Intervention de Marc-Philippe Daubresse

Réunion du 11 décembre 2018 à 14h30
Port du voile intégral dans l'espace public — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Marc-Philippe DaubresseMarc-Philippe Daubresse :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la question du port du voile dans les lieux publics ne date pas d’aujourd’hui. En 2003, déjà, la commission Stasi l’examinait et concluait ainsi ses travaux : « Dans la conception française, la laïcité n’est pas un simple “garde-frontière” qui se limiterait à faire respecter la séparation entre l’État et les cultes, entre la politique et la sphère spirituelle ou religieuse. L’État permet la consolidation des valeurs communes qui fondent le lien social dans notre pays. »

Des pressions s’exercent sur des jeunes filles pour les contraindre à porter un signe religieux, parfois pour les enfermer dans un vêtement. La République ne peut rester sourde à leurs cris de détresse.

Aujourd’hui, la question est non plus la liberté de conscience, mais l’ordre public. La montée inexorable du communautarisme et de l’intégrisme dans les quartiers les plus fragiles de notre République, que j’ai pu constater quand j’étais ministre de la ville, a conduit en 2010 les parlementaires – on l’a dit – à voter une loi interdisant le port du voile intégral sur la voie publique. Dans une lettre de mission, le Premier ministre demandait au Conseil d’État d’étudier des solutions juridiques permettant de parvenir à une interdiction du port du voile intégral qui soit la plus large et la plus effective possible, tout en rappelant, bien sûr, la nécessité de ne pas blesser nos compatriotes de confession musulmane.

Aujourd’hui, le contexte terroriste a encore aggravé la situation.

Étant rapporteur pour la commission des lois du suivi de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT, je suis bien placé – et vous aussi, monsieur le secrétaire d’État, de par vos fonctions antérieures et présentes – pour savoir que la menace terroriste n’a jamais été aussi présente sur notre territoire. Nous avons évité bien des attentats, grâce au courage des services de la République que vous avez, pour partie, dirigés.

La société française et ses représentants pensent que le voile intégral n’a rien à faire sur la voie publique, d’abord pour une raison d’ordre public – Bruno Retailleau l’a dit –, ensuite et surtout au nom de la dignité de la femme.

Ce comité Théodule des droits de l’homme des Nations unies, en estimant que la loi interdisant la dissimulation du visage est une atteinte à la liberté religieuse, fait un contresens total. Il méconnaît un élément important du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, qui prend en compte les spécificités des sociétés des pays signataires et précise que la liberté de religion peut être limitée dans un but de protection de l’ordre public, de la sécurité ou de la santé publique.

Le port du voile intégral n’est pas acceptable dans le pays des droits de l’homme, qui est aussi, on l’a dit, celui des droits de la femme.

Par la soumission de la femme qu’elle manifeste, cette pratique est contraire aux principes fondamentaux de notre identité nationale, au premier rang desquels figurent l’égale dignité de l’homme et de la femme et l’existence d’un espace public de dialogue.

L’idée qu’il puisse exister un vêtement du visage correspond à une conception des rapports humains qui n’est absolument pas tolérable sur notre sol. Cela reviendrait à considérer que les femmes ne sont pas dignes d’être vues ou d’entrer en relation avec les autres, au même titre que les hommes.

Laisser se développer une telle pratique conduirait à favoriser l’amalgame entre la religion musulmane et l’islamisme intégriste. On a d’ailleurs souligné à plusieurs reprises que plusieurs représentants de la religion musulmane avaient toujours été très clairs sur ce sujet.

Revenir sur cette législation après les crimes commis par Al-Qaïda, par Boko Haram ou par Daech, après le génocide et les viols commis sur les populations azéries, après l’attentat du Bataclan serait une insulte adressée à toutes les familles des victimes.

Monsieur le secrétaire d’État, dans ma commune de 30 000 habitants, un jeune homme de 29 ans a été assassiné au Bataclan. Je connaissais très bien ses parents, et je suis allé moi-même leur annoncer sa mort. Ils ne comprendraient en aucun cas que l’on puisse revenir sur une telle législation.

Revenir sur cette législation après de telles provocations, ce serait adresser à la nation française un message de tolérance face à l’intolérable.

Revenir sur cette législation, ce serait envoyer un signal profondément désespérant aux millions de femmes qui espèrent leur émancipation partout dans le monde.

Ce serait pour la France déchoir de son rôle de défenseur des droits fondamentaux.

C’est toute la République qui dit non au voile intégral. Voilà pourquoi nous soutenons pleinement la proposition de résolution de notre président Bruno Retailleau, et nous appelons, bien sûr, le Gouvernement à manifester son mécontentement et son indignation à l’égard de cette décision totalement incohérente !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion