La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le ministre – je suis heureux de vous retrouver au banc ! –, mon rappel au règlement concerne l’organisation générale de nos travaux ; vous comprendrez donc qu’il s’adresse avant tout au Gouvernement.
Le Gouvernement revient aujourd’hui devant nous pour la troisième fois en trois semaines avec des propositions de modification en profondeur de son projet de budget pour 2019. Dont acte, compte tenu de la situation sociale dans le pays. Nous voterons d’ailleurs une grande partie des nouvelles mesures.
Mais je veux relever que cette désorganisation des travaux budgétaires aurait pu être évitée si le Gouvernement avait tenu compte plus tôt des propositions exprimées, ici ou ailleurs, par les différents groupes parlementaires qui composent la Haute Assemblée.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
À nos propositions, qui ont pu concerner la prime d’activité, la CSG des retraités et bien d’autres mesures, le Gouvernement nous a systématiquement et seulement répondu : « Halte aux dépenses ! » Jusqu’au Premier ministre qui, jeudi, a dit ici même, à la tribune : « Parfois, on dépense beaucoup d’argent public en peu de mots ! ». Avec le recul, on comprend qu’il devait sans doute s’adresser par anticipation au Président de la République et qu’il ne fallait finalement pas y voir un reproche à notre égard…
Je veux donc dire au Gouvernement qu’à l’avenir, lors des prochaines discussions budgétaires, et en premier lieu pour les budgets rectificatifs, qu’on annonce nombreux, il serait bienvenu d’écouter, d’entendre les parlementaires et leurs propositions et d’entrer pleinement dans le débat.
C’est en nous respectant, monsieur le ministre, que vous réussirez à écrire une bonne loi, et notamment celle du budget, pour notre pays, la France.
Écoutez, entendez, quand des alternatives vous sont proposées, et vous éviterez peut-être ces contradictions si nombreuses entendues au banc des ministres depuis trois semaines au rythme des annonces faites depuis l’Élysée ou depuis Matignon !
Monsieur le ministre, respecter le Parlement, c’est finalement respecter le peuple !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Hier soir, devant 21 millions de téléspectateurs, le Président de la République s’est livré à un exercice périlleux : laisser penser qu’il a entendu la colère populaire, céder le moins possible et, surtout, jusqu’au bout, ne faire participer ni les riches ni les entreprises au moindre effort national.
Il a annoncé mot pour mot une « augmentation du SMIC de 100 euros », sans préciser qu’il s’agissait de 100 euros bruts et a fortiori que ce résultat était le fruit d’un agrégat de mesures déjà annoncées, dont l’application est seulement accélérée.
Mme Éliane Assassi. Le coût de l’ensemble de ces mesures serait de 12 à 15 milliards d’euros selon les différents calculs. Alors, qui va payer ? C’est là une question clé. Tout montre que ce seront les contribuables, y compris les plus modestes, qui devront mettre la main à la poche, alors que les riches et les ultra-riches seront toujours protégés.
Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.
Mme Éliane Assassi. Les choses sont simples : d’une part, il n’y a pas d’augmentation de salaire – seuls 2 à 3 millions de salariés seront concernés par l’anticipation que j’évoquais – et, d’autre part, toutes les nouvelles dépenses seront prises en charge par la collectivité.
Protestations sur des travées du groupe La République En Marche.
Emmanuel Macron, passant du tour de passe-passe au numéro d’équilibriste, a tenté d’expliquer l’inexplicable : le refus de rétablir l’ISF pour les financiers et actionnaires de tout poil. Or l’ISF est, pour les « gilets jaunes » et pour la grande majorité de la population qui les soutient, le marqueur d’une politique dont la priorité est la satisfaction non pas des intérêts du plus grand nombre, mais de quelques intérêts privés.
Exclamations sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Nous le disons avec force au chef de l’État mais aussi à la majorité sénatoriale : rendez l’ISF ! Rendez ces 3, 7 milliards d’euros pour participer à la justice fiscale et sociale !
Huées sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.
Rendez l’ISF, pour apporter un moindre crédit à cette idée de « nouveau contrat social », qui sonne aujourd’hui comme un simple affichage de la part d’un pouvoir s’appliquant, par ailleurs, à poursuivre avec zèle la déconstruction du modèle social.
Le Gouvernement s’apprête donc à demander une seconde délibération sur l’article 82 du projet de loi de finances, relatif à la prime d’activité.
Monsieur le président, notre groupe estime que, pour la clarté des débats et des choix, une seconde délibération sur les dispositions relatives à l’impôt sur la fortune devrait avoir lieu. Notre peuple a le droit de savoir en effet qui va payer les dispositions annoncées hier par Emmanuel Macron !
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour un rappel au règlement.
Marques d ’ impatience sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, mon intervention sera rapide mais, compte tenu du brouhaha suscité par le rappel au règlement de la présidente Éliane Assassi, je tiens à confirmer à nos collègues que c’est bien la question de l’organisation de nos travaux qui est posée.
Tandis qu’Éliane Assassi parlait, certains d’entre vous ont commencé à manifester leur impatience ou alors ont essayé de la contrarier en faisant du bruit… Pourtant, mes chers collègues, il suffirait d’appliquer un amendement que nous avons voté, sur le partage des dividendes ! Le Sénat l’a adopté à la suite de la révélation de l’affaire des « CumEx files ». Il faut rétablir l’ISF ! §Éliane Assassi, la présidente de notre groupe, a raison : il faut accroître la taxation des transactions financières.
Parlons de la hausse de la prime d’activité, et vous me direz, monsieur le ministre, si je me trompe : la hausse de la prime d’activité représente 320 millions d’euros par mois. Débattre de cela, à ce niveau-là, quand on a un produit intérieur brut mensuel de 200 milliards d’euros !…
Pour notre part, nous pensons qu’il y a de quoi faire face !
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le ministre, en ces moments particuliers, à l’heure où nous devons tous faire preuve d’esprit de responsabilité – et c’est bien ce à quoi s’attache mon groupe – je tiens à m’exprimer.
Il faut que nous sortions de cette crise !
Nous voyons que cette crise, dont j’espère qu’elle est à son acmé, est génératrice de souffrance sociale, parce qu’elle pose la question de l’emploi – l’activité des petites entreprises est menacée –, et celle de la violence, aussi.
Le Président de la République, hier soir, a annoncé un certain nombre de mesures. Nous souhaitons – par esprit de responsabilité, encore une fois – que celles-ci permettent un apaisement.
M. Bruno Retailleau. Mais cet esprit de responsabilité ne doit pas gommer l’esprit de vérité qui doit aussi nous guider. Nous pensons ainsi que ces mesures, qui coûtent très cher, devront être financées, certes, mais pas avec toujours plus de dépense publique et toujours plus de dette !
Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
… il y a cette idée que la France, championne d’Europe de la dépense fiscale, crée toujours plus de taxes et d’impôts qui grèvent finalement le pouvoir d’achat des Français.
Il y aura moins d’impôts et moins de taxes lorsqu’il y aura moins de dépenses publiques, c’est une évidence !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
Une autre évidence est qu’on ne pourra distribuer du pouvoir d’achat – et nous le souhaitons tous, mes chers collègues ! – que si nous parvenons à rendre le « site France » plus compétitif, que si nous parvenons à créer la compétitivité de demain. C’est absolument fondamental !
Enfin, je veux relever que certains thèmes étaient absents du discours du Président de la République.
Cette crise ne se réduit pas, si j’ose dire, à une crise des conditions matérielles. Elle est aussi un cri existentiel : les Français pensent qu’ils ne comptent plus et que, comme le disait Jacques Julliard, la démocratie se fait sans le peuple.
Les Français, pour une part d’entre eux, habitent dans la France périphérique : il n’y a pas eu un mot sur la rurbanité, pas un mot sur la ruralité ! Ces questions, qui touchent à la dignité et à la prise en considération de nos concitoyens, sont importantes.
Dans les semaines à venir, je ne doute pas que le gouvernement auquel vous appartenez ainsi que le Président de la République sauront y apporter une réponse.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
Acte est donné de vos rappels au règlement, mes chers collègues.
La parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, …
Vous avez raison !
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, …
Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. Gérald Darmanin, ministre. N’hésitez pas, en effet, à adopter un animal à la SPA, monsieur le sénateur !
Sourires.
Monsieur le ministre, vous avez la parole pour répondre aux différents rappels au règlement, si vous le souhaitez…
M. Gérald Darmanin, ministre. Oui, monsieur le président, mais on m’interpelle sur la fameuse perruche…
Sourires.
Monsieur le président, je voudrais en effet répondre aux rappels au règlement de Mme la présidente du groupe CRCE et des présidents du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains, avant de solliciter une seconde délibération au nom du Gouvernement.
D’abord, à la demande de nombreuses sénatrices et de nombreux sénateurs – j’ai écouté le débat qui a suivi la déclaration de M. le Premier ministre, la semaine dernière –, de députés de différents groupes et aussi, me semble-t-il, de Françaises et Français qui manifestaient, qui apportaient leur soutien aux manifestations ou qui s’interrogeaient simplement sur le devenir du pays, le Président de la République a fait hier un certain nombre d’annonces très importantes, dans le domaine du « refaire Nation » comme dans le domaine budgétaire.
Nous sommes en période budgétaire, et il reste quelques jours pour faire adopter par votre assemblée et par l’Assemblée nationale les documents budgétaires qui permettront de concrétiser en 2019 les promesses du Président de la République.
Nous avons un premier sujet : le projet de financement de la sécurité sociale n’est plus un vecteur législatif puisque, après avoir été adopté par la Haute Assemblée et par l’Assemblée nationale, il se trouve aujourd’hui devant le Conseil constitutionnel.
Le texte n’est certes pas encore promulgué, mais – j’y insiste – il n’est plus, au moment où je vous parle, un vecteur législatif permettant d’introduire les modifications exigées par un certain nombre des mesures qui ont été annoncées par le Président de la République ou que souhaiterait mettre en place la représentation nationale lors du débat parlementaire.
Nous allons achever l’examen du projet de loi de finances ici cet après-midi et, à l’Assemblée nationale, la semaine prochaine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’a rappelé excellemment le rapporteur général de la commission des affaires sociales, les textes ne sont pas pour l’instant promulgués.
Deuxième sujet, le Gouvernement, par ma voix, prend ici l’engagement – je le dis notamment au président Retailleau – que les promesses du Président de la République seront concrétisées dans les textes budgétaires pour l’année 2019. Le plus rapidement sera le mieux, c’est-à-dire au mois de janvier, comme le souhaite le Gouvernement.
Par ailleurs, le Gouvernement a bien une ligne de conduite qu’il va suivre une nouvelle fois, y compris dans la discussion parlementaire : il ne pourra pas y avoir, car nous ferons attention à nos comptes publics, de dépenses publiques supplémentaires. Si le déficit public se creuse par l’effet des mesures, notamment de baisse de fiscalité, annoncées par le Président de la République, chacun constatera qu’il ne s’agira pas de dépenses publiques supplémentaires.
Le Président de la République hier n’a pas proposé de dépenses publiques supplémentaires !
Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains.
Que se passe-t-il du côté des comptes publics ?
Le Gouvernement a proposé au Parlement, au début de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances de l’État et des collectivités locales, un déficit public, toutes administrations publiques confondues, de 1, 9 %.
L’effet « one off » – pardon d’utiliser ce terme dans cette assemblée – a été négocié avec la Commission européenne et présenté devant le Parlement il y a désormais dix-sept mois : il consiste à faire basculer le CICE en baisse de charges, ce qui représente l’équivalent de 0, 9 point de PIB. Mais le déficit public présenté dans nos documents budgétaires au Haut Conseil des finances publiques, au Parlement et à la Commission est de 1, 9 %.
À la fin des débats parlementaires, au moment même où le Président de la République prenait la parole, le Parlement, et – permettez-moi de le souligner – principalement le Sénat, a dégradé la copie des comptes publics de 0, 1 point, c’est-à-dire à peu près 2 milliards d’euros de dépenses supplémentaires – soit autant de recettes en moins, soit autant de dépenses en plus. Je souligne d’ailleurs que votre assemblée n’a pas souhaité voter l’article d’équilibre – c’est son droit –, …
… et le texte est revenu ainsi au Gouvernement.
Au total, si l’on additionne le 1, 9 % et le 0, 1 %, nous en étions à 2 % de déficit, toutes administrations publiques confondues, au moment où le Président de la République a pris la parole hier.
L’arrêt de la taxation carbone pour l’année 2019 comme annoncée par le Premier ministre se compose comme suit : 3 milliards d’euros de fiscalité qui ne se retrouveront pas dans les caisses de l’État – la mesure concerne ceux de nos concitoyens qui utilisent un véhicule –, auxquels s’ajoute 1 milliard d’euros pour le GNR. Cela représente 4 milliards d’euros de recettes en moins par rapport à la copie présentée par le Gouvernement, soit environ 0, 2 point de PIB.
Nous sommes donc passés de 1, 9 % à 2 %, puis de 2 % à 2, 2 % de déficit.
M. Gérald Darmanin, ministre. Les mesures annoncées par le Président de la République représentent – je le dis devant la Haute Assemblée – environ 6 milliards d’euros.
Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Soit 10 milliards d’euros en tout : d’une part, 4 milliards d’euros de recettes en moins, avec la taxation carbone et les mesures pour les entreprises et les citoyens ; d’autre part, 6 milliards d’euros, qui comprennent, pour un peu moins de 2 milliards d’euros – d’après les premiers chiffrages, le montant restant à affiner –, la baisse de la CSG pour les retraités qui ont moins de 2 000 euros de revenus et, pour 1, 6 milliard d’euros, la défiscalisation des heures supplémentaires et l’anticipation de leur « désocialisation ».
Je rappelle à la Haute Assemblée que la désocialisation des heures supplémentaires fait renoncer l’État et la sécurité sociale à 150 millions d’euros à peu près par mois – en juillet et en août, chacun le comprend, les heures supplémentaires sont moins nombreuses que les mois « normalement » travaillés.
La défiscalisation représente, quant à elle, un peu plus de 1 milliard d’euros.
Ces deux mesures coûtent donc un peu moins de 2 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter l’augmentation de 100 euros du SMIC qui a été annoncée. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, monsieur le président, le Gouvernement demandera à la Haute Assemblée une nouvelle délibération, afin que soit avancée au 1er janvier la date de la revalorisation de la prime d’activité prévue aujourd’hui le 1er avril – c’est la loi de la République.
Parmi les autres mesures annoncées par le Président de la République on trouve la défiscalisation des primes que pourraient verser les entreprises à leurs salariés, conformément à une proposition du président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand. Nous sommes bien d’accord qu’il ne s’agit pas de recettes sur lesquelles le Gouvernement s’assoit, puisque cette prime n’existait pas et n’était pas défiscalisée. On peut penser qu’il y a, en revanche, ici ou là, quelques effets d’aubaine qu’il nous faudra chiffrer, mais qui ne sont pas de nature à bouleverser l’équilibre des comptes publics.
Donc, du côté des comptes publics et de la présentation du débat budgétaire, puisque le président Kanner nous a appelés à la sincérité des documents et des débats, nous en sommes aujourd’hui, avec l’annonce du Premier ministre de l’arrêt de la taxation carbone et les annonces du Président de la République, à 10 milliards d’euros, soit 0, 5 point de dégradation des finances publiques.
Le Gouvernement va donc « sincériser » ses documents budgétaires sur la base d’un déficit public autour de 2, 5 % du PIB, étant rappelé que la Commission européenne a autorisé des mesures « one off ».
Monsieur le président Retailleau, indépendamment du versement de la prime d’activité – cela a été dit notamment par Mme la présidente Assassi – avancé au 1er janvier de l’année prochaine, il s’agit d’une accélération de trajectoire, mais il n’y a pas d’augmentation de la dépense publique. C’est une baisse de la fiscalité qui explique, en effet, la dégradation des comptes publics et le 2, 5 % de déficit, alors que le Gouvernement vous a proposé une copie à 1, 9 % lorsqu’il vous a présenté ses documents budgétaires.
Nous aurons donc un débat devant la Haute Assemblée et l’Assemblée nationale pour équilibrer les comptes. J’ai lu avec attention l’intervention du président Marseille à la tribune et ses propos récents rapportés dans la presse sur la sincérisation des documents budgétaires présentés par le Gouvernement.
Le Premier ministre reviendra vers les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale dans les heures qui viennent, pour leur expliquer comment il compte, avec les assemblées, organiser ce débat, pour que celui-ci soit respectueux du droit d’expression et du droit d’amendement des parlementaires sur les documents qui seront présentés par différents ministres du Gouvernement.
À quelques instants du vote solennel de votre assemblée sur le projet de loi de finances, je ferai maintenant une transition subtile vers ma demande de seconde délibération, monsieur le président.
Monsieur le président, en vertu des articles 43 et 47 bis du règlement du Sénat, le Gouvernement demande une nouvelle délibération sur l’article relatif à la prime d’activité, afin d’en avancer la date de versement, actuellement fixée au 1er avril, au 1er janvier pour l’ensemble des salariés français payés au SMIC.
Un deuxième amendement prévoit une accélération, selon la trajectoire que nous avons présentée, du montant de la prime d’activité. Monsieur le président, je reviendrai vers la Haute Assemblée dès que le Gouvernement aura pris des décisions définitives : le but est bien que les salariés qui sont payés au SMIC dans notre pays touchent 100 euros de plus au mois de janvier.
Ceux qui suivent les débats le savent, notamment M. le rapporteur général du budget, la plupart des mesures relatives à la prime d’activité sont essentiellement d’ordre réglementaire, mise à part la date, qui relève du domaine législatif. Nous avons déjà budgétisé, et c’est l’amendement que nous vous proposons, 600 millions d’euros, qui correspondent au coût du versement avancé d’avril à janvier. Il se pourrait que, à la suite de la discussion à l’Assemblée nationale et au Sénat, nous soyons amenés à constater, lors des débats parlementaires ou lorsque le Gouvernement présentera des mesures réglementaires, que le montant est légèrement inférieur ou supérieur à ces 600 millions d’euros.
J’espère ainsi avoir répondu aux questions sur la méthode que nous allons employer et sur le niveau exact du déficit public.
Monsieur le président Retailleau, le Gouvernement reviendra devant le Parlement, Sénat et Assemblée nationale, dans les prochaines heures pour présenter – mais nous sommes à l’écoute des propositions de tous les groupes des deux assemblées – des mesures qui permettront d’équilibrer au mieux les comptes publics de la Nation.
Le Président de la République a souligné que le Gouvernement travaillait à des mesures – il s’y emploie en ce moment même – soit d’économie, soit d’équilibre des comptes publics, dans la suite des documents qu’il vous a présentés à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. - Rires et exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.
En application de l’article 43, alinéa 4, du règlement, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 39 et de l’état B, ainsi que de l’article 82 – il s’agit respectivement du montant et de la date - et, pour coordination, de l’article d’équilibre, l’article 38, du projet de loi de finances pour 2019.
Quel est l’avis de la commission sur cette demande de seconde délibération formulée par le Gouvernement ?
Monsieur le président, en accord avec le président de la commission des finances, nous ne nous opposerons pas à la seconde délibération. Comme nous venons de recevoir les amendements annoncés par le ministre à l’instant, nous devrons suspendre la séance pour permettre à la commission des finances de se réunir, brièvement.
Cela étant, monsieur le ministre, je ne peux pas laisser passer sans réagir ce que vous avez dit sur les travaux du Sénat.
Nous avons, lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, formulé un certain nombre de propositions. §Je pense notamment à la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE.
Je le rappelle, dans ce projet de loi de finances pour 2019, il n’y avait rien sur la TICPE.
Dès l’année dernière, le Sénat avait gelé les tarifs de TICPE au niveau de 2017. Cette année, nous avons introduit un article additionnel visant à maintenir les tarifs au niveau de 2018. D’ailleurs, le Gouvernement devrait aujourd’hui nous en remercier, car, si nous ne l’avions pas fait, nous serions obligés d’avoir un collectif budgétaire dans les prochains jours. J’aurais aimé entendre quelques remerciements à l’égard du Sénat…
Marques d ’ approbation sur les travées du groupe Les Républicains.
Dans tous les cas, on ne peut pas honnêtement imputer au Sénat une mesure d’un coût de l’ordre de 2, 8 ou 2, 9 milliards d’euros, alors même que, dès la semaine dernière, celle-ci a été reprise à son compte par le Gouvernement, après quelques hésitations puisqu’on a d’abord évoqué un moratoire avant d’entériner une suppression.
Ensuite, nous avons été conduits, monsieur le ministre, à refuser – c’est une première – de voter l’article d’équilibre en première partie. Pourquoi ? Parce que nous avons contesté vos chiffrages.
Des amendements ont été votés, me semble-t-il, à l’unanimité du Sénat, notamment sur l’arbitrage de dividendes, que vous n’avez pas voulu chiffrer.
Nous avons également eu un désaccord sur le coût des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties à la charge des collectivités. Les élus locaux seront heureux d’apprendre que vous avez estimé ce coût à 1 milliard d’euros, alors que l’année dernière le chiffrage s’élevait à 400 millions d’euros.
Nous avons donc eu un certain nombre de désaccords. En la matière, vous savez que les chiffrages sont faits par le Gouvernement. Pour ces raisons de désaccord profond sur les chiffrages, nous avons été amenés à refuser l’article d’équilibre.
Nous avons voté l’ensemble des articles de la seconde partie, en finissant hier soir, et dans d’excellentes conditions de travail – nous pouvons remercier Olivier Dussopt qui était au banc du Gouvernement, pour le dialogue que nous avons pu mener avec lui. Je remercie également mes collègues, de tous bords politiques, pour les discussions de qualité que nous avons pu avoir, malgré un contexte très difficile.
Nous avons proposé un certain nombre de mesures d’économie que votre gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, avez chiffrées à 2, 8 milliards d’euros, notamment des mesures pour améliorer la productivité dans la fonction publique et des mesures relatives à l’AME, l’aide médicale de l’État.
Le Sénat a donc agi en responsabilité. Il a refusé des augmentations de fiscalité énergétique que vous pensiez insensibles parce qu’elles avaient été votées l’année dernière. Concrètement, nous avons compensé ce gel de la fiscalité par des mesures d’économie. Par conséquent, je considère qu’imputer au Sénat une dégradation du solde du déficit n’est pas honnête.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Bien entendu, nous neutralisons le rejet des crédits d’un certain nombre de missions, avec lesquels nous étions en désaccord profond, car nous souhaitons évidemment que les fonctionnaires qui assurent des missions de service public soient payés. Nous n’avons donc pas tenu compte, dans notre solde, du rejet des missions concernées. Nous avons, je le répète, voté en responsabilité. Au reste, je pense, comme la plupart de mes collègues, que l’on aurait pu éviter un certain nombre de débats si l’on avait écouté plus tôt le Sénat.
Applaudissements sur les mêmes travées.
J’en viens aux amendements qui nous sont présentés. Comme je l’ai déjà dit, je me suis concerté avec le président de la commission des finances, et nous acceptons bien évidemment le principe de la seconde délibération – il me semble que nous reflétons ainsi l’opinion de tous les groupes. Nous allons réunir la commission des finances dans quelques instants.
L’amendement n° C-2 vise à anticiper, au 1er janvier prochain, la bonification individuelle de la prime d’activité prévue à l’article 82 du projet de loi de finances. Cette bonification, portée de 20 euros à 30 euros après l’examen du texte à l’Assemblée nationale, devait intervenir à compter du 1er avril 2019. C’est relativement clair.
L’amendement n° C-1 tend à modifier les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Comme le vote définitif du projet de loi de finances n’est pas encore intervenu, nous pouvons encore accepter, à l’occasion d’une seconde délibération, un amendement ayant pour objet d’augmenter les crédits de la mission, à hauteur de 600 millions d’euros en l’occurrence.
Ma question est extrêmement simple, monsieur le ministre : à quoi correspondent exactement ces 600 millions d’euros ? S’agit-il bien de financer les 100 euros supplémentaires prévus pour chaque travailleur percevant le SMIC ? Au demeurant, je rappelle qu’il s’agit d’une moyenne, la prime d’activité étant conditionnée, comme vous le savez, mes chers collègues, à des critères de composition du foyer fiscal. Tous les salariés rémunérés au SMIC ne percevront pas 100 euros supplémentaires !
Pour éclairer le vote des membres de la commission des finances, puis de notre assemblée, je souhaite vous poser des questions précises.
S’agira-t-il d’une augmentation des seuls bonus individuels de la prime d’activité ?
Concrètement, est-ce bien un montant de 70 euros qui est anticipé par rapport à ce qui était prévu, compte tenu de la bonification de 30 euros d’ores et déjà opérée à l’article 82 ? Je vous rappelle que le texte prévoyait, initialement, une augmentation de 20 euros de la base forfaitaire, ainsi qu’une hausse annuelle à partir du 1er août 2019.
Dans les 100 euros annoncés, tenez-vous bien compte des 20 euros déjà prévus dans la base forfaitaire de l’été 2018 ?
Comment, à partir de 600 millions d’euros, arrive-t-on concrètement à 100 euros en moyenne de prime d’activité ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que, compte tenu du forfait de base de 20 euros et de l’anticipation, au 1er janvier, de la hausse de 30 euros, qui devait intervenir le 1er avril, la mesure porte bien sur le différentiel de 70 euros ? Je vous remercie des éclairages que vous pourrez nous apporter sur ces questions.
Monsieur le président, je confirme que la commission émet un avis favorable sur la demande de seconde délibération et que nous souhaitons une suspension de séance de quinze à vingt minutes, de façon que la commission puisse, en son lieu de travail habituel, examiner les amendements.
Toutefois, nous attendons d’abord que M. le ministre réponde à nos questions…
La parole est à M. le ministre.
Il faudrait éclairer le Sénat et les commissaires avant la réunion de la commission !
Je vais tâcher de le faire, monsieur le président.
Je veux répondre concrètement à la question de M. le rapporteur général sur les raisons de cette demande de seconde délibération.
Je répète qu’il appartient à la loi de fixer la date à partir de laquelle les citoyens français satisfaisant aux critères de perception de la prime d’activité, qui, eux, sont fixés par le règlement, peuvent bénéficier de cette prime – en l’occurrence, au 1er janvier 2019. Sans la modification que nous proposons, il nous serait difficile de verser une prime d’activité avant le 1er avril, sauf à le faire contre la loi, ce qui serait évidemment particulier.
Nous demandons donc au Sénat, par l’amendement n° C-2, de laisser la possibilité au Gouvernement d’avancer la bonification à compter du 1er janvier, pour que les citoyens n’aient pas à attendre le mois d’avril pour voir leur prime d’activité revalorisée.
L’adoption de cet amendement consisterait à avancer le versement de sommes que nous avions déjà prévues dans le projet de loi de finances pour 2019.
Pour ce qui concerne, ensuite, le montant de 600 millions d’euros, ce dernier permet une augmentation de la prime d’activité d’environ 70 euros.
Je veux rappeler que celle-ci est particulière, puisque c’est une prestation qui dépend des crédits du ministère des solidarités et de la santé, alors qu’elle devrait manifestement dépendre des crédits du ministère du travail, comme je l’ai déjà dit ici. Créée dans le cadre du ministère des solidarités et de la santé, cette prestation doit aujourd’hui être sollicitée et est soumise à un certain nombre de critères, par exemple la conjugalisation des revenus : un salarié percevant le SMIC qui serait en couple avec quelqu’un gagnant beaucoup d’argent n’aurait pas droit à la prime d’activité. Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont rappelé à plusieurs reprises le principe de la nécessaire proportion de cette aide publique aux travailleurs, aujourd’hui versée aux personnes touchant entre 0, 5 et 1, 3 SMIC.
Monsieur le rapporteur général, pour répondre concrètement à votre question et pour éclairer les débats des membres de la commission des finances, le Gouvernement ne règle pas simplement la question des 100 euros supplémentaires versés l’année prochaine pour les citoyens français rémunérés au SMIC. Dans sa déclaration d’hier, chacun l’a constaté, le Président de la République n’a pas évoqué la prime d’activité : il a déclaré que les citoyens touchant le SMIC percevraient 100 euros supplémentaires l’année prochaine.
L’une des façons d’y parvenir consiste effectivement à passer par la prime d’activité. C’est une hypothèse de travail que le Gouvernement soumet au Parlement. Dans cette hypothèse, il faut pouvoir avancer la date et budgétiser la mesure pour sincériser nos discussions budgétaires. Il se pourrait – c’est à dessein que j’emploie le conditionnel – qu’il y ait une autre façon de compléter l’action du Gouvernement et l’annonce du Président de la République pour obtenir que les salariés touchant le SMIC perçoivent 100 euros de plus à partir de 2019.
Les 600 millions d’euros que nous proposons ont donc pour objet d’augmenter de 70 euros la prime d’activité pour les personnes rémunérées au SMIC qui la perçoivent, en avançant au 1er janvier ce qui était budgétisé à partir du 1er avril.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.
Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération, présentée par le Gouvernement et acceptée par la commission.
Il n’y a pas d’opposition ?…
La seconde délibération est ordonnée.
Conformément à l’article 43, alinéa 5, du règlement, lorsqu’il y a lieu à seconde délibération, les textes adoptés lors de la première délibération sont renvoyés à la commission, qui doit présenter un nouveau rapport.
Mes chers collègues, je vais suspendre la séance pour permettre à notre commission des finances de se réunir.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à quinze heures dix, est reprise à quinze heures trente.
La séance est reprise.
Nous allons donc procéder à une seconde délibération des articles 39 et état B, 82 et, pour coordination, de l’article d’équilibre – article 38 – du projet de loi de finances pour 2019.
Je rappelle au Sénat les termes de l’article 43, alinéa 6, du règlement : « Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d’amendements et sur les sous-amendements s’appliquant à ces amendements. »
Le Sénat a précédemment adopté l’article 39 et l’état B dans cette rédaction :
Il est ouvert aux ministres, pour 2019, au titre du budget général, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant, respectivement, aux montants de 421 834 567 591 € et de 408 620 613 722 €, conformément à la répartition par mission donnée à l’état B annexé à la présente loi.
RÉPARTITION, PAR MISSION ET PROGRAMME, DES CRÉDITS DU BUDGET GÉNÉRAL
BUDGET GÉNÉRAL
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Action et transformation publiques
Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants
Fonds pour la transformation de l’action publique
Dont titre 2
5 000 000
5 000 000
Fonds d’accompagnement interministériel Ressources humaines
Dont titre 2
40 000 000
40 000 000
Fonds pour l’accélération du financement des start-up d’État
Action extérieure de l’État
Action de la France en Europe et dans le monde
Dont titre 2
660 989 072
660 989 072
Diplomatie culturelle et d’influence
Dont titre 2
74 235 198
74 235 198
Français à l’étranger et affaires consulaires
Dont titre 2
238 294 240
238 294 240
Présidence française du G7
Administration générale et territoriale de l’État
Administration territoriale
Dont titre 2
1 480 317 399
1 480 317 399
Vie politique, cultuelle et associative
Dont titre 2
18 191 202
18 191 202
Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur
Dont titre 2
519 106 568
519 106 568
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation
Dont titre 2
0
0
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture
Dont titre 2
0
0
Aide publique au développement
Aide économique et financière au développement
Solidarité à l’égard des pays en développement
Dont titre 2
153 150 588
153 150 588
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
Liens entre la Nation et son armée
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale
Dont titre 2
1 534 987
1 534 987
Cohésion des territoires
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables
Aide à l’accès au logement
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire
Dont titre 2
0
0
Interventions territoriales de l’État
Politique de la ville
Dont titre 2
0
0
Conseil et contrôle de l’État
Conseil d’État et autres juridictions administratives
Dont titre 2
350 383 454
350 383 454
Conseil économique, social et environnemental
Dont titre 2
34 933 319
34 933 319
Cour des comptes et autres juridictions financières
Dont titre 2
195 078 041
195 078 041
Haut Conseil des finances publiques
Dont titre 2
378 189
378 189
Crédits non répartis
Provision relative aux rémunérations publiques
Dont titre 2
52 749 773
52 749 773
Dépenses accidentelles et imprévisibles
Culture
Patrimoines
Création
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Dont titre 2
703 902 325
703 902 325
Défense
Environnement et prospective de la politique de défense
Préparation et emploi des forces
Soutien de la politique de la défense
Dont titre 2
20 551 944 766
20 551 944 766
Équipement des forces
Direction de l’action du Gouvernement
Coordination du travail gouvernemental
Dont titre 2
244 972 193
244 972 193
Protection des droits et libertés
Dont titre 2
45 927 230
45 927 230
Moyens mutualisés des administrations déconcentrées
Dont titre 2
182 690 065
182 690 065
Écologie, développement et mobilité durables
Infrastructures et services de transports
Affaires maritimes
Paysages, eau et biodiversité
Expertise, information géographique et météorologie
Prévention des risques
Dont titre 2
0
0
Énergie, climat et après-mines
Service public de l’énergie
Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables
Dont titre 2
0
0
Économie sociale et solidaire
Économie
Développement des entreprises et régulations
Dont titre 2
390 835 907
390 835 907
Plan France Très haut débit
Statistiques et études économiques
Dont titre 2
370 168 574
370 168 574
Stratégie économique et fiscale
Dont titre 2
153 219 031
153 219 031
Engagements financiers de l’État
Charge de la dette et trésorerie de l’État (crédits évaluatifs)
Appels en garantie de l’État (crédits évaluatifs)
Épargne
Dotation du Mécanisme européen de stabilité
Augmentation de capital de la Banque européenne d’investissement
Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque
Enseignement scolaire
Enseignement scolaire public du premier degré
Dont titre 2
22 511 332 725
22 511 332 725
Enseignement scolaire public du second degré
Dont titre 2
33 050 031 272
33 050 031 272
Vie de l’élève
Dont titre 2
2 694 239 983
2 694 239 983
Enseignement privé du premier et du second degrés
Dont titre 2
6 806 107 381
6 806 107 381
Soutien de la politique de l’éducation nationale
Dont titre 2
1 615 491 741
1 615 491 741
Enseignement technique agricole
Dont titre 2
972 133 579
972 133 579
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local
Dont titre 2
4 419 427 172
4 419 427 172
Conduite et pilotage des politiques économiques et financières
Dont titre 2
507 375 096
507 375 096
Facilitation et sécurisation des échanges
Dont titre 2
1 245 123 293
1 245 123 293
Fonction publique
Dont titre 2
200 000
200 000
Immigration, asile et intégration
Immigration et asile
Intégration et accès à la nationalité française
Investissements d’avenir
Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche
Valorisation de la recherche
Accélération de la modernisation des entreprises
Justice
Justice judiciaire
Dont titre 2
2 356 686 954
2 356 686 954
Administration pénitentiaire
Dont titre 2
2 534 491 408
2 534 491 408
Protection judiciaire de la jeunesse
Dont titre 2
528 541 821
528 541 821
Accès au droit et à la justice
Conduite et pilotage de la politique de la justice
Dont titre 2
177 193 892
177 193 892
Conseil supérieur de la magistrature
Dont titre 2
2 727 086
2 727 086
Médias, livre et industries culturelles
Presse et médias
Livre et industries culturelles
Outre-mer
Emploi outre-mer
Dont titre 2
159 681 065
159 681 065
Conditions de vie outre-mer
Fonds pour l’accès à l’eau
ligne nouvelle
Fonds de soutien au sanitaire, social, culture, jeunesse
ligne nouvelle
Pouvoirs publics
Présidence de la République
Assemblée nationale
Sénat
La Chaîne parlementaire
Indemnités des représentants français au Parlement européen
Conseil constitutionnel
Haute Cour
Cour de justice de la République
Recherche et enseignement supérieur
Formations supérieures et recherche universitaire
Dont titre 2
526 808 533
526 808 533
Vie étudiante
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
Recherche spatiale
Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables
Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle
Dont titre 2
105 851 219
105 851 219
Recherche duale (civile et militaire)
Recherche culturelle et culture scientifique
Enseignement supérieur et recherche agricoles
Dont titre 2
222 244 448
222 244 448
Régimes sociaux et de retraite
Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres
Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins
Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers
Relations avec les collectivités territoriales
Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements
Concours spécifiques et administration
Remboursements et dégrèvements
Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (crédits évaluatifs)
Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux (crédits évaluatifs)
Santé
Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins
Dont titre 2
1 442 239
1 442 239
Protection maladie
Sécurités
Police nationale
Dont titre 2
0
0
Gendarmerie nationale
Dont titre 2
0
0
Sécurité et éducation routières
Sécurité civile
Dont titre 2
0
0
Solidarité, insertion et égalité des chances
Inclusion sociale et protection des personnes
Dont titre 2
1 947 603
1 947 603
Handicap et dépendance
Égalité entre les femmes et les hommes
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative
Dont titre 2
718 676 862
718 676 862
Évaluation et hébergement d’urgence des mineurs non accompagnés
ligne nouvelle
Sport, jeunesse et vie associative
Sport
Jeunesse et vie associative
Jeux olympiques et paralympiques 2024
Travail et emploi
Accès et retour à l’emploi
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail
Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail
Dont titre 2
614 456 970
614 456 970
Maisons de l’emploi
ligne nouvelle
Totaux
L’amendement n° C-1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Inclusion sociale et protection des personnes
dont titre 2
Handicap et dépendance
Égalité entre les femmes et les hommes
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le ministre.
La commission s’est réunie, mais, compte tenu du bref temps qui lui était imparti, elle n’a évidemment pas pu expertiser la totalité du dispositif, qui est complexe.
Je confirme, comme l’a dit M. le ministre, que les conditions d’accès à la prime d’activité sont largement réglementaires.
L’amendement n° C-2, qui sera examiné ensuite, vise à avancer l’entrée en vigueur de l’article 82, du 1er avril au 1er janvier. La mesure est relativement claire et compréhensible : il s’agit d’anticiper au 1er janvier la bonification de 30 euros de la prime d’activité – elle était de 20 euros avant le passage à l’Assemblée nationale – qui devait intervenir au 1er avril.
L’amendement n° C-1 porte sur 600 millions d’euros de crédits. Il tend à donner une sorte de blanc-seing au Gouvernement pour prendre les mesures réglementaires permettant d’arriver, si on lui fait confiance, à une augmentation de 100 euros en moyenne, la hausse étant évidemment fonction de la composition et des ressources du foyer.
Nous n’avons pas pu expertiser la totalité du dispositif. Certains groupes ont souhaité s’abstenir, raison pour laquelle la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Je souhaite faire trois observations.
Premièrement, je l’ai dit, par esprit de responsabilité, nous allons voter cet amendement, même si nous considérons que les choses sont assez gazeuses et que l’on assiste, en réalité, à une sorte de jonglage, avec des chiffres difficiles à comprendre pour les sénateurs qui n’appartiennent pas à la commission des finances.
M. Bruno Retailleau. Je me demande ce que la population va bien pouvoir y comprendre ! Toutefois, nous voterons cet amendement, je le dis encore une fois, par esprit de responsabilité : il est vrai que, quand la maison brûle, on n’interroge pas le pompier sur sa pointure…
Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
Deuxièmement, j’avais compris, d’après les propos qu’il a tenus, que le Président de la République demanderait à son Premier ministre d’exposer aujourd’hui, dans l’une des assemblées, sans doute à l’Assemblée nationale, les mesures de façon pédagogique. Pour l’instant, cela n’a pas été fait.
Monsieur le ministre, je pense que vous devez au peuple français une explication claire et nette sur le contenu de ces mesures !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Par exemple, le SMIC n’augmentera pas de 100 euros, contrairement à ce que certains ont pu comprendre. C’est la prime d’activité qui connaîtra une hausse, sous certaines conditions.
Troisièmement, et ce point est aussi extrêmement important, je pense qu’il faudra, dans les prochains jours, nous communiquer le calendrier d’examen, notamment au Sénat, d’un éventuel projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative.
En tout état de cause, il me semble fondamental que vous puissiez nous apporter les éclaircissements demandés, à nous, membres de la Haute Assemblée, et, surtout, au peuple français.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
Nous ne nous opposerons pas à cet amendement, mais nous ne le voterons pas non plus.
Nous sommes, depuis le début, dans la communication. L’écart est saisissant entre les effets de communication et la réalité des chiffres !
Ainsi, quand on grattait un peu les différents critères d’application de la revalorisation de 20 euros, on arrivait parfois à 8 ou 12 euros, loin des 20 euros annoncés facialement. C’était donc déjà un peu compliqué.
Je retiens tout de même aujourd’hui que, alors que l’on nous a expliqué, pendant tout l’examen du PLF, qu’il n’y avait pas d’argent pour financer les amendements que nous proposions, compte tenu de la dette et du niveau de la dépense publique, on trouve 600 millions d’euros en quelques heures, pour répondre à une demande légitime.
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Nous sommes saisis d’un amendement du Gouvernement dans le cadre, notamment, d’une seconde délibération de l’article 82, à la suite des annonces effectuées par le Président de la République hier soir.
Je ne m’appesantirai pas sur la méthode de travail, qui, comme Patrick Kanner l’a rappelé à l’instant, est inédite. Au-delà, je veux dire d’emblée que le groupe socialiste et républicain votera en faveur de ce dispositif, en formulant toutefois quelques réserves.
Nous ne pouvons qu’être favorables à une revalorisation de la prime d’activité. C’est d’ailleurs une mesure que nous avons proposée très récemment, dans la proposition de loi visant à répondre à la colère des Françaises et des Français, pour plus de justice et d’égalité, déposée le 3 décembre dernier par les députés et les sénateurs socialistes afin de sortir de la crise.
Nous pensons que cette mesure est utile et doit être accompagnée d’une réflexion sur le réalignement vers le haut des salaires supérieurs au SMIC. En effet, une hausse du SMIC amène généralement une augmentation généralisée des salaires, ce qui n’est pas forcément le cas d’une revalorisation de la prime d’activité.
De plus, comme l’a dit M. le ministre, la disposition proposée est non pas une nouveauté, mais la simple accélération d’une mesure déjà votée par la représentation nationale.
Nous nous demandons également si l’ensemble des personnes percevant le SMIC verront leurs revenus augmenter de 100 euros ou si cette hausse pourrait n’être que partielle – il me semble que cela a pu être sous-entendu –, voire nulle dans certains cas.
Enfin, la question du financement doit être posée, car elle a été complètement occultée à ce stade. La modification de l’article que nous voterons ne doit pas avoir pour conséquence la mise en place d’un mécanisme de bonneteau fiscal, qui aboutirait à reprendre d’une main ce qui est donné de l’autre.
Nous voterons donc en responsabilité, pour reprendre l’expression utilisée par certains de mes collègues, en faveur du dispositif proposé, tout en faisant preuve, monsieur le ministre, de la plus grande vigilance quant à ses traductions concrètes.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Nous voterons bien sûr cet amendement.
En effet, le Président de la République fait incontestablement un geste en faveur des salariés modestes. Nous le soutenons dans cette démarche. Il faut, en France, que le travail paie ! La colère de ceux qui travaillent et qui n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois est tout à fait légitime.
À quoi correspond ce geste ? Il semble, d’après ce que nous comprenons, que les 100 euros de hausse du SMIC net correspondent à une revalorisation de 70 euros de la prime d’activité couplée à une baisse des charges de 30 euros.
Monsieur le ministre, je ne sais pas si la formule que vous nous proposez est la bonne. Ce qui est certain, c’est qu’elle semble la moins mauvaise. Pourquoi ? Parce qu’une hausse du SMIC brut supérieure à l’augmentation prévue de 1, 8 % ne serait pas pertinente pour les salariés modestes, mes chers collègues ! On sait, en effet, que la hausse du SMIC brut, détruit des emplois
Protestations sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Néanmoins, nous nous interrogeons sur les effets de seuil qu’entraînera votre mesure, monsieur le ministre.
Nous voterons la hausse. Comment nous y opposer ? Toutefois, nous souhaitons que ses effets soient évalués et fassent, le cas échéant, l’objet d’un lissage, pour que les personnes touchant plus que 1, 2 ou 1, 3 SMIC ne soient pas lésées.
Nous nous interrogeons également sur l’impact concret de cette mesure pour les personnes rémunérées au SMIC. En clair, tous les salariés de France percevant le SMIC toucheront-ils 100 euros ? Si nous parlons en moyenne, compte tenu de la prise en compte de la situation conjugale dans le versement de la prime d’activité, il est clair qu’il risque d’y avoir des déçus…
Marques d ’ approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Enfin, monsieur le ministre, l’appréciation que vous avez faite du déficit nous a laissés perplexes. En effet, vous avez parlé de 1, 9 % de PIB. Cela signifie-t-il que vous abandonnez la bascule du CICE en baisse de charges prévue pour cette année ?
En tout état de cause, notre commission des finances devrait être informée de l’impact de cette mesure dans les plus brefs délais.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour explication de vote.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.
Je viens d’écouter mon collègue avec attention. En effet, il est compliqué de comprendre ce qui se passe.
Il serait donc important que le Président de la République informe le Gouvernement, pour que celui-ci puisse, à son tour, informer le Parlement. §Nous devons enfin savoir ce que l’on va faire !
Je m’associe à ce qu’a dit le président Retailleau sur la nécessité que nous disposions d’un éclairage, ainsi qu’il l’avait réclamé voilà quelques jours, sur le déroulé des prochaines semaines. Nous devons connaître la feuille de route que le Gouvernement va nous proposer.
Naturellement, je veux le dire à mon tour avec l’esprit de responsabilité qui caractérise les membres de cette assemblée, notre groupe votera consécutivement les amendements et le budget, mais chacun d’entre nous sait très bien qu’il va falloir revenir sur ces lignes, somme toute assez confuses.
Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales, m’a dit à l’instant que l’article 10 de la Constitution permettait de délibérer de nouveau sur des articles du PLFSS, le texte n’étant pas encore promulgué, de manière à compléter assez rapidement le dispositif. Il appartient au Président de la République et au Gouvernement de mettre en œuvre cette disposition. J’espère que nous pourrons ainsi rapidement mettre en place les mesures qui ont été annoncées, parce que ceux qui les attendent ont besoin de clarification.
M. le Premier ministre a confirmé à l’instant, à l’Assemblée nationale, que l’ensemble des bénéficiaires du SMIC percevraient les 100 euros supplémentaires, même ceux qui ne touchent pas la prime d’activité.
Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.
Si nous avons l’intention de voter les dispositions que l’on nous soumet, il faudrait vraiment que nous obtenions des précisions sur ce que tout cela veut dire !
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.
Nous avons tous intérêt à voter ce dispositif, car il y a urgence à ce que la société se ressoude et à ce que l’on sorte de la situation actuelle.
Cela vaudra-t-il pour toutes les propositions qui nous sont faites ? La solution proposée pourra-t-elle satisfaire tous les problèmes qui sont à régler ? Je n’en suis pas sûr du tout.
Nous restons libres de la suite !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Eh oui, mes chers collègues, chaque parlementaire a le droit d’exprimer son point de vue !
Tout d’abord, monsieur le ministre, nous sommes face à une usine à gaz, visant à un enfumage total de nos concitoyens.
Alors que nous sommes attentifs aux affaires budgétaires, nous ne sommes nous-mêmes déjà pas capables de comprendre précisément ce qui est proposé.
En réalité, ce dont nous sommes certains, c’est que ce n’est pas une hausse salariale. Vous savez bien que cela fait une différence importante, puisque toute une série de personnes ne bénéficieront pas d’une augmentation de leurs salaires – je pense, par exemple, aux employés de la fonction publique. Surtout, il n’y aura pas de dynamique de revalorisation salariale, alors que celle-ci est nécessaire notamment pour les salariés moyens et modestes de ce pays.
Par ailleurs, la prime d’activité est calculée, on le sait, au regard des deux salaires dans la famille, compte tenu des allocations logement et de toute une série d’aides.
Ce n’est pas une rémunération du travail, c’est une aide publique pour compenser l’insuffisance des salaires. Je ne crois pas que les Français attendent aujourd’hui qu’une aide publique payée en vidant les caisses de la sécurité sociale se substitue à une nécessaire revalorisation de leur salaire.
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.
Cette prime d’activité, il faut la demander et remplir, tous les trois mois, des formulaires avant de savoir si elle est maintenue. On peut toucher la prime un trimestre et ne pas la toucher le suivant, parce que le versement de la prime de Noël, par exemple, vous fait passer « pile poil » au-dessus du seuil.
Quelle bureaucratie phénoménale ! Un tel mécanisme va diviser les Français, alors que le Gouvernement aurait dû choisir de revaloriser le pouvoir d’achat des catégories les plus basses et des classes moyennes ! Une grande majorité de Français, et pas seulement les « gilets jaunes », attendent cette dynamique.
Vous passez à côté du chemin, monsieur le ministre. Entre confusion des propositions et formulations de communicants bien pensées, vous donnez encore davantage à nos concitoyens le sentiment qu’on se moque d’eux, qu’on les méprise et qu’on leur apporte des réponses qui n’en sont pas !
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
Je vais essayer, monsieur le président, de répondre aux interrogations des divers intervenants.
Je peux être d’accord avec vous, madame Lienemann : la prime d’activité est une invention très bureaucratique, qui remonte à une loi de 2015…
Sourires et applaudissements sur des travées du groupe du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
Peut-être ne l’avez-vous pas votée, mais il ne s’agissait que d’une simple précision.
J’ai déjà eu l’occasion, dans cet hémicycle – M. le rapporteur général en est témoin –, de dire plusieurs fois à quel point je pense nécessaire de revoir un certain nombre de choses.
Par ailleurs, permettez-moi de corriger vos propos : ce n’est pas dans les comptes de la sécurité sociale que l’argent est pris, mais c’est bien dans les crédits d’État ; voilà une différence très importante.
J’ai bien précisé qu’il s’agissait de crédits budgétaires relevant du périmètre du ministère des solidarités et de la santé et non du ministère du travail, ce qui pose effectivement question.
La prime d’activité est une prestation et non une aide autour du travail, même si beaucoup de gouvernements l’ont depuis présentée comme telle.
M. Capus m’a interrogé sur le déficit. Je voudrais préciser, une nouvelle fois, l’état actuel des comptes publics. Il est en effet nécessaire que le Gouvernement informe le Parlement, à sa demande, lors du débat budgétaire.
Lors de notre présentation des comptes publics pour 2019 – PLFSS et PLF – sur les bureaux des assemblées, le déficit prévu s’élevait à 1, 9 % du PIB, auquel s’ajoute l’impact du basculement du CICE en allégement de charges, soit 0, 9 point.
Nous l’avons dit dans la loi de programmation des finances publiques, nous l’avons dit dans le débat parlementaire, nous l’avons dit à la Cour des comptes, le Haut Conseil des finances publiques l’a noté et la Commission européenne a donné son accord : nous calculons le déficit public sans tenir compte de l’effet de ressaut lié à cette réforme de structure qu’est le basculement du CICE en allégement de charges.
Après le débat parlementaire, nous sommes passés de 1, 9 % à 2 %. Avec les annonces du Premier ministre, environ 4 milliards d’euros pour le fin de la taxation carbone, et celles du Président de la République, estimées à quelque 6 milliards d’euros, le déficit s’accroît de 10 milliards d’euros. Étant donné que 0, 1 point de déficit correspond, à peu près, à 2 milliards d’euros, le déficit supplémentaire équivaut à 0, 5 point. À l’heure actuelle, compte tenu de l’abandon de la taxation carbone et des annonces du Président de la République, nous en sommes donc à un déficit de 2, 5 % – toujours sans tenir compte du basculement du CICE, que nous décomptons à part, conformément à ce que nous avons négocié avec la Commission européenne.
Nous aurons un débat parlementaire. Je ne peux pas vous dire quel sera le montant précis du déficit public à la fin des fins, mais le Gouvernement propose bien de débattre d’un déficit de 2, 5 %. Il faudra ensuite tenir compte des amendements que l’Assemblée nationale et le Sénat auront adoptés.
Monsieur Retailleau, par l’amendement n° C-1, nous entendons concrétiser l’une des propositions du Président de la République, avec 100 euros supplémentaires pour les salariés au SMIC en 2019, sans charges supplémentaires pour les entreprises. Je pense que chaque mot de l’annonce du Président de la République est important.
L’augmentation de la prime d’activité était déjà prévue. Il s’agit ici, par cette seconde délibération et par l’amendement n° C-2, de tenir la promesse du Président de la République en avançant la date de cette revalorisation au 1er janvier 2019 plutôt qu’au 1er avril. Nous vous proposons donc d’accélérer cette revalorisation que nous avions inscrite dans notre trajectoire budgétaire en 2020, 2021 et 2022.
La détermination de la date à laquelle la prime d’activité est versée dépend du Parlement. Nous ne voulions pas qu’on puisse nous reprocher de n’avoir pas profité de cette seconde délibération pour permettre d’avancer cette date d’avril à janvier 2019, raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.
M. le rapporteur général m’a demandé si les 600 millions d’euros que nous budgétisons seront suffisants pour financer cette hausse de 100 euros.
Il importe d’éclairer le Parlement : la prime d’activité doit effectivement être demandée par une partie des salariés français ; elle n’est pas versée automatiquement à tous ceux qui gagnent le SMIC. Les critères d’attribution de cette prime relèvent du domaine du règlement et non de la loi, madame Lienemann. Comme je l’ai déjà souligné, le Gouvernement va travailler sur ces questions. Le Premier ministre aura sans doute l’occasion, dans les heures à venir, d’aller plus en détail sur un certain nombre de sujets.
Aujourd’hui, il s’agit de nous occuper des salariés qui touchent la prime d’activité. Le Gouvernement fera très prochainement, comme je l’ai déjà dit et comme vient de l’annoncer le Premier ministre à l’Assemblée nationale, des propositions pour que ceux qui ne perçoivent pas cette prime voient également leur salaire augmenter de 100 euros, toujours sans charges supplémentaires pour les entreprises, …
… contrairement aux propositions que j’entends venant de la gauche de cet hémicycle.
Monsieur le président Retailleau, vous m’avez également interrogé sur l’organisation de vos travaux.
Quand le Parlement pourra-t-il adopter les mesures concernant la CSG, la défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires, la prime défiscalisée et déchargée et le complément de 100 euros pour les salariés au SMIC qui ne perçoivent pas la prime d’activité ? Vous me demandez également, sur l’ensemble de vos travées, comment tout cela sera financé : le Gouvernement fera-t-il le choix de laisser courir son déficit jusqu’aux 2, 5 % que j’ai évoqués ou proposera-t-il des mesures d’économie ou de décalage des recettes pour tenir les comptes publics à un niveau que nous jugerions acceptable ?
Nous ne trancherons sans doute pas cette question cet après-midi à la faveur d’une seconde délibération.
Il appartient – et je crois que vous le comprendrez, monsieur Retailleau – au Premier ministre de préciser, en concertation avec le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale, l’organisation des débats.
Le président Marseille a évoqué la possibilité de recourir à l’article 10 de la Constitution. Des gouvernements précédents l’ont fait : celui de M. Raffarin lorsque le Sénat et l’Assemblée nationale ont encouru la censure du Conseil constitutionnel sur la loi électorale ; un gouvernement socialiste a également demandé une nouvelle délibération, sur l’initiative du Président de la République de l’époque, sur une question relative à la Nouvelle-Calédonie ; de même, François Mitterrand a demandé une seconde délibération sur certains articles et non sur l’ensemble d’un texte, lors de la cohabitation avec Jacques Chirac.
Il se pourrait également que le Gouvernement dépose un texte particulier sur le bureau de l’Assemblée nationale. Nous l’avons déjà fait. Ce pourrait être un collectif budgétaire, c’est-à-dire un projet de loi de finances rectificative ou un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative.
Encore une fois, monsieur Retailleau, vous comprendrez qu’il ne m’appartient pas de préciser ce choix qui relève du Président de la République, du Premier ministre, en liaison, bien évidemment, avec les assemblées.
Je voudrais juste rappeler qu’il s’agit ici de permettre aux salariés français de toucher au mois de janvier prochain, plutôt qu’au mois d’avril, la prime d’activité.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.
L ’ amendement est adopté.
Je mets aux voix l’ensemble constitué de l’article 39 et de l’état B, modifié.
L ’ article 39 et l ’ état B sont adoptés.
Le Sénat a précédemment adopté l’article 82 dans cette rédaction :
I. – L’article L. 842-3 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début de la première phrase, les mots : « La bonification mentionnée au 1° est établie » sont remplacés par les mots : « Les bonifications mentionnées au 1° sont établies » ;
b) Les deux dernières phrases sont supprimées ;
2° Au cinquième alinéa, les mots : « de la bonification » sont remplacés par les mots : « des bonifications » ;
3° À l’avant-dernier alinéa, après le mot : « bonification », il est inséré le mot : « principale ».
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er avril 2019.
L’amendement n° C-2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer la date :
1er avril 2019
par la date :
1er janvier 2019
Cet amendement a été présenté.
Je rappelle que la commission a émis un avis de sagesse.
Je mets aux voix l’amendement n° C-2.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe La République en marche.
Exclamations sur de nombreuses travées.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 36 :
Nombre de votants347Nombre de suffrages exprimés328Pour l’adoption328Le Sénat a adopté.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.
L ’ article 82 est adopté.
(pour coordination)
Le Sénat a précédemment adopté l’article 38 dans cette rédaction :
I. – Pour 2019, les ressources affectées au budget, évaluées dans l’état A annexé à la présente loi, les plafonds des charges et l’équilibre général qui en résulte sont fixés aux montants suivants :
En millions d ’ euros *
Ressources
Charges
Soldes
Budget général
Recettes fiscales brutes / dépenses brutes
À déduire : Remboursements et dégrèvements
135 688
135 688
Recettes fiscales nettes / dépenses nettes
Recettes non fiscales
Recettes totales nettes / dépenses nettes
À déduire : Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l ’ Union européenne
62 095
Montants nets pour le budget général
Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants
Montants nets pour le budget général, y compris fonds de concours
Budgets annexes
Contrôle et exploitation aériens
Publications officielles et information administrative
Totaux pour les budgets annexes
Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants :
Contrôle et exploitation aériens
Publications officielles et information administrative
Totaux pour les budgets annexes, y compris fonds de concours
Comptes spéciaux
Comptes d’affectation spéciale
Comptes de concours financiers
Comptes de commerce (solde)
Comptes d’opérations monétaires (solde)
Solde pour les comptes spéciaux
Solde général
* Les montants figurant dans le présent tableau sont arrondis au million d ’ euros le plus proche ; il résulte de l ’ application de ce principe que le montant arrondi des totaux et sous -totaux peut ne pas être égal à la somme des montants arrondis entrant dans son calcul.
II. – Pour 2019 :
1° Les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l’équilibre financier sont évaluées comme suit :
En milliards d ’ euros
Besoin de financement
Amortissement de la dette à moyen et long termes
Dont remboursement du nominal à valeur faciale
128, 9
Dont suppléments d ’ indexation versés à l ’ échéance (titres indexés)
1, 3
Amortissement des autres dettes
Déficit à financer
Autres besoins de trésorerie
Total
Ressources de financement
Émission de dette à moyen et long termes, nette des rachats
Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement
Variation nette de l’encours des titres d’État à court terme
Variation des dépôts des correspondants
Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l’État
Autres ressources de trésorerie
Total
2° Le ministre chargé des finances est autorisé à procéder, en 2019, dans des conditions fixées par décret :
a) À des emprunts à long, moyen et court termes libellés en euros ou en autres devises pour couvrir l’ensemble des charges de trésorerie ou pour renforcer les réserves de change ;
b) À l’attribution directe de titres de dette publique négociable à la Caisse de la dette publique ;
c) À des conversions facultatives et à des opérations de pension sur titres d’État ;
d) À des opérations de dépôts de liquidités auprès de la Caisse de la dette publique, auprès de la Société de prise de participation de l’État, auprès du Fonds européen de stabilité financière, auprès du Mécanisme européen de stabilité, auprès des institutions et agences financières de l’Union européenne, sur le marché interbancaire de la zone euro et auprès des États de la même zone ;
e) À des souscriptions de titres de créances négociables émis par des établissements publics administratifs, à des rachats, à des échanges d’emprunts, à des échanges de devises ou de taux d’intérêt, à l’achat ou à la vente d’options, de contrats à terme sur titres d’État ou d’autres instruments financiers à terme ;
3° Le plafond de la variation nette, appréciée en fin d’année et en valeur nominale, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an est fixé à 8, 9 milliards d’euros.
III. – Pour 2019, le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État, exprimé en équivalents temps plein travaillé, est fixé au nombre de 1 953 516.
IV. –
Non modifié
L’amendement n° C-3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Les montants du tableau de l’alinéa 2 de l’article sont fixés comme suit :
En millions d ’ euros *
Ressources
Charges
Soldes
Budget général
Recettes fiscales brutes / dépenses brutes
À déduire : Remboursements et dégrèvements
135 688
135 688
Recettes fiscales nettes / dépenses nettes
Recettes non fiscales
Recettes totales nettes / dépenses nettes
À déduire : Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l ’ Union européenne
62 095
Montants nets pour le budget général
Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants
Montants nets pour le budget général, y compris fonds de concours
Budgets annexes
Contrôle et exploitation aériens
Publications officielles et information administrative
Totaux pour les budgets annexes
Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants :
Contrôle et exploitation aériens
Publications officielles et information administrative
Totaux pour les budgets annexes, y compris fonds de concours
Comptes spéciaux
Comptes d’affectation spéciale
Comptes de concours financiers
Comptes de commerce (solde)
xx
Comptes d’opérations monétaires (solde)
xx
Solde pour les comptes spéciaux
xx
Solde général
xx
* Les montants figurant dans le présent tableau sont arrondis au million d ’ euros le plus proche ; il résulte de l ’ application de ce principe que le montant arrondi des totaux et sous -totaux peut ne pas être égal à la somme des montants arrondis entrant dans son calcul.
II. - Les montants du tableau de l’alinéa 5 de l’article sont fixés comme suit :
En milliards d ’ euros
Besoin de financement
Amortissement de la dette à moyen et long termes
Dont remboursement du nominal à valeur faciale
128, 9
Dont suppléments d ’ indexation versés à l ’ échéance (titres indexés)
1, 3
Amortissement des autres dettes
Déficit à financer
Autres besoins de trésorerie
Total
Ressources de financement
Émission de dette à moyen et long termes, nette des rachats
Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement
Variation nette de l’encours des titres d’État à court terme
Variation des dépôts des correspondants
Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l’État
Autres ressources de trésorerie
Total
III. - A l’alinéa 12 de l’article, le montant : « 8, 9 milliards d’euros » est remplacé par le montant : « 9, 5 milliards d’euros ».
La parole est à M. le ministre.
La commission est favorable à cet amendement, qui vise à tirer les conséquences des votes précédents.
Ce que nous venons de vivre montre combien la situation est grave sur le plan politique.
Ne nous étonnons pas qu’il y ait une crise de la politique dans notre pays. Nous sommes dans la confusion la plus totale ! Quel manque de respect à l’encontre de nos concitoyens et des parlementaires !
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains
Le ministre nous dit qu’il s’agit d’une augmentation non pas du SMIC, mais d’une prestation sociale. Le Premier ministre – parce que l’« autre » l’appelle pour lui dire que ceux qui gagnent le SMIC ne vont pas toucher 100 euros de plus par mois ! – dit aux députés que tous les gens au SMIC gagneront 100 euros par mois…
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.) Et les parlementaires aussi !
Mêmes mouvements.
C’est grave, car les smicards doivent être aussi traités avec respect ! §
Franchement, avoir un tel débat, entretenir une telle confusion quand il y a une telle souffrance est honteux ! Ce n’est pas une question d’étiquette politique. L’augmentation d’une prestation sociale régie par le revenu fiscal, par la composition des familles et par l’allocation logement, comme cela a été parfaitement souligné, ce n’est pas une augmentation salariale assise sur le travail ! On est en train de tuer la politique en agissant ainsi : c’est honteux !
Au Gouvernement, c’est la cacophonie ! Vous commencez à comprendre que les Français sont en train de se mobiliser, de retrouver confiance dans leur capacité à faire de la finance et de l’économie et à choisir la société dans laquelle ils veulent vivre !
Vifs applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 38 est adopté.
Avant de passer au vote sur l’ensemble du texte, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.
J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.
La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Murmures sur de nombreuses travées.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour mettre un peu d’humour dans une actualité qui ne porte pas à sourire, souvenez-vous de cette déclaration fiscale présentée sous forme musicale
Exclamations sur de nombreuses travées.
« On est là pour te pomper,
« T’imposer sans répit et sans repos.
« Pour te sucer ton flouze,
« Ton oseille, ton pognon,
« Ton pèze, ton fric,
« Ton blé, tes économies, tes sous,
« Ton salaire, tes bénéfs,
« Tes bas de laine,
« Tout c’qui traîne.
« C’que tu as sué de ton front,
« On te le sucera jusqu’au fond !
« Nous sommes Urssaf, Cancras et Carbalas,
« Qui que tu sois, quoi que tu fasses,
« Faut qu’tu craches, faut qu’tu payes,
« Pas possible que t’en réchappes,
« Nous sommes les frères qui rappent tout ! »
Cela date de 1991 et n’a pas pris une ride ; c’est même terriblement d’actualité. Leurs adeptes auront reconnu l’une des plus belles et pertinentes créations d’un célèbre trio de comiques. Aujourd’hui, cette chanson, cette réalité d’hyper-fiscalité, ne fait plus rire personne.
Avec 9 millions de pauvres, des centaines de milliers de nos compatriotes dans la rue depuis des semaines, vêtus de leur gilet de détresse, l’heure est grave pour notre pays. Elle l’est d’autant plus que le Président de la République a confirmé hier soir, dans son allocution solennelle, qu’il ne remettait pas en cause son système ultralibéral ni la mondialisation sauvage qui fabriquent chaque jour davantage de pauvres et toujours plus d’exclus.
Alors que l’urgence est de répondre à la souffrance de millions de nos compatriotes, je voudrais souligner combien une mesure de ce projet de loi de finances version « Haute Assemblée » montre qu’Emmanuel Macron peut compter sur l’appui de la majorité sénatoriale pour servir les intérêts de quelques-uns, de quelques amis influents, au détriment du plus grand nombre.
Pendant que les « gilets jaunes » battaient le pavé, le Sénat et sa majorité, à savoir le groupe Les Républicains, ont en effet introduit des modifications dans ce PLF pour exonérer d’impôts non pas les classes moyennes, ni même les smicards, mais les grands médias.
Ce sont 50 millions d’euros qui ne rentreront plus dans les caisses de l’État ; ce sont 50 millions d’euros volés dans la poche des Français !
Cette exonération de taxes pour les grands médias audiovisuels était-elle à ce point urgente et si justifiée ? Elle confirme néanmoins que vos grandes déclarations ne sont que des postures et nous rappelle que, lorsque la droite était au pouvoir, rien n’a été fait pour baisser la dépense publique, rien n’a été fait pour retrouver notre souveraineté budgétaire ni pour baisser la fiscalité.
Chez Les Républicains, à l’image de M. Wauquiez et de son gilet jaune, on est frappé d’amnésie sélective.
Au lieu d’insuffler l’espoir en l’avenir et de laisser entrevoir un horizon d’optimisme français, tous les partis politiques ont préféré faire de 2019 l’année du racket fiscal et du « pire qu’avant ».
Preuve en est, hier, une heure avant l’intervention du chef de l’État, le vote du Sénat sur l’allégement de l’exit tax, qui sanctionnait les exilés fiscaux.
Ce projet de loi de finances est donc loin de rétablir la justice fiscale et sociale.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour le groupe Union Centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Jérôme Bascher applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais revenir sur le contexte, le contenu et les perspectives qu’ouvre ce débat budgétaire au Sénat.
Vous en conviendrez, monsieur le ministre, ce débat s’est déroulé dans un drôle de contexte : un climat de révolte comme nous n’en avions plus connu depuis mai 68.
Votre budget initial, comme celui de l’an dernier, était le reflet d’une politique qui n’est aujourd’hui pas comprise par une grande majorité de nos compatriotes, celle qui s’exprime bruyamment et parfois – malheureusement – violemment.
Elle n’est pas comprise non plus par ceux qui s’expriment moins, mais qui doivent avoir toute notre attention : les chômeurs et les plus pauvres.
