Intervention de Emmanuel Capus

Réunion du 11 décembre 2018 à 14h30
Loi de finances pour 2019 — Vote sur l'ensemble

Photo de Emmanuel CapusEmmanuel Capus :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous terminons l’examen du deuxième projet de loi de finances du quinquennat dans un contexte difficile, qui tranche sensiblement avec la situation de l’année dernière.

Le Président de la République s’est exprimé hier soir. Il a annoncé des mesures fortes en faveur des salariés et des retraités les plus modestes, qui rendent la poursuite des violences encore plus inacceptable.

Ceux qui appellent à les prolonger sont non seulement irresponsables, mais aussi incohérents. Ils mentent aux Français. Comment expliquer « en même temps » que la suppression de 5 euros d’APL est une catastrophe – c’est sans doute vrai pour un grand nombre de bénéficiaires – et critiquer la hausse, jugée insuffisante, de 100 euros de la prime d’activité ? Où est la cohérence ? Mes chers collègues, il faut maintenant cesser la surenchère.

Dans ce contexte de crise politique et sociale, le risque serait dorénavant de revoir nos ambitions à la baisse, de faire l’autruche, de faire comme nous avons toujours fait, à savoir augmenter les dépenses et les impôts.

Au contraire, nous croyons que le temps des vieilles recettes est révolu et qu’il faut faire preuve de responsabilité. C’est valable pour les « gilets jaunes », pour les parlementaires et pour le Gouvernement.

La responsabilité du Gouvernement est double. Il doit d’abord répondre concrètement à la colère légitime qui s’exprime dans le pays, et l’écouter avec « lucidité », pour reprendre le terme employé par le Premier ministre, ici, au Sénat, la semaine dernière. Hier, le Président de la République a fait preuve de lucidité face au déclassement social d’une partie de nos concitoyens et à l’érosion continue de leur pouvoir d’achat depuis plus de vingt ans.

Mais le mal est plus profond. C’est de l’essoufflement du « modèle français » qu’il est question. Ce modèle rime aujourd’hui avec un État obèse, des services publics de plus en plus éloignés et une hausse des inégalités.

Pour répondre à cette détresse, le Sénat a fait plusieurs propositions lors de l’examen de ce budget, en direction des personnes modestes et des petites entreprises : gel de la hausse de la TICPE, aménagement de la réforme de la fiscalité du gazole non routier – même si le groupe Les Indépendants aurait souhaité aller encore plus loin sur ce sujet –, et lutte contre la fraude fiscale.

Nous sommes heureux que le Gouvernement ait saisi la main qui lui était tendue sur certains de ces sujets, notamment pour ce qui concerne les taxes énergétiques.

Mais nous entendons aussi, tout particulièrement au sein de notre assemblée, une autre colère, celle des élus locaux, des élus ruraux, qui se sentent trop souvent ignorés par l’État. Ils sont au plus près des citoyens, ils leur ont ouvert leurs portes ces derniers jours, comme à leur habitude, pour comprendre leurs inquiétudes.

Monsieur le ministre, ces élus ne demandent qu’une chose : les moyens d’agir. Le Sénat, là encore, a sensiblement amélioré le texte du Gouvernement s’agissant des collectivités territoriales, pour mieux prendre en compte les spécificités locales.

Il faut que le Gouvernement travaille avec les élus locaux dans les prochaines semaines : ils sont l’une des clés de la sortie de crise, car ils forment l’ossature de la République.

L’autre responsabilité du Gouvernement, c’est d’engager l’indispensable refonte de la dépense publique et de la fiscalité de notre pays. Les annonces du Président de la République doivent maintenant être financées. Mais il serait insupportable et incompréhensible pour les Français que cela se fasse au prix de plus d’impôt et de plus de dette.

Le président Malhuret, rappelant ce qui se passe depuis trente ans, l’a dit la semaine dernière à cette tribune : « Nous n’avons pas réformé, alors que tous les autres autour de nous se réformaient. En punition, nous avons eu le pire des deux mondes : plus de dépenses publiques et moins de services publics ; plus de dette et moins de justice ; plus de mots et moins d’actes. » Aujourd’hui, monsieur le ministre, il vous incombe de faire les réformes que tous les autres ont mises sous le tapis : repenser les mesures fiscales punitives et complexes héritées des quinquennats précédents ; évaluer – enfin ! – la dépense publique pour supprimer les programmes inefficaces ; réduire la dette et donner des perspectives d’avenir à nos concitoyens.

Les événements nous mettent au pied du mur. Allons-nous sortir de cette crise, comme de tant d’autres auparavant, avec un rafistolage qui ne changera rien, ou bien profiterons-nous de cet électrochoc pour résoudre le mal français ?

Nous l’avions dit lors de la discussion générale : ce budget est trop timide pour sortir la France de l’ornière. Il est d’ailleurs déjà caduc. Il est aujourd’hui de votre responsabilité, monsieur le ministre, de changer de cap.

Mais la responsabilité de la représentation nationale, particulièrement du Sénat, n’est pas moins grande, la dégradation du climat social étant propice à la démagogie, aux postures et au jusqu’au-boutisme. L’année dernière, en choisissant Emmanuel Macron plutôt que Marine Le Pen, les Français avaient envoyé à la classe politique un message de modération, d’apaisement des antagonismes et de préférence pour les propositions constructives. Cela n’était pas pour déplaire au Sénat, qui, sous l’égide de son président actuel, pratique largement ces vertus.

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