaises pour connaître de crimes commis à l'étranger, sur la création, acceptée par l'Assemblée nationale mais rejetée par le Sénat, d'un parquet national antiterroriste et sur le caractère obligatoire de la représentation par un avocat en cas de pourvoi devant la chambre criminelle de la Cour de cassation.
En définitive, il ne nous paraît pas possible de parvenir à un accord et nous vous invitons à constater l'échec des deux commissions mixtes paritaires.
Je me bornerai à formuler de brèves observations, compte tenu de l'impossibilité dans laquelle nous nous sommes trouvés, avec nos collègues rapporteurs de l'Assemblée nationale, de parvenir à un compromis, tant les points de divergence sur ces textes sont nombreux.
En première lecture, le Sénat s'est efforcé d'adopter des textes plus équilibrés et aboutis que ceux présentés par le Gouvernement, en s'inspirant des travaux de la mission d'information de la commission des lois sur le redressement de la justice, publiés au mois d'avril 2017, et des dispositions de la proposition de loi et de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice qu'il avait adoptées, le 24 octobre 2017, à l'initiative de Philippe Bas.
Nous avons souhaité proposer une réforme à la hauteur des enjeux concernant tant les moyens que l'organisation et le fonctionnement de la justice. Nous avons tout d'abord rétabli la trajectoire budgétaire que le Sénat avait adoptée dès octobre 2017, comportant une hausse des crédits de 33,8 % en cinq ans, pour atteindre 9 milliards d'euros, quand celle prévue par le Gouvernement était bien en deçà de ce montant avec une progression de 23,5 % sur la même période. Par comparaison, la dernière loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, dite loi Perben, avait permis une augmentation des moyens de la justice de 37,2 % sur cinq ans. La hausse des crédits que nous avons proposée incluait en outre la création de 13 700 emplois, quand le Gouvernement en prévoyait 6 500.
Le Sénat a ensuite veillé à ce que la nouvelle organisation de la première instance préserve le maillage territorial et la proximité de l'institution judiciaire. Tout en acceptant la mise en place d'une gestion commune du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance, qu'il avait déjà approuvée dans la proposition de loi sur le redressement de la justice, en retenant la dénomination de tribunal de première instance, il s'est assuré, par la mise en place de chambres détachées, qu'aucun site judiciaire ne serait fermé, et a prévu un mécanisme d'encadrement de toute évolution de la carte judiciaire. Il a également créé une fonction de juge chargé des contentieux de proximité.
Refusant une justice au rabais qui risquait de fragiliser encore davantage la situation des personnes les plus vulnérables, le Sénat s'est attaché à garantir l'accès au juge pour tous les justiciables, en supprimant par exemple l'extension de la tentative obligatoire de résolution amiable des litiges préalable à toute saisine du juge, en raison de l'absence d'évaluation du dispositif instauré en 2016 et de l'impossibilité probable pour les conciliateurs de justice d'absorber ce surcroît d'activité.
Nous avons limité la déjudiciarisation de la révision des pensions alimentaires aux hypothèses dans lesquelles les parties ont trouvé un accord, pour éviter qu'en cas de désaccord, la fixation de la contribution repose exclusivement sur l'application mathématique d'un barème, sans possibilité de prise en compte de la situation particulière des parties et de l'intérêt supérieur de l'enfant, comme le fait actuellement le juge.
Le Sénat a également souhaité encadrer la dématérialisation des procédures, conserver la phase de conciliation en matière de divorces contentieux et maintenir un contrôle effectif des comptes de gestion des personnes en tutelle.
Il a également pris les mesures nécessaires pour assurer l'avenir de l'aide juridictionnelle.
En matière pénale, le Sénat a veillé à concilier l'accroissement des prérogatives du parquet, que nous n'avons pas contesté dans son principe, et des moyens d'investigation des services d'enquête, ainsi que la simplification de la procédure pénale, que nous avons soutenus, avec le respect des libertés individuelles et du rôle du juge d'instruction. Dans cette recherche d'un meilleur équilibre que celui proposé par le Gouvernement, le Sénat a notamment maintenu la présentation au procureur pour la prolongation de la garde à vue et introduit la possibilité d'être assisté par un avocat lors d'une perquisition. En complément d'une procédure pénale garante de la présomption d'innocence, nous avons adopté de nombreuses dispositions proposant une nouvelle politique d'exécution des peines, à la fois plus ferme, plus prévisible et plus efficace.
