J’aimerais tout d’abord vous rappeler les objectifs légitimes de cette loi, soutenus par le Gouvernement, avant d’aborder la question de sa réception par les juridictions et organismes internationaux, qui, si elle a justifié votre proposition de résolution, ne conduit nullement à remettre en cause notre droit national.
Vous le savez, la loi du 11 octobre 2010, adoptée à la suite de débats politiques approfondis, s’inscrivait dans une logique de préservation de l’ordre public, plus exactement, comme l’a jugé le Conseil constitutionnel, de respect des « exigences minimales de vie en société », comme d’aucuns parmi vous l’ont fort justement rappelé.
En effet, dans notre pays, qui peut se satisfaire que des personnes se soustraient, par la dissimulation de leur visage, aux interactions sociales qui constituent le liant d’une vie en société ? Peut-on considérer comme conforme à l’égale dignité de chacun, en particulier à l’égalité entre les femmes et les hommes, une telle attitude, quand bien même elle serait revendiquée comme libre par les personnes concernées ?
Face à ces interrogations, la position du législateur, celle de l’État, a été sans ambiguïté : il fallait marquer la désapprobation de la Nation à l’égard de telles attitudes et condamner de telles pratiques, mais le faire avec le souci de ne stigmatiser aucune religion et de respecter une stricte proportionnalité.
Je tiens à le préciser devant vous, car vous entendez encore comme moi les voix qui, à l’époque, s’élevaient contre une prétendue stigmatisation : il s’agit bien d’une loi sur la dissimulation du visage, et non sur la stigmatisation d’une religion, car chacun reste libre de porter un vêtement exprimant une conviction religieuse dans l’espace public à la condition même qu’il laisse apparaître son visage.
Il suffit, du reste, pour le comprendre, comme l’a souligné le sénateur Édouard Courtial, d’observer nos voisins européens qui ont également légiféré en la matière, tels que la Belgique, l’Italie, l’Autriche ou le Danemark, certains de ces pays ayant suivi notre exemple.
L’exemple de notre pays, en la matière, c’est également celui d’une réponse proportionnée et, par là même, pleinement conforme au droit.
Cette loi a ainsi prévu une sanction adaptée et proportionnée, à savoir une amende ou l’accomplissement d’un stage de citoyenneté pour toute personne dissimulant son visage dans l’espace public.
Ce souci de proportionnalité a d’ailleurs été relevé par le Conseil constitutionnel, qui en a conclu que le législateur avait correctement concilié les préoccupations de l’ordre public et de la liberté religieuse.
Dans la continuité de ces objectifs – ne pas stigmatiser et apporter une réponse proportionnée de l’État –, l’application de cette loi s’est toujours faite avec pédagogie, dès son adoption. Huit ans après, il semble d’ailleurs qu’elle ait porté ses fruits.
Un délai de six mois avait ainsi été laissé avant l’entrée en vigueur de la mesure d’interdiction générale de la dissimulation du visage, afin que chacun et chacune puissent l’anticiper. La circulaire du Premier ministre du 2 mars 2011 appelait plus particulièrement à mettre ce délai de six mois à profit pour faire connaître le texte et informer les personnes concernées.
Mais tracer la genèse de cette loi me conduit naturellement à aborder sa réception par les juridictions et organismes internationaux, notamment la Cour européenne des droits de l’homme et, plus récemment, le Comité des droits de l’homme de l’ONU.
Je tiens ici, avant toute chose, à rappeler que, contrairement à ce que vous écrivez dans l’exposé des motifs de la proposition de résolution, on ne peut pas mettre ces deux instances sur le même plan, la première étant l’une de nos juridictions suprêmes, le second, un simple comité d’experts internationaux.