La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires, présentée par Mme Françoise Gatel et plusieurs de ses collègues (proposition n° 503 [2017-2018], texte de la commission n° 180, rapport n° 179).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Françoise Gatel, auteur de la proposition de loi.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je suis particulièrement heureuse du débat qui s’ouvre aujourd’hui au Sénat, chambre des territoires, pour parler de cet espace unique, essentiel, où bat le cœur de notre démocratie : la commune.
Création révolutionnaire, elle a été conçue comme le lieu le plus apte à l’expression des citoyens et le plus proche de leur vie quotidienne. Alexis de Tocqueville affirmait : « C’est dans la commune que réside la force des peuples libres. »
Dans ces temps troublés, chacun, y compris le Président de la République, redécouvre le rôle essentiel de la commune. Amortisseur social, la commune rassemble. Elle est l’ancrage de la République, « une petite patrie » selon Érik Orsenna, portée avec ferveur par ses élus, véritables vigies de la démocratie.
L’attachement à la commune n’est ni nostalgie, ni repli, ni immobilisme.
La commune est plus vivante, plus moderne et plus nécessaire que jamais, car c’est là que se tissent la fraternité et la solidarité, sans lesquelles la cohésion sociale se délite.
Mais le monde bouge, les attentes de nos concitoyens évoluent et, que l’on vive à la ville ou à la campagne, l’exigence de services est la même, comme nous le voyons fortement ces jours-ci. Aujourd’hui, la commune doit assumer une double fonction, celle de la proximité, mais également celle de l’efficacité, obligeant les élus à s’interroger et à inventer des possibles.
À côté du maquis des réformes territoriales récentes, parfois hasardeuses et uniformisantes, reposait une pépite de liberté, dont je salue les initiateurs : la commune nouvelle, pari des décentralisateurs, augure d’une profonde révolution, librement choisie, décidée et portée par les élus eux-mêmes.
Elle est la révolution des faiseurs que sont les élus locaux. Dans notre pays à la culture profondément jacobine, l’affirmation de la Nation n’a eu de cesse de se construire sur l’uniformisation qui gomme la diversité, alors que tous les univers se construisent aujourd’hui en réseaux souples et multiples et que l’agilité est devenue la clé de l’efficience territoriale.
La loi sur les communes nouvelles n’oblige ni ne contraint ; elle permet, offre la liberté à ceux qui la choisissent et à eux seuls d’évoluer pour conforter cette entité communale. La commune nouvelle n’efface pas la commune, mais elle est la porte qui lui ouvre l’avenir. Évolution territoriale librement choisie, elle est conduite par des hommes et des femmes qui engagent courageusement, et avec lucidité, un projet pour l’avenir.
C’est aussi une aventure humaine, qui doit respecter l’histoire et l’identité des communes historiques. Créer une commune nouvelle, c’est en quelque sorte recomposer une famille de destin, convaincre, expliquer, lever les freins et les peurs, instaurer la confiance et l’adhésion des habitants et de tous les élus qui savent que demain ne ressemblera pas à aujourd’hui.
La commune nouvelle est un chemin qui s’ouvre et qu’il faut jalonner, en acceptant de donner du temps au temps, sans renoncer à l’objectif d’une nouvelle entité, forte de ses identités historiques, mais aussi différente de celles d’aujourd’hui.
Parce qu’elle est faite par des hommes et des femmes, pour des hommes et des femmes, elle ne doit ni brusquer ni forcer, mais convaincre.
Comme le montrent les nombreux déplacements et rencontres que j’ai effectués avec mon collègue Christian Manable et les travaux de la mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des dernières lois de réforme territoriale, dont Mathieu Darnaud est l’un des rapporteurs, comme l’avait vu en 2015 Jacques Pélissard, alors président de l’Association des maires de France, l’AMF, adapter n’est ni renoncer ni renier. Au contraire, la réussite d’un projet d’avenir nécessite des assouplissements qui ne sont pas des reculs. C’est un peu, finalement, ce que le Président de la République a expliqué hier.
Tel est le sens et l’objectif de cette proposition de loi.
L’article 1er prévoit un régime transitoire pour l’effectif du conseil municipal à compter du premier renouvellement général qui suit la création de la commune nouvelle.
En 2020, la plupart des communes nouvelles verront l’effectif de leur conseil municipal diminuer de plus de 70 %. À titre d’exemple, la commune nouvelle de La Hague, dans la Manche, créée en 2017, compte 19 communes historiques et 234 conseillers municipaux. Ils ne seraient plus que 35 en 2020, soit une baisse vertigineuse de 80 %.
Sans régime transitoire, les communes nouvelles affrontent des craintes de sous-représentativité des communes historiques.
L’article 2 donne au conseil municipal d’une commune nouvelle la possibilité de créer, pendant une période transitoire, une commission permanente ayant délégation sur certaines affaires courantes, comme cela existe dans d’autres collectivités.
Cette disposition pertinente pour des communes nouvelles comptant de nombreux élus a été supprimée sur l’initiative de Mme la rapporteur. Je ne m’y suis pas opposée, mais le groupe centriste proposera une solution de remplacement permettant de favoriser une décision collégiale autour du maire et des adjoints.
L’article 3 traite de ce qu’il est convenu d’appeler un « irritant », dont les conséquences peuvent être lourdes. Il vise à sécuriser le principe de continuité du conseil municipal lors de l’élection d’un nouveau maire en cours de mandat et prévoit, en cas de vacance de siège, une adaptation à la règle de complétude du conseil municipal.
Il s’agit ainsi d’éviter la répétition de situations ubuesques et inextricables où l’équipe municipale, avant même la mise en place du conseil municipal de la commune nouvelle, se retrouve confrontée à une obligation d’élections générales en raison de la démission d’un seul conseiller municipal intervenue entre l’arrêté de création de la commune nouvelle et la première réunion du conseil municipal qui doit procéder à l’élection du maire de ladite commune nouvelle.
L’article 4 porte une innovation territoriale, la communauté commune ou la « commune-communauté ». C’est une proposition disruptive pour certains, qui peuvent préférer un modèle plus dogmatique et uniforme d’organisation territoriale, ou simplement une proposition empreinte de pragmatisme pour d’autres, qui privilégient la capacité des élus locaux à inventer des possibles pour leurs territoires.
Je le dis très clairement : il n’y a aucune volonté de ma part d’opposer commune nouvelle et intercommunalité ni de renier le rôle essentiel de l’intercommunalité construite sur le principe de subsidiarité.
Toutefois, nul, ici, au Sénat, ne peut ignorer la réalité de ces intercommunalités très intégrées, qui assument de nombreuses compétences transférées par les communes pour des raisons de capacité à faire. Certaines aujourd’hui aspirent à une nouvelle étape d’organisation, qui simplifierait des procédures et renforcerait la proximité avec les habitants et tous les élus.
Or, aujourd’hui, la loi contraint toute commune à intégrer une intercommunalité, imposant une course sans fin et sans beaucoup de sens au « toujours plus loin » et « toujours plus grand », qui épuise les élus et éloigne les citoyens des lieux de décision, alors même que notre pays traverse une grave crise de la démocratie.
Mes chers collègues, quel serait le sens de contraindre un EPCI existant, qui souhaite devenir aussi commune nouvelle, à rejoindre un nouvel EPCI ?
Portalis soulignait très justement : « Les lois sont faites pour les hommes, et non les hommes pour la loi. »
Sourires.
Nouveaux sourires.
Ne peut-on aujourd’hui accepter la diversité desréponses ? En effet, nousdébattrons dans quelques mois du droit à la différenciation et il n’est pas dejour où nous n’évoquions au Sénat la diversité de nos territoires et lanécessaire confiance dans le sens des responsabilités des élus, à qui il appartient, avec leurs concitoyens, d’inventer l’avenir deleurs territoires.
Je salue très sincèrement les excellentes dispositions ajoutées par Mme la rapporteur, notamment le positionnement des maires délégués dans le tableau du conseil municipal et le délai transitoire de trois ans pour lisser certains effets brutaux de seuil.
Je salue également la disposition sur la liberté concernant les communes déléguées et les mairies annexes proposée par notre collègue Hervé Maurey.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi est une construction sénatoriale collective et largement concertée. Je tiens à saluer avec gratitude tous ses contributeurs, au premier rang desquels figurent les élus de terrain et les associations d’élus.
Je salue Jean-Marie Bockel, qui a confié à Christian Manable et à moi-même un rapport sur les communes nouvelles, que nous avons choisi d’intituler Les communes nouvelles, histoire d ’ une révolution silencieuse : raisons et conditions d ’ une réussite. En effet, aujourd’hui, plus de 1 900 communes, représentant 1, 9 million d’habitants, ont créé librement 560 communes nouvelles.
Je salue également Hervé Marseille, qui a soutenu de toute sa conviction décentralisatrice cette proposition de loi, Philippe Bas, président de la commission des lois, qui l’a encouragée très fortement en permettant son inscription à l’ordre du jour du Sénat, Mathieu Darnaud, rapporteur de la mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des dernières lois de réforme territoriale, qui a intégré ce texte dans ses 30 propositions en faveur de la revitalisation de l’échelon communal, et enfin Agnès Canayer, rapporteur, pour la très grande qualité de son travail et l’enrichissement du texte.
Enfin, parmi les honorables contributeurs à la prospérité de cette proposition de loi, permettez-moi de citer le président Gérard Larcher, ardent avocat des territoires et de leurs élus.
Monsieur le ministre, je veux aussi saluer avec beaucoup de sincérité votre écoute particulièrement attentive et la qualité du dialogue que nous avons noué sur ce texte.
Vous le savez, au cours de ces derniers mois, le Sénat a exprimé ses regrets sur l’absence de dialogue du Gouvernement avec le Parlement, qui s’apparentait parfois à la négation de l’initiative parlementaire. Les associations d’élus ont, elles aussi, exprimé leur mécontentement.
Aujourd’hui, le Président de la République semble vouloir reprendre le chemin d’une relation partenariale avec ceux et celles qui font et qui sont la France du quotidien, les élus locaux. Je sais votre conviction de la force des territoires et de leurs élus, qui sont une chance pour notre pays, mais aussi votre volonté de corriger les irritants, monsieur le ministre.
Lors de votre prise de fonction, vous avez déclaré vouloir mettre fin au « prêt-à-porter uniformisateur » et soutenir ce que vous avez appelé le « cousu main ». Réjouissez-vous, monsieur le ministre, le Sénat vous offre aujourd’hui l’occasion de réaliser une première séance de travaux pratiques de « sur-mesure », qu’il vous appartiendra de poursuivre en permettant que cette proposition de loi utile aux territoires puisse prospérer dans un temps utile.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe La République En Marche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le système démocratique a de tout temps été jalonné de la défiance des gouvernés face à leurs représentants. La baisse de confiance devenue croissante s’est installée durablement dans les démocraties modernes. Aujourd’hui, cette crise de représentation, ce désamour, cette désaffection des citoyens s’expriment au travers du mouvement des « gilets jaunes ».
Face à cette crise, de nombreux maires, sur l’initiative de l’Association des maires de France ou de l’Association des maires ruraux de France, ont décidé d’ouvrir leur mairie, cette semaine, pour recueillir les doléances et renouer le dialogue républicain. Ces initiatives prouvent le rôle fondamental des élus locaux dans le fonctionnement de notre démocratie.
La commune reste en effet la collectivité la plus plébiscitée par les Français, 73 % d’entre eux, soit trois Français sur quatre, déclarant un attachement fort pour la commune. Qu’ils soient jeunes ou plus âgés, diplômés ou non, habitant à la campagne ou en ville, la grande majorité des Français soutient l’institution communale.
La commune est à la fois un lieu de mémoire et de production de l’identité, mais aussi un laboratoire de la vie démocratique et de l’entraide de proximité.
Cependant, les élus locaux, tout comme les citoyens, déplorent une perte de substance de l’institution communale affectée par la baisse des concours de l’État et par la perte d’une partie de ses compétences au bénéfice de l’intercommunalité.
Ce constat, corroboré par la hausse du nombre de démissions de maires depuis 2014, est celui du rapport d’information de notre collègue Mathieu Darnaud, effectué au nom de la mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des dernières lois de réforme territoriale, sur la nécessaire revitalisation de l’échelon communal.
Face à cette réalité, perçue lors des nombreux déplacements de la mission, la commune nouvelle constitue une réponse pour redynamiser cet échelon de proximité indispensable à la qualité du service public comme à la vitalité de la démocratie locale. Comme le dit justement le sénateur Darnaud, « elles sont une voie de modernisation de l’institution communale ».
Marques d ’ approbation sur des travées du groupe Les Républicains.
Cette voie, nombre de maires l’ont déjà empruntée. Comme l’écrivaient Françoise Gatel, auteur de la proposition de loi, dont je veux saluer ici l’engagement constant pour défendre la commune nouvelle, et Christian Manable dans leur rapport de 2015, nous vivons une « révolution silencieuse ».
Au 1er janvier 2018, 560 communes nouvelles, regroupant 1910 communes et 1, 9 million d’habitants, ont vu le jour et plus de 200 projets de création sont en cours d’élaboration au 1er janvier 2019.
Cette dynamique, qui concerne aussi bien les territoires ruraux que les territoires urbains, n’est cependant pas uniforme. Si les projets sont nombreux dans le Grand Ouest –les départements de la Manche et de Maine-et-Loire sont les champions des communes nouvelles –, aucun projet n’a encore été mis en œuvre dans certains départements de l’arc méditerranéen.
La réussite des communes nouvelles repose essentiellement sur la place laissée à l’initiative locale, comme cela a été voulu par la loi Pélissard. La reconnaissance de l’identité des communes déléguées qui composent la commune nouvelle participe aussi à la réussite du projet.
Toutefois, l’expérience des premières communes nouvelles a révélé quelques imperfections, régulièrement pointées par les associations d’élus locaux qui accompagnent ces projets. Des verrous compliquent la vie des élus qui se sont engagés dans l’aventure de la commune nouvelle et découragent parfois certains autres qui seraient pourtant tentés par la démarche.
Avec pragmatisme, la proposition de loi de Françoise Gatel répond à une attente forte. Dans le prolongement du travail mené par la mission sur la revitalisation de l’échelon communal, nous avons souhaité, dans une démarche collaborative avec l’auteur de la proposition de loi et un dialogue constructif avec le ministre, enrichir le texte d’un certain nombre de dispositions.
Ainsi, la proposition de loi vise à perfectionner le régime des communes nouvelles afin d’introduire une transition plus graduelle vers le droit commun, à assouplir certaines règles de fonctionnement et à diversifier les modèles d’organisation des territoires.
Tout d’abord, il s’agit de donner du temps au temps pour permettre une intégration progressive de la commune nouvelle dans le droit commun. La « révolution silencieuse » doit se faire en douceur !
En effet, si la commune nouvelle, qui est une nouvelle commune, doit à terme être soumise aux mêmes règles que toutes les communes françaises, il est certain que l’application trop rapide de certaines dispositions contribue à rendre plus difficile l’adhésion de tous au projet de la commune nouvelle. Parfois même, elle peut provoquer un effet repoussoir et décourager les volontaires.
La proposition de loi adoucit la transition en limitant la réduction du nombre de conseillers municipaux lors du premier renouvellement. Pendant cette période, certains conseils de communes nouvelles comportent un nombre très important d’élus, jusqu’à 234 pour Livarot-Pays d’Auge, 226 pour Petit-Caux en Seine-Maritime ou encore 184 pour Mesnil-en-Ouche dans le département de l’Eure, cher à M. le ministre.
La règle actuelle de détermination du nombre de conseillers – il est égal à celui d’une commune de la strate supérieure lors du premier renouvellement – engendrera une perte de 40 % des effectifs en moyenne en 2020, pouvant même aller jusqu’à 85 % pour Petit-Caux, en Seine-Maritime.
Nombre de communes nouvelles auront alors du mal à maintenir la représentation de toutes les communes historiques, alors que le projet de fusion n’est pas encore stabilisé. De plus, la perspective d’une réduction drastique du nombre de conseillers risque de démotiver de nombreux élus.
En conséquence, et dans un souci de lisibilité de la règle, nous vous proposons de fixer le nombre minimum de conseillers lors du premier renouvellement au tiers de l’effectif du conseil municipal initial, pour permettre d’atteindre plus graduellement le droit commun lors du deuxième renouvellement. Ainsi, le conseil municipal de la commune de Baugé-en-Anjou passerait de 148 membres actuellement à 51 en phase 2, puis à 33 en 2026.
Mme Catherine Deroche approuve.
De plus, nous vous proposons de neutraliser les effets de l’application de cette règle transitoire sur le nombre de délégués sénatoriaux. Tel est l’objet de l’article 1er.
Par ailleurs, la création d’une commune nouvelle demande beaucoup d’énergie et de temps pour mettre en œuvre les modalités de fonctionnement. À cela s’ajoutent, dès lors que la commune franchit certains seuils liés notamment à sa taille, des obligations supplémentaires. Ces nouvelles contraintes sont souvent difficiles à respecter au moment où se crée la commune, faute de temps et de ressources humaines ou financières. Ajouter de nouvelles obligations liées aux seuils risque de fragiliser la commune nouvelle, encore sur les fonts baptismaux. Nous proposons donc de prévoir un délai de trois ans pour permettre à la commune nouvelle de se mettre en conformité.
En outre, permettre aux maires des communes historiques devenus maires délégués de figurer juste après le maire de la commune nouvelle dans l’ordre du tableau est une revendication régulièrement émise par les élus. Limitée à la première période, cette dérogation permet d’assurer une transition mieux acceptée.
Certaines dispositions trop rigides ou peu adaptées à la réalité des communes nouvelles compliquent la vie des élus locaux, fragilisent les bases de la commune nouvelle et découragent les élus les moins investis. Il convient de les assouplir.
La question de la vacance des sièges de conseiller municipal pose dans les communes, notamment durant la première période, de grosses difficultés, pour l’élection du maire et des adjoints ou si plus d’un tiers des sièges sont vacants. Les pourvoir sur la base des élections dans chaque commune historique n’est pas possible dans les communes nouvelles.
Écarter strictement pour les communes nouvelles l’application des règles de droit commun nous semble porter une atteinte plus importante que nécessaire au principe de complétude du conseil municipal.
Cependant, quelques aménagements spécifiques sont nécessaires pour remédier à certains blocages. Ainsi, il convient de déroger à la règle de complétude du conseil municipal pour la première élection du maire de la commune. En cas de vacance de plus d’un tiers des sièges au conseil municipal ou de la moitié la dernière année du mandat, des élections intégrales devront être organisées. L’effectif ne sera ramené à celui de droit commun qu’à la date prévue, afin d’éviter les effets d’aubaine ou une réduction trop rapide du nombre de conseillers.
Forts de leur expérience de terrain, plusieurs de nos collègues sénateurs ont déposé des amendements visant à simplifier, à rationaliser ou à mutualiser le fonctionnement des communes nouvelles. Ils sont conformes à l’esprit pragmatique de la proposition de loi, qu’il s’agisse de la suppression de tout ou partie des communes déléguées ou encore de la possibilité de délocaliser le conseil municipal dans les mairies annexes.
Enfin, l’existence de conseils municipaux pléthoriques introduit une certaine lourdeur dans le fonctionnement de la commune nouvelle. La possibilité de déléguer à un collège formé du maire et des adjoints tout ou partie des attributions qui peuvent être déléguées au maire répond à la demande de souplesse des élus des communes nouvelles.
La prise en compte de la diversité des territoires dans l’organisation territoriale est une attente forte des élus locaux. C’est tout l’objet de la « commune-communauté » ou « communauté-commune » issue de l’imagination fertile de l’auteur de la proposition de loi. Si ce modèle n’a pas vocation à s’imposer partout, il autorise les communes nouvelles regroupant toutes les communes d’un ou de plusieurs EPCI à fiscalité propre à ne pas adhérer à un autre EPCI. Ces entités exerceront à la fois les compétences communales et les compétences intercommunales.
Il s’agit non pas de dépecer des intercommunalités existantes, mais de permettre à des communautés de conserver une taille raisonnable, tout en parachevant leur processus d’intégration en se transformant en commune nouvelle. C’est aussi le moyen de simplifier l’architecture institutionnelle locale.
Alexis de Tocqueville affirmait que « la commune est l’école de la liberté, elle la met à la portée du peuple ». La proximité communale constitue toujours le socle de notre démocratie locale. La commune nouvelle est une voie de modernisation de l’échelon communal. La proposition de loi de la sénatrice Françoise Gatel, enrichie des apports de la commission des lois, contribuera par sa recherche de souplesse, d’agilité et d’adaptabilité à pérenniser la commune, en permettant aux élus locaux de faire du sur mesure. Loin des grands bouleversements institutionnels, elle offre la liberté d’une révolution silencieuse en marche !
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, « révolution silencieuse » : c’est l’expression employée par Mme Françoise Gatel dans son rapport d’information de 2016 pour qualifier la multiplication des communes nouvelles en France. Je la reprends à mon compte, il s’agit bien d’une véritable révolution !
Après l’échec du dispositif « Marcellin » de 1971, les lois des 16 décembre 2010 et 16 mars 2015 ont permis un rapprochement des communes sur une base entièrement volontaire. Au 1er janvier 2018, nous comptions près de 560 communes nouvelles, regroupant environ 1 900 communes et un peu plus de 1, 9 million d’habitants. Quel succès en si peu de temps !
Au cours des quarante dernières années, la France a connu plusieurs mouvements de décentralisation. Aujourd’hui, nous souhaitons franchir une étape supplémentaire, en brisant le carcan uniforme hérité de la Révolution. Le Président de la République l’a dit lui-même, nous souhaitons faire du sur mesure, créer un droit à la différence.
Le statut de commune nouvelle s’inscrit parfaitement dans cette dynamique. Créer une commune nouvelle est une faculté ouverte aux élus locaux, en aucun cas une obligation.
Bien entendu, l’État accompagnera les communes qui veulent se regrouper en commune nouvelle. La semaine dernière, le Gouvernement a d’ailleurs émis un avis favorable sur un amendement présenté ici même par la sénatrice Françoise Gatel et tendant à faciliter la création de communes nouvelles. A ainsi été adoptée une mesure permettant de proroger la bonification de DGF de 5 % pour toutes les communes nouvelles créées entre le 2 janvier 2019 et le 1er janvier 2021.
Mais je veux être clair, car j’ai parfois entendu s’exprimer ici ou là des inquiétudes : l’État ne forcera jamais la main aux élus.
Il s’agit d’un acte de liberté, d’une décision relevant de leur libre administration.
Au cours des dernières années, certains territoires ont été particulièrement avant-gardistes en matière de communes nouvelles. Je pense notamment aux départements du Nord-Ouest, comme le Maine-et-Loire, la Manche, monsieur le président Bas, l’Orne, le Calvados ou l’Eure.
Après ce point de contexte utile sur les communes nouvelles, j’en viens à la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui.
Tout d’abord, j’aimerais rappeler la méthode de travail qui a été retenue, celle de la concertation, et même de la coproduction.
En effet, convaincu de la pertinence d’un tel texte législatif, le Gouvernement a travaillé, en amont de cette séance publique, avec la sénatrice Françoise Gatel et la rapporteur Agnès Canayer pour bâtir des équilibres.
J’en profite d’ailleurs pour saluer leur investissement personnel sur ce sujet et la démarche bienveillante et constructive qu’elles ont adoptée.
Sachez que, en parallèle, Jacqueline Gourault et moi-même avons souhaité adresser une lettre à l’ensemble des associations d’élus pour recueillir leurs avis et ainsi éclairer nos positions sur cette proposition de loi. Nous avons eu des retours écrits de l’AdCF, Assemblée des communautés de France, de l’AMF, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, et de France Urbaine, ainsi que des échanges directs avec l’AMRF, Association des maires ruraux de France. Cela a considérablement nourri nos réflexions.
Bien entendu, tout n’est pas encore parfait, mais la proposition de loi a déjà positivement évolué grâce au travail mené en commission des lois. Je souhaite que cette méthode serve de modèle pour l’élaboration des prochains textes relatifs aux collectivités territoriales et qu’elle continue à prévaloir lors de la navette en ce qui concerne cette proposition de loi.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire, je souhaite vraiment que ce texte soit rapidement examiné par l’Assemblée nationale et qu’un travail de co-construction entre les sénateurs et les députés soit conduit en bonne intelligence. En effet, ce texte est conforme à l’esprit qui nous anime depuis maintenant deux mois au ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales : sur mesure, adaptation aux territoires et souplesse, tels sont nos mots d’ordre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Ma nomination est en effet récente, monsieur le sénateur…
Sourires.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire, l’une des premières commandes passées aux préfets de l’ensemble des départements a été de nous faire remonter les contraintes, parfois injustifiées, auxquelles sont confrontés les élus. Ce travail se poursuivra avec vous et avec des élus directement.
C’est le sens de cette proposition de loi, qui cherche à accompagner les mutations, tout en levant les blocages ou les incohérences qui peuvent exister.
Ainsi, plusieurs dispositions de la proposition de loi vont dans la bonne direction.
Concernant l’article 1er relatif à la composition du conseil municipal, l’objectif est simple : traiter la situation de communes nouvelles qui regroupent beaucoup de communes, mais une population relativement faible.
Actuellement, au cours de la période transitoire, entre le premier et le deuxième renouvellement, le conseil municipal est composé d’un nombre d’élus correspondant à celui de la strate démographique supérieure. Or, dans certains cas, cela amène une chute considérable du nombre de conseillers municipaux. Prenons l’exemple de Livarot-Pays d’Auge, dans le Calvados, qui a été évoqué par Mme la rapporteur : 22 communes fusionnées, une population totale de 6 552 habitants, 234 conseillers municipaux au début, 33 seulement après le premier renouvellement. La proposition qui est faite est de permettre, si cela est plus avantageux, d’avoir un nombre de conseillers municipaux équivalent au tiers des élus du conseil municipal de départ. Ainsi, pour reprendre l’exemple précédent, nous aboutirions à 79 élus au lieu de 33, ce qui permet un lissage important, une transition plus douce. Le Gouvernement est favorable à cette règle du tiers, promue également par l’AdCF, car les communes déléguées doivent être représentées dans les meilleures conditions, sans pour autant que les assemblées délibératives ne soient pléthoriques.
En outre, dans cet article, ont été neutralisées, sur l’initiative de la rapporteur, les conséquences de l’augmentation du nombre de conseillers municipaux sur le nombre de délégués sénatoriaux. Cela est parfaitement logique : rien ne justifie que les communes nouvelles aient un poids excessif dans la désignation des futurs sénateurs. Il s’agit d’un impératif démocratique qui, je le crois, vous touche très directement…
L’article 2 a trait à la création facultative d’une commission permanente. Cette disposition a été supprimée en commission, et je crois que c’est plutôt une bonne chose. On trouve certes de telles instances au sein des conseils départementaux et régionaux, mais je ne suis pas certain qu’il faille créer une structure identique pour les communes nouvelles.
En revanche, le modèle des intercommunalités peut être intéressant à suivre : il s’agit de permettre au conseil municipal, au cours de la période transitoire, de déléguer des compétences non seulement au maire, mais également à un collège réunissant l’ensemble des adjoints. Tant que cela ne porte que sur des matières pouvant faire l’objet d’une délégation du conseil municipal et que les pouvoirs propres du maire, notamment de police, ne sont pas remis en cause, j’y suis favorable. C’est l’objet de l’amendement déposé par le sénateur Hervé au nom du groupe Union Centriste que vous examinerez tout à l’heure.
Le dispositif de l’article 3, qui concerne la complétude du conseil municipal, a le mérite de sécuriser le processus de création d’une commune nouvelle, en évitant que la démission d’un conseiller municipal qui interviendrait entre l’arrêté de création et la nomination du maire de la commune nouvelle ne vienne ébranler le projet dans son ensemble. Cela permet également d’éviter qu’un élu isolé ne prenne en otage un projet soutenu par une très forte majorité. Le Gouvernement est favorable à ce dispositif.
L’article 4 est relatif à la création d’un nouveau statut de « commune-communauté ». La commission des lois a fait un important travail de réécriture de cet article qui crée, nous devons en être conscients, un nouveau type de collectivité. On peut légitimement se demander pourquoi on ne permettrait pas à une commune nouvelle dont le périmètre correspond à celui d’un EPCI de changer de statut pour exercer des compétences à la fois communales et intercommunales.
Cependant, le Gouvernement émet à ce titre deux observations particulières.
Tout d’abord, la « commune-communauté » ne doit pas servir de prétexte au détricotage de la carte intercommunale, comme l’a également rappelé l’AdCF.
Dans la rédaction actuelle de la proposition de loi, il est permis aux communes limitrophes d’un EPCI à fiscalité propre souhaitant devenir une « commune-communauté » de le rejoindre. Madame la rapporteur, votre amendement visant à supprimer cette disposition nous satisfait, car nous ne voulons pas fragiliser la carte des EPCI existants, répondant en cela au besoin de stabilité exprimé par les maires.
Ensuite, il faut que soit mesurées, au cours de la navette parlementaire, toutes les conséquences de la création de cette collectivité, commune et intercommunalité à la fois, en matières juridique et institutionnelle, mais aussi, et surtout, en matière financière.
Si la majeure partie des dispositions nous convient, nous avons toutefois noté quelques points qui nous paraissent, en l’état, constituer potentiellement des facteurs de fragilisation des communes nouvelles.
En ce qui concerne tout d’abord les seuils, l’article 6, introduit en commission, vise à en neutraliser de manière temporaire les effets. Ainsi, les communes nouvelles pourraient déroger pendant trois ans à certains seuils, notamment en matière de logements sociaux et d’aires d’accueil des gens du voyage.
L’intention est parfaitement louable et compréhensible, mais une réflexion plus approfondie et une étude d’impact sont nécessaires pour appréhender toutes les conséquences d’une telle mesure en matière de politiques publiques et d’aménagement du territoire.
Prenons l’exemple de la loi SRU, que nous connaissons tous. Le droit actuel prévoit d’ores et déjà que les communes nouvellement soumises au seuil prévu par cette loi soient exonérées de pénalités pendant trois ans. Est-il nécessaire d’aller au-delà ? Je n’en suis pas certain.
Ainsi, la liberté territoriale dans l’organisation institutionnelle et la nécessaire souplesse qu’elle suppose ne peuvent pas constituer un élément de fragilisation d’autres pans de nos politiques publiques.
Par ailleurs, la loi ÉLAN a apporté des adaptations pragmatiques pour les communes nouvelles, sans remettre en cause les fondamentaux de la loi SRU.
Je connais, enfin, votre attachement à ce que les communes nouvelles soient traitées comme des communes à part entière. De nombreux sénateurs ont eu l’occasion de le dire lors de débats précédents, notamment lors de l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2019. Mme la rapporteur l’a elle-même rappelé au nom de la commission des lois.
Concernant l’avenir des mairies annexes et la suppression des communes déléguées, l’un des objectifs de la création de communes nouvelles étant de mutualiser des moyens et de réaliser des économies d’échelle, il est pertinent de vouloir réduire le nombre de mairies annexes. Je comprends donc l’esprit des amendements déposés par le président Hervé Maurey, d’ailleurs issus d’une proposition de loi qu’il avait rédigée.
Par ailleurs, il me paraît raisonnable de permettre la suppression de communes déléguées, sur une partie du territoire seulement, si et seulement si le conseil de la commune nouvelle, avec l’accord du maire de la commune déléguée et, le cas échéant, du conseil de la commune déléguée, le décide. Faisons confiance à nos élus locaux pour s’organiser librement et efficacement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, malgré ces quelques remarques, le Gouvernement est largement favorable à cette proposition de loi, qui répond aux attentes des élus locaux désireux de créer des communes nouvelles dans les meilleures conditions et, j’y insiste, librement.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Au-delà de la discussion que nous allons avoir aujourd’hui, je souhaite que la navette parlementaire soit l’occasion d’un travail partagé, recherchant le bon équilibre entre souplesse territoriale et respect des grands principes qui nous animent.
Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains. – Mmes Françoise Gatel et Sonia de la Provôté, M. Arnaud de Belenet applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, chers collègues, le succès n’a pas été immédiat, mais il est aujourd’hui incontestable : la commune nouvelle est bel et bien une « révolution silencieuse », pour reprendre le titre d’un rapport de nos collègues Christian Manable et Françoise Gatel, et elle intéresse de plus en plus nos collègues élus locaux.
Des chiffres ont été évoqués, je n’y reviendrai pas. Je n’en citerai qu’un : au 1er janvier 2019, c’est encore près de 200 « nouvelles communes nouvelles » qui devraient voir le jour.
Si le succès est là, la création d’une commune nouvelle suscite encore des inquiétudes, des réticences dans les territoires. Certaines de ces réticences portent non pas sur l’aboutissement du projet, mais sur les modalités de la transition.
Notre collègue Françoise Gatel nous propose aujourd’hui non pas seulement de réformer le statut de la commune nouvelle, mais plus simplement de lever les réticences que je viens d’évoquer et que l’on retrouve dans de nombreux territoires et de faciliter la transition.
L’objet de ce texte n’est évidemment pas de contraindre les élus qui ne le voudraient pas à créer des communes nouvelles. Il ne s’agit pas non plus de mettre en place un nouveau mécanisme d’incitations financières. Plusieurs collègues ont d’ailleurs dénoncé, en commission, les dérives auxquelles on a pu parfois aboutir en se focalisant exclusivement sur ces incitations. En effet, si l’on décide de se marier, on ne peut pas le faire uniquement pour l’argent. §C’est aussi simple et vertueux que cela !
Cela ne doit pas nous empêcher de nous réjouir que le Sénat ait adopté, dans le cadre de l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », la prolongation pour deux années du « pacte de stabilité financière » dont bénéficient les communes nouvelles. Pourvu, monsieur le ministre, que cette incitation perdure dans la mouture finale du budget de la Nation !
Mais ce coup de pouce financier ne fait pas tout. Pour qu’une commune nouvelle puisse se créer, et surtout pour qu’elle puisse perdurer, il faut, comme pour une intercommunalité qui fonctionne bien, un réel projet commun, une volonté profonde, partagée et non équivoque des élus et de la population.
Certains collègues ont évoqué, en commission, des exemples de communes nouvelles qui ne fonctionnent pas ou mal. C’est vraiment dommage, mais, le plus souvent, l’explication est assez facile à donner : ces communes nouvelles ont fait primer des considérations strictement financières, négligeant le projet commun.
Certains oublient parfois qu’une commune nouvelle, c’est avant tout une seule commune. Oui, il faut avoir le courage de rappeler que cette commune n’a pas vocation, à terme, à déroger au droit commun : un seul maire, un seul conseil municipal avec un nombre « normal » de membres, une seule mairie…
Tout cela est de nature à engendrer des inquiétudes. La première d’entre elles tient souvent à la diminution du nombre de conseillers municipaux, anxiogène pour les élus locaux et la population. La raison en est très simple : souvent, l’effectif prévu lors du premier renouvellement ne permettra pas d’assurer la représentation au sein du conseil municipal de chacune des anciennes communes.
Dans le texte issu des travaux de notre commission des lois, il est prévu que l’effectif du conseil municipal ne pourra pas baisser de plus des deux tiers après le premier renouvellement suivant la création de la commune nouvelle. Cette évolution est de nature à rassurer les élus, en faisant que la baisse – provisoire – du nombre d’élus soit moins violente qu’avec la simple application du droit commun.
Je viens d’évoquer la composition du conseil municipal, mais le fonctionnement de la commune nouvelle peut également susciter des craintes.
Le texte initial de notre collègue Françoise Gatel prévoyait, à son article 2, la possibilité de créer une commission permanente. Cette commission permanente n’aurait concerné que de grandes communes nouvelles et pour une durée limitée, puisqu’elle n’aurait pu être instituée qu’entre la création de la commune nouvelle et le premier renouvellement du conseil municipal. Notre commission des lois a supprimé cet article 2, estimant que le dispositif proposé se heurtait à des difficultés d’ordres juridique et pratique.
Il nous semble qu’il s’agissait pourtant d’une bonne idée, qui, conformément à l’esprit de cette proposition de loi, était de nature à lever certaines inquiétudes et à faciliter la naissance et les premiers mois de vie d’une commune nouvelle. Attentif aux remarques de notre rapporteur, je vous proposerai par amendement, au nom du groupe de l’Union Centriste, de rétablir cet article 2 dans une rédaction revue, avec un dispositif plus souple et plus adapté.
Une dernière inquiétude est de nature à empêcher – à tort – la création d’une commune nouvelle : l’obligation de rattachement à un EPCI.
Cette règle, nous la connaissons tous, mes chers collègues : une commune est forcément rattachée à un EPCI. Demain, une commune nouvelle qui regrouperait l’ensemble des communes membres d’une intercommunalité se verrait donc dans l’obligation d’intégrer un nouvel EPCI. Chacun d’entre nous connaît sans doute un territoire, dans son département, qui est confronté à cette problématique.
Dès lors, on voit très bien à quelles interrogations, sont confrontés les élus qui envisagent la création d’une telle commune nouvelle : à quel EPCI à fiscalité propre devra-t-elle se rattacher ? Comment sera-t-elle représentée au conseil communautaire ?
On comprend que cette obligation soit de nature à bloquer certains projets. Si un territoire fait le choix d’une mutualisation très poussée, d’un projet commun suffisamment fort pour aboutir à la création d’une commune en lieu et place de plusieurs, aura-t-il envie d’être rattaché à un EPCI, situé sans doute dans un autre bassin de vie, avec lequel il n’aurait pas de projet commun immédiat ?
On le comprend, dans ce contexte particulier, la règle du rattachement systématique à une intercommunalité n’a pas de sens. Surtout, quelle serait sa justification ? Inciter les communes à mutualiser ? Pourraient-elles le faire davantage qu’en décidant de ne plus former qu’une seule commune, exerçant à la fois les compétences de la commune et de l’intercommunalité ?
Ne restons donc pas figés sur une règle systématique : non, tous les territoires ne doivent pas forcément avoir la même architecture territoriale. Dessiner un jardin à la française n’est pas une fin en soi. Tel est d’ailleurs, me semble-t-il, l’état d’esprit du Gouvernement, monsieur le ministre, puisque j’ai en mémoire les propositions du Président de la République évoquant devant le Congrès plusieurs réformes en faveur de la différenciation territoriale…
En conclusion, je tiens â saluer le travail de notre rapporteur, Agnès Canayer, qui a su mesurer l’importance des dispositions de cette proposition de loi. Elle a su aussi faire preuve d’ouverture d’esprit, s’agissant notamment de la proposition que j’évoquais à l’instant d’instaurer une « commune-communauté » – en fait, une commune exerçant les prérogatives d’une intercommunalité –, qui a pu, dans un premier temps, susciter des réactions de méfiance, car elle remet en cause notre schéma classique d’organisation territoriale. En bonne intelligence avec Françoise Gatel, dont je salue encore une fois l’initiative, vous avez su, madame la rapporteur, apporter des modifications utiles lors de l’examen du texte en commission.
Sans surprise, le groupe Union Centriste apportera tout son soutien à cette proposition de loi. Nous attendons un appui actif du Gouvernement pour que la discussion de ce texte puisse aboutir dans des délais suffisamment courts afin que certains projets de commune nouvelle puissent voir le jour avant le prochain renouvellement municipal. Dans cette perspective, nous espérons que cette proposition de loi sera rapidement inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mes chers collègues, la commune constitue l’échelon local indispensable à la qualité du service public, ainsi qu’à la vitalité de la démocratie de proximité. On sait aussi le rôle d’amortisseur social qu’elle peut jouer dans des crises comme celle que nous vivons actuellement. Le développement des communes nouvelles apparaît comme l’un des moyens – ce n’est pas le seul – de redynamiser la commune.
Le modèle des communes nouvelles connaît un grand succès, bien plus important que celui qui était envisagé à l’origine. Les raisons en sont multiples.
Tout d’abord, grâce à l’instauration de communes déléguées, un juste équilibre a été trouvé entre la création d’une nouvelle commune de plein exercice et la sauvegarde de l’identité des communes historiques.
Ensuite, dans un contexte de baisse des dotations de l’État, le regroupement de plusieurs communes est un moyen de retrouver des marges de manœuvre et de développer l’offre de services aux habitants.
Enfin, le régime des communes nouvelles permet de donner une place importante à l’initiative des élus locaux et de la population.
Si les communes nouvelles ne constituent pas un modèle généralisable, leur création et leur organisation méritent néanmoins d’être perfectionnées, notamment en levant divers freins et en palliant certains dysfonctionnements du régime actuel.
Ainsi, le régime des communes nouvelles, déjà amélioré en 2015, est encore appelé à évoluer pour tenir compte de l’expérience acquise depuis le début de la décennie.
Par ailleurs, il convient de tirer toutes les conséquences de l’essor des communes nouvelles sur l’organisation institutionnelle locale, notamment sur la répartition des rôles entre communes et intercommunalités.
Tel est l’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. La commission des lois s’est efforcée d’en perfectionner et d’en compléter le dispositif. À cet égard, je tiens à saluer à cette tribune la qualité des travaux de son rapporteur, notre collègue Agnès Canayer. La commission a ainsi complété le texte ou en a retranché des dispositions soulevant des difficultés juridiques.
Tout d’abord, en ce qui concerne l’effectif du conseil municipal des communes nouvelles, je me réjouis que la commission ait approuvé le principe d’un retour au droit commun plus progressif que ne le prévoit le droit en vigueur, afin notamment de faciliter la représentation de toutes les communes historiques. Elle a ainsi prévu que cet effectif ne pourrait baisser de plus des deux tiers après le premier renouvellement du conseil municipal suivant la création de la commune nouvelle.
Constatant les difficultés rencontrées par les communes nouvelles en cas de démission ou de décès de conseillers municipaux, la commission a également prévu qu’il ne soit dérogé au principe de complétude du conseil municipal que pour la première élection du maire et des adjoints suivant la création d’une commune nouvelle.
Par ailleurs, je me félicite de l’introduction par la commission de dispositions visant à lisser les effets de seuil en accordant aux communes nouvelles un délai de trois ans pour se mettre en conformité avec les obligations nouvelles qui peuvent leur incomber en raison de la taille de leur population.
De même, la commission a souhaité que les maires délégués prennent rang immédiatement après le maire dans l’ordre du tableau du conseil municipal.
Ensuite, soucieuse d’améliorer leur fonctionnement, la commission a adopté une mesure permettant aux communes nouvelles de supprimer et de mutualiser une partie des annexes de la mairie, afin notamment de réduire les frais de fonctionnement afférents.
Enfin, dans sa rédaction initiale, la proposition de loi prévoyait de dispenser une commune nouvelle issue de la fusion de toutes les communes membres d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et, le cas échéant, d’une ou plusieurs autres communes de l’obligation d’adhérer à un autre EPCI à fiscalité propre. Moyennant plusieurs précisions et coordinations, la commission a approuvé cette disposition, qui ouvre la voie à une différenciation des modes d’organisation institutionnelle du bloc communal sans remettre en cause les périmètres de coopération existants.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de l’adoption de cette proposition de loi ainsi modifiée par la commission des lois.
M. le présiden t de la commission des lois applaudit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, madame l’auteur de cette proposition de loi, chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le travail accompli, qui a permis à un certain nombre d’entre nous de coécrire ce texte. Je me réjouis de cette démarche très ouverte et collective, permise par Mme Françoise Gatel.
M. Arnaud de Belenet. C’est dans la commune nouvelle que réside la force des peuples libres …
Mme Cécile Cukierman s ’ exclame.
Je ne suis pas certain, chers collègues communistes, d’avoir la même conception que vous de la liberté individuelle…
Mme Cécile Cukierman. Ni de la commune, d’ailleurs, ce qui nous rassure !
M. Loïc Hervé rit.
Me voilà rassuré également !
« Sans institutions communales, une nation peut se donner un gouvernement libre, mais elle n’a pas l’esprit de liberté. »
Tocqueville ne mérite pas ses descendants. C’était un vrai libéral, lui !
Ainsi Tocqueville vantait-il l’esprit de liberté voilà déjà près de deux siècles.
La création de communes nouvelles repose sur la libre volonté des élus et de la population et redonne, en ces temps de crise profonde de la démocratie, une vitalité à la démocratie locale.
Le régime des communes nouvelles, créé par la loi de 2010, amélioré en 2015, trouve un prolongement au travers du présent texte.
Le succès des communes nouvelles a été assez disparate selon les régions, même si une réelle dynamique a été enclenchée.
La proposition de loi de notre collègue Françoise Gatel lève quelques freins qui ont pu décourager des élus de créer une commune nouvelle, en établissant une transition plus progressive vers le droit commun et en octroyant davantage de liberté dans l’organisation territoriale.
La commune nouvelle, bien sûr, demeure une commune et respecte le droit commun.
Cette proposition de loi comporte des mesures transitoires ou donne de la souplesse aux élus, ce qui ne peut que me satisfaire.
Ainsi, l’article 1er, tel que complété par un amendement de Mme la rapporteur, permet un lissage plus progressif de l’effectif du conseil municipal que ce que prévoyait initialement la proposition de loi ; nous y sommes favorables.
L’amendement que présentera Loïc Hervé au nom du groupe Union Centriste répond à l’objet initial de l’article 2 en prévoyant la délégation du conseil municipal au collège formé du maire et des adjoints de tout ou partie des attributions mentionnées à l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales n’ayant pas été déléguées au maire.
Par ailleurs, à l’article 3, l’amendement de Mme la rapporteur a pour objet de garantir une atteinte aussi limitée que nécessaire au principe de complétude du conseil municipal pour l’élection du maire et de ses adjoints. Nous y souscrivons évidemment.
La commission a souhaité répondre à une demande des élus locaux concernant l’ordre du tableau du conseil municipal. Elle a également limité les effets de seuil qui engendrent de nouvelles obligations pour les communes nouvelles en ménageant une période de trois ans pour s’y conformer.
L’article 4 est celui qui a suscité le plus de débats en commission. Cœur de la proposition de loi, il permet qu’une communauté de communes, sur la base de la volonté de ses communes membres, puisse se transformer en commune nouvelle sans avoir à adhérer un nouvel EPCI. Voilà une disposition de bon sens qui, là où sa mise en œuvre sera appropriée, confortera la commune, mettra un terme au fonctionnement de la machine à fusionner, si chronophage et désespérante pour les conseillers municipaux, et redonnera capacités et moyens d’agir au maire de la commune nouvelle, à la légitimité évidemment incontestable. Il s’agit d’un outil à même de répondre à la souffrance d’un certain nombre de maires, en particulier ceux qui subissent les périmètres intercommunaux récemment révisés, tout en simplifiant notre organisation, sans empêcher la coopération, notamment au travers des pôles territoriaux.
Au moment où nous vivons peut-être la première crise sociale de la révolution numérique, nous confirmerions, en adoptant ce texte, la place centrale des communes dans notre organisation territoriale.
Les bornes automatisées, le remplacement de l’humain, les plateformes aux procédures exécutées si scrupuleusement sans égard pour la personne concernée nourrissent un sentiment de mépris et de délaissement. S’il est un endroit où l’humain est encore considéré, c’est bien le bureau du maire.
Vous êtes en désaccord sur ce point, ma chère collègue ?
Encore faut-il, pour répondre aux attentes individuelles et collectives au plus près de nos concitoyens, que l’élu ait le pouvoir et les moyens d’agir. L’article 4 est l’outil idoine pour les élus locaux. Plus largement, cette proposition de loi répond au besoin de souplesse et de liberté de certains de nos territoires pour mieux « coller » aux bassins de vie et satisfaire les attentes de nos concitoyens.
Il y aura évidemment quelques freins supplémentaires à lever, notamment le plafonnement à 50 % de la représentation des communes nouvelles dans certaines intercommunalités. Quoi qu’il en soit, les propos tenus par M. le ministre traduisent l’entier soutien du Gouvernement au présent texte. Je m’en réjouis : c’est de bon augure en vue d’un examen rapide de la proposition de loi par l’Assemblée nationale.
Mme Françoise Gatel et M. Jacques Mézard applaudissent.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, créées par la loi de 2010, les communes nouvelles n’étaient encore qu’au nombre de 18 au début de 2014 ; 13 verront le jour au cours de l’année 2014, puis, stimulées par la loi de mars 2015, les créations se multiplieront – 317 en 2015, 200 en 2016 –, avant que l’élan ne retombe, avec seulement 37 communes nouvelles créées en 2017.
S’il fallait une confirmation du fait que ces fusions de communes sont largement les sous-produits de l’application de la loi NOTRe et des restrictions budgétaires imposées, ces chiffres suffiraient.
L’analyse des schémas départementaux de la coopération intercommunale au 31 décembre 2016 montre qu’un peu plus de 70 % des communes nouvelles regroupent deux ou trois communes seulement, l’essentiel des créations concernant des communes très proches géographiquement, habituées à travailler ensemble et à mutualiser leurs moyens. Rien donc que de très naturel, d’autant que les gains financiers de l’opération ne sont pas négligeables.
Des entretiens que nous avons menés dans le cadre des travaux de la commission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des lois de réforme territoriale, présidée par Mathieu Darnaud, il ressort que, s’agissant des fusions de plus de trois communes, deux catégories de motivations sont principalement invoquées : financières et identitaires.
Les avantages financiers liés à la création des communes nouvelles ne sont pas négligeables, puisque celles créées avant le 1er janvier 2016 bénéficiaient du gel de la baisse de leurs dotations pendant trois ans et d’une majoration de 5 % quand leur taille était comprise entre 1 000 et 10 000 habitants. C’est une discrimination un peu curieuse puisque, en principe, il faut favoriser la réunion de petites communes.
Une fusion de communes est ainsi parfois le moyen de remplacer un EPCI qui, bien que répondant aux besoins de ses communes membres, est appelé à disparaître dans la nouvelle intercommunalité, sans que l’on sache qui assurera la compétence. Finalement, se regrouper dans une commune nouvelle est apparu comme le moyen de continuer à assurer collectivement le service public.
À cette motivation s’est parfois ajouté le désir de peser plus dans la nouvelle intercommunalité, voire au sein des nouvelles grandes régions. Il s’agit d’ailleurs d’une arithmétique discutable, dans la mesure où la somme des sièges accordés à un ensemble de petites communes est très généralement supérieure au nombre de sièges dont elles disposaient avant d’être rassemblées. En résumé, les fusions de communes sont aussi un moyen de se protéger des effets pervers de réformes imposées…
Si l’initiative en matière de création de communes nouvelles revient, généralement, aux maires des communes-centres – ce n’est pas un hasard –, elle est assez bien reçue des autres élus, une lecture rapide de la loi et des exégèses préfectorales, quand cela les arrange, leur donnant parfois l’illusion de gagner sur les deux tableaux, en conjuguant les avantages de la fusion et la conservation de leur commune, comme si l’existence et le fonctionnement des communes déléguées, selon les modalités transitoires autorisées par la loi de 2015, devaient se perpétuer au-delà du renouvellement des conseils municipaux, comme si le maire délégué continuait à représenter une commune fusionnée.
Cette confusion des sentiments et des intérêts montre l’ambiguïté, pour ne pas dire les illusions, d’un certain nombre d’élus engagés dans la création de communes nouvelles. Séduits par la formule, ils veulent croire que les anciennes communes continueront à exister au sein de la commune nouvelle – sous une forme un peu particulière, il est vrai.
C’est en tout cas le sentiment que l’on a eu !
La réalité démentant cet espoir, va-t-on voir se multiplier les propositions de loi visant à créer d’autres règles dérogatoires durant la période de transition, …
… ouvrant par exemple la possibilité de disposer de plus de délégués pour les élections sénatoriales qu’une commune de la même strate démographique que la commune nouvelle, permettant la conservation, dans les communes nouvelles, de la désignation des adjoints au scrutin uninominal pour les seules communes de moins de 1 000 habitants, dispensant du versement aux maires et aux adjoints délégués d’indemnités pleines ?… La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui en est la forme la plus achevée, mais je ne doute pas qu’il y en aura d’autres avant 2020, dont certaines viseront à la pérennisation de dispositions initialement transitoires !
On peut comprendre ces propositions qui, pour la plupart, visent à améliorer le fonctionnement de dispositifs de défense contre les effets pervers des réformes imposées par des idéologues de bureau.
On peut admettre les complications législatives et réglementaires qui en résulteront. Ce ne serait pas les premières. À la rigueur, on peut oublier que les avantages financiers ainsi acquis sont payés par d’autres, mais on ne saurait pérenniser ces avantages, et encore moins oublier l’essentiel : l’opération de promotion des communes nouvelles, comme la transformation de l’intercommunalité en reposoir de communes, vise d’abord à la suppression du plus grand nombre desdites communes.
Je revois encore, comme si c’était hier, le visage épanoui de Jean-Michel Baylet, alors ministre de l’aménagement des territoires, de la ruralité et des collectivités territoriales du gouvernement Valls, livrant à la tribune du Sénat les enseignements des schémas départementaux de coopération intercommunale issus de la loi NOTRe : le nombre des EPCI à fiscalité propre avait baissé de 40 % et, surtout, la France comptait désormais moins de 36 000 communes : 35 498 !
Ainsi va, paraît-il, la modernisation du pays. Souffrez, mes chers collègues, que ni mon groupe ni moi-même ne soutenions cette entreprise d’ensevelissement des communes, que l’on redécouvrira peut-être un jour comme les villas de Pompéi, dans le meilleur des cas.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose de rendre hommage aux victimes des événements de Strasbourg. Il y a déjà deux morts et onze blessés, dont deux en urgence absolue.
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose d’observer une minute de silence pour rendre hommage aux victimes de ce qui pourrait être un attentat.
M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence.
Nous reprenons l’examen de la proposition de loi visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Éric Kerrouche.
Nous sommes ce soir réunis pour discuter des communes nouvelles. Loin du hashtag #BalanceTonMaire, un certain nombre d’élus locaux ont ouvert leur mairie pour recueillir les doléances de la population, montrant ainsi qu’ils incarnaient la vitalité démocratique de notre pays.
Il semble que les élus locaux comptent de nouveau dans la République, ce qui laisse peut-être augurer l’avènement de vrais « pactes girondins », si souvent annoncés, mais guère dévoilés par ce gouvernement.
Dans ce climat de défiance inédit, il est évident que la commune demeure un échelon démocratique de proximité, qui incarne territorialement la permanence du pacte républicain, ne serait-ce que par la devise gravée au frontispice de chacune de nos mairies.
Parmi nos 35 357 communes, une nouvelle dynamique est née, celle des communes nouvelles, que vise à revitaliser cette proposition de loi, sans, selon nous, apporter forcément les solutions les plus adaptées.
Mes chers collègues, il faut soutenir cette dynamique des communes nouvelles, car elle a engendré un mouvement de rationalisation sans précédent. Après l’échec de deux siècles de réformes, après l’échec de la loi Marcellin, les lois de 2010 et de 2015 ont changé la donne en permettant que de la seule volonté des élus locaux procède la transformation de notre tissu communal. Les villes nouvelles regroupent près de 2 millions d’habitants et quelque 200 projets sont en discussion. Comme le rappelait Vincent Aubelle, « la rationalisation du tissu communal opérée dépasse toutes les précédentes tentatives intervenues en la matière depuis 1789 ». Cette solution a pris corps tout simplement parce qu’il s’est agi non pas de réaliser des fusions autoritaires, mais de laisser s’exprimer les territoires.
Cela étant, ces villes nouvelles doivent rejoindre le régime de droit commun. La création d’une commune nouvelle peut soulever la question de la représentation démocratique, mais, pour reprendre les propos tenus la semaine dernière en commission par Mathieu Darnaud, il n’y a qu’un seul modèle, le modèle communal, et il ne s’agit pas de créer des communes hybrides. En effet, une commune nouvelle est avant tout une commune, et elle ne s’inscrit pas dans une opposition à la logique d’intercommunalité.
Il importe de conserver ce principe à l’esprit pour ne pas déséquilibrer le jeu institutionnel. À cet égard, je m’attarderai plus particulièrement sur les articles 1er et 4. Mon collègue Didier Marie traitera tout à l’heure des autres.
Ces deux articles ne me semblent pas apporter des solutions suffisamment adaptées pour assurer une transition douce vers le régime communal de droit commun.
L’article 1er vise à répondre à la crainte d’une chute trop brutale du nombre de conseillers municipaux entre le premier et le deuxième renouvellement. Son texte, tel qu’il était rédigé initialement, ne permettait pas, par exemple, que des cas de figure comme celui de Colombey-les-Deux-Églises puissent recevoir une solution satisfaisante. Il a été complètement récrit, mais dans quelle perspective, sinon celle de maintenir un peu plus de conseillers municipaux pendant un peu plus longtemps, pour aboutir finalement à une chute tout aussi brutale de l’effectif lors du renouvellement suivant ? Est-il vraiment utile de reculer pour mieux sauter ?
Par ailleurs, l’article 4 exonère les communes nouvelles de l’obligation de se rattacher à un EPCI, ce qui soulève également des difficultés. Selon nous, ce dispositif doit être mieux évalué en vue de mieux l’encadrer.
La première solution, et je n’y suis pas opposé, consisterait à élire, de façon paradoxale, le président de l’EPCI au suffrage universel, puisque le maire de la commune nouvelle en serait de fait le président. Je ne pense pas que tel était le but recherché.
La deuxième consiste à créer une dérogation permanente qui, par ailleurs, ne correspond que partiellement à la réalité. En effet, même s’il ne s’agit plus, dans le texte, de « communes-communautés », je rappelle que seulement 3, 1 % des communes nouvelles regroupent plus de dix communes et que seules 6 % d’entre elles comptent plus de 5 000 habitants. La véritable question est la suivante : faut-il créer une nouvelle catégorie juridique dérogatoire permanente ? Faut-il courir le risque d’avoir des communes nouvelles défensives au regard d’une intégration dans un EPCI ?