Quant au plan pénitentiaire présenté le 12 septembre 2018 en Conseil des ministres, le Sénat n'a pu que constater l'abandon du projet de création de 15 000 nouvelles places de prison d'ici 2022, qui constituait pourtant un engagement du Président de la République lors de la campagne pour l'élection présidentielle de 2017 et une nécessité au regard de l'état très dégradé de notre parc immobilier carcéral, dénoncé dans le rapport de la mission d'information sur le redressement de la justice. De plus, l'essentiel des 7 000 places livrées d'ici 2022 repose sur des constructions engagées par les gouvernements précédents : ainsi, les ambitions réelles du Gouvernement se résument désormais à la création de 2 130 places de structures d'accompagnement vers la sortie.
Au terme de ses travaux, l'Assemblée nationale a rétabli, à quelques ajustements près, les dispositions du texte initial du Gouvernement, témoignant ainsi d'une absence de volonté réelle d'aboutir à un texte consensuel. Elle a, en outre, ajouté une trentaine de nouveaux articles au projet de loi, qui en comptait initialement 57, privant ainsi le Sénat de la possibilité de débattre de ces nouveaux sujets avant la réunion des commissions mixtes paritaires, quelques heures seulement après la fin de l'examen du texte à l'Assemblée nationale. La méthode me semble quelque peu... exotique.
Ces nouvelles dispositions s'ajoutent aux nombreux points de désaccord avec le projet initial du Gouvernement qui avaient donné lieu à des modifications au Sénat, remises en cause par l'Assemblée nationale. Je citerai l'habilitation du Gouvernement à réformer par ordonnance les règles relatives à la justice pénale des mineurs - le sujet paraît suffisamment important pour mériter un véritable débat apaisé, d'ailleurs promis en dehors du débat sur les présents textes par la garde des sceaux avant qu'elle ne revienne sur la parole donnée et ne recoure soudainement à une habilitation « pour se contraindre elle-même » selon ses propres mots.
Il y a également : la modification des règles de recherche dans le fichier national des empreintes génétiques ; la possibilité de juger les délits de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse par ordonnance pénale ; la création d'un parquet antiterroriste dédié, susceptible de remettre en cause l'efficacité de notre système judiciaire. Le Sénat souhaitait le maintien du système actuel, d'autant plus efficace que le parquet près du tribunal de grande instance de Paris avait vu ses compétences élargies à la lutte contre le crime organisé. L'Assemblée nationale a également proposé une réécriture des dispositions relatives au renseignement pénitentiaire moins d'un an après la publication de la loi du 30 octobre 2017. Elle a aussi prévu la fusion des greffes du nouveau tribunal judiciaire et des conseils de prud'hommes lorsqu'ils sont situés dans une même commune ainsi que l'allègement drastique du contrôle du juge en matière de tutelle, avec un risque de moindre protection des personnes vulnérables. Enfin, elle a prévu la ratification de diverses ordonnances.
Sans être opposés par principe à certaines de ces propositions, la méthode utilisée n'ayant pas permis au Sénat d'en débattre, nous ne pouvons les accepter.
Je ne m'étendrai pas sur le projet de loi organique, les modifications apportées par le Sénat ayant subi à l'Assemblée nationale le même sort que celles apportées au projet de loi ordinaire.
J'ajouterai à cette longue liste la dommageable suppression du tribunal économique, malgré le consensus du monde judiciaire depuis le rapport commis sous la présidence de Philippe Bas en avril 2017.
Soulignons une notable exception : le vote conforme, par l'Assemblée nationale, de la disposition introduite par le Sénat visant à élargir le délit d'entreprise individuelle terroriste.
Les divergences majeures sur le fond sont apparues si nombreuses lors de nos échanges, fort courtois au demeurant, avec les rapporteurs de l'Assemblée nationale qu'elles nous ont donné une certaine idée de l'infini... Dès lors, les commissions mixtes paritaires ne peuvent qu'échouer.
À l'écoute des rapporteurs, nous avons la confirmation de l'échec des commissions mixtes paritaires que nous soupçonnions depuis plusieurs heures. La situation apparaît particulière : les débats à l'Assemblée nationale se sont révélés chaotiques, l'opposition du monde judiciaire - barreaux, syndicats de magistrat, greffiers - est apparue générale et le vote par les députés a frôlé l'incident politique puisque trois voix seulement pouvaient en faire basculer l'issue. Le résultat montre à nouveau l'incroyable surdité du Gouvernement et de sa majorité face aux mobilisations.
Le Sénat a travaillé de manière constructive. Hélas, ses apports, notamment sur la place du juge face au renforcement des droits du parquet, sur les moyens de la justice, sur l'administration pénitentiaire et sur la fusion entre tribunaux d'instance et de grande instance, ont été balayés par le vote, à l'Assemblée nationale, de centaines d'amendements. Que dire, en outre, du recours à une habilitation pour réformer l'ordonnance de 1945, dont nous avons été informés au détour d'une question d'actualité posée à la garde des sceaux ? Il était alors pourtant acquis que le Sénat ne débattrait plus du texte et la commission des lois de l'Assemblée nationale s'était déjà réunie. La méthode interroge sur la conception du débat parlementaire par la majorité ! Quoi qu'il en soit, l'échec des commissions mixtes paritaires effacera le travail mené par le Sénat.
