Intervention de Françoise Gatel

Réunion du 11 décembre 2018 à 21h30
Communes nouvelles et diversité des territoires — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je suis particulièrement heureuse du débat qui s’ouvre aujourd’hui au Sénat, chambre des territoires, pour parler de cet espace unique, essentiel, où bat le cœur de notre démocratie : la commune.

Création révolutionnaire, elle a été conçue comme le lieu le plus apte à l’expression des citoyens et le plus proche de leur vie quotidienne. Alexis de Tocqueville affirmait : « C’est dans la commune que réside la force des peuples libres. »

Dans ces temps troublés, chacun, y compris le Président de la République, redécouvre le rôle essentiel de la commune. Amortisseur social, la commune rassemble. Elle est l’ancrage de la République, « une petite patrie » selon Érik Orsenna, portée avec ferveur par ses élus, véritables vigies de la démocratie.

L’attachement à la commune n’est ni nostalgie, ni repli, ni immobilisme.

La commune est plus vivante, plus moderne et plus nécessaire que jamais, car c’est là que se tissent la fraternité et la solidarité, sans lesquelles la cohésion sociale se délite.

Mais le monde bouge, les attentes de nos concitoyens évoluent et, que l’on vive à la ville ou à la campagne, l’exigence de services est la même, comme nous le voyons fortement ces jours-ci. Aujourd’hui, la commune doit assumer une double fonction, celle de la proximité, mais également celle de l’efficacité, obligeant les élus à s’interroger et à inventer des possibles.

À côté du maquis des réformes territoriales récentes, parfois hasardeuses et uniformisantes, reposait une pépite de liberté, dont je salue les initiateurs : la commune nouvelle, pari des décentralisateurs, augure d’une profonde révolution, librement choisie, décidée et portée par les élus eux-mêmes.

Elle est la révolution des faiseurs que sont les élus locaux. Dans notre pays à la culture profondément jacobine, l’affirmation de la Nation n’a eu de cesse de se construire sur l’uniformisation qui gomme la diversité, alors que tous les univers se construisent aujourd’hui en réseaux souples et multiples et que l’agilité est devenue la clé de l’efficience territoriale.

La loi sur les communes nouvelles n’oblige ni ne contraint ; elle permet, offre la liberté à ceux qui la choisissent et à eux seuls d’évoluer pour conforter cette entité communale. La commune nouvelle n’efface pas la commune, mais elle est la porte qui lui ouvre l’avenir. Évolution territoriale librement choisie, elle est conduite par des hommes et des femmes qui engagent courageusement, et avec lucidité, un projet pour l’avenir.

C’est aussi une aventure humaine, qui doit respecter l’histoire et l’identité des communes historiques. Créer une commune nouvelle, c’est en quelque sorte recomposer une famille de destin, convaincre, expliquer, lever les freins et les peurs, instaurer la confiance et l’adhésion des habitants et de tous les élus qui savent que demain ne ressemblera pas à aujourd’hui.

La commune nouvelle est un chemin qui s’ouvre et qu’il faut jalonner, en acceptant de donner du temps au temps, sans renoncer à l’objectif d’une nouvelle entité, forte de ses identités historiques, mais aussi différente de celles d’aujourd’hui.

Parce qu’elle est faite par des hommes et des femmes, pour des hommes et des femmes, elle ne doit ni brusquer ni forcer, mais convaincre.

Comme le montrent les nombreux déplacements et rencontres que j’ai effectués avec mon collègue Christian Manable et les travaux de la mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des dernières lois de réforme territoriale, dont Mathieu Darnaud est l’un des rapporteurs, comme l’avait vu en 2015 Jacques Pélissard, alors président de l’Association des maires de France, l’AMF, adapter n’est ni renoncer ni renier. Au contraire, la réussite d’un projet d’avenir nécessite des assouplissements qui ne sont pas des reculs. C’est un peu, finalement, ce que le Président de la République a expliqué hier.

Tel est le sens et l’objectif de cette proposition de loi.

L’article 1er prévoit un régime transitoire pour l’effectif du conseil municipal à compter du premier renouvellement général qui suit la création de la commune nouvelle.

En 2020, la plupart des communes nouvelles verront l’effectif de leur conseil municipal diminuer de plus de 70 %. À titre d’exemple, la commune nouvelle de La Hague, dans la Manche, créée en 2017, compte 19 communes historiques et 234 conseillers municipaux. Ils ne seraient plus que 35 en 2020, soit une baisse vertigineuse de 80 %.

Sans régime transitoire, les communes nouvelles affrontent des craintes de sous-représentativité des communes historiques.

L’article 2 donne au conseil municipal d’une commune nouvelle la possibilité de créer, pendant une période transitoire, une commission permanente ayant délégation sur certaines affaires courantes, comme cela existe dans d’autres collectivités.

Cette disposition pertinente pour des communes nouvelles comptant de nombreux élus a été supprimée sur l’initiative de Mme la rapporteur. Je ne m’y suis pas opposée, mais le groupe centriste proposera une solution de remplacement permettant de favoriser une décision collégiale autour du maire et des adjoints.

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