Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, SMIC, 1 498, 47 euros bruts mensuels, soit 1 188 euros nets ; RSA, 550, 93 euros pour une personne seule sans enfant et 1 157 euros pour un couple avec deux enfants ; minimum vieillesse, 634, 66 euros ; pension de retraite moyenne des femmes, 1 091 euros bruts, inférieure de 42 % à celle des hommes.
Voilà la réalité ! Voilà la vie réelle de millions de nos concitoyens, qui attendaient des réponses claires du chef de l’État à leur exigence de vivre mieux, d’être respectés dans leur dignité.
Tout en maintenant son cap, le Président de la République, encensé précédemment pour sa vision avant-gardiste de la politique, a rencontré l’humilité et reconnu, enfin, le légitime élan populaire citoyen qui souffle actuellement sur notre pays.
D’un côté, on l’a encore vu aujourd’hui, on assiste à une opération de communication, avec la hausse de 100 euros de la prime d’activité, financée par les contribuables et qui n’a rien à voir avec une revalorisation du SMIC.
De l’autre, on enregistre un recul concernant la hausse de la CSG pour les plus petites retraites, pourtant refusé par le Gouvernement pendant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Pour le reste, rien qui n’effraiera les marchés financiers ou le grand patronat, exonéré de toute augmentation des salaires. Cela approfondira, soyez-en certains, la défiance populaire à l’égard des politiques gouvernementales.
Qu’on en juge : pas de hausse du SMIC, gel du point d’indice des fonctionnaires, gel de l’allocation adulte handicapé jusqu’au 1er avril 2020. Quid de la diminution du budget des collectivités territoriales de 13 milliards d’euros d’ici à 2022 ?
Et toujours, de l’autre côté, des fortunés cajolés par la suppression de l’ISF, des évadés fiscaux protégés, des actionnaires libres de ponctionner les richesses produites par les salariés au détriment de leurs salaires. C’est ce que contient la loi de finances, reflet de la prise en compte, comme nous pouvons le voir, de la défense du pouvoir d’achat et de la juste rémunération du travail !
Mais le gel n’est pas tout sans quelques hausses, à l’image de celle des primes d’assurance et de toute la fiscalité indirecte, insidieuse et prétendument indolore, qui fait aujourd’hui se soulever une majorité de l’opinion.
Je ne reviens pas ici sur le fait que le Sénat a fini par arracher le gel des taxes sur les carburants, après avoir voté toutes les hausses antérieures.
Le jeu de la commission mixte paritaire permettra au Gouvernement de revenir sur quelques mesures votées ici, donnant au texte final de la loi de finances sa pleine dimension ultralibérale.
Les mesures annoncées hier dans l’allocution enregistrée du Président de la République ne changeront pas la donne, puisque la facture sera soldée par encore plus de droits indirects et de TVA et encore moins de services publics !
La politique du « fort avec les faibles, faible avec les forts », qui anime aujourd’hui un pouvoir désavoué, cacophonique cet après-midi, et ce jusqu’au plus haut niveau, vient de montrer ses limites, à moins que la droite, dont une partie est déjà dans ce gouvernement §ne vienne à son secours.
Depuis le printemps 2017 et l’élection par défaut d’Emmanuel Macron et de sa majorité, si une forme de contrat a bien été passée, c’est directement avec la finance, avec les affairistes, pour mener une politique conforme à leurs intérêts égoïstes, bien loin de l’intérêt commun.
Y figuraient en bonne place la réforme du code du travail par ordonnances, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’instauration de la flat tax sur les revenus du capital et du patrimoine, le nouvel allégement des droits de mutation et de succession, le démantèlement des services publics, de la SNCF et du secteur hospitalier, l’étatisation de la formation continue, la mise en cause du droit aux études des bacheliers. Et j’en passe !
Ce contrat, prétendument moderne date en réalité du XVIIIe siècle : « L’accumulation de richesse à un pôle égale l’accumulation de pauvreté […] au pôle opposé ».
Cette République du contrat avec la finance ne peut qu’engendrer des dommages collatéraux : chômage de masse, précarité du travail renforcée, tensions urbaines, désespoir rural, casse des services publics de proximité et stagnation des salaires.
Pour que certains gagnent, il faut que d’autres perdent, et ce sont les plus nombreux.
D’une colère très juste surgit une balbutiante espérance, jusqu’ici contrariée par les prétentions de la finance. L’Europe n’est pas capable d’agir comme il convient, en témoigne l’échec de la négociation sur la taxation des fameux GAFA. Nous ne savons pas mettre à contribution en France, puisqu’il suffit que la Fédération bancaire française fronce un sourcil pour que le Gouvernement s’exécute.
Pourtant, avec des milliards d’euros de frais bancaires extorqués aux entreprises comme aux particuliers, avec les 2 600 milliards d’euros que la Banque centrale européenne a répandus ces dernières années dans les circuits économiques, les banques pourraient faire mieux !
Que dire des dividendes des titres cotés au CAC 40 ? Pour l’année 2017, ils se sont élevés à 46, 8 milliards d’euros, ce qui semble laisser quelques marges, monsieur le ministre, pour augmenter les salaires.
S’il s’agit de tracer les voies d’un nouveau contrat social en France, alors coup de barre à gauche, à la justice sociale et à l’égalité dans la société, et vite !
Nous avons porté, dans le cadre de la discussion de ce projet de loi de finances, avec nos moyens et notre détermination, 163 amendements ; 20 ont été adoptés.
« Recommander aux pauvres d’être économes est à la fois grotesque et insultant. Cela revient à conseiller à un homme qui meurt de faim de manger moins. » Il est temps de mettre de la démocratie dans cette société, où les droits sont mis en cause : démocratie dans les institutions, dans la cité, dans les entreprises, au sein de la sécurité sociale. démocratie partout !
C’est bien ce tournant démocratique qui surgit sous nos yeux, celui d’un peuple qui ne veut plus en rabattre sur ses aspirations au nom d’une prétendue « fin de l’Histoire » avec le capitalisme financiarisé à outrance. Oui, tout le monde veut gouverner : les citoyens, les élus locaux, les parlementaires et même la jeunesse ! Et alors ?
Enfin, je veux remercier tous les personnels du Sénat, sans exception, de leur précieux concours aux travaux de ce projet de loi de finances, que notre groupe va évidemment rejeter, sur le fond comme sur la forme.