Je partage l'analyse de Marie-Pierre de la Gontrie et je m'étonne du caractère absurde de la situation au regard de l'étendue de nos désaccords. J'espère qu'ils ne sont pas en réalité si profonds que les rapporteurs l'ont exposé. Nous devrions, il me semble, nous accorder sur deux points. Peut-être nos présidents, bien que la démarche soit inhabituelle, pourraient-ils les faire adopter et, ainsi, donner un caractère formel à nos protestations ?
Nous devrions d'abord considérer que le recours généralisé à la procédure accélérée devient insupportable. L'Assemblée nationale a adopté, il y a quelques heures, trente articles additionnels que nous n'avons pu étudier. La méthode n'a aucun sens. La systématisation de la procédure accélérée, si elle a débuté avant la présente législature, représente une nouveauté dans l'histoire parlementaire française. Nous devrions de concert, par respect pour le bicamérisme, refuser une telle provocation !
Je vous invite également à protester contre la procédure utilisée s'agissant de la réforme de la justice pénale des mineurs par ordonnance. La garde des sceaux a failli à ses engagements ! Par solidarité parlementaire, les députés aurait dû rejeter un amendement privant le Sénat d'un nécessaire débat sur un sujet majeur.
Les propos tenus reflètent la traditionnelle sagesse du Sénat. Je puis vous le confirmer : les débats ont été chaotiques à l'Assemblée nationale, souvent interrompus et maintes fois tardivement prolongés. Ils se sont clos dans la nuit de mardi à mercredi par un scrutin public, dont le résultat fut particulièrement serré. Je regrette l'absence de vote solennel s'agissant d'un projet de loi organique.
La mobilisation du monde judiciaire, qui a également rassemblé des médiateurs et des associations de tuteurs, n'a guère été entendue. La méthode du Gouvernement jette un trouble, aggravé par l'épisode relatif à la réforme de la justice des mineurs. Nous connaissons, à l'Assemblée nationale, les « missions flash », qui parfois peuvent s'avérer utiles. Désormais, nous avons les « amendements flash » du Gouvernement, déposés et examinés quelques minutes après avoir été annoncés au cours d'une séance de questions d'actualité. Sur un sujet si sensible, Mme la garde des sceaux a souhaité se protéger de la suite des événements...
Le groupe Les Républicains (LR) de l'Assemblée nationale se trouve en désaccord profond avec la majorité gouvernementale s'agissant de la construction de places de prison. Le projet de loi s'en tient aux ambitions de M. Urvoas, fort éloignées des promesses de campagne de M. Macron. Le bilan sera forcément décevant en 2022. Nous regrettons également le caractère insuffisamment inclusif de la justice : il aurait fallu réformer la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Enfin, nous nous sommes opposés à cette réorganisation de la carte judiciaire qui ne dit pas son nom et à la fusion des tribunaux d'instance et de grande instance : elle conduira à la fermeture de points d'accès au droit et à la justice, notamment dans les départements les plus ruraux. Au sein même de l'Assemblée nationale, vous aurez compris que les divergences existent.
L'Assemblée nationale a examiné des textes profondément modifiés par le Sénat. Nous avons certes ajouté des articles, mais vous aviez précédemment détricoté les projets du Gouvernement ! Nos situations étaient donc similaires... M. Gosselin souhaitait un vote solennel : je m'en étonne, car aucun groupe politique n'en a fait la demande lors de la réunion de la Conférence des présidents.
Chacun en est conscient : l'ordonnance du 2 février 1945 doit évoluer. À l'Assemblée nationale, nous y travaillons depuis plusieurs mois. L'ordonnance qui fera suite à l'habilitation ne s'appliquera pas avant la présentation du projet de loi de ratification au Parlement : soyez rassurés, le débat se tiendra donc.
L'examen des projets de loi fut certes long et haché à l'Assemblée nationale, mais ce contexte n'a nullement empêché le débat de se tenir. Quant à la mobilisation des professions judiciaires, elle a été entendue : la ministre et la majorité parlementaire ont apporté de très nombreuses explications pour apaiser leurs craintes. L'écoute, toutefois, doit exister des deux côtés... En outre, une concertation s'est tenue pendant un an, préalablement au dépôt de la réforme au Parlement.
Je réfute le tableau caricatural dressé par le Sénat qui, au demeurant, a refusé tout débat, il y a peu, sur les propositions de loi relatives à la manipulation de l'information, dont j'étais la rapporteure... Sur les textes relatifs à la justice, au contraire, les échanges n'ont pas manqué en commission comme dans l'hémicycle. Seulement, nos visions diffèrent : les amendements votés par le Sénat revenaient sur la simplification des procédures et la proximité de la justice que nous souhaitions.