Les Français ont des problèmes de pouvoir d’achat. Nous avons, et depuis longtemps, des problèmes budgétaires. Ces deux séries de problèmes sont liées.
En ce qui concerne le contexte, l’examen du budget aura malheureusement été marqué, une fois encore, par le manque d’informations données au Parlement. Nous venons d’en avoir une preuve supplémentaire au travers de cette seconde délibération de dernière minute. On ne peut reprocher au Gouvernement de vouloir appliquer les décisions du Président de la République, mais au moins faudrait-il de la clarté : vous nous dites qu’il n’y aura pas de dépenses supplémentaires, et nous votons une dépense supplémentaire.
Nous aimerions savoir comment ces mesures seront financées, mais nous n’avons pas d’informations.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.
Ce contexte, c’est aussi un mutisme quasi total de Bercy en matière de chiffrage de nos propositions. En nous obligeant, la plupart du temps, à amender au doigt mouillé, le Gouvernement s’offre des arguments faciles pour s’opposer à nos suggestions.
Ce fut notamment le cas lorsque nous avons proposé de réformer en profondeur l’impôt sur le revenu ou encore les droits de succession. À défaut d’informations, nos marges de manœuvre sont très limitées.
Pourtant, si nous manquons d’informations et de moyens, notre sens de l’initiative, lui, ne manque pas de ressources.
Le Gouvernement aurait été bien avisé de s’inspirer des travaux de tous nos collègues. Le travail réalisé ici est de qualité. Utilisez-le, monsieur le ministre !
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Arnaud Bazin applaudit également.
Nous avons ainsi réussi à améliorer sensiblement ce budget, malgré votre opposition quasi systématique. Laissez-moi vous donner quelques exemples : suppression des petites taxes : avis défavorable du Gouvernement ; relèvement du quotient familial : avis défavorable ; simplification de l’impôt sur les plus-values immobilières : avis défavorable ; facilitation de la transmission d’entreprises : avis défavorable ; économies sur le temps de travail et les jours de carence dans la fonction publique : avis défavorable ; gel de la fiscalité sur les carburants : avis défavorable
Sourires.
Nous avons décidé très tôt, ici, au Sénat, de supprimer la hausse des taxes sur les carburants. À un moment où le Gouvernement s’entêtait encore, malgré la colère des Français.
Si nous l’avons fait, c’est parce que notre expérience d’élus locaux et notre connaissance du terrain nous ont convaincus que les Français n’en peuvent plus du toujours plus d’impôts.
Ce que nous apprend notre expérience d’élus locaux, nous qui avons vécu et géré des revendications et des conflits, c’est qu’un incendie, ça s’éteint dès le début et le plus rapidement possible.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.
L’expérience, monsieur le ministre, c’est irremplaçable.
Après les annonces du Président de la République, on pourrait considérer que votre budget est devenu, de facto, insincère et ne pas le voter.
Toutefois, le groupe Union Centriste entend saluer le sens de l’anticipation et la sagesse du Sénat. Nous voterons donc pour ce budget largement amélioré par notre assemblée.
J’ai abordé le contexte et le contenu, voyons maintenant les perspectives. Que faut-il faire aujourd’hui ?
Votre budget ne prévoit ni baisse des dépenses ni refonte globale de notre fiscalité. Or, s’il est une leçon que nous apprennent les quarante dernières années, c’est que plus de dépenses, c’est forcément plus d’impôts.
C’est bien ce qui est inquiétant dans les annonces du Président de la République, qui viennent s’ajouter à celles du Premier ministre : 12 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, ce sont forcément 12 milliards d’euros d’impôts supplémentaires à court terme.
Certes, il est quelque peu injuste d’hériter de quarante années de laxisme budgétaire. La seule chose que nous n’ayons jamais essayée durant toute cette période, c’est la baisse de la dépense publique.
M. Philippe Bonnecarrère applaudit.
Si elle est bien évidemment rarement populaire, cette baisse est nécessaire. Indispensable, même. Elle nécessite une démarche juste, équilibrée, courageuse, à laquelle nous sommes prêts.
Depuis 2006, la dépense publique a augmenté de 300 milliards d’euros. Une paille ! Elle augmente beaucoup plus que la population et l’inflation cumulées. Pourtant, les Français ont le sentiment que le service public se dégrade. C’est un paradoxe très grave pour la démocratie : on dépense de plus en plus et les services publics sont perçus comme de moins en moins performants.
Il est grand temps d’inventer le service public du XXIe siècle : plus modeste, plus moderne, plus efficace et moins coûteux.
Aujourd’hui, les efforts de réduction ne sont toujours pas au rendez-vous. Pire, les dépenses continuent de croître, à hauteur de 6 milliards d’euros dans ce projet de budget, et vingt missions sur trente sont en augmentation.
En ce qui concerne les recettes, il est temps de s’attaquer au scandale des GAFA et d’autres entreprises qui paient très peu d’impôts, si ce n’est pas du tout.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.
En la matière, la France doit reprendre la main si l’Europe continue de traîner autant les pieds.
Et que dire du nécessaire renforcement de la lutte contre la fraude fiscale et sociale ? C’est une question à laquelle nous sommes très attachés ici, au Sénat. En témoigne l’initiative du groupe Union Centriste contre les fausses inscriptions au répertoire de l’INSEE – 1, 8 million de faux numéros ! –, portée par notre collègue Nathalie Goulet.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.
En tout cas, le Gouvernement n’a pas mis à profit l’embellie de la conjoncture pour assainir nos finances. Monsieur le ministre, l’heure est grave, mais il n’est pas encore trop tard si nous refusons de tomber dans la facilité en opposant les ruraux aux urbains, les retraités aux actifs, les héritiers aux non-héritiers, les collectivités à l’État.
Nous devons, au contraire, faire le choix de la responsabilité et du courage, en déterminant collectivement les dépenses que nous sommes prêts à baisser, et en accepter les conséquences.
Cette démarche ne pourra aboutir que si l’on y associe l’ensemble des Français, en particulier les corps intermédiaires, tant négligés depuis le début du quinquennat.
Monsieur le ministre, vous avez devant vous des élus de bonne volonté, des élus de la République, des représentants du peuple, et non pas seulement des collectivités.
Sur toutes les travées, dans notre diversité qui est celle du peuple français, notre travail est reconnu comme étant de qualité.
Mon message est simple : écoutez-nous ; travaillons ensemble pour les Français et pour la France !
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous terminons l’examen du deuxième projet de loi de finances du quinquennat dans un contexte difficile, qui tranche sensiblement avec la situation de l’année dernière.
Le Président de la République s’est exprimé hier soir. Il a annoncé des mesures fortes en faveur des salariés et des retraités les plus modestes, qui rendent la poursuite des violences encore plus inacceptable.
Ceux qui appellent à les prolonger sont non seulement irresponsables, mais aussi incohérents. Ils mentent aux Français. Comment expliquer « en même temps » que la suppression de 5 euros d’APL est une catastrophe – c’est sans doute vrai pour un grand nombre de bénéficiaires – et critiquer la hausse, jugée insuffisante, de 100 euros de la prime d’activité ? Où est la cohérence ? Mes chers collègues, il faut maintenant cesser la surenchère.
Dans ce contexte de crise politique et sociale, le risque serait dorénavant de revoir nos ambitions à la baisse, de faire l’autruche, de faire comme nous avons toujours fait, à savoir augmenter les dépenses et les impôts.
Au contraire, nous croyons que le temps des vieilles recettes est révolu et qu’il faut faire preuve de responsabilité. C’est valable pour les « gilets jaunes », pour les parlementaires et pour le Gouvernement.
La responsabilité du Gouvernement est double. Il doit d’abord répondre concrètement à la colère légitime qui s’exprime dans le pays, et l’écouter avec « lucidité », pour reprendre le terme employé par le Premier ministre, ici, au Sénat, la semaine dernière. Hier, le Président de la République a fait preuve de lucidité face au déclassement social d’une partie de nos concitoyens et à l’érosion continue de leur pouvoir d’achat depuis plus de vingt ans.
Mais le mal est plus profond. C’est de l’essoufflement du « modèle français » qu’il est question. Ce modèle rime aujourd’hui avec un État obèse, des services publics de plus en plus éloignés et une hausse des inégalités.
Pour répondre à cette détresse, le Sénat a fait plusieurs propositions lors de l’examen de ce budget, en direction des personnes modestes et des petites entreprises : gel de la hausse de la TICPE, aménagement de la réforme de la fiscalité du gazole non routier – même si le groupe Les Indépendants aurait souhaité aller encore plus loin sur ce sujet –, et lutte contre la fraude fiscale.
Nous sommes heureux que le Gouvernement ait saisi la main qui lui était tendue sur certains de ces sujets, notamment pour ce qui concerne les taxes énergétiques.
Mais nous entendons aussi, tout particulièrement au sein de notre assemblée, une autre colère, celle des élus locaux, des élus ruraux, qui se sentent trop souvent ignorés par l’État. Ils sont au plus près des citoyens, ils leur ont ouvert leurs portes ces derniers jours, comme à leur habitude, pour comprendre leurs inquiétudes.
Monsieur le ministre, ces élus ne demandent qu’une chose : les moyens d’agir. Le Sénat, là encore, a sensiblement amélioré le texte du Gouvernement s’agissant des collectivités territoriales, pour mieux prendre en compte les spécificités locales.
Il faut que le Gouvernement travaille avec les élus locaux dans les prochaines semaines : ils sont l’une des clés de la sortie de crise, car ils forment l’ossature de la République.
L’autre responsabilité du Gouvernement, c’est d’engager l’indispensable refonte de la dépense publique et de la fiscalité de notre pays. Les annonces du Président de la République doivent maintenant être financées. Mais il serait insupportable et incompréhensible pour les Français que cela se fasse au prix de plus d’impôt et de plus de dette.
Le président Malhuret, rappelant ce qui se passe depuis trente ans, l’a dit la semaine dernière à cette tribune : « Nous n’avons pas réformé, alors que tous les autres autour de nous se réformaient. En punition, nous avons eu le pire des deux mondes : plus de dépenses publiques et moins de services publics ; plus de dette et moins de justice ; plus de mots et moins d’actes. » Aujourd’hui, monsieur le ministre, il vous incombe de faire les réformes que tous les autres ont mises sous le tapis : repenser les mesures fiscales punitives et complexes héritées des quinquennats précédents ; évaluer – enfin ! – la dépense publique pour supprimer les programmes inefficaces ; réduire la dette et donner des perspectives d’avenir à nos concitoyens.
Les événements nous mettent au pied du mur. Allons-nous sortir de cette crise, comme de tant d’autres auparavant, avec un rafistolage qui ne changera rien, ou bien profiterons-nous de cet électrochoc pour résoudre le mal français ?
Nous l’avions dit lors de la discussion générale : ce budget est trop timide pour sortir la France de l’ornière. Il est d’ailleurs déjà caduc. Il est aujourd’hui de votre responsabilité, monsieur le ministre, de changer de cap.
Mais la responsabilité de la représentation nationale, particulièrement du Sénat, n’est pas moins grande, la dégradation du climat social étant propice à la démagogie, aux postures et au jusqu’au-boutisme. L’année dernière, en choisissant Emmanuel Macron plutôt que Marine Le Pen, les Français avaient envoyé à la classe politique un message de modération, d’apaisement des antagonismes et de préférence pour les propositions constructives. Cela n’était pas pour déplaire au Sénat, qui, sous l’égide de son président actuel, pratique largement ces vertus.
C’était également la raison d’être de notre groupe.
Aujourd’hui, alors que la crise gronde, souvenons-nous de cet appel. En temps de crise, la modération est un courage et un effort, dont nous devons nous montrer dignes. En ces temps difficiles, soyons force de proposition pour sortir notre pays de l’ornière dans laquelle il est bloqué depuis trente ans.
Monsieur le ministre, nous voterons ce projet de loi de finances, à la condition qu’il soit la première étape d’une refondation plus large du modèle français. C’est une nécessité politique et sociale. Nous sommes prêts à participer aux concertations qui auront lieu dans les prochains mois pour réformer vraiment notre pays !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le ministre – je suis heureux de vous revoir !
Sourires.
Un calendrier bouleversé jusqu’à la dernière minute – du jamais vu ! – par un mouvement social que n’ont senti venir ni le Président de la République ni le Gouvernement, enfermés dans leurs certitudes et souvent perçus comme méprisants par nos concitoyens.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
L’année 2019 devait être celle du pouvoir d’achat. « C’est l’heure de la preuve, la preuve que nous tenons nos promesses », disiez-vous, monsieur le ministre de l’action et des comptes publics, en septembre dernier. Quelle puissance de conviction !
Mais de quelles promesses parliez-vous ? De l’augmentation de la CSG, même sur les petites retraites ? De la désindexation des pensions, rognées par l’inflation ? De la baisse des APL de 5 euros et de leur désindexation l’année suivante ? Du fait de prendre 1, 5 milliard d’euros dans les poches des bailleurs sociaux ? De la suppression de l’APL accession dont bénéficiaient les plus modestes ? Du fait d’engranger, ni vu ni connu, sans vous soucier des conséquences, le produit de l’augmentation des taxes sur les carburants, le gaz et l’électricité votée par vos prédécesseurs ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains applaudit également.) Vous parliez pouvoir d’achat, mais vous repreniez d’une main ce que vous donniez de l’autre. Les grands perdants sont toujours les mêmes, à savoir les classes moyennes actives ou retraitées. Pour elles, depuis dix-huit mois, c’est un bonneteau fiscal dont elles n’ont pas été dupes.
Mme Sophie Primas et M. Gérard Longuet applaudissent.
Rien de tout cela ne figurait dans le programme du Président de la République. §
Cette fracture fiscale se double d’une fracture territoriale pour celles et ceux qui n’ont d’autres choix que d’utiliser leur voiture au quotidien. Cette fracture-là, vous n’avez pas non plus voulu la voir.
Quant à l’ISF, autre sujet de controverse, vous l’avez partiellement supprimé, conservant cependant un impôt sur la fortune immobilière. Mais votre flat tax, sans mesure de réorientation des capitaux, s’est traduite par une désertion des dispositifs qui finançaient nos PME, au profit, comme d’habitude, de l’assurance vie et des emprunts d’État.
Vous avez ainsi perdu sur les deux tableaux : celui de l’opinion, car l’ISF est un totem, et celui de la capitalisation de nos entreprises.
Comment vous étonner que votre politique fiscale soit considérée comme injuste et inefficace par une grande majorité des Français ? En imaginant pouvoir confisquer, au profit du budget général de l’État, une grande partie des taxes dites « écologiques », vous avez de plus porté un coup à l’idée même de transition énergétique.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
La hausse des taxes sur les carburants a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la colère des Français. C’est leur consentement même à l’impôt, fondement de notre démocratie, que vous avez mis à mal. Tout cela en dix-huit mois : beau résultat !
Que n’avez-vous écouté le Sénat lorsque nous avons réindexé les retraites lors de l’examen du PLFSS ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.
Que n’avez-vous écouté le Sénat lorsque nous avons revalorisé le quotient familial et les prestations familiales ?
Que n’avez-vous écouté le Sénat lorsque nous avons voté l’annulation de la hausse des taxes sur les carburants ?
Que n’avez-vous écouté le Sénat lorsque nous avons, en première comme en seconde partie, tenté de vous alerter contre les effets calamiteux de votre politique du logement, qui est en train de plonger un secteur entier dans la crise ?
Mme Valérie Létard et M. Michel Savin applaudissent.
Au lieu de cela, au moment du vote de la première partie de ce projet de loi de finances, vous avez fustigé l’irresponsabilité de la Haute Assemblée, accusée de creuser le déficit, avant même de voir quelles économies nous allions proposer.
Depuis hier soir, vous avez bonne mine, monsieur le ministre ! Nous allons donc, exercice inédit, nous prononcer sur un PLF après avoir accepté de le modifier in extremis, pour aider à la sortie de crise. Par ailleurs, nous devrons examiner un PLFSS rectificatif dans les prochains jours.
Malgré tout, notre vote pour ce budget donnera à la majorité sénatoriale la satisfaction d’avoir montré la voie au Gouvernement sur bien des points.
L’important maintenant, c’est la suite, non seulement en 2019, mais aussi pour la trajectoire des finances publiques jusqu’en 2022.
Pour 2019, vous voilà donc devant un choix : tenir le déficit ou le laisser filer au-delà des 3 % du PIB, d’autant que la croissance risque manifestement de ne pas être au rendez-vous de vos attentes.
Si vous souhaitez tenir le déficit, il n’y a qu’une solution : baisser la dépense.
Là aussi, vous pourriez vous inspirer des votes intervenus au Sénat dans le cadre de la seconde partie de ce projet de loi de finances. Avec un peu de courage politique, vous trouveriez 2, 8 milliards d’euros d’économies potentielles.
Faute d’avoir engagé, dès le début du quinquennat, les réformes structurelles nécessaires, il est malheureusement à craindre le retour du rabot budgétaire et le gel ou – pourquoi pas ? – le sur-gel des crédits votés. Quoi qu’il en soit, nous formons le vœu que ni le budget de nos forces armées ni celui de nos forces de sécurité ne figurent dans les variables d’ajustement budgétaire.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
Vous avez déjà, en PLFR, donné un coup de canif à la loi de programmation militaire. Nous devons maintenant sanctuariser ces deux budgets. C’est le minimum que nous devons aux hommes et aux femmes qui risquent leur vie pour défendre notre liberté, nos valeurs, notre République.
Applaudissements sur les mêmes travées.
Quant à la trajectoire 2018-2022, elle est morte hier soir. Elle n’intégrait déjà pas la suppression complète de la taxe d’habitation, qui coûtera 10 milliards d’euros de plus. Il faut maintenant financer les annonces du Président de la République.
Dans un contexte de grande incertitude, où la remontée des taux d’intérêt devient chaque jour plus probable, nous ne pouvons pas abandonner l’objectif d’une inversion rapide de la courbe de la dette. Vous devez, monsieur le ministre, y apporter des réponses.
Le groupe Les Républicains votera ce projet de loi de finances modifié par le Sénat. Il rendra ainsi un grand service au Gouvernement, ne serait-ce que pour permettre à l’Assemblée nationale de maintenir l’annulation des taxes sur les carburants, de toucher à la prime d’activité et peut-être de confirmer d’autres mesures, notamment sur le logement, que nous avons adoptées.
Vous y trouverez aussi un dispositif de lutte contre la fraude fiscale en matière de taxation des dividendes, dont le rendement est estimé entre 1 milliard et 3 milliards d’euros.
En cela aussi, le Sénat vous aura aidé.
Nous sommes prêts, en responsabilité, à nous remettre au travail. Mais il est temps que vous changiez de cap. L’acte I du quinquennat est terminé. Le mirage du nouveau monde s’est dissipé. Le temps vous est compté, comme il est compté à la France !
Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe La République En Marche.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Exclamations sur plusieurs travées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous avons vécu, il est vrai, une séquence budgétaire assez inédite. La République a déjà connu des épisodes difficiles, et nous venons d’en vivre un.
Nos procédures habituelles relatives à l’examen du projet de loi de finances ont été percutées par l’actualité – c’est bien normal –, les mouvements sociaux, les chaînes d’information en continu et les réseaux sociaux. Il faudra désormais nous y habituer.
La crise des « gilets jaunes » n’est pas née en quatre samedis ; elle est née en quatre décennies.
Exclamations sur de nombreuses travées.
S’agissant du pouvoir d’achat, le Président de la République a répondu par des mesures puissantes et concrètes.
Mêmes mouvements.
Il ne faudrait pas que, pour des raisons techniques, des débats légitimes viennent masquer la réalité puissante et solide des annonces du Président de la République.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Exclamations sur de nombreuses travées.
Cela se jouera aussi dans l’entreprise, dont le rôle, il faut le rappeler, est important. Que chacun prenne ses responsabilités, …
… notamment pour la prime de fin d’année.
Il faudra mettre en œuvre les mesures annoncées. Oui, le contexte donne une coloration particulière à notre loi de finances. Une partie des modifications a déjà été prise en compte dans ce texte. Par honnêteté intellectuelle, je dois reconnaître une forme de clairvoyance à la majorité sénatoriale §qui a supprimé la trajectoire carbone telle qu’elle était prévue. Vous le voyez, mes chers collègues, j’essaye d’être honnête intellectuellement !
M. Julien Bargeton. Ce texte traduit donc, d’ores et déjà, une forme de convergence. C’est la raison pour laquelle, alors que le groupe La République En Marche aurait traditionnellement voté contre le projet de loi de finances, nous nous abstiendrons.
Exclamations sur de nombreuses travées.
S’ouvre maintenant une période de débat avec les Français. Il doit avoir lieu partout dans nos territoires, au plus près des territoires. Il faut faire de cette colère une chance. C’est aussi une occasion pour le Sénat, chambre des territoires, de jouer un rôle important. J’espère que nous nous en saisirons collectivement.
Transition énergétique, transition démographique mondiale, pouvoir d’achat : les sujets sont sur la table. Le bicamérisme a joué son rôle et je sais que les territoires joueront leur rôle dans ce débat.
Le Sénat a effet enrichi le texte sur plusieurs points. Je pense notamment, monsieur le rapporteur général, aux opérations de fraude en matière de dividendes et à la discussion féconde que nous avons eue sur les outre-mer, qui mettait en perspective dépenses fiscales et dépenses budgétaires pilotables.
Concernant les aspects moins positifs, je pense aux taux réduits de TVA, à l’extension de l’exonération pour les permanences de soins des médecins, laquelle me semble en contradiction avec le discours que nous tenons par ailleurs sur la ruralité, ainsi qu’au débat, éludé, sur les sociétés coopératives d’intérêt collectif. Comme d’habitude, il y a donc à nos yeux du « plus » et du « moins ».
Sans entrer dans le débat sur l’équilibre ou le déséquilibre du budget, je regrette que, au moment du vote sur l’article d’équilibre, la majorité sénatoriale ait refusé, fait inédit, me semble-t-il, le chiffrage proposé par le Gouvernement.
La confiance se construit dans les deux sens. J’espère qu’un tel cas de figure ne se représentera pas.
Le rejet, par la majorité sénatoriale, d’un certain nombre de missions est également rituel. Ainsi six missions n’ont-elles pas été adoptées. Quant à la mission « Défense », elle a failli être rejetée, ce qui me paraît dommage. En effet, dans le débat, des efforts réels avaient été soulignés.
Deux autres aspects auraient également pu nous conduire à voter contre ce projet de budget. Je veux parler des deux mesures traditionnelles proposées par la majorité sénatoriale, à savoir le relèvement du temps de travail des fonctionnaires et la baisse du budget consacré à l’aide médicale de l’État, soit les deux cibles classiques que sont – veuillez excuser cette formule quelque peu lapidaire – les étrangers et les fonctionnaires.
Qui peut croire, à un moment où on demande de la concertation et de la verticalité, qu’on va réaliser, d’un trait de plume, ex abrupto, une économie sur le temps de travail des fonctionnaires, sans même en avoir parlé à leurs organisations professionnelles ?