Au lieu de maintenir le principe de rattachement comme principe de droit commun et d’envisager des dérogations encadrées, il nous semble préférable d’avoir des solutions ad hoc plutôt qu’une solution permanente pour l’ensemble des communes.
Comme le disait le doyen Jean Carbonnier, qui parlait aussi de droit « flexible », « le droit est trop humain pour prétendre à l’absolu de la ligne droite ». Le droit doit être flexible, c’est vrai, mais pas au risque de se déchirer.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. Emmanuel Capus applaudit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rappellerai la position traditionnelle du groupe du RDSE sur les fusions de communes et l’évolution de nos collectivités territoriales.
Le principe qui nous guide, c’est le respect de la liberté exprimée par les élus locaux. Tel ne fut pas le cas avec la loi NOTRe
Marques d ’ approbation sur des travées du groupe Les Républicains.
… de sinistre mémoire pour nous. Tel ne fut pas le cas avec les fusions de régions, imposées sans aucune consultation ni des conseils régionaux ni des conseils départementaux.
Tel ne fut pas le cas avec les fusions d’intercommunalités, lorsque, sur la base d’un rapport d’un commissaire général à l’égalité des territoires, le gouvernement précédent décida qu’il fallait 1 000 intercommunalités, et pas plus, de 20 000 habitants au moins, en vertu d’une réflexion bureaucratique, tout simplement…
En ce qui concerne les communes, heureusement, nous avons échappé à la fusion autoritaire. Je pense que c’est une bonne chose, car la commune, quoique d’aucuns puissent en dire, est encore l’échelon de proximité auquel nos concitoyens sont attachés.
Néanmoins, nous avons toujours soutenu la possibilité de réaliser des fusions de communes. Dans nombre de cas, cela peut être un progrès, un moyen de mieux gérer et de résoudre certains problèmes. Ceux qui sont le mieux à même de le dire, ce sont les élus des conseils municipaux et les maires. Ce sont donc eux qu’il faut écouter.
En effet, on se rend compte encore davantage aujourd’hui, dans les moments un peu difficiles que nous vivons, que l’on a particulièrement besoin de l’échelon de proximité. Lorsque l’on est loin du terrain, monsieur le ministre, il peut arriver que l’on fasse beaucoup d’erreurs, même si, je l’ai bien compris, les choses vont beaucoup mieux depuis deux mois, plus précisément depuis le 16 octobre, en matière de cohésion des territoires…
Sourires.
Nous y reviendrons à l’occasion d’autres débats, mais il n’y a jamais de mal à se faire plaisir !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je vous reconnais bien là, monsieur le ministre !
Nouveaux sourires.
Ce qui est important, c’est que l’on simplifie au maximum les démarches pour permettre aux élus locaux, aux conseils municipaux qui le souhaitent de réaliser des fusions de communes. J’insiste bien sur la nécessité du volontariat : il n’y a rien de pire que les fusions imposées. Tout peut prêter à difficulté, à commencer par le nom des nouvelles communes. Aujourd’hui, on se rend compte sur le terrain que lorsque le nom de la commune nouvelle est mal choisi, cela engendre des difficultés au quotidien, en particulier concernant l’appréhension de la fusion par les citoyens.
Nous considérons que ce texte va dans le bon sens, parce qu’il ne crée pas de contraintes nouvelles. Il permet plutôt une simplification et je pense que son dispositif pourra être complété au cours de la navette.
Cela étant, il serait bon, monsieur le ministre, que l’on avance globalement une bonne fois sur la simplification et les moyens à mettre à disposition des conseils municipaux, plutôt que d’élaborer un nouveau texte tous les ans ou tous les deux ans, ce qui ne simplifie pas le travail des élus locaux.
J’ai déposé un amendement visant à faire davantage respecter le principe de la libre administration des communes. En effet, il n’est pas bon que le préfet passe outre lorsque des conseils municipaux ou la commission départementale de la coopération intercommunale, la CDCI, se sont exprimés. Je sais bien que l’administration, notamment la direction générale des collectivités locales, entend souvent imposer plutôt qu’écouter, mais ce n’est pas une bonne chose. Si le Sénat adopte cet amendement tendant à ce qu’il soit tenu compte du vote à la majorité simple de la CDCI dans certains cas de regroupement, ce sera un progrès.
Je terminerai en évoquant un cas concret, qui va se multiplier : celui de la fusion de deux communes de moins de 3 500 habitants issues de deux cantons différents. Dans cette hypothèse, il leur faut choisir leur canton de rattachement.
En effet.
La circulaire du 16 mars 2018 ne permettra pas de régler les difficultés posées par la fusion de deux communes issues de deux cantons différents. Là encore, l’administration s’est distinguée, cette circulaire laissant au ministère la liberté de faire ce qu’il a envie de faire. Je vous la cite : « Ainsi, afin de ne pas remettre en cause le découpage cantonal effectué en 2014 mais seulement de procéder ponctuellement à des rectifications, le ministre de l’intérieur procèdera à l’examen au cas par cas de ces demandes en tenant compte des circonstances locales, et notamment – un terme que la commission des lois n’aime pas – de l’accord des communes et conseil départemental concernés. » Il sera donc procédé au cas par cas, mais la loi ne peut pas se contenter du cas par cas. Comme il semble s’agir d’un décret, je pense qu’on aurait pu le prendre depuis longtemps !
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à remercier Mme Françoise Gatel pour cette proposition de loi. Je sais qu’elle a travaillé en partenariat étroit, au sein de l’Association des maires de France, l’AMF, avec Philippe Chalopin, maire de Baugé-en-Anjou, dans notre département de Maine-et-Loire, qui porte la parole des communes nouvelles avec conviction et pragmatisme.
Le Maine-et-Loire est un département « hors normes » par l’ampleur de la recomposition territoriale qu’il connaît depuis 2013, date de la naissance de la première commune nouvelle, celle précisément de Baugé-en-Anjou. En 2012, le département comptait 363 communes, contre seulement 184 au 1er janvier 2018, soit une réduction de près de 50 %. Au 1er janvier 2019, quatre communes nouvelles verront le jour, regroupant neuf communes au total, et une commune rejoindra une commune nouvelle déjà créée. Les communes de Maine-et-Loire ne seront donc plus que 178, soit une diminution de leur nombre de plus de la moitié, avec des regroupements réunissant de deux à quinze communes. La carte des EPCI s’est, elle aussi, modifiée, leur nombre passant de trente à neuf, dont une communauté urbaine et trois communautés d’agglomération.
Cette évolution est le fruit d’une histoire de coopération ancienne entre les communes. La dernière commune à avoir rejoint une intercommunalité l’a fait il y a plus de vingt ans. Cela se traduit par des habitudes de travail en commun, avec des communautés de communes pour certaines très intégrées. L’exemple le plus abouti est celui des Mauges, où six communautés de communes, au sein d’un pays dynamique, sont devenues six communes nouvelles, formant une communauté d’agglomération rurale sans ville-centre et comptant 120 000 habitants.
Il est vrai que cela n’est pas toujours un long fleuve tranquille ! Loin de moi l’idée de stigmatiser les élus municipaux qui avancent à leur rythme ou qui souhaitent maintenir leur commune historique.
Mais il faut aussi répondre à ceux qui sont allés loin dans la recomposition, sur la base d’un projet territorial fort, et pas seulement en raison de l’appât financier de dotations préservées. Nos EPCI, en Maine-et-Loire, dépassent très largement le seuil démographique imposé par la loi. Certaines intercommunalités n’ont pas souhaité en rester à ce seuil et ont fusionné, ce qui a aussi encouragé la création de communes nouvelles.
Après avoir rencontré, en 2016 et en 2017, les représentants des communes nouvelles juste après leur création, mon collègue Stéphane Piednoir et moi-même avons, depuis janvier 2018, organisé des réunions de travail pour échanger sur les constats et les attentes après plusieurs mois d’existence.
Si la population est attachée à la commune historique, elle s’est plutôt bien adaptée au nouveau mode de gestion que représente la commune nouvelle. Subsistent des difficultés pratiques, mais qui sont d’ordre non législatif, notamment l’adressage. L’harmonisation fiscale, elle, se passe plutôt bien.
Les agents territoriaux ont des perspectives d’évolution de carrière plutôt positives. Un renforcement en personnel d’encadrement est néanmoins parfois indispensable à une collectivité plus grande, ce qui limite au début les gains en charges de personnel.
Du côté des élus, concernant ce mandat complexe 2014-2020, quatre questions sont soulevées.
La première est celle du nombre de conseillers en 2020 : la commission a proposé un autre mode de calcul que celui figurant dans le scénario initial de la proposition de loi ; Stéphane Piednoir et moi vous en soumettrons un autre encore.
La deuxième question est celle du partage des compétences entre communes et EPCI. Ce que veulent les élus, c’est de la souplesse. Ils souhaitent qu’on leur fasse confiance pour répartir les compétences : la stratégie aux EPCI, dont la taille est aujourd’hui supérieure à ce qu’elle était auparavant, et la proximité aux communes. C’est d’autant plus vrai lorsque, au sein de I’EPCI, d’anciennes communautés de communes sont devenues communes nouvelles.
La troisième question est celle de la compétence en matière d’urbanisme : il conviendrait de laisser le plan local d’urbanisme, ou PLU, à la commune lorsque celui-ci a d’abord été élaboré en tant que PLU intercommunal sur le périmètre d’une ancienne intercommunalité.
Enfin, la quatrième question est celle de la possibilité d’une commission permanente.
Les quatre amendements que Stéphane Piednoir et moi avons déposés visent à répondre à ces questions. Celui qui était relatif à la répartition des compétences a été déclaré irrecevable, mais le sujet demeure néanmoins.
Pour conclure, monsieur le ministre, confiance et souplesse doivent être nos maîtres mots. Le président Macron avait pris un engagement formel, il y a un an, en recevant les membres du bureau du Sénat. J’avais alors notamment évoqué devant lui et nos collègues ce sujet des compétences. Son récent message et sa volonté désormais affichée d’écouter les élus nous font espérer un avis favorable à cette proposition de loi et à nos ajustements. Notre groupe votera ce texte.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, je salue notre collègue Agnès Canayer, rapporteur, pour tout le travail qu’elle a effectué sur ce texte.
Je pourrais aisément, ce soir, plaider coupable de porter la voix de mon groupe, moi qui suis sénateur d’un département ne comptant, à ce jour, aucune commune nouvelle !
Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Sourires.
Pourtant, loin de moi l’idée de me sentir coupable !
Nombreux sont les orateurs à l’avoir rappelé, à commencer par notre collègue Jacques Mézard, l’intérêt de ce texte est de ne pas prévoir de fusions autoritaires et d’affirmer que l’initiative doit rester aux élus locaux.
Quelques échos et rumeurs, parfois même quelques esquisses de rapports, donnent à penser que la population de la commune de demain ne saurait être inférieure à un certain seuil. Je le dis avec force, nous ne voulons pas de ce modèle de commune-là !
L’intérêt et les apports de ce texte tiennent à ce qu’il épouse la philosophie de la loi Pélissard, laquelle pose pour principe fondamental de laisser aux élus la liberté de constituer ou non une commune nouvelle.
Je remercie le président de la commission des lois, Philippe Bas, d’avoir, avec le président du Sénat, souhaité la mise en place de la commission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des lois de réforme territoriale, dont font partie de nombreux collègues ici présents. Elle permet d’observer en temps réel ce qui se passe sur nos territoires. Cela nous invite à regarder les choses avec lucidité, à réaffirmer que la liberté de choix doit rester aux élus. Il importe, surtout, de faire en sorte que le fait générateur des communes nouvelles soit avant tout l’affectio societatis, ce qui fait sens, le projet de territoire, et non pas les incitations financières ou toute obligation qui pourrait être imposée aux communes.
J’en suis convaincu, si les communes nouvelles peuvent être une avancée et représenter une part de l’esprit communal, les dérogations prévues dans ce texte doivent clairement être limitées dans le temps, avant un retour progressif au droit commun. Je sais que nous nous rejoignons, Mme la rapporteur et moi, pour refuser un système hybride. Je ne sais pas si c’est là la « doctrine Darnaud » dont parlait M. Kerrouche, mais c’est ma conviction : la commune doit rester la commune ; il n’y a pas de modèle hybride, il ne doit pas y avoir de dérogation durable. Je le dis avec force, nous souhaitons que le dispositif de ce texte se borne à 2026, avant un retour progressif au droit commun, afin que demain les communes nouvelles soient des communes comme toutes les autres. Il n’y a pas de bon ou de mauvais modèle, ce qui importe, c’est la volonté du législateur de préserver le rôle de la commune.
Si le rapport que j’ai fait au nom de la mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des lois de réforme territoriale porte sur la revitalisation de l’échelon communal, c’est parce qu’aujourd’hui tout nous invite à réaffirmer le rôle essentiel de la commune dans l’architecture institutionnelle française. La commune est avant tout l’échelon de base de la démocratie locale, l’échelon de proximité, le lien essentiel entre nos concitoyens et leurs élus, ceux qui les représentent au quotidien.
Les dispositions de cette proposition de loi de notre collègue François Gatel, dont je salue l’initiative, permettent de mettre de l’huile dans les rouages, de faire vivre l’esprit communal en faisant en sorte que, progressivement, les communes nouvelles deviennent de nouvelles communes.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, chers collègues, depuis son institution par l’Assemblée nationale constituante, le 14 décembre 1789, la commune reste la cellule de base de notre organisation territoriale, le socle de l’ensemble de l’architecture locale, l’échelon fondamental du « vivre ensemble ».
La commune est bien plus qu’une collectivité territoriale : c’est le lieu où l’on vit, où l’on puise une part importante de son identité, de ses racines et où l’on développe ses relations sociales.
Plusieurs de nos voisins ont choisi de fusionner les communes de façon plus ou moins autoritaire. La France compte 40 % des communes européennes. Certains y voient un handicap, du fait de la petite taille de nos communes, les trois quarts d’entre elles regroupant moins de 1 000 habitants. J’y vois, pour ma part, une chance, celle de l’engagement de près de 500 000 élus locaux, majoritairement bénévoles. Ils exercent, et c’est particulièrement important dans cette période troublée, un véritable rôle de médiateur traitant les problèmes quotidiens, instaurant du lien social, garantissant une présence publique.
Depuis quelques dizaines d’années, les communes ont connu des évolutions majeures. Elles ont été affectées par de forts mouvements démographiques et sociologiques et, plus récemment, par la montée en puissance de l’intercommunalité, la raréfaction des ressources financières et une complexité administrative croissante.
La petite taille de certaines communes a pu devenir, faute de moyens administratifs, techniques et financiers adéquats, un frein à l’action locale et un nombre croissant d’élus ont donc opté pour un regroupement. Volontairement ou sous la pression de la loi, l’intercommunalité est venue, pour partie, pallier ces difficultés, mais l’augmentation du périmètre de celle-ci a rebattu les cartes.
Ainsi, les communes nouvelles créées en 2010 sont apparues comme un bon moyen de rapprocher les communes sur la base du volontariat. La loi de 2015 a rendu le régime des communes nouvelles plus attractif en levant certains obstacles institutionnels, financiers, voire psychologiques. Elle a amélioré les dispositions organisant les premières années de vie de la commune nouvelle et la place des élus municipaux dans ses institutions, garanti le maintien d’une identité communale, notamment en matière d’urbanisme, assoupli les modalités de rattachement à un EPCI à fiscalité propre et garanti, par un pacte financier, le niveau des dotations budgétaires cumulées des anciennes communes.
Aujourd’hui, les communes nouvelles permettent de redonner aux élus des capacités d’action, de mutualiser les moyens et de renforcer les services offerts à la population, mais aussi de repositionner la commune au sein de son environnement territorial.
On peut ainsi penser que, loin de s’opposer au développement de l’intercommunalité, des communes plus importantes, gérées par des élus enthousiastes, peuvent être plus promptes à collaborer avec leurs voisines, redonnant ainsi du sens à l’idée de communes fortes dans des intercommunalités fortes. C’est pourquoi nous nous réjouissons que cette forme d’organisation se développe.
Toutefois, chers collègues, je tiens à souligner, une fois de plus, qu’une commune nouvelle est une commune à part entière et qu’il n’est pas nécessairement judicieux de multiplier les dérogations au statut communal.
Je veux insister ici sur deux points.
D’une part, à l’heure où nos concitoyens demandent une action publique rationnelle et efficace, notre objectif doit être d’apporter des solutions nouvelles aux élus locaux, sans remettre en cause les qualités démocratiques et la proximité qui caractérisent nos communes actuelles. Une fusion réussie repose sur un projet de territoire librement partagé par des élus volontaires et sur l’expérience du travail en commun.
D’autre part, la création de communes nouvelles ne doit pas constituer un frein à la promotion de l’intercommunalité. En effet, bon nombre d’entre elles ne compteront que quelques milliers d’habitants, voire quelques centaines, et n’auront pas les moyens de se dispenser d’une coopération intercommunale.
C’est à l’aune de ces principes que nous faisons une lecture circonstanciée de la proposition de loi de Mme Gatel, qui marque une approche volontariste et manifeste une attention louable, mais dont la version initiale, par la multiplicité des dérogations, s’écartait du statut de commune.
En ce sens, nous soutenons la proposition faite par Mme la rapporteur à la commission des lois de supprimer l’article 2 et nous ne sommes pas favorables à l’amendement de M. Hervé.
À l’article 3, la rapporteur a proposé une rédaction qui résout les difficultés techniques du texte initial, mais qui valide la possibilité de procéder à l’élection du maire en dépit d’un nombre de vacances pouvant s’élever jusqu’au tiers du conseil municipal ; j’y reviendrai, mais nous considérons que c’est trop.
Par ailleurs, nous voterons les trois articles ajoutés par la commission des lois.
L’article 5 vise à placer les maires délégués immédiatement après le maire dans l’ordre du tableau, au motif qu’ils sont de droit, jusqu’au prochain renouvellement, les maires des anciennes communes. Nous souscrivons à cette disposition, somme toute logique.
L’article 6, quant à lui, limite les effets de seuil qui engendrent de nouvelles obligations. Qu’il s’agisse des contraintes en matière de réalisation de logements sociaux, d’accessibilité, d’accueil des gens du voyage, il ne faut pas que les élus aient devant eux une montagne infranchissable ; il faut qu’ils puissent gravir la pente petit à petit. À cet égard, cet article offre une souplesse utile.
Enfin, nous sommes favorables à l’article 7, qui allège les règles d’établissement de mairies annexes.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, chers collègues, nous sommes plus que favorables aux communes nouvelles, mais parce que nous croyons en ce modèle, nous ne pensons pas qu’il faille élargir les exceptions. Une commune nouvelle est avant tout une commune. C’est pourquoi nous opterons pour une abstention bienveillante sur ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui de la proposition de loi de Mme Françoise Gatel visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires. Il s’agit bien, en effet, d’insister sur la notion de « diversité des territoires ».
Je suis le porte-parole d’un territoire de la région Occitanie Pays catalan, qui représente moins d’un dixième des fusions de communes. Mon département, les Pyrénées-Orientales, reste, pour l’instant, peu impliqué dans le mouvement. Cela prouve qu’il ne suffit pas, chers collègues, de mettre en place des incitations financières pour motiver les communes à se regrouper.
Cette situation résulte essentiellement de la configuration géographique de mon département, territoire méditerranéen et pyrénéen, et de sa culture. Ses habitants incarnent très bien le principe de la différenciation territoriale. En effet, s’ils veulent être intégrés sur le plan économique, ils veulent aussi que leurs particularités culturelles soient comprises et respectées. La situation est différente de celle de l’Ille-et-Vilaine, où beaucoup de communes ont voulu très rapidement fusionner pour bénéficier des aides financières, sans réellement prendre conscience des difficultés de mise en application du « vivre ensemble », du « délibérer ensemble » et du « bâtir ensemble », et se retrouvent aujourd’hui confrontées à celles-ci, ainsi qu’à des problématiques financières.
Depuis un an, nous assistons à une stagnation des fusions de communes. Le découragement des élus est lié à la perte de confiance des collectivités territoriales à l’égard de l’État et au manque d’autonomie fiscale, qui s’est accentué cette dernière année. La suppression non compensée de la taxe d’habitation représente une perte importante, tout comme la baisse de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR. S’y ajoutent le poids des normes ou les obligations nouvelles qui constituent des freins importants à la volonté de fusionner.
Nous constatons, bien sûr, les effets positifs de la création des communes nouvelles depuis son lancement en 2015 dans les territoires, grâce aux dispositifs facilitant leur mise en place et suscitant un réel intérêt pour la mutualisation des charges et l’investissement commun. Cela permet à certains gros projets d’aboutir plus rapidement et de faire des économies. D’ailleurs, le ministère de l’intérieur, par la circulaire du 16 mars 2018 adressée aux préfets, a rappelé l’intérêt de la création de communes nouvelles.
Compte tenu du contexte national et des relations du Gouvernement avec les collectivités locales, le texte en question est indispensable en ce qu’il redonne du pouvoir aux élus en termes d’organisation et d’autonomie d’action. Il est aussi indispensable en ce qu’il vise à fluidifier les relations entre élus, en permettant notamment aux plus petites communes d’être mieux représentées, ce qui devrait logiquement les inciter à se rassembler.
Cette proposition de loi devrait également, à moyen terme, dans la perspective des prochaines élections municipales, redonner une impulsion et une dynamique aux communes nouvelles, déjà créées ou à venir.
Maintenant que l’intercommunalité a pris un essor considérable, ce texte permettra d’inciter à la création de communes nouvelles à l’intérieur des intercommunalités et de rééquilibrer le poids des communes nouvelles par rapport à la commune-centre.
Enfin, ce texte répond à l’objectif d’équilibre des territoires en permettant, par l’assouplissement des règles, la prise en compte des spécificités des communes et en donnant ainsi aux élus la possibilité de reprendre leur destin en main.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.
Je veux remercier le ministre de l’engagement qu’il avait pris lors du débat sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et qu’il a renouvelé ce soir de faire inscrire le présent texte, s’il est adopté par le Sénat, à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. C’est un point très important.
Je préfère de beaucoup cette démarche, ayant souvenir d’autres textes qui n’ont pas connu un tel sort : je pense notamment à la proposition de loi relative à l’eau et à l’assainissement. Je tenais à remercier publiquement M. Lecornu, car c’est grâce à son action personnelle au sein du Gouvernement que ce texte va pouvoir poursuivre son parcours !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
I. – Le premier alinéa de l’article L. 2113-8 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce nombre ne peut être inférieur au tiers de l’effectif du conseil municipal en exercice lors de la création de la commune nouvelle, arrondi à l’entier supérieur et augmenté d’une unité en cas d’effectif pair. »
II
1° Le I est ainsi modifié :
a) Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « Dans les communes dont le conseil municipal, composé selon les modalités fixées à l’article L. 2113-7 du code général des collectivités territoriales ou à l’article L. 2113-8 du même code, comprend 29 membres ou moins, celui-ci élit parmi ses membres… (le reste sans changement). » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Lorsque la détermination du nombre de délégués est impossible en application du même article L. 284, elle s’opère dans les conditions prévues aux II et III du présent article. » ;
c) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Dans les communes mentionnées au premier alinéa du présent I, sauf dans le cas mentionné au deuxième alinéa, le nombre de délégués ne peut être inférieur à celui auquel aurait droit une commune comptant la même population. » ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Dans les communes dont le conseil municipal, composé selon les modalités fixées à l’article L. 2113-7 du code général des collectivités territoriales, comprend plus de 29 membres, tous les conseillers municipaux sont délégués de droit. En outre, dans les communes de plus de 30 000 habitants, les conseils municipaux élisent des délégués supplémentaires dans les conditions prévues au second alinéa de l’article L. 285 du présent code. » ;
b) Au deuxième alinéa, la première occurrence du mot : « ni » et les mots : «, ni être inférieur à celui auquel aurait droit une commune comptant la même population » sont supprimés ;
3° Il est ajouté un III ainsi rédigé :
« III. – Dans les communes dont le conseil municipal, composé selon les modalités fixées à l’article L. 2113-8 du code général des collectivités territoriales, comprend plus de 29 membres, celui-ci élit parmi ses membres un nombre de délégués égal au nombre de conseillers municipaux prévu à l’article L. 2121-2 du même code pour une commune appartenant à la strate démographique immédiatement supérieure. En outre, dans les communes de plus de 30 000 habitants, les conseils municipaux élisent des délégués supplémentaires dans les conditions prévues au second alinéa de l’article L. 285 du présent code.
« Toutefois, le nombre de délégués ne peut excéder le nombre total de délégués auquel les anciennes communes avaient droit avant la création de la commune nouvelle. »
L’amendement n° 12 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, MM. Morisset, Rapin, Brisson et Chaize, Mme Gruny, M. Meurant, Mmes Duranton et Berthet, MM. de Legge, Paccaud, Vogel, Lefèvre, Milon, D. Laurent, Dallier et Revet, Mmes Deromedi, Noël, Bories et Lamure, M. Pierre et Mme Chauvin, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
I. – Le premier alinéa de l’article L. 2113-8 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cet effectif est augmenté d’un nombre égal à celui des communes déléguées lorsque celles-ci existent, et d’une unité supplémentaire si l’effectif en résultant est pair. »
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
Je voudrais, à mon tour, remercier Mme Françoise Gatel d’avoir déposé cette proposition de loi qui vise à accompagner la création de communes nouvelles, fait majeur dans notre département, le Maine-et-Loire, comme l’a indiqué ma collègue Catherine Deroche.
Le département de Maine-et-Loire est avant-gardiste à bien des égards en matière de création de communes nouvelles. En effet, le nombre de ses communes est passé de 363 à 181, et bientôt à 178, soit une réduction de l’ordre de 50 %, et certaines de ses communes nouvelles ont épousé le périmètre d’anciennes intercommunalités, pour rassembler quelque 20 000 habitants et se regrouper elles-mêmes en une grande intercommunalité.
La mise en œuvre de la loi NOTRe a parfois été un peu mal vécue, avec des mariages forcés d’intercommunalités. Le dépôt de cet amendement répond à une demande expresse des élus du département de Maine-et-Loire, qui souhaitent voir garantir une représentation suffisante des communes déléguées au sein de la commune nouvelle et, partant, au sein des différents organes des intercommunalités.
Je propose, par cet amendement, un mode de calcul de l’effectif des conseillers municipaux légèrement différent de celui qui était initialement prévu par la proposition de loi : il s’agit simplement d’ajouter un conseiller par commune déléguée. Bien sûr, l’application d’une telle disposition entraînera une hausse de l’effectif des conseillers municipaux, mais moindre que celle qu’emporterait la mise en œuvre de la proposition de la commission. Par exemple, la commune de Segré-en-Anjou Bleu, dans le Maine-et-Loire, compterait 45 conseillers municipaux selon le mode de calcul de la proposition de loi de Mme Gatel, 48 selon le nôtre et 70 selon celui de la commission, ce qui serait excessif et ne correspond pas à la demande des élus.
Nous préférons en rester au dispositif adopté par la commission des lois, qui prévoit que l’on ne peut ramener l’effectif du conseil municipal de la commune nouvelle lors du premier renouvellement à un chiffre inférieur au tiers du nombre des conseillers municipaux en exercice lors de la création de la commune nouvelle, sachant qu’un certain nombre de difficultés pourraient se poser pour les communes ayant conclu des accords locaux. Il faudra améliorer le texte sur ce point au cours de la navette.
Nous préférons néanmoins ce dispositif, qui s’appliquera à plus d’une cinquantaine de communes nouvelles : il représente à mon avis un subtil équilibre entre celui de la proposition de loi initiale, qui ne concernait que moins de vingt communes nouvelles, et le vôtre, monsieur Piednoir, qui englobe la totalité des communes nouvelles.
Nous sommes conscients que le Maine-et-Loire est précurseur en la matière et a une grande expérience, mais nous pensons que votre dispositif ne répond pas aux objectifs de retour progressif au droit commun et de lisibilité du mode de désignation des conseillers municipaux dans cette deuxième période.
Pour ces raisons, je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement. Sinon, l’avis sera défavorable.
Monsieur le sénateur Piednoir, après avoir parlé de liberté lors de la discussion générale, nous allons maintenant parler de souplesse et de simplification.
Le mode de calcul imaginé par la commission des lois est probablement le plus simple et il permet d’assurer la transition la plus acceptable pour les élus. Il a d’ailleurs fait l’objet d’une concertation avec l’ensemble des associations d’élus.
Vous avez raison, madame la rapporteur, de mettre en exergue le cas où un accord local a été passé. Je me tourne vers les deux sénateurs de l’Eure présents dans l’hémicycle, la commune de Vexin-sur-Epte se trouvant dans ce cas de figure. Il faudra effectivement profiter de la navette pour régler la difficulté, peut-être tout simplement en maintenant le statu quo le temps d’un mandat supplémentaire.
Je demande le retrait de cet amendement, afin de conserver l’équilibre trouvé en commission, en concertation, je le redis, avec les associations d’élus – lorsque le Gouvernement ne les consulte pas suffisamment, on ne manque pas de lui en faire reproche. À défaut, l’avis sera défavorable.
Coauteur, avec Françoise Gatel, du rapport d’information d’avril 2016 de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ayant pour titre « Les communes nouvelles : histoire d’une révolution silencieuse » et, pour sous-titre, « Raisons et conditions d’une réussite », il me semble utile d’établir une distinction entre la philosophie de ce rapport et la proposition de loi qui en découle.
Personnellement, je suis tout à fait favorable aux communes nouvelles : elles offrent une grande souplesse, émanent du terrain, sont l’expression d’une volonté des élus locaux réunis autour d’un projet de territoire, à la différence des tentatives de regroupements de communes qui ont eu lieu au cours de l’histoire de France. On cite toujours la loi Marcellin, qui a donné lieu à des mariages suivis de divorces, mais il est une expérience plus ancienne : la création des municipalités de canton à l’époque du Directoire, entre 1795 et 1797. Cela a été un échec terrible, parce que les moyens faisaient défaut.
Les communes nouvelles présentent l’avantage de sauvegarder le bloc communal et, en même temps, de revitaliser la ruralité, qui souffre considérablement aujourd’hui. Je suis élu du département de la Somme, médaille de bronze en termes de nombre de communes : il en compte 779, dont 115 de moins de 100 habitants, qui ne disposent plus de moyens, tirent la langue et souffrent. Se regrouper est, pour elles, le moyen de s’en sortir. En ce XXIe siècle, le maintien de microcommunes de 50, 20, 5 habitants parfois est-il pertinent ? Aux maires de mon département, je dis que deux solutions s’offrent à eux : mourir seuls ou vivre ensemble…
Je m’inscris en faux contre les propos de mon collègue ardéchois Mathieu Darnaud : à mon sens, la faiblesse de la loi Pélissard de 2015 réside dans l’absence de seuil plancher. Évidemment, dans la mesure où elle donne la primauté à la liberté et à la souplesse, imposer un plancher serait contraire à l’esprit de cette loi. Reste que lorsque l’on fédère de la misère, on génère de la misère : trois communes de 100 habitants réunies, cela ne fait toujours que 300 habitants. L’intérêt de fusionner des communes, c’est de mutualiser les moyens, mais aussi de mettre en place des services de proximité pour la population.
Mme Françoise Gatel applaudit.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne pensais pas que la discussion me donnerait raison aussi rapidement !
Sourires.
À l’approche de 2020, les propositions de loi ou d’amendement se multiplient ; c’est normal, car les problèmes sont nombreux.
Il semble qu’un certain nombre de collègues et de maires n’ont pas encore intégré le fait que les représentants d’une commune nouvelle ne représentent pas les anciennes communes ! Dans leur esprit, c’est comme si l’ancien système perdurait sous une autre forme.
Mais si ! C’est l’impression que M. Darnaud et moi avons retiré des échanges que nous avons eus sur le terrain, même s’il semble l’avoir oublié. Nous nous sommes alors dit que le réveil risquait d’être un peu difficile en 2020, car beaucoup d’élus locaux croient qu’ils pourront continuer à faire vivre leur ancienne commune sous une autre forme.
Ce n’est peut-être pas le cas dans votre département, ma chère collègue, mais c’est tout de même ce qui est ressorti de nos discussions.
Quant à savoir si deux communes de 300 habitants seront plus riches une fois réunies, c’est un autre problème ! Là n’est peut-être pas la solution. On me dit qu’une commune de 50 habitants ne peut rien faire, mais si elle disparaît, qui fera son travail ? L’État ?
À mon tour, je tiens à souligner l’intérêt et la grande qualité de cette proposition de loi. Françoise Gatel a vraiment accompli un excellent travail. En cela, on voit l’importance d’avoir des élus de terrain qui font remonter ce qu’ils entendent quand ils se trouvent dans leur département. Je salue également le travail de la commission des lois et de sa rapporteur. Enfin, je remercie le ministre d’avoir apporté son soutien à cette proposition de loi et annoncé qu’il ferait en sorte qu’elle soit inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Comme l’a indiqué le président de la commission des lois, nous n’avons malheureusement pas été habitués à une telle attitude depuis dix-huit mois. J’ai pour ma part en mémoire cinq ou six propositions de loi qui n’ont même pas été inscrites à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale après avoir été adoptées par le Sénat…
Concernant l’article 1er, il est effectivement des cas que l’assouplissement introduit ne permettra pas de régler. Il en est ainsi, dans mon département de l’Eure, de celui de la commune nouvelle de Vexin-sur-Epte, qui a, dès le départ, fait le choix de ne pas se doter du nombre maximum de conseillers municipaux, à savoir 160. En divisant ce nombre par trois, on aboutirait à un effectif supérieur à celui de 33 conseillers municipaux prévu par le droit commun pour la strate démographique à laquelle appartient cette commune, mais cette dernière a fixé à 50 seulement le nombre de ses conseillers municipaux lors de sa création…
J’aurais pu être tenté de voter cet amendement, mais je suivrai l’avis de la commission et du ministre, au regard de l’engagement pris de régler ces cas particuliers au cours de la navette. Il n’est pas facile de faire en sorte qu’il n’y ait pas de perdants, mais il faut essayer !
Comme Philippe Bas, je suis élu du département de la Manche, qui est pionnier en matière de création de communes nouvelles.
Jacques Pélissard a joué un rôle déterminant dans la création de communes nouvelles en prévoyant l’existence des communes déléguées. Il est utile de conserver tout ce qu’il n’est pas nécessaire de détruire, disait Portalis.
Les communes nouvelles sont certes des communes à part