Nous pourrions prendre ensemble la résolution d'éviter d'alourdir un projet de loi par des dispositions additionnelles lorsque la procédure accélérée est engagée, y compris lorsque le Sénat l'examine après l'Assemblée nationale... - car le risque d'échec de la commission mixte paritaire est alors élevé.
Monsieur Sueur, la procédure est certes accélérée, mais nous savons tous que nos désaccords sont trop importants pour espérer dans tous les cas aboutir au succès de nos commissions mixtes paritaires. Toutefois, lorsque nous le pouvons, nous ne ménageons pas nos efforts pour trouver un accord avec le Sénat. Du reste, depuis le début de la législature, les commissions mixtes paritaires sur les textes examinés au fond par nos commissions des Lois se sont le plus souvent conclues positivement. Notre majorité n'a nulle tentation de domination !
Pour ce qui concerne la justice des mineurs, une mission d'information travaille depuis de nombreux mois à l'Assemblée nationale - je salue à cet égard notre collègue Cécile Untermaier, qui en est co-rapporteure avec M. Jean Terlier - et proposera à la chancellerie des bases solides pour la réforme. Mme la garde des sceaux a invité les parlementaires à intégrer des groupes de travail pour réfléchir à la rédaction de la future ordonnance. Nous avons accepté : le bureau de la commission des lois de l'Assemblée nationale a ainsi décidé qu'un groupe de contact, composé d'un représentant de chaque groupe, suivra les travaux que le Gouvernement engagera. Enfin, le Gouvernement s'est engagé à ce qu'un débat parlementaire se tienne sur ce thème.
J'aurais aussi aimé que l'Assemblée nationale reprenne certaines de nos propositions, notamment sur l'aide juridictionnelle, mais je prends acte de sa position. Il ne faut pas éluder que de nombreux échanges ont précédé le dépôt de ces textes au Parlement. Les praticiens du droit ont alors obtenu des concessions du Gouvernement sur la procédure de divorce et les legal techs par exemple. Et, si les propositions du Sénat étaient sans nul doute plus ambitieuses, les projets de loi, dans leur version adoptée par l'Assemblée nationale, comportent des aspects indéniablement positifs, en ce qui concerne l'augmentation des moyens destinés à la justice et leur programmation pluriannuelle. Je souhaite que nous avancions rapidement sur la réforme de la justice des mineurs et sur l'aide juridictionnelle. Déjà, plusieurs solutions ont été avancées par les différents rapports commis sur ces sujets. Nos assemblées devront faire preuve de vigilance pour garantir l'efficacité des dispositions prises dans ce cadre.
Nos collègues sénateurs n'ont aucunement dénié le droit à l'Assemblée nationale d'ajouter des articles à un projet de loi. Mais il apparaît effectivement problématique qu'une assemblée, saisie en première lecture dans le cadre d'une procédure accélérée, n'ait pu examiner des articles ajoutés par l'autre chambre avant la tenue de la commission mixte paritaire. Certaines dispositions pourraient certes recevoir l'assentiment des deux assemblées, mais, en l'absence d'examen préalable, les parlementaires désignés pour siéger à la CMP ne peuvent savoir quel mandat politique leur est donné ! Il apparaîtrait donc de bonne pratique institutionnelle que chacune des deux chambres ait eu le loisir d'examiner la totalité des dispositions avant la commission mixte paritaire. Du reste, la procédure accélérée n'interdit nullement au Gouvernement de différer la convocation de ladite commission mixte paritaire : c'est la seule demande que nous devrions, collectivement, avoir. Il s'agit d'un sujet institutionnel important, qui pourrait utilement faire l'objet d'une précision à l'occasion de la révision constitutionnelle.
Quant aux articles d'habilitation de dernière minute, ils concernent trop fréquemment des sujets de première importance dont le traitement n'est pas si urgent. L'article 38 de la Constitution autorise cette procédure ; nous ne pouvons donc systématiquement nous y montrer hostiles, mais il s'agit d'en user avec parcimonie, pour des sujets techniques et d'importance secondaire. J'estime que nous assistons à cet égard à une dérive de l'utilisation de l'article 38, que nous soyons ou non favorables à une révision de l'ordonnance de 1945. La garde des sceaux, sans doute consciente de cette dérive, a d'ailleurs annoncé, de façon surprenante, que l'ordonnance ne s'appliquerait pas avant le débat parlementaire. Alors pourquoi une ordonnance ? Quel aveu !
Les commissions mixtes paritaires ont constaté qu'elles ne pouvaient parvenir à l'adoption de textes communs sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, et du projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions.
La réunion est close à 10 heures.