Certes, il faut réformer la fonction publique, mais qualitativement et non quantitativement. Quant à la réduction de l’aide médicale de l’État, ce n’est pas une bonne mesure, tant d’un point de vue humaniste qu’en termes de salubrité publique.
Je me permets de le dire, ces deux mesures d’économie ne constituent pas, de notre point de vue, un budget alternatif.
M. André Gattolin applaudit.
Commence maintenant un débat qui se déroulera devant les Français. C’est le temps de l’échange et non plus des motions de censure. Je pense que la motion qui sera discutée à l’Assemblée nationale intervient à contretemps après les annonces du Président de la République. Au regard de la façon dont ce texte a évolué, les annonces du Président de la République s’inscrivant d’ailleurs dans cette évolution, en particulier sur la trajectoire carbone, le groupe La République En Marche s’abstiendra sur ce budget tel qu’issu des travaux du Sénat.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, SMIC, 1 498, 47 euros bruts mensuels, soit 1 188 euros nets ; RSA, 550, 93 euros pour une personne seule sans enfant et 1 157 euros pour un couple avec deux enfants ; minimum vieillesse, 634, 66 euros ; pension de retraite moyenne des femmes, 1 091 euros bruts, inférieure de 42 % à celle des hommes.
Voilà la réalité ! Voilà la vie réelle de millions de nos concitoyens, qui attendaient des réponses claires du chef de l’État à leur exigence de vivre mieux, d’être respectés dans leur dignité.
Tout en maintenant son cap, le Président de la République, encensé précédemment pour sa vision avant-gardiste de la politique, a rencontré l’humilité et reconnu, enfin, le légitime élan populaire citoyen qui souffle actuellement sur notre pays.
D’un côté, on l’a encore vu aujourd’hui, on assiste à une opération de communication, avec la hausse de 100 euros de la prime d’activité, financée par les contribuables et qui n’a rien à voir avec une revalorisation du SMIC.
De l’autre, on enregistre un recul concernant la hausse de la CSG pour les plus petites retraites, pourtant refusé par le Gouvernement pendant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Pour le reste, rien qui n’effraiera les marchés financiers ou le grand patronat, exonéré de toute augmentation des salaires. Cela approfondira, soyez-en certains, la défiance populaire à l’égard des politiques gouvernementales.
Qu’on en juge : pas de hausse du SMIC, gel du point d’indice des fonctionnaires, gel de l’allocation adulte handicapé jusqu’au 1er avril 2020. Quid de la diminution du budget des collectivités territoriales de 13 milliards d’euros d’ici à 2022 ?
Et toujours, de l’autre côté, des fortunés cajolés par la suppression de l’ISF, des évadés fiscaux protégés, des actionnaires libres de ponctionner les richesses produites par les salariés au détriment de leurs salaires. C’est ce que contient la loi de finances, reflet de la prise en compte, comme nous pouvons le voir, de la défense du pouvoir d’achat et de la juste rémunération du travail !
Mais le gel n’est pas tout sans quelques hausses, à l’image de celle des primes d’assurance et de toute la fiscalité indirecte, insidieuse et prétendument indolore, qui fait aujourd’hui se soulever une majorité de l’opinion.
Je ne reviens pas ici sur le fait que le Sénat a fini par arracher le gel des taxes sur les carburants, après avoir voté toutes les hausses antérieures.
Le jeu de la commission mixte paritaire permettra au Gouvernement de revenir sur quelques mesures votées ici, donnant au texte final de la loi de finances sa pleine dimension ultralibérale.
Les mesures annoncées hier dans l’allocution enregistrée du Président de la République ne changeront pas la donne, puisque la facture sera soldée par encore plus de droits indirects et de TVA et encore moins de services publics !
La politique du « fort avec les faibles, faible avec les forts », qui anime aujourd’hui un pouvoir désavoué, cacophonique cet après-midi, et ce jusqu’au plus haut niveau, vient de montrer ses limites, à moins que la droite, dont une partie est déjà dans ce gouvernement §ne vienne à son secours.
Depuis le printemps 2017 et l’élection par défaut d’Emmanuel Macron et de sa majorité, si une forme de contrat a bien été passée, c’est directement avec la finance, avec les affairistes, pour mener une politique conforme à leurs intérêts égoïstes, bien loin de l’intérêt commun.
Y figuraient en bonne place la réforme du code du travail par ordonnances, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’instauration de la flat tax sur les revenus du capital et du patrimoine, le nouvel allégement des droits de mutation et de succession, le démantèlement des services publics, de la SNCF et du secteur hospitalier, l’étatisation de la formation continue, la mise en cause du droit aux études des bacheliers. Et j’en passe !
Ce contrat, prétendument moderne date en réalité du XVIIIe siècle : « L’accumulation de richesse à un pôle égale l’accumulation de pauvreté […] au pôle opposé ».
Cette République du contrat avec la finance ne peut qu’engendrer des dommages collatéraux : chômage de masse, précarité du travail renforcée, tensions urbaines, désespoir rural, casse des services publics de proximité et stagnation des salaires.
Pour que certains gagnent, il faut que d’autres perdent, et ce sont les plus nombreux.
D’une colère très juste surgit une balbutiante espérance, jusqu’ici contrariée par les prétentions de la finance. L’Europe n’est pas capable d’agir comme il convient, en témoigne l’échec de la négociation sur la taxation des fameux GAFA. Nous ne savons pas mettre à contribution en France, puisqu’il suffit que la Fédération bancaire française fronce un sourcil pour que le Gouvernement s’exécute.
Pourtant, avec des milliards d’euros de frais bancaires extorqués aux entreprises comme aux particuliers, avec les 2 600 milliards d’euros que la Banque centrale européenne a répandus ces dernières années dans les circuits économiques, les banques pourraient faire mieux !
Que dire des dividendes des titres cotés au CAC 40 ? Pour l’année 2017, ils se sont élevés à 46, 8 milliards d’euros, ce qui semble laisser quelques marges, monsieur le ministre, pour augmenter les salaires.
S’il s’agit de tracer les voies d’un nouveau contrat social en France, alors coup de barre à gauche, à la justice sociale et à l’égalité dans la société, et vite !
Nous avons porté, dans le cadre de la discussion de ce projet de loi de finances, avec nos moyens et notre détermination, 163 amendements ; 20 ont été adoptés.
« Recommander aux pauvres d’être économes est à la fois grotesque et insultant. Cela revient à conseiller à un homme qui meurt de faim de manger moins. » Il est temps de mettre de la démocratie dans cette société, où les droits sont mis en cause : démocratie dans les institutions, dans la cité, dans les entreprises, au sein de la sécurité sociale. démocratie partout !
C’est bien ce tournant démocratique qui surgit sous nos yeux, celui d’un peuple qui ne veut plus en rabattre sur ses aspirations au nom d’une prétendue « fin de l’Histoire » avec le capitalisme financiarisé à outrance. Oui, tout le monde veut gouverner : les citoyens, les élus locaux, les parlementaires et même la jeunesse ! Et alors ?
Enfin, je veux remercier tous les personnels du Sénat, sans exception, de leur précieux concours aux travaux de ce projet de loi de finances, que notre groupe va évidemment rejeter, sur le fond comme sur la forme.
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour le groupe socialiste et républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, en préambule à cette explication de vote, revenons quelques instants sur le contexte politique, économique et social de la période.
Notre pays se trouve dans une situation extrêmement troublée, marquée par un réel décrochage entre une grande partie de nos concitoyens et les acteurs de la vie publique, qu’ils soient syndicalistes, associatifs ou politiques, gouvernants comme opposants.
Nous assistons à une contestation forte des politiques publiques par une large majorité de l’opinion publique, nourrie notamment par le sentiment d’accroissement des inégalités sociales, par le constat d’une iniquité fiscale qui s’accentue chaque année ou encore par l’aggravation des fractures territoriales. Le mouvement des « gilets jaunes » a bien d’autres facettes, mais reconnaissons que celles-là émergent clairement et doivent trouver un débouché dans nos travaux, au moment où nous examinons les textes financiers que sont le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances.
En tant que parlementaires, représentants de la Nation, nous nous devons d’entendre cette révolte citoyenne et d’en nourrir nos réflexions et décisions.
C’est dans cet esprit que les socialistes ont souhaité présenter un contre-budget ayant vocation à rediriger une partie des recettes vers le pouvoir d’achat des classes moyennes et de nos concitoyens les plus modestes. C’est encore dans cette optique que nous venons de déposer, la semaine dernière, une proposition de loi allant dans le même sens avec nos homologues de l’Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, nous regrettons qu’il ait fallu attendre quatre semaines pour que le Gouvernement daigne vraiment s’intéresser à un mouvement populaire, certes protéiforme, mais représentatif de nombre d’angoisses et de colères aujourd’hui qualifiées par le pouvoir de « légitimes », après avoir été d’abord minorées, puis méprisées et souvent caricaturées.
Nous pouvons partager avec vous le fait que la situation actuelle est le fruit d’une mondialisation libérale où, depuis les années soixante-dix, les gouvernements successifs ont essayé d’adapter notre pays au prix sans doute d’une aggravation des inégalités, aggravation d’ailleurs observée dans le monde entier.
Monsieur le ministre, la violence de la politique du président Macron et celle de votre gouvernement, avec des mesures fiscales en faveur des détenteurs de capitaux couplées à des baisses d’aides ou à des augmentations de taxes pour les plus fragiles, ont déclenché cette réaction éruptive. Vous ne pourrez pas dire que le Sénat ne vous avait pas régulièrement mis en garde contre vos excès !
La réalité est que votre « fabuleuse » théorie initiale du ruissellement ne fonctionne évidemment pas. Le projet de loi de finances que vous nous soumettez aujourd’hui, tout comme d’ailleurs celui de l’année dernière, ne répond pas aux attentes et aux besoins d’une majorité de Français.
Il aura malheureusement fallu attendre des émeutes urbaines, par ailleurs insupportables, pour que le Gouvernement, suivant en cela la voie tracée par notre Haute Assemblée, supprime l’augmentation des taxes sur le carburant et reparle, après l’avoir ici méprisée, d’une TICPE flottante.
Il aura fallu le discours du Président de la République d’hier soir pour que quelques-unes de nos idées, hier moquées, soient pour partie reprises, notamment l’élévation du seuil de retraite pour être exonéré d’augmentation de CSG ou l’augmentation de la prime d’activité.
Encore un effort et vous rétablirez l’ISF, ou tout autre impôt sur le patrimoine : nous ne sommes pas fétichistes. Quoi que vous en disiez, vous ne pouviez pas vous priver, ne fût-ce que moralement, de cette recette tant que nos comptes publics n’étaient pas rétablis et que vous demandiez des efforts à l’ensemble de la Nation.
Par charité, je ne m’appesantirai pas sur la demande de suppression de l’impôt sur la fortune immobilière, l’IFI, une demande formulée l’année dernière par la majorité sénatoriale, mais curieusement et discrètement remisée cette année.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.
J’en viens au texte que nous votons ce jour, c’est-à-dire le texte largement amendé par la majorité sénatoriale.
Cela ne surprendra personne au sein de cet hémicycle, nous considérons que le résultat du travail parlementaire conduit par la majorité sénatoriale ne permet pas de répondre aux questions qui nous sont posées aujourd’hui.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, il faudra qu’un jour vous sortiez enfin de l’ambiguïté dans laquelle vous vous délectez !
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Car si le Gouvernement est à l’origine de l’étincelle de ce mouvement social, la gauche comme la droite républicaine doivent clairement expliciter leurs positions.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
M. Claude Raynal. Peut-on à la fois être favorable à la suppression de l’ISF, de l’IFI, de l’exit tax, demander des baisses d’impôts à longueur de projet de loi de finances, demander, en même temps pour le coup, sur chaque mission toujours plus d’économies tout en réclamant plus de services publics et de proximité ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe La République En Marche.
Oui, je vous le dis, mes chers collègues, il vous faut maintenant sortir des postures pour afficher une politique d’ensemble claire et crédible !
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Pour notre part, durant l’examen de ce projet de loi de finances, nous avons systématiquement gagé nos propositions de dépenses nouvelles.
Nous vous avons de nouveau suggéré la réintroduction de l’ISF, appelée de ses vœux par la grande majorité des Français, que vous ne voulez pas entendre, et la suppression de la flat tax. Non seulement vous vous y refusez, mais vous trouvez de plus le moyen, avec la complicité de la majorité sénatoriale – il faut le dire –, de diminuer encore l’effet de l’exit tax.
Car nous serons vigilants pour que l’on n’assiste pas à un bonneteau fiscal.
Les Français ont déjà pu avoir l’impression que la baisse de taxe d’habitation pour la classe moyenne a pu s’effectuer par une augmentation de taxes sur le carburant pour tous. Nous ne saurions trop vous engager à faire que la contribution aux mesures annoncées hier par le Président de la République soit portée par les très grandes entreprises et les Français les plus fortunés.
En guise de conclusion, je souhaite vous faire part de mes interrogations relatives à l’examen même de ce projet de loi de finances. Certes, le moment est très particulier, et nous ne pouvons qu’espérer entrer, enfin, dans une phase plus constructive. Pour notre part, nous le souhaitons, et nous y participerons. Nul doute que les Français l’attendent. Au Gouvernement de mieux associer et écouter le Parlement. Vous auriez, monsieur le ministre, beaucoup à y gagner.
Cependant, mes chers collègues, vous voterez tout à l’heure un budget qui connaîtra dans les jours à venir des modifications majeures. Rendez-vous donc pour la deuxième lecture. Le groupe socialiste et républicain votera sans surprise contre ce projet de loi de finances pour 2019.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, personne, dans cet hémicycle et au-delà, ne se félicitera des conditions dans lesquelles le Sénat a dû cette année examiner le budget de la République. Je ne reviendrai pas sur un tweet malheureux qui a trop pesé sur l’entame de nos discussions. Nous nous sommes déjà exprimés sur ce point, et nos débats ont d’abord besoin de dignité.
Ce qui importe surtout, bien au-dessus de ces basses billevesées, c’est de répondre à la crise politique, sociale et sociétale que nous vivons. C’est d’écouter avec la plus grande attention la souffrance exprimée par beaucoup de nos compatriotes, leur volonté de vivre dignement de leur travail. C’est d’apporter des solutions pratiques aux préoccupations qui émergent. C’est, au final, de donner tout leur sens à notre mandat d’élus de la République et aux responsabilités qui en découlent.
Oui, il y a bien urgence à apporter des réponses claires et concrètes à ce que beaucoup de nos concitoyens vivent comme une profonde injustice économique et sociale ! Nous y voyons la conséquence de politiques publiques déconnectées des réalités du quotidien depuis trop longtemps, de décisions incompréhensibles du citoyen, sédimentées dans la plus pure logique technocratique.
Ce n’est pourtant pas faute, pour notre groupe, de s’être battu depuis des années en faveur d’une véritable réduction des inégalités, à commencer par celles qui fracturent nos territoires. Je pense ici à l’hyper-ruralité, chère à notre collègue Alain Bertrand. La hausse de la fiscalité des carburants, que le Sénat n’a heureusement pas votée – comme quoi, il a toute son utilité dans notre démocratie ! –, n’en est que le dernier symbole. Nous redoublerons d’efforts, car il existe aujourd’hui deux France : celle qui est parfaitement insérée dans la mondialisation et qui raisonne start-up et Uber, pour laquelle l’avenir est un champ de tous les possibles ; et celle qui a peur du chômage, du déclassement social, qui se sent oubliée, pour ne pas dire méprisée, par les gouvernants, dont la porosité avec la haute fonction publique est délétère !
Les Français qui s’expriment aujourd’hui par la violence nous avaient pourtant lancé des avertissements que bien peu ont entendus : par leur vote contestataire, puis par leur abstention et, désormais, par des actes que nous devons interpréter comme une défiance profonde à l’égard de tout ce qui ressemble à une institution.
Mes chers collègues, chacun peut porter un jugement détaillé sur le train de mesures annoncé hier soir par le Président de la République. Elles sont désormais dans le champ du débat démocratique. Nous n’avons d’ailleurs pas perdu de temps en débattant tout à l’heure de la prime d’activité. D’autres discussions arriveront très vite. Le groupe du RDSE va se prononcer au vu de tous ces éléments.
Bien entendu, nous avons obtenu le vote d’un certain nombre de nos propositions, parmi lesquelles la suppression de l’abattement des journalistes les mieux payés, c’est-à-dire ceux qui touchent plus de 6 000 euros par mois, la redevance des concessions hydroélectriques, la réduction de la TVA des produits hygiéniques pour nourrissons et personnes âgées, le refinancement du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, la trésorerie des sociétés coopératives et participatives, ou SCOP, ou l’encouragement aux filières de biocarburants.
Mais la grande majorité d’entre nous ne pourra pas approuver une loi de finances amputée des crédits de sept missions. De plus, le budget dont nous discutons est obsolète avant même son vote, étant donné les annonces du Président de la République.
M. Jean-Claude Requier. C’est pourquoi la très grande majorité de mon groupe s’abstiendra, quand quelques-uns s’opposeront au texte, et un le votera. C’est cela, la liberté de vote au sein du RDSE !
Exclamations amusées.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Nouvelles exclamations amusées sur les autres travées.
Nous ne pouvons pas non plus poursuivre nos débats sans souligner que le vote d’un budget est au fondement de notre démocratie représentative. Historiquement et philosophiquement, c’est bien par l’acceptation de la levée de l’impôt qu’est née la notion même de Parlement.
Or le consentement à l’impôt est aujourd’hui malmené, voire remis en cause, par certains de nos concitoyens, au point de violemment mettre sous tension notre unité nationale. Mon groupe, qui revendique fièrement l’héritage de Georges Clemenceau et de Joseph Caillaux, ne peut évidemment accepter de telles dérives.
Nous subissons aujourd’hui les effets de décennies de technicité, d’opacité, de mitage fiscal par la multiplication des niches, au point de rendre notre système incompréhensible, donc inacceptable. Le signal que nous adressent nos compatriotes est aussi qu’il n’est plus possible de continuer dans cette impasse.
Revenons donc à la signification profonde de l’impôt, celle de l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : une « contribution commune […] également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Redonnons de la lisibilité et de la simplicité à notre édifice fiscal, de telle sorte que nos concitoyens comprennent les efforts qui leur sont demandés et prennent conscience qu’ils participent collectivement à la vie de la Nation. Arrêtons avec une fiscalité vécue comme punitive et socialement injuste !
L’impôt doit redevenir l’outil de citoyenneté qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être. Il est temps que ceux qui concourent à l’élaboration de l’action publique en prennent la mesure, afin que notre démocratie s’adapte, à la vitesse qui est la sienne, aux évolutions de notre société, reste à l’écoute des Français et essaye de les réconcilier avec l’impôt !
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.
Le Sénat va maintenant procéder au vote sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2019, modifié.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Conformément à l’article 60 bis du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par l’article 56 bis du règlement.
J’invite Mme Jacky Deromedi et M. Joël Guerriau, secrétaires du Sénat, à superviser les opérations de vote.
Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l’appel nominal.
Le sort désigne la lettre B.
Le scrutin sera clos après la fin de l’appel nominal.
Le scrutin est ouvert.
Huissiers, veuillez commencer l’appel nominal.
L ’ appel nominal a lieu.
Le premier appel nominal est terminé. Il va être procédé à un nouvel appel nominal.
Le nouvel appel nominal a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Mme et M. les secrétaires vont procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
M. le président. Mes chers collègues, je remercie Mme et M. les secrétaires du Sénat, qui ont veillé au bon déroulement de ce scrutin.
Applaudissements sur plusieurs travées.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote, le résultat du scrutin n° 37 :
Nombre de votants343Nombre de suffrages exprimés298Pour l’adoption200Contre 98Le Sénat a adopté.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure où nous achevons nos travaux sur le projet de loi de finances pour 2019, je voulais rappeler combien notre assemblée s’est mobilisée pour l’examen de ce texte.
Nous y avons consacré 120 heures de séance publique et 216 heures de réunion en commission des finances et en auditions préparatoires des rapporteurs spéciaux. Nous aurons examiné 2 029 amendements, contre seulement 1 363 amendements l’an passé.
Le calendrier budgétaire a pu être tenu, malgré les nombreuses vicissitudes qui ont marqué l’examen du texte : le report de certaines discussions de missions budgétaires le week-end en conséquence de votre malheureux tweet, monsieur le ministre de l’action et des comptes publics, l’insertion d’un débat – nécessaire – sur la fiscalité écologique et le pouvoir d’achat avec le Premier ministre au milieu de l’examen des missions budgétaires et, hier encore, les annonces du Président de la République, qui bouleversent une nouvelle fois les équilibres du budget. À cela viennent s’ajouter les effets de l’absence de collectif de fin d’année, qui expliquent en partie « l’inflation » de taille de ce projet de loi de finances.
Gageons cependant que nous aurons très prochainement à nous retrouver pour examiner un nouveau collectif budgétaire, tant l’examen du projet de loi de finances pour 2019 présenté par le Gouvernement aura mis en lumière ses nombreuses insuffisances.
À cette heure, je voudrais surtout remercier et féliciter toutes celles et tous ceux qui ont apporté leur concours à ce travail : d’abord, vous-même, monsieur le président du Sénat, et les vice-présidents de notre assemblée, qui ont été très sollicités, ainsi que les services de la séance. Je tiens également à saluer l’ensemble des sénateurs, plus particulièrement les 49 rapporteurs spéciaux de la commission des finances et les 76 rapporteurs pour avis, qui ont fait un travail remarquable. Je n’oublie pas l’ensemble de notre administration, les services de la commission des finances et des commissions saisies pour avis, ainsi que nos collaborateurs et les professionnels de nos groupes politiques.
Je finirai, bien entendu, par des remerciements adressés au Gouvernement, monsieur le ministre, notamment à Olivier Dussopt, qui a assuré pendant de longues heures la représentation du Gouvernement avec expertise et courtoise.
Applaudissements sur la plupart des travées.
Rassurez-vous, je ne prolongerai pas plus avant les débats – vous m’avez assez entendu ! –, d’autant que l’heure n’est pas aux propos politiques, même si je crains que nous ne nous retrouvions très prochainement sur ces sujets.
Pour la première fois, nous avons le sentiment d’un budget quelque peu inachevé. C’est à tout le moins une impression bizarre, compte tenu des nombreuses mesures annoncées. Un projet de loi de finances rectificative était d’ores et déjà programmé pour le printemps ; il devait porter sur les collectivités locales, mais les annonces récentes du Président de la République auront nécessairement d’autres impacts, y compris sur le solde budgétaire et le déficit public.
Philippe Dallier l’a rappelé, j’avais souligné au début de l’examen de ce texte qu’il s’agissait de l’introuvable budget du pouvoir d’achat. Malheureusement, ce point a été au cœur de nos discussions, en lien évidemment avec l’actualité. Il l’a été bien davantage que ce que nous avions pu imaginer au départ.
Nous sommes allés au bout de nos débats, en examinant, ce qui était une difficulté, l’intégralité du texte – je m’en félicite. Cela n’a pas été sans friction, je pense aux problèmes de calendrier, mais également aux chiffrages, à propos desquels nous nous sommes opposés au Gouvernement, ainsi qu’à l’article d’équilibre. Quoi qu’il en soit, nous avons toujours travaillé pour l’essentiel en bonne intelligence, en faisant preuve de courtoisie et d’écoute, même si mes collègues ont dû écourter certaines de leurs interventions pour respecter les temps de parole, et je les en remercie.
Nous avons adopté plusieurs amendements, parfois à une très large majorité, parfois à l’unanimité. Je pense, bien sûr, au gel de la TICPE. C’était déjà une disposition votée l’année dernière. Je pense également à l’amendement sur les dividendes, qui devrait recueillir toute l’attention de l’Assemblée nationale, si j’en crois les paroles du Président de la République hier soir sur la lutte contre la fraude.
Après le président de la commission des finances, je salue à mon tour, monsieur le président, les vice-présidents du Sénat qui se sont succédé au plateau. Je salue également M. le ministre et les différents membres du Gouvernement, notamment Olivier Dussopt. Je remercie enfin mes collègues qui ont été présents tout au long des débats, en particulier les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis.
En conclusion, mes chers collègues, je crois malheureusement que cette soirée n’épuisera pas les débats sur l’avenir du budget de la France !
Applaudissements sur la plupart des travées.
Je remercie également le président de la commission des finances et son rapporteur général, y compris pour la qualité des contacts que nous avons eus pendant cette période. Je salue à mon tour les vice-présidents du Sénat, qui se sont partagés, à eux seuls, 116 des 120 heures de débat. Je les en remercie personnellement et particulièrement.
La parole est à M. le ministre.
Qu’il me soit permis à mon tour, monsieur le président, de remercier la présidence du Sénat et les services de la séance. Je salue bien évidemment le président de la commission des finances et les commissaires aux finances avec qui nous avons travaillé dès en amont de la présentation du texte. Je remercie également M. le rapporteur général et l’ensemble des sénateurs pour les débats nombreux que nous avons eus. Je transmettrai vos remerciements aux membres du Gouvernement, particulièrement à Olivier Dussopt, dont vous avez eu raison de souligner la présence au banc du Gouvernement.
Je remercie les services de mon ministère, de mon cabinet et tous ceux qui ont contribué à élaborer les différents documents. M. le président de la commission des finances l’a souligné, le projet de loi de finances rectificative a été réduit à la portion congrue, mais j’ai compris que le Sénat envisageait d’améliorer encore le dispositif présenté par le Gouvernement. Même si nous n’avons pas présenté d’amendements fiscaux en raison des délais extrêmement contraints, il est utile d’améliorer encore le tout en vue de la discussion budgétaire que nous aurons l’année prochaine. Sans doute faudra-t-il conduire une réflexion sur les textes constitutionnels relatifs aux projets de loi de finances et aux projets de loi de financement de la sécurité sociale. Quoi qu’il en soit, cela demandera du temps au Sénat et je le remercie par avance du travail qu’il accomplira. Mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’a précisé M. le rapporteur général, ce n’est qu’un au revoir !
Sourires sur plusieurs travées et applaudissements sur quelques travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à dix-huit heures quinze.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures quinze, sous la présidence de Mme Hélène Conway-Mouret.
J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
L’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de résolution visant à préserver l’ordonnancement juridique relatif au port du voile intégral dans l’espace public présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues (proposition n° 83).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de résolution.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’actualité n’épuise pas tous les sujets. Si nous avons tenu à déposer cette proposition de résolution, c’est tout simplement parce que nous pensons que, parfois, il faut réagir. On ne peut pas se taire, on ne peut pas faire comme si on n’avait rien vu ni rien su. On ne peut pas se taire non plus comme si on devait seulement opposer le silence à ce qui est de l’ordre de l’inacceptable.
De quoi s’agit-il ?
Après la plainte de deux femmes verbalisées en France pour le port de la burqa sur la voie publique, le Comité des droits de l’homme des Nations unies, le 22 octobre dernier, a pris une décision stupéfiante puisqu’il a demandé à la France l’abrogation – l’abrogation, vous m’entendez bien ! – de la loi de 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public. Il demande, par ailleurs, que la France indemnise les deux plaignantes.
M. Bruno Retailleau. Chère Françoise Laborde, les choses sont claires, nous demandons au Gouvernement d’opposer à cette décision un mur de refus.
Marques d ’ approbation sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Je tiens à le préciser pour le cas où le texte de la proposition de résolution ne l’explicitait pas suffisamment !
Mme Françoise Laborde le confirme.
Nous devons opposer à cette décision un mur de refus pour trois raisons : premièrement, cette décision légitime l’islam radical ; deuxièmement, elle atteint le cœur de notre modèle républicain ; troisièmement, elle nourrit la crise démocratique.
Tout d’abord, cette décision légitime l’islam radical. Je procéderai à quelques rappels pour bien montrer toute la signification de la burqa. J’insisterai notamment sur deux évidences.
Première évidence, la burqa, mes chers collègues, n’est pas une simple mode vestimentaire. Ce n’est pas non plus un simple voile. Ce grillage en tissu efface, retranche et diminue. Il efface parce qu’il fait disparaître l’identité et l’individualité des femmes. Il les efface de l’espace public. Il les retranche ensuite de l’espace public parce que le visage, l’expression, le regard sont des moyens de communication avec nos semblables. Ce qui est incroyable, c’est que ce grillage transforme finalement la femme en image incarnée du refus de la figure, alors même que l’islam refuse toute notion d’image ! Enfin, non seulement il efface, non seulement il retranche, mais surtout il diminue la femme en la plaçant à un rang inférieur et en signalant cette diminution à tous ostensiblement dans l’espace public, ce qui est inacceptable !
Qu’un comité des droits de l’homme puisse se servir de son statut pour diminuer les droits de la femme, les bras m’en tombent !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Deuxième évidence, non seulement la burqa n’est pas un simple voile, mais ce n’est pas non plus n’importe quel signe d’appartenance religieuse : c’est le signe d’une appartenance particulière à une mouvance, et pas à n’importe laquelle, à un islam qui se radicalise et considère la loi religieuse, la charia, comme supérieure à la loi républicaine, à la loi civile.
La burqa est le symbole d’un islam qui l’envisage comme un étendard, celui d’une contre-société.
L’objectif de ce radicalisme est bien de séparer nos compatriotes musulmans de tout le reste des Français, quelles que soient leurs origines ou leurs professions de foi, qu’ils croient au ciel ou qu’ils n’y croient pas.
Cela, nous ne pouvons l’accepter, et il est inadmissible qu’une instance internationale donne sa caution à ce type de radicalisme !
La première raison pour refuser cette décision est que nous devons lutter contre l’islam radical. Nous luttons sur deux fronts, monsieur le secrétaire d’État, sur un front de haute intensité qui est le terrorisme, mais aussi sur un front qui nourrit ce premier front dans un certain nombre de consciences, je veux parler du « fréro-salafisme ».
La deuxième raison pour refuser cette décision est qu’elle atteint le cœur de notre modèle républicain. Elle s’oppose à nos valeurs, à la valeur de l’égalité de l’homme et de la femme, c’est-à-dire la valeur de la dignité humaine. Elle s’oppose aussi à la valeur de l’universalité de la loi, cette valeur qui fait que nous avons, en France, une communauté civique, une amitié civique.
Dans notre pays, la fraternité n’est pas une fraternité d’ordre religieux, c’est une fraternité civique. Aucune de nos communautés, religieuses ou autres, ne saurait s’inscrire à l’intérieur d’un cercle de feu pour se retrancher et se séparer de l’ensemble de la communauté nationale !
Cette décision atteint évidemment le cœur du modèle républicain. J’en ferai une brève démonstration, car le temps est venu de dénoncer le cadre idéologique dans lequel s’enferment un certain nombre d’institutions internationales.
Ces institutions internationales, et c’est le cas du Comité des droits de l’homme des Nations unies, se servent de la rhétorique des droits de l’homme pour développer une conception radicale de l’individualisme et du multiculturalisme. Au nom, en réalité, d’une sorte d’exaltation libérale libertaire de la liberté, elles retournent la liberté contre l’individu, contre la personne et contre la collectivité. Contre la personne, on le voit pour la femme, qui est ravalée à un rang inférieur. Contre la collectivité, parce que la source du droit républicain est l’universalité.
Cette conception anglo-saxonne du droit est très différente de notre tradition républicaine. Elle atteint à la fois le concept de laïcité puisqu’elle place très haut les droits des individus, au-dessus de tout : plus on se singularise, y compris sur le plan religieux, et mieux c’est ! Elle s’oppose aussi à la conception que nous nous faisons de la citoyenneté. Notre citoyenneté à nous n’exige pas que tous les particularismes et toutes les singularités soient refoulés. Elle demande simplement que ceux-ci ne s’expriment que dans l’espace privé, et non dans l’espace public.
Voilà pourquoi il faut ouvrir les yeux et dénoncer les avancées insidieuses de ces pseudo-juridictions internationales !
M. Philippe Pemezec applaudit.
La troisième raison, non moins importante, pour laquelle nous devons refuser une telle décision est qu’elle nourrit la crise de nos démocraties. Elle la nourrit en France, car elle contrevient à la volonté du peuple français. Dois-je vous rappeler que, lors du vote de la loi de 2010, à l’Assemblée nationale et au Sénat, une très large majorité, une quasi-unanimité, un large consensus national, s’était fait jour pour ne plus tolérer la burqa sur la voie publique et dans l’espace public ?
À ceux qui, en boucle, répètent que la portée de cette décision d’octobre 2018 n’est absolument pas contraignante, je donne lecture de ce qu’a déclaré le 3 septembre dernier, au sujet de la jurisprudence Baby Loup du même comité Théodule de l’ONU, le premier président de la Cour de cassation lui-même. Je le cite fidèlement : « Même si cette constatation n’a pas, en droit, de force contraignante, l’autorité qui s’y attache de fait constitue un facteur nouveau de déstabilisation de la jurisprudence. » Il poursuit : « En réalité, ce phénomène d’internationalisation appelle la culture judiciaire et juridique française à entrer en synthèse avec la culture anglo-saxonne. »
Ces propos du premier président de la Cour de cassation sont rigoureusement exacts et je mets quiconque au défi de les démentir. Monsieur le secrétaire d’État, vous voyez bien que cette force contraignante est insidieuse !
Par ailleurs, cette décision est aussi emblématique, voire paroxystique, des décisions prises par les juridictions internationales qui avancent insidieusement. C’est ce qu’on appelle la soft law – pardon pour cet anglicisme – ; c’est une zone grise, un droit jurisprudentiel, qui s’oppose, en réalité, à la démocratie nationale.
On le voit en France avec la crise des « gilets jaunes », mais aussi en Europe, au Brésil, aux États-Unis, en Angleterre avec le Brexit. Ces crises, ces insurrections électorales viennent souvent du fait que les classes moyennes en particulier et le peuple en général considèrent que les dirigeants gouvernent sans eux. Tous ont le sentiment, pour reprendre une expression de Jacques Julliard, que la démocratie désormais s’exerce « sans le peuple ».
Voilà typiquement le genre de décision, mes chers collègues, qui fait perdre confiance au peuple et qui le convainc que celles et ceux qui les dirigent ou les instances du haut sont totalement insensibles à la volonté et à l’expression populaires !
Permettez-moi également de relier malheureusement cette décision à la signature il y a quelques jours par la France du pacte de Marrakech. À mon sens, je le dis calmement et sereinement, ces décisions d’ordre international sont filles d’une même idéologie et la matrice d’une même crise démocratique.
Le moment est venu de faire respecter la souveraineté populaire, celle du droit, celle du peuple français. Lorsque celui-ci s’exprime, on n’a pas le droit de le bafouer ! C’est une question importante qui vise nos valeurs républicaines, celles aussi qui fondent le socle de notre civilisation !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « le voile intégral rend libre » : parole de Rédoine Faïd ! La burqa a en effet permis à l’ennemi public n° 1 de faire ses courses au marché du coin, alors qu’il était recherché par toutes les polices de France et de Navarre.
La burqa, le voile intégral en France, ne pose pas un problème d’« ordonnancement juridique ». C’est la conséquence directe du véritable problème qu’est la folle politique d’immigration massive qui a fait entrer, et continue de faire entrer, dans notre pays, des millions d’individus, …
… dont beaucoup s’opposent à nos traditions séculaires et combattent désormais, sur notre sol, nos valeurs et notre attachement aux libertés individuelles, notamment celles des femmes.
Ajoutons à cela quarante années de couardise et de compromissions de la classe politique avec les islamistes, et vous obtenez la France des terroirs, des clochers et de Marianne transformée en France terreau de la charia et du voile intégral !
Ce voile intégral n’est rien d’autre, mes chers collègues, qu’un acte politique posé par des extrémistes islamistes, qui utilisent nos libertés pour mieux les combattre. De la France fille aînée de l’Église à la France petite-fille de l’islamisme, il n’y a qu’un voile !
Pendant que vous palabrez, les barbus agissent. Pourtant, ils ne sont forts que de notre faiblesse.
Le port de la burqa est une violence insupportable faite aux femmes, une étape dans la volonté de conquête de l’âme et du corps de notre nation par des fanatiques qui s’engouffrent dans les failles de notre droit pour imposer leur droit, la loi islamique, aidés en cela par des officines internationales d’idéologues qui bafouent les libertés des femmes.
De ce constat accablant que chaque Française peut voir et même subir au quotidien, je crains que ce gouvernement n’ait tiré aucune leçon.
L’urgence absolue de stopper toute immigration n’est pas à l’ordre du jour, puisque le Président de la République a fait ratifier, en catimini, le pacte mondial sur les migrations de Marrakech, acte de haute trahison qui achèvera l’entreprise de submersion de notre pays par des millions de migrants, avec, en leur sein, des milliers de fanatiques qui ont la liberté des femmes en détestation.
Cessons tout masochisme et déni de la réalité !
Non, monsieur le ministre de l’intérieur, le fichu de nos grands-mères n’a rien à voir avec ce voile qui nie la femme jusqu’à l’enfermer dans un tissu carcéral !
Ici, ce n’est pas Kaboul, nous sommes en France, à Paris, capitale mondiale de la mode.
Ici, les femmes, nous les voulons et nous les aimons en pantalon, en robe, en jupe, en short, en maillot de bain. Nous aimons voir leurs cheveux, nous voulons voir leur visage, leur sourire. Nous les voulons mères au foyer, chefs d’entreprise, saintes héroïnes de la patrie, parlementaires. Je souhaite même que l’une d’elles devienne Présidente de la République ! §Vous aurez deviné laquelle…
Les femmes, ici, nous les voulons et nous les aimons libres !
En ce centième anniversaire de la grande victoire, n’oublions jamais, mes chers collègues, qu’à l’arrière, dans leur foyer mais aussi dans les champs, dans les usines, dans les hôpitaux, ce sont les femmes qui ont porté le pays à bout de bras !
Sans le dévouement des femmes, les hommes au front n’auraient jamais tenu ! Sans les femmes, la France ne serait plus française !
Alors, pour la France, fille aînée aussi de la liberté, ne tergiversons plus ! Ne reculons plus face à l’obscurantisme islamiste ! Redevenons maîtres chez nous : dévoilons une bonne fois pour toutes la République !
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais mettre immédiatement un terme au suspense en vous disant que le groupe Union Centriste votera évidemment cette proposition de résolution.
Le contexte est plein de symboles, au lendemain du soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, deux jours après le cent-treizième anniversaire de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, et au lendemain de la signature de l’accord de Marrakech pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, que j’évoquerai ultérieurement.
Le groupe Les Républicains nous invite à débattre de la dissimulation du visage dans l’espace public et de la réaffirmation des dispositifs votés en 2010.
Passée la mention d’autres voies et moyens de dissimuler le visage dans l’espace public – la cagoule, par exemple –, cette proposition de résolution vise en tout premier lieu l’interdiction du voile intégral islamique. Il se trouve que j’étais déjà intervenue au nom de l’Union Centriste sur le texte de 2010, que mon groupe avait voté.
La raison initiale évoquée dans la proposition de résolution est le vote – Bruno Retailleau l’a dit –, le 22 octobre 2018, d’une condamnation de la France par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, qu’il ne faut pas confondre avec le Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme, lequel est présidé par l’Arabie saoudite.
Cette condamnation n’a aucune force contraignante dans l’immédiat, mais peut occasionner – je partage sur ce point la position du président Retailleau – des litiges et offrir un terreau favorable à toutes les dérives et victimisations qui peuvent en découler.
Répéter une fois de plus les principes républicains du vivre ensemble n’est jamais un rappel de trop.
Toutefois, lorsque l’on connaît la force exécutoire des résolutions de l’ONU, je ne crois pas qu’il y ait franchement de grands risques dans l’immédiat, que ce soit pour les constructions illégales dans des territoires occupés ou pour des occupations illégales de régions entières d’un pays voisin.
Si les résolutions de l’ONU, ou de ses démembrements, avaient une efficacité et une incidence sur la hiérarchie des normes, cela se saurait ! Mais j’approuve ce qui a été dit sur la soft diplomatie : cela brouille les pistes et peut aussi brouiller les esprits.
À propos du pacte de Marrakech, permettez-moi, monsieur le secrétaire d’État, d’ouvrir une parenthèse. En dehors du fait que neuf pays, et les États-Unis, s’en soient écartés, il faut rappeler l’absence de force contraignante de ce texte et la totale souveraineté des États. Ni vote ni signature n’étaient au programme de ce rendez-vous, qui a pris la forme d’une simple proclamation orale suivie d’un coup de marteau.
Ce texte, déjà approuvé en juillet, doit encore être ratifié mercredi 19 décembre, lors de l’Assemblée générale des Nations unies.
Je voudrais vous faire part, monsieur le secrétaire d’État, de deux observations.
Lors des débats budgétaires, notre excellent collègue Roger Karoutchi a plusieurs fois rappelé que la question de l’asile et de l’immigration devait faire l’objet d’un débat global et cohérent.
Reconnaissons-le, nous en sommes très loin !
Par ailleurs, ce type de conventions internationales, qui, sur le papier, ne lient pas la France, pourraient avoir des effets à court ou moyen terme, mais sont votées sans aucune consultation du Parlement, comme d’ailleurs l’ensemble des conventions internationales.
Le Parlement n’arrive dans ces matières qu’« à la fumée des cierges », comme on le dit dans ma Normandie, c’est-à-dire sans pouvoir amender, pour débattre – encore faut-il qu’il n’y ait pas de procédure simplifiée ! –, mais surtout pour approuver ou refuser la convention, laquelle est généralement acceptée.
Puisque c’est la période des réformes, des réformes constitutionnelles en particulier, il serait opportun qu’avant d’engager la France dans des accords aussi importants le Gouvernement consulte le Parlement.
Cette remarque est aussi valable pour les conventions fiscales.
C’est une proposition que nous reprendrons dans le cadre de la réforme constitutionnelle, si elle est présentée au Sénat. Il faut tout de même réfléchir à ces questions. Nous avons bien des débats préalables au Conseil européen ; pourquoi ne pas avoir une discussion préalable à des conventions internationales qui ont un impact sur la loi nationale et sur notre quotidien ?
Mme Nathalie Goulet. L’examen de la présente proposition de résolution était programmé bien avant l’adoption du pacte de Marrakech et il ne s’agit que d’un concours de circonstances. Mektoub, il n’y a pas de hasard !
Sourires.
Mais revenons au sujet de ce débat.
Au sein de cette maison, j’ai présidé, avec notre collègue André Reichardt, une commission d’enquête sur les réseaux djihadistes, qui a commencé à travailler six mois avant Charlie. Nous avions anticipé ces catastrophes et la dangerosité du phénomène. Puis nous avons mené de concert, avec le groupe Les Républicains et l’ensemble de la représentation sénatoriale, une mission d’information sur l’islam.
La démarche et la volonté de la France s’inscrivent dans un mouvement international convergent, qui s’oppose au port du voile intégral ou en réduit les possibilités.
Si l’on fait un point géographique de la situation, on constate que la liste des États dans lesquels le port du voile intégral, le niqab – je rappelle que la burqa n’est portée qu’en Afghanistan –, est prohibé et la tolérance accrue s’allonge.
Aux Émirats arabes unis, pour d’évidentes raisons de sécurité qui ont présidé au vote du texte de 2010, il est absolument interdit aux femmes travaillant dans certaines administrations de se couvrir le visage ; c’est le cas dans les aéroports, les centres stratégiques, etc.
Au Koweït, les femmes qui portent le niqab n’ont tout simplement pas le droit de conduire, ce qui paraît logique.
Plus près de nous, le Maroc et la Tunisie ont non seulement interdit le port du niqab, mais aussi sa fabrication. On a tout de même beaucoup progressé !
Il faut aussi citer les législations adoptées en Bulgarie, en Belgique et au Danemark.
Le Royaume-Uni et la Suède n’ont pas voté l’interdiction, mais ont des dispositifs qui permettent, notamment aux écoles, de la mettre en œuvre.
Cette proposition de résolution répond-elle à une impérieuse nécessité ?
Si nous considérons le problème sous l’angle de la sécurité, c’est une évidence et, de ce point de vue, il faut maintenir l’absolue prohibition du voile intégral. J’ajoute qu’il faut une tolérance zéro à l’égard de ceux qui encouragent la désobéissance civile en payant des amendes en lieu et place des contrevenantes qui portent le niqab.
Dimanche dernier, j’ai assisté, comme vous, monsieur le secrétaire d’État, au congrès du Conseil français du culte musulman. Je souhaite répéter les propos tenus par l’ensemble des orateurs, sous le contrôle de M. le ministre de l’intérieur et sous le vôtre : nos concitoyens français de confession musulmane sont des Français à part entière, et non des Français à part.
Par ailleurs, et nous remercions le président Retailleau de nous en donner l’occasion, nous devons réaffirmer que c’est à la religion de s’adapter à la République, et sûrement pas à la République de s’adapter aux religions !
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public concerne non pas quelques centaines ou quelques milliers de personnes, de façon anecdotique, mais notre société tout entière et l’idée que l’on peut se faire de la France.
Cette loi est d’autant plus fondée que les autorités religieuses musulmanes, au plus haut niveau, ne rangent pas le port du voile intégral parmi les prescriptions de l’islam, ce qui atteste que cette loi est dirigée non pas contre une religion, mais contre des dérives fondamentalistes, ce qui est totalement différent.
Mme Sophie Primas applaudit.
En mettant en cause la relation à autrui et la réciprocité d’un échange, la dissimulation du visage dans l’espace public s’oppose directement aux exigences du « savoir vivre ensemble », exigences qui s’imposent à chacun, quelle que soit sa confession.
Oui, l’échange social implique d’apparaître à visage découvert dans l’espace public, quand la dissimulation paraît contraire au principe de fraternité et, au-delà, au principe de civilité. Elle marque le refus d’entrer en relation avec autrui ou, plus exactement, d’accepter la réciprocité et l’échange, puisque cette dissimulation permet de voir sans être vu.
De plus, au-delà de la mise en cause de la relation à autrui, la dissimulation du visage porte directement atteinte à la dignité de la personne, ce qui constitue une base constitutionnelle incontestable pour l’interdiction prévue, d’autant qu’elle est limitée à l’espace public.
De même, le Conseil d’État a relevé que le respect de la dignité de la personne humaine fait partie intégrante de l’ordre public. Le 27 juin 2008, il avait ainsi rejeté la requête d’une Marocaine qui s’était vu refuser l’accès à la nationalité française en raison de sa pratique religieuse radicale, laquelle incluait le port de la burqa.
L’ordre public est également mis en cause du fait de l’impossibilité d’une identification, qui concerne d’ailleurs tous les modes possibles de dissimulation du visage et toutes les justifications, alors même que les préoccupations de sécurité sont maximales pour nos concitoyens.
Ainsi, en 2010, un choix de société a été fait. Aujourd’hui il paraît impérieusement nécessaire de le préserver et de le réaffirmer avec force, dans la mesure où celui-ci semble être menacé.
En effet, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a adopté, le 22 octobre 2018, des « constatations », à la suite de la plainte de deux femmes verbalisées en France pour leur port du voile intégral sur la voie publique.
Celui-ci a estimé que la loi de 2010 portait atteinte « au droit des deux plaignantes de librement manifester leur religion » et qu’elle constituait, dès lors, une discrimination à caractère religieux. Comme l’indiquent les auteurs de la proposition de résolution, « cette interprétation de la protection des droits de l’homme aboutit de fait à favoriser la négation des droits des femmes et remet frontalement en cause notre conception de leur place dans la société ».
Or, il faut ici le rappeler, la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt S.A.S. c. France rendu le 1er juillet 2014, avait déjà statué sur la loi française et affirmé de façon très claire : « Les autorités nationales jouissent d’une légitimité démocratique directe et […] se trouvent en principe mieux placées que le juge international pour se prononcer sur les besoins et contextes locaux. »
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, même prétendument volontaire ou accepté, le port du voile intégral ne consiste en vérité qu’en une forme de réclusion publique. Il n’existe aucune liberté dans le fait de dissimuler son visage. La dignité est l’une des premières libertés dans la patrie des droits de l’homme ; c’est notre héritage humaniste.
Aussi, à l’heure où les Français s’interrogent sur le devenir de la Nation et sur l’avenir de ce qu’ils sont, il est de notre responsabilité de faire preuve d’une extrême vigilance et de réaffirmer les valeurs que nous avons en partage et qui sont le fondement de notre volonté de construire un destin commun. Notre devoir est de parler d’une seule voix pour manifester notre attachement unanime à la République, à ses principes et à ses valeurs.
En tant que parlementaires, il nous revient aussi de garantir la pérennité de nos valeurs, lesquelles façonnent un modèle qui a fait notre pays et qui fait aussi son image, un modèle qui fonde notre pacte social et forge notre identité.
Il nous revient d’être dignes des exigences attachées à l’honneur d’être Français et au privilège de vivre en France.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Henno applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la question du port du voile dans les lieux publics ne date pas d’aujourd’hui. En 2003, déjà, la commission Stasi l’examinait et concluait ainsi ses travaux : « Dans la conception française, la laïcité n’est pas un simple “garde-frontière” qui se limiterait à faire respecter la séparation entre l’État et les cultes, entre la politique et la sphère spirituelle ou religieuse. L’État permet la consolidation des valeurs communes qui fondent le lien social dans notre pays. »
Des pressions s’exercent sur des jeunes filles pour les contraindre à porter un signe religieux, parfois pour les enfermer dans un vêtement. La République ne peut rester sourde à leurs cris de détresse.
Aujourd’hui, la question est non plus la liberté de conscience, mais l’ordre public. La montée inexorable du communautarisme et de l’intégrisme dans les quartiers les plus fragiles de notre République, que j’ai pu constater quand j’étais ministre de la ville, a conduit en 2010 les parlementaires – on l’a dit – à voter une loi interdisant le port du voile intégral sur la voie publique. Dans une lettre de mission, le Premier ministre demandait au Conseil d’État d’étudier des solutions juridiques permettant de parvenir à une interdiction du port du voile intégral qui soit la plus large et la plus effective possible, tout en rappelant, bien sûr, la nécessité de ne pas blesser nos compatriotes de confession musulmane.
Aujourd’hui, le contexte terroriste a encore aggravé la situation.
Étant rapporteur pour la commission des lois du suivi de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT, je suis bien placé – et vous aussi, monsieur le secrétaire d’État, de par vos fonctions antérieures et présentes – pour savoir que la menace terroriste n’a jamais été aussi présente sur notre territoire. Nous avons évité bien des attentats, grâce au courage des services de la République que vous avez, pour partie, dirigés.
La société française et ses représentants pensent que le voile intégral n’a rien à faire sur la voie publique, d’abord pour une raison d’ordre public – Bruno Retailleau l’a dit –, ensuite et surtout au nom de la dignité de la femme.
Ce comité Théodule des droits de l’homme des Nations unies, en estimant que la loi interdisant la dissimulation du visage est une atteinte à la liberté religieuse, fait un contresens total. Il méconnaît un élément important du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, qui prend en compte les spécificités des sociétés des pays signataires et précise que la liberté de religion peut être limitée dans un but de protection de l’ordre public, de la sécurité ou de la santé publique.
Le port du voile intégral n’est pas acceptable dans le pays des droits de l’homme, qui est aussi, on l’a dit, celui des droits de la femme.
Par la soumission de la femme qu’elle manifeste, cette pratique est contraire aux principes fondamentaux de notre identité nationale, au premier rang desquels figurent l’égale dignité de l’homme et de la femme et l’existence d’un espace public de dialogue.
L’idée qu’il puisse exister un vêtement du visage correspond à une conception des rapports humains qui n’est absolument pas tolérable sur notre sol. Cela reviendrait à considérer que les femmes ne sont pas dignes d’être vues ou d’entrer en relation avec les autres, au même titre que les hommes.
Laisser se développer une telle pratique conduirait à favoriser l’amalgame entre la religion musulmane et l’islamisme intégriste. On a d’ailleurs souligné à plusieurs reprises que plusieurs représentants de la religion musulmane avaient toujours été très clairs sur ce sujet.
Revenir sur cette législation après les crimes commis par Al-Qaïda, par Boko Haram ou par Daech, après le génocide et les viols commis sur les populations azéries, après l’attentat du Bataclan serait une insulte adressée à toutes les familles des victimes.
Monsieur le secrétaire d’État, dans ma commune de 30 000 habitants, un jeune homme de 29 ans a été assassiné au Bataclan. Je connaissais très bien ses parents, et je suis allé moi-même leur annoncer sa mort. Ils ne comprendraient en aucun cas que l’on puisse revenir sur une telle législation.
Revenir sur cette législation après de telles provocations, ce serait adresser à la nation française un message de tolérance face à l’intolérable.
Revenir sur cette législation, ce serait envoyer un signal profondément désespérant aux millions de femmes qui espèrent leur émancipation partout dans le monde.
Ce serait pour la France déchoir de son rôle de défenseur des droits fondamentaux.
C’est toute la République qui dit non au voile intégral. Voilà pourquoi nous soutenons pleinement la proposition de résolution de notre président Bruno Retailleau, et nous appelons, bien sûr, le Gouvernement à manifester son mécontentement et son indignation à l’égard de cette décision totalement incohérente !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a bien longtemps que le port du voile intégral ne s’était pas invité dans le débat politique. Avec cette proposition de résolution, il y refait son apparition.
Examinons les faits. La loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public fut adoptée à la quasi-unanimité par les deux chambres. Le Conseil constitutionnel la jugea conforme à nos principes, en particulier à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. De même, la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, déclara que cette loi respectait les principes de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950.
Or voilà que le Comité des droits de l’homme de l’ONU, saisi par deux plaignantes, estime que cette loi de 2010 porte atteinte « au droit des deux plaignantes de librement manifester leur religion ».
Il faut tout de même le dire et le rappeler, ce comité ne constitue en rien une juridiction et que cette « constatation », pour reprendre le terme exact, ne saurait être ni contraignante ni obligatoire. De ce fait, l’État ne saurait en aucune manière être obligé de suivre cet avis.
Certes, dans le passé, ce comité s’était prononcé sur l’aspect discriminatoire des règles de neutralité religieuse dans la fameuse affaire de la crèche Baby Loup. Cet avis avait trouvé un écho au niveau juridictionnel, le premier président de la Cour de cassation, comme vous l’avez rappelé, monsieur Retailleau, ayant prévenu que l’institution qu’il dirigeait tiendrait compte de cette interprétation en raison de l’autorité qui s’y attachait de fait.
Cette position est finalement assez constante et les juges s’appuient volontiers sur des avis non contraignants pour interpréter la loi. Sauf que, dans le cas d’espèce, il ne s’agissait pas de l’espace public. Bref, ce magistrat aurait pu prendre une autre décision.
La loi est là, elle est issue d’une volonté démocratique forte établie par les représentants du peuple, la branche législative du pouvoir.
La CEDH avait reconnu et réaffirmé : « Il apparaît ainsi que la question de l’acceptation ou non du port du voile intégral dans l’espace public constitue un choix de société. » La jurisprudence n’est pas modifiée par la décision du Comité des droits de l’homme, l’ordonnancement juridique est intact, et la volonté de la société d’établir une règle du vivre ensemble dans l’espace public préservée.
Enfin, limiter nommément cette question d’application de la loi au seul voile islamique, alors que la loi du 11 octobre 2010 a permis d’affirmer et de sanctuariser le principe fondamental selon lequel « la République avance à visage découvert », me paraît constituer, mes chers collègues, une tentative de soulever un débat qui ne devrait plus avoir lieu d’être, à des fins qui risqueraient de s’éloigner de la préoccupation juridique pour glisser vers une intervention plus politique.
Pourquoi pas ? Puisque vous voulez parler du voile, parlons-en !
Le port du voile intégral est-il un mode d’expression d’une foi religieuse, à savoir l’islam, ou bien une simple tradition vestimentaire imposée, dans certaines terres d’islam, aux femmes contre leur gré, parfois même sous peine de mort ? En tout cas, si le Coran lui-même recommande une certaine pudeur vestimentaire pour les femmes, comme d’ailleurs pour les hommes, je n’y ai jamais lu une quelconque obligation du voile intégral ; il ne contient même pas le mot « hijab ».
Il n’y a d’ailleurs dans le Coran que quatre versets sur ce sujet. La seule partie du corps féminin qu’il est recommandé de couvrir est la poitrine.
Selon Asma Barlas, universitaire américaine d’origine pakistanaise, le port d’un voile intégral qui couvre le visage « est absolument contraire à l’esprit du Coran ». Elle poursuit : « J’en veux pour preuve que les femmes doivent accomplir le hadj, le pèlerinage rituel, à visage découvert. »
Selon Mme Barlas, la question du voile cristallise d’autres craintes ; si les femmes sont opprimées dans le monde islamique, c’est le fait des hommes, pas de la religion.
C’est bien là qu’est le problème de fond. L’islam n’impose pas le voile intégral. Ce dernier est devenu une marque identitaire, voire une provocation face à notre tolérance occidentale issue de la philosophie des Lumières.
Si c’est cela le retour du spirituel annoncé par Malraux… Permettez-moi de n’y voir qu’obscurantisme, rabaissement de la femme et intolérance ! Ce n’est pas comme cela que je vois l’islam de France et, au-delà, l’islam tout court.
Ce n’est pas parce que certains pays musulmans ont inventé le voile intégral, qu’on l’appelle burqa ou niqab suivant le « modèle » – passez-moi l’expression – et surtout le pays, que nous devons l’accepter dans notre pays laïc, lequel tolère, in fine, aussi le multiculturalisme, même si le mot peut avoir une consonance péjorative pour certains.
Restons ouverts à cette grande religion qu’est l’islam en lisant ou relisant le Coran avec le regretté Mohammed Arkoun, grande figure de l’islamologie contemporaine, ou en pensant le politique avec Abdou Filali-Ansary, directeur de l’Institut pour l’étude des civilisations musulmanes de Londres, qui réfute jusqu’à l’idée même d’un État islamique.
Soyons intraitables face à des dérives radicales, voire fanatiques, et de toute façon humiliantes pour les femmes. Disons-le, la présence dans l’espace public de femmes intégralement voilées a heurté la vision qu’avait notre pays de la place des femmes en son sein ; je pense à l’effigie de Marianne.
Aussi, pour ma part, je voterai cette proposition de résolution, même si son opportunité ne me paraissait pas évidente par les temps qui courent. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle une partie du groupe La République En Marche s’abstiendra.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la laïcité française, dans ses principes et ses modalités d’application, demeure une spécificité de notre République et ses conceptions originales doivent être collectivement défendues, sur notre sol et dans les instances internationales.
La Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’homme du Conseil de l’Europe n’ont jamais, dans leurs nombreuses décisions, contesté les législations ou les décisions judiciaires fondées sur de tels préceptes.
En revanche, le Comité du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a parfois manifesté de l’incompréhension ou de l’opposition à l’égard de la laïcité française. Cette proposition de résolution aurait pu être l’occasion de lui rappeler notre attachement collectif à cet élément fondamental de notre socle républicain, d’en défendre les principes et d’en promouvoir la valeur universaliste. Nous regrettons donc vivement que le mot « laïcité » n’y soit jamais cité, ni dans l’exposé des motifs ni dans le texte même.
À propos des constatations du Comité des droits de l’homme des Nations unies publiées le 22 octobre 2018, il convient, en préambule, de préciser qu’elles n’ont aucune conséquence juridique sur le droit français. En aucune façon, elles ne modifient l’ordonnancement juridique national ou n’atténuent la portée de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Les mesures proposées aux alinéas 14 et 15 de la présente proposition de résolution sont donc sans objet.
Néanmoins, je pense qu’il aurait été utile pour nos débats de reprendre ici certaines des observations présentées par la majorité des membres de ce comité. En effet, plusieurs d’entre eux partagent l’idée que le voile dissimulant totalement le visage, appelé niqab, est « discriminatoire ». Ils estiment que « le port du voile intégral est une pratique traditionnelle par laquelle les hommes ont asservi les femmes sous couvert de préserver leur “pudeur”, les empêchant ainsi d’occuper l’espace public au même titre que les hommes ». De même, le Comité, dans sa décision, reconnaît à l’État français le droit de « promouvoir la sociabilité et le respect mutuel entre les individus, dans toute leur diversité, sur son territoire, et conçoit que la dissimulation du visage puisse être perçue comme un obstacle potentiel à cette interaction ». In fine, ce qui est contesté par ce comité, c’est moins la mesure elle-même, l’interdiction du voile intégral, que la disproportion de la restriction de circulation, par rapport à un objectif qu’il estime mal défini par la loi.
Sur ce dernier point, la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public aurait pu, il est vrai, être plus explicite. Son premier article dispose : « Nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage ». En revanche, l’exposé des motifs est beaucoup plus précis puisqu’il considère, avec justesse, que « la dissimulation du visage dans l’espace public est porteuse d’une violence symbolique et déshumanisante, qui heurte le corps social » et que le voile revient « à nier l’appartenance à la société des personnes » qui le portent.
Fondamentalement, l’objet même de la loi est non pas la nature du bout de tissu porté par un individu, mais la position politique qui dénie à une femme ses droits de citoyenne, conformément à des traditions religieuses qui s’imposeraient à l’ordre républicain. Il s’agit non pas de réglementer la dissimulation du visage, qui pourrait concerner, de la même façon, la femme intégralement voilée et l’individu qui souhaiterait cacher son identité aux forces de sécurité, mais de réaffirmer, dans l’exercice de la citoyenneté à laquelle nul ne peut renoncer, la primauté des lois de la République sur les croyances ou les systèmes de pensée qui lui sont extérieurs. Là est bien l’essence de la laïcité.
À ce propos, j’aimerais rendre hommage au courage de M. Yadh Ben Achour, juriste tunisien et membre du Comité aux droits de l’homme, qui a souhaité exprimer avec force son opposition à la décision de cette instance.
Ses arguments ont été repris en annexe de la décision et méritent d’être cités de nouveau : « L’ordre, en France, par l’effet de la Constitution, est un ordre républicain, laïque et démocratique. L’égalité des hommes et des femmes fait partie des principes les plus fondamentaux de cet ordre […]. Or, en soi, le niqab est un symbole de stigmatisation et d’infériorisation des femmes, par conséquent contraire à l’ordre républicain […]. Les défenseurs du niqab enferment la femme dans son statut biologique primaire de femelle, objet sexuel, chair sans esprit ni raison, responsable potentiel du désordre cosmique et du désordre moral, et qui doit donc se rendre invisible au regard masculin et être pour cela quasiment interdite de l’espace public. Un État démocratique ne peut permettre une telle stigmatisation […]. »
M. Yadh Ben Achour, en tant que Tunisien et professeur de droit public, observe que les droits de l’homme se heurtent à « l’arc référentiel » de la croyance islamique, selon laquelle l’ordre du monde ici-bas est comme subordonné à celui de l’au-delà et que les droits de Dieu sont supérieurs à ceux des individus. Pour lui, la religion ne peut être autoréférentielle. Elle doit se soumettre à la raison universelle.
Alors que nous allons peut-être débattre prochainement des lois de bioéthique, notre assemblée est-elle prête à reconnaître entièrement cette soumission ? Êtes-vous prêts, chers collègues, à considérer que la laïcité est la condition première de l’émancipation des femmes et de l’affirmation de leur liberté à disposer librement de leur corps, y compris lors de la procréation ?
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre République est laïque.
Il faut le dire, l’écrire et, Pierre Ouzoulias a raison, ce mot manque dans l’exposé des motifs de la proposition de résolution. Comme notre République est laïque, elle garantit à chacune et à chacun le droit d’exercer, de vivre sa religion, le droit de dire et de manifester ses opinions et ses convictions. Comme notre République est laïque, les religions doivent être exercées par chacune et chacun dans le respect de la loi. La loi républicaine s’impose à tous parce que, laïque, elle permet à chacune et à chacun d’exercer librement sa religion, de faire vivre et d’exprimer ses convictions.
Une fois cela dit et puisque nous sommes d’accord, me semble-t-il, sur ce point, je ne sais pas s’il est nécessaire d’en dire davantage, ce comité, tout le monde l’a dit, n’ayant aucun pouvoir.
M. Jean-Pierre Sueur. Il est bavard, monsieur Karoutchi, il n’est pas le seul d’ailleurs…
Sourires.
Ce comité n’a aucun pouvoir : il ne prend pas de décisions, il fait des constatations - c’est le terme juridique. Nous pensons que ce comité n’a aucun titre pour imposer quoi que ce soit au Gouvernement et au Parlement de la République française.
Je partage beaucoup de ce qui a été dit par MM. Amiel et Ouzoulias. Notre groupe, après en avoir délibéré, ne prendra pas part au vote, et je tiens à expliquer pourquoi. Bien entendu, nous sommes totalement opposés au port de la burqa ; nous sommes cent fois, mille fois, partisans de la loi de 2010, que nous avons votée et que nous pensons absolument nécessaire.
Simplement, est-il utile, en cette occasion, de revenir sur quantité de sujets et de questions, cher Bruno Retailleau, tels que le communautarisme, le statut des femmes, l’intégrisme, le terrorisme et nos valeurs culturelles ?
On peut le faire, bien sûr, et nous partageons beaucoup de choses à cet égard. Néanmoins, très concrètement, pensez-vous franchement que ce soit utile ?
Moi, je fais confiance au Gouvernement de mon pays, monsieur le secrétaire d’État.
Exclamations sur de nombreuses travées.
Monsieur Karoutchi, nous sommes bien d’accord ; je suis pour l’interdiction de la dissimulation du visage.
Mes chers collègues, ce qui me paraît très fort dans la loi de 2010, et j’en remercie les rédacteurs, c’est que l’interdiction de couvrir intégralement le visage repose sur deux principes, et deux principes seulement, ce en quoi elle a une valeur universelle. Le premier principe, c’est la sécurité, et il est vrai que l’on ne peut pas interpeller les gens lorsque c’est nécessaire si le visage est couvert. Le second principe, c’est la fraternité, et je pense essentielle la récente décision du Conseil constitutionnel, qui a particulièrement insisté sur l’importance de ce principe. Naturellement, si l’on ne peut pas se regarder, la société n’est pas fraternelle. Il me paraît plus fort de dire que l’on interdit de cacher le visage pour la sécurité et la fraternité. Il suffit de s’en tenir à cela.
Pour conclure, il me paraît bien inutile de signifier, par notre vote, que la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’homme doivent primer sur ce comité qui n’a aucun pouvoir. Cela me paraît aller de soi.
Oui, mon cher collègue, nous sommes là pour rappeler, mais je crains que ceux qui ne veulent pas entendre, justement, n’entendent pas.
Je citerai simplement la Cour européenne des droits de l’homme, qui, comme vous le savez, avait été amenée à se prononcer sur cette loi de 2010 : c’est une loi qui protège les femmes, qui protège l’espace public et qui aide à faire de la société française une société plus pacifiée et plus respectueuse de chacun ; bien sûr, toute personne est libre de porter dans l’espace public un vêtement destiné à manifester une conviction religieuse ; toutefois, la loi peut interdire la dissimulation du visage, dans la mesure où cela est jugé incompatible avec les principes de sécurité et de fraternité qui fondent la société démocratique dans laquelle nous vivons.
Tout est dit, mes chers collègues, et nous devons remercier la Cour européenne des droits de l’homme d’avoir pris une si forte décision.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 25 octobre dernier, lorsque j’avais interrogé Mme la garde des sceaux sur l’avis du Comité des droits de l’homme de l’ONU relatif à la loi de 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, je réagissais fortement aux commentaires de la presse qui ne s’était pas documentée sur la portée de cet avis…
… et à quelques propos du premier président de la Cour de cassation, que Bruno Retailleau a cités in extenso.
Si les membres de mon groupe et moi-même ne nous étonnons guère des constatations hostiles d’un comité composé de 18 experts internationaux, …
… il est en revanche plus inquiétant que la plus haute juridiction française instille quelques doutes sur la nature de sa mission, en prêtant à ce comité de l’importance.
Faut-il rappeler que, conformément à l’article 5 du code civil, les juges français ont l’obligation d’être « la bouche de la loi » ?
La fin du légicentrisme fait peser sur la loi une présomption de faillibilité qui n’est pas sécurisante pour les citoyens, surtout quand celle-ci a pour objet de garantir un modèle de vie en société largement partagé, de prévenir les atteintes à l’ordre public ou les inégalités entre les sexes, comme c’est le cas s’agissant de la laïcité.
Pour autant, il n’est pas fondé de considérer que le législateur n’a pas pris la mesure des risques de conflits de normes entre les blocs de légalité, de constitutionnalité et de conventionnalité. Il me semble que la mission d’intégration des directives croissantes d’origines diverses à l’État de droit est précisément la prérogative du Parlement, qui l’exerce tous les jours, sur ces travées. À qui revient-il de dire lesquelles de ces influences incarnent l’intérêt général, si ce n’est aux membres du Parlement ?
Nos débats se font régulièrement l’écho de telle ou telle jurisprudence pour éviter des incompatibilités inutiles, mais il arrive également que les conflits de normes découlent pertinemment de conflits politiques ou de l’affrontement de différents modèles de pensée.
Ce pourrait être le cas du principe de laïcité, si la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, ou une autre instance dotée d’un pouvoir contraignant avait décidé de remettre en cause notre régime de séparation des Églises et de l’État. Ce n’est heureusement pas le cas !
Sans parler des théocraties, certains modèles concurrents au modèle français cherchent à étendre leur influence dans le monde. Je pense en particulier au modèle anglo-saxon, qui consacre la liberté absolue d’affirmer son identité religieuse, sans en favoriser aucune, comme il reconnaît un pouvoir important aux « communautés ». Selon cette interprétation, l’espace public peut être le lieu de toutes les manifestations religieuses, en particulier vestimentaires.
C’est ce modèle que semble vouloir imposer, aujourd’hui, le Comité des droits de l’homme à l’ensemble des États-nations, sans garantie d’ailleurs que sa jurisprudence reste stable, au gré des nominations et recompositions. Toutefois, en émettant un avis contraire aux jurisprudences de la Cour de cassation et de la CEDH, il nuit à l’unité républicaine et menace notre cohésion sociale, déjà mise à rude épreuve. De surcroît, ses avis, ne trouvant pas à s’appliquer devant nos tribunaux, contribuent à nourrir un sentiment d’injustice sans fondement.
La proposition de résolution de M. Retailleau et de ses collègues rappelle, avec justesse, que le Parlement était souverain lorsqu’il a adopté, à la quasi-unanimité, la loi de 2010 sur l’interdiction de dissimulation du visage dans l’espace public. Aucune juridiction française ne peut éluder cette réalité, a fortiori sous l’effet d’une injonction externe non contraignante. Partant de ce même constat, j’incite fortement le Gouvernement à répondre à l’avis du Comité des droits de l’homme, en défendant avec fermeté la pertinence de notre principe de laïcité et l’égalité entre les femmes et les hommes, dans un contexte mondialisé où les individus sont et seront exposés à une plus grande diversité religieuse.
Ce principe de laïcité incarne, dans notre modèle républicain, le principe d’égalité, dont découle celui de neutralité de l’État. Ce dernier doit traiter tous les citoyens à égalité de droits, quelle que soit leur religion, dans le respect de la liberté d’expression, de la liberté religieuse, celle de croire ou de ne pas croire, et nous devons, femmes et hommes, pouvoir nous promener où nous voulons, quand nous voulons.
De plus, contrairement à ce qu’en disent ses détracteurs, la loi de 1905 reste un cadre satisfaisant pour l’évolution du paysage religieux français et elle n’a été un obstacle au développement d’aucun culte.
Les « frottements » constatés ont été des occasions d’affirmer les limites entre « le temps de l’école et le temps de Dieu » et les pratiques religieuses admises ou non dans l’espace public, à l’image de la loi de 2010. Je rappelle que cette dernière a été adoptée par le Parlement pour des raisons de sécurité publique et non pour des raisons de laïcité.
J’ai envie de vous poser une question simple, voire simpliste, monsieur le secrétaire d’État : et si nous appliquions les lois ?
Les initiatives comme celle du Comité des droits de l’homme de l’ONU fragilisent le principe de laïcité et l’équilibre pacifique séculier dans notre pays.
Après la clarification de l’objectif visé par M. Retailleau et ses collègues, le groupe du RDSE votera cette proposition de résolution.
Applaudissements sur la plupart des travées.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà deux mois, je défendais dans cet hémicycle la nécessité de combattre plus efficacement le port du voile intégral, qui heurte nos valeurs les plus fondamentales.
N’ayant plus d’argument à opposer à cette interdiction, certains invoquent le Comité des droits de l’homme des Nations unies, qui, par ses observations, a critiqué l’interdiction de la burqa prévue par notre législation.
Cette proposition de résolution entend justement remettre les choses à leur place. Je salue l’initiative du président Bruno Retailleau, qui a rappelé la nécessité, pour notre pays, de se défendre à l’encontre d’accusations lancées dans l’arène internationale.
Non, la communauté internationale n’a pas condamné la France ! À tous ceux qui se retranchent derrière les Nations unies, je rappelle, comme tant d’autres avant moi ici, que le Comité des droits de l’homme n’est qu’un organe subsidiaire, une espèce de comité Théodule. Il n’a pas la même autorité que l’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité. Il est composé de soi-disant experts, non de représentants des États membres des Nations unies, et les observations qu’il émet ne présentent aucun caractère contraignant.
Je rappelle justement que la Charte des Nations unies proclame la souveraineté de ses États membres. Dans cette souveraineté, il y a le droit pour chaque État de définir les infractions pénales, le droit de sanctionner les comportements qui choquent la vie en société. Cela n’a jamais été contesté. Le voile intégral porte justement atteinte à la cohésion de notre société.
Le législateur français avait le droit de sanctionner ce comportement, même si je souhaite que l’infraction soit érigée en délit, monsieur le secrétaire d’État.
On invoque le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, qui prévoit notamment la liberté de manifester sa religion. Puisque l’on en vient à opposer des textes internationaux à la France, je rappelle les termes de l’article 18 dudit pacte, qui admet des « restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l’ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui ». Justement, le législateur avait estimé qu’il y avait une atteinte à l’ordre public, mais également à la dignité de la femme. Le voile intégral est bien une atteinte aux droits fondamentaux !
Comme on nous oppose la liberté de religion, autant rappeler l’exégèse des textes invoqués, qui n’empêchent nullement l’interdiction de certains comportements choquants.
Le droit international n’interdit donc pas la prohibition du voile intégral. Cette interdiction ne met pas en cause la liberté de conscience ou de culte, car elle touche à l’ordre public et non à des questions de for interne. Ce sont non pas des convictions que l’on refuse, mais des comportements choquants dans l’espace public.
Le port du voile intégral n’est pas seulement une attitude religieuse. Au-delà même d’un acte politique, c’est une pure provocation. Il s’agit de narguer les forces de l’ordre et les valeurs de notre société. Ceux qui défendent le port du voile intégral ne font pas autre chose que de tomber dans un piège. Nous n’avons pas besoin d’idiots utiles, comme le disait le camarade Lénine.
En outre, d’autres juridictions ont constaté qu’il n’y avait aucune atteinte aux droits et libertés.
Je veux citer la Cour européenne des droits de l’homme. Sa jurisprudence, abondante et sourcilleuse, fait autorité en matière de défense des droits de l’homme. Dans le droit international, ses décisions sont scrutées et analysées avec attention. On ne peut pas la soupçonner de partialité à l’égard de la France. Notre pays est parfois passé sous les fourches caudines des juges de Strasbourg.
Comme le souligne justement l’exposé des motifs de cette proposition de résolution, la Cour a rappelé la possibilité pour l’État de faire « respecter les exigences minimales de la vie en société ». Cette position, rendue en 2014, a d’ailleurs été confirmée l’année dernière. Puisque l’on cite le droit international relatif aux droits de l’homme, autant le citer intégralement ! Les juges de Strasbourg ou du Palais-Royal, dont personne ne peut nier l’autorité juridique, ont bien confirmé que les libertés publiques n’étaient pas mises en cause par cette loi.
Je peine à comprendre ceux qui refusent à tout prix l’interdiction du port du voile intégral. En réalité, ils se font les défenseurs non de la liberté de conscience, mais bien du communautarisme, qui fragilise notre société. Ils sont les complices de l’islam radical que nous devons combattre.
Cette proposition de résolution doit être adoptée. J’invite mes collègues à lui donner l’adhésion la plus large. Il faut résister à toutes les déstabilisations, même médiatiques, à l’encontre de la sagesse du législateur français !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la France a-t-elle encore son avenir entre ses mains ? Le peuple français est-il encore souverain ? La loi est-elle encore l’expression d’un destin commun ? La réponse à ces questions sera sans doute négative si l’on apporte une modification à l’ordonnancement juridique actuel relatif au port du voile intégral, comme voudrait nous y contraindre, alors qu’il s’agit d’un simple avis, le Comité des droits de l’homme des Nations unies.
Mais que nous reproche-t-on ? D’avoir défini un cadre juridique qui serait discriminatoire et contraire à la liberté religieuse ? C’est une folie ! Car c’est ignorer, tout d’abord, que la France est la patrie des droits de l’homme et qu’elle a donné au monde des valeurs universelles qui ont présidé, notamment, à la création de ce même comité. Quelle plus belle preuve de liberté et de tolérance qu’un pays comme le nôtre, qui reconnaît uniquement des citoyens, sans les distinguer selon leur religion, ni leur couleur de peau, leurs origines ou leurs opinions politiques ?
C’est ignorer, aussi, le principe cardinal de laïcité dans notre République, qui prône non pas l’indifférence des religions, mais la neutralité permettant le vivre ensemble. La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État en donne une définition très claire : la laïcité accepte tous les cultes et n’en favorise aucun.
Certains ne lisent que la première partie du texte ; dès lors, la République devrait accepter un droit absolu à la différence au nom de la liberté, elle aussi absolue, de croyance. C’est la voie du communautarisme et c’est le parti pris des décisions onusiennes qui nous occupent aujourd’hui.
D’autres, encore, ne voient que la deuxième partie de la proposition : la République ne reconnaît aucun culte. C’est une laïcité faite de passivité et d’ignorance du fait religieux. Cependant, à force d’ignorer, le pas est rapidement franchi vers le mépris et le rejet des religions. De la même manière, je m’y oppose.
C’est également ignorer les droits de la femme de ne pas subir quelque pression ou domination que ce soit pour se sentir libre de ce qu’elle est et de ce qu’elle veut accomplir.
C’est ignorer, ensuite, la légitimité du Parlement et des représentants du peuple souverain de prendre les décisions qui s’imposent pour garantir notre coexistence et l’adhésion au pacte national. C’est aussi lancer un message de défiance à l’égard de nos institutions nationales garantes des libertés de chacun, comme le Conseil constitutionnel, qui avait jugé cette loi conforme au bloc de constitutionnalité.
Il est d’ailleurs à noter que, depuis l’adoption du texte, plusieurs voisins européens ont fait le même choix. Seraient-ils, eux aussi, de dangereux obscurantistes ?
C’est ignorer, enfin, le danger de l’islamisme radical et politique, qui prône le communautarisme là où nous sommes une Nation. Si l’islam a toute sa place en France, le combat contre toute forme d’intégrisme est une absolue priorité à l’aune des terribles attentats que notre pays a connus et qui resteront à jamais gravés dans nos mémoires. À ceux qui veulent diviser la République et affaiblir ce que nous sommes, nous opposons une unité qui passe par le respect de certaines règles, dont celle qui interdit le port du voile intégral dans l’espace public.
Ainsi, mes chers collègues, nous n’avons aucune leçon à recevoir d’un comité ad hoc, composé d’experts qui n’entendent rien ni à nos traditions républicaines ni à notre volonté de combattre toutes les formes de communautarisme. De la même manière, nous n’avons absolument pas à nous justifier pour conserver notre droit à œuvrer comme nous l’entendons à l’intérêt général au service de tous les Français. C’est pourquoi, vous l’avez compris, je soutiens évidemment avec force cette proposition de résolution du président Retailleau !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public a été adoptée le 11 octobre 2010 à la suite de vifs débats en France autour du port du voile intégral.
Son adoption, vous l’avez tous rappelé, faisait suite à un très large consensus des parlementaires sur tous les bancs, à l’Assemblée nationale comme au Sénat. Ce consensus montre à quel point cette question est, au-delà des enjeux partisans, un enjeu de société, qui nécessitait, hier comme aujourd’hui, l’union des parlementaires, de la majorité comme de l’opposition, avec l’appui du Gouvernement.
C’est dans cet esprit que je me présente aujourd’hui devant vous, au-delà des logiques partisanes, pour débattre de la proposition de résolution portée par le président Bruno Retailleau, qui vise à réaffirmer la légitimité et la nécessité de cette loi.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, la proposition de résolution qui vous est soumise fait suite aux constatations du Comité des droits de l’homme de l’ONU, lequel a estimé que cette loi, à laquelle nous sommes tous attachés ici, constituait, pour les femmes qui portent le voile intégral, une discrimination à caractère religieux et qu’elle portait atteinte au droit de manifester leur religion.
Face à ces constatations, vous souhaitez donc, d’une part, réaffirmer votre attachement à la loi de 2010, d’autre part, appeler le Gouvernement à ne pas donner suite à ces constatations.
Sur ces deux points, qui forment le cœur de votre proposition de résolution, la position du Gouvernement est claire.
Nous partageons pleinement votre attachement à la loi de 2010, que nul ne souhaite remettre en cause et qui est pleinement conforme aux conventions internationales qui nous lient. Sur ce point, nous sommes toutes et tous d’accord.
Cependant, le Gouvernement est aussi attaché au respect de ses engagements internationaux. Or, en l’espèce, le Pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques prévoit que la France réponde aux constatations du Comité des droits de l’homme lorsque celui-ci formule des critiques à son encontre. Le Gouvernement entendra donc y répondre, fermement, comme il lui revient de le faire.
J’aimerais tout d’abord vous rappeler les objectifs légitimes de cette loi, soutenus par le Gouvernement, avant d’aborder la question de sa réception par les juridictions et organismes internationaux, qui, si elle a justifié votre proposition de résolution, ne conduit nullement à remettre en cause notre droit national.
Vous le savez, la loi du 11 octobre 2010, adoptée à la suite de débats politiques approfondis, s’inscrivait dans une logique de préservation de l’ordre public, plus exactement, comme l’a jugé le Conseil constitutionnel, de respect des « exigences minimales de vie en société », comme d’aucuns parmi vous l’ont fort justement rappelé.
En effet, dans notre pays, qui peut se satisfaire que des personnes se soustraient, par la dissimulation de leur visage, aux interactions sociales qui constituent le liant d’une vie en société ? Peut-on considérer comme conforme à l’égale dignité de chacun, en particulier à l’égalité entre les femmes et les hommes, une telle attitude, quand bien même elle serait revendiquée comme libre par les personnes concernées ?
Face à ces interrogations, la position du législateur, celle de l’État, a été sans ambiguïté : il fallait marquer la désapprobation de la Nation à l’égard de telles attitudes et condamner de telles pratiques, mais le faire avec le souci de ne stigmatiser aucune religion et de respecter une stricte proportionnalité.
Je tiens à le préciser devant vous, car vous entendez encore comme moi les voix qui, à l’époque, s’élevaient contre une prétendue stigmatisation : il s’agit bien d’une loi sur la dissimulation du visage, et non sur la stigmatisation d’une religion, car chacun reste libre de porter un vêtement exprimant une conviction religieuse dans l’espace public à la condition même qu’il laisse apparaître son visage.
Il suffit, du reste, pour le comprendre, comme l’a souligné le sénateur Édouard Courtial, d’observer nos voisins européens qui ont également légiféré en la matière, tels que la Belgique, l’Italie, l’Autriche ou le Danemark, certains de ces pays ayant suivi notre exemple.
L’exemple de notre pays, en la matière, c’est également celui d’une réponse proportionnée et, par là même, pleinement conforme au droit.
Cette loi a ainsi prévu une sanction adaptée et proportionnée, à savoir une amende ou l’accomplissement d’un stage de citoyenneté pour toute personne dissimulant son visage dans l’espace public.
Ce souci de proportionnalité a d’ailleurs été relevé par le Conseil constitutionnel, qui en a conclu que le législateur avait correctement concilié les préoccupations de l’ordre public et de la liberté religieuse.
Dans la continuité de ces objectifs – ne pas stigmatiser et apporter une réponse proportionnée de l’État –, l’application de cette loi s’est toujours faite avec pédagogie, dès son adoption. Huit ans après, il semble d’ailleurs qu’elle ait porté ses fruits.
Un délai de six mois avait ainsi été laissé avant l’entrée en vigueur de la mesure d’interdiction générale de la dissimulation du visage, afin que chacun et chacune puissent l’anticiper. La circulaire du Premier ministre du 2 mars 2011 appelait plus particulièrement à mettre ce délai de six mois à profit pour faire connaître le texte et informer les personnes concernées.
Mais tracer la genèse de cette loi me conduit naturellement à aborder sa réception par les juridictions et organismes internationaux, notamment la Cour européenne des droits de l’homme et, plus récemment, le Comité des droits de l’homme de l’ONU.
Je tiens ici, avant toute chose, à rappeler que, contrairement à ce que vous écrivez dans l’exposé des motifs de la proposition de résolution, on ne peut pas mettre ces deux instances sur le même plan, la première étant l’une de nos juridictions suprêmes, le second, un simple comité d’experts internationaux.
Voilà un peu plus d’un an, le 1er novembre 2017, le Président de la République rappelait, à Strasbourg, l’attachement profond de la France aux droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950, et à son instrument le plus efficace de mise en œuvre qu’est la Cour européenne des droits de l’homme. Cet attachement, le Président l’a souligné, implique aussi notre attachement « à la force obligatoire des arrêts de la Cour ».
En l’espèce, cette loi sur la dissimulation du visage dans l’espace public, qu’en a dit la Cour ? Saisie par une requérante, dans son arrêt S.A.S. c. France de 2014, elle a écarté fermement toute violation de la Convention du fait de l’application de la loi de 2010, dont elle a jugé qu’elle ne revêtait pas de caractère discriminatoire et qu’elle ne portait atteinte ni au respect de la vie privée, ni à la liberté de conscience, ni à la liberté d’expression.
Aussi, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la préservation de conditions du vivre ensemble était un objectif légitime et que cette loi entrait dans la marge d’appréciation qui revient, fort heureusement, aux États pour définir ce vivre ensemble – le sénateur Pierre Charon l’a rappelé.
Au contraire, le Comité des droits de l’homme de l’ONU, saisi d’une requête individuelle, a rendu le 22 octobre dernier des constatations sur la loi du 11 octobre 2010, dans lesquelles il estime que l’application de cette loi porte atteinte au droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion résultant de l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et à l’interdiction des discriminations prévue par l’article 26 de ce même pacte.
Je dirai tout de même un mot sur ce comité des droits de l’homme de l’ONU. C’est un organe composé d’experts internationaux indépendants, chargé de contrôler la mise en œuvre des droits consacrés par le Pacte international de 1966. Organe non juridictionnel, le comité ne reconnaît, à la différence de la Cour européenne des droits de l’homme, pas de marge nationale d’appréciation sur les questions concernant la préservation du vivre ensemble.
À cet égard, je me permets de souligner que les récentes constatations du Pacte s’inscrivent résolument dans la continuité de ses orientations traditionnelles. Le Comité s’était ainsi déjà prononcé contre l’obligation de poser tête nue sur les photos d’identité en 2013 et contre l’interdiction, résultant de la loi de 2004, du port de signes religieux ostensibles par les élèves de l’école publique.
Toutefois, je le rappelle, ces constatations ne sont ni une condamnation de l’État ni une injonction au Gouvernement. En somme, elles ne permettent pas de remettre en cause notre droit national.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, j’entends vos inquiétudes et votre souhait d’adopter la proposition de résolution dont nous discutons aujourd’hui.
Cependant, comme je viens d’essayer de le démontrer, ces inquiétudes ne sont pas fondées tant la détermination du Gouvernement à préserver et appliquer cette loi et les jurisprudences du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’homme est intacte.
Vos inquiétudes sont d’autant moins fondées que les constatations du Comité des droits de l’homme de l’ONU sont dépourvues de portée contraignante et n’ont donc pas vocation à bouleverser notre paradigme législatif et juridique actuel.
En revanche, l’adoption de cette proposition de résolution aurait un caractère contre-productif, en ce qu’elle invite le Gouvernement « à ne pas donner suite à ces constatations ».
Or, conformément à la Constitution et à nos traditions en pareille situation, et justement parce que nous défendrons toujours notre vision du vivre ensemble, la France entend répondre aux constatations du Comité des droits de l’homme de l’ONU.
Vous connaissez comme moi ce dicton populaire : « Qui ne dit mot consent. » Eh bien, la France répondra, car elle ne consent pas : là est notre point d’accord.
Monsieur Retailleau, vous avez raison de souligner que les constatations du Comité des droits de l’homme sur l’affaire Baby Loup ont été commentées par le premier président de la Cour de cassation. Cependant, il ne faut pas dramatiser ou donner une portée excessive à ces constatations, le Comité ayant déjà critiqué deux précédentes lois sans que notre jurisprudence soit pour autant bouleversée. Il paraît naturel que la Cour de cassation réfléchisse à l’impact plus médiatique que juridique de telles constatations, qui, encore une fois, ne s’accompagnent pas de revirement de jurisprudence.
Pour tous ces motifs, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat quant à l’adoption de cette proposition de résolution, mais il répondra fermement au Comité.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
La discussion générale est close.
Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public,
Vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966,
Vu la Convention européenne des droits de l’homme,
Vu l’arrêt « S.A.S. contre France » de la Cour européenne des droits de l’homme rendu le 1er juillet 2014,
Vu la décision n° 2010-613 DC du Conseil constitutionnel du 7 octobre 2010,
Vu les constations du Comité des droits de l’homme des Nations unies publiées le 22 octobre 2018,
Considérant que la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant du visage dans l’espace public est essentielle à la préservation des valeurs de la République et de la conception française des droits de l’homme et de la dignité humaine ;
Considérant que le Conseil constitutionnel a jugé cette loi conforme à nos principes constitutionnels, et notamment à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;
Considérant que la Cour européenne des droits de l’homme l’a également jugée conforme à la Convention européenne des droits de l’homme, et notamment à son article 9 sur la liberté religieuse ;
Considérant que, en contradiction avec ces jurisprudences, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a estimé qu’elle contrevenait à l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ;
Remarquant que les dispositions prévues à l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 sont identiques à celles de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
Appelle à faire primer la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’homme sur les constatations du Comité des droits de l’homme des Nations unies ;
Invite en conséquence le Gouvernement à ne pas donner suite à ces constations afin, a minima, de préserver l’ordonnancement juridique national relatif au port du voile intégral islamique dans l’espace public.
Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.
Je mets aux voix la proposition de résolution.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe La République En Marche.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 38 :
Nombre de votants253Nombre de suffrages exprimés236Pour l’adoption236Le Sénat a adopté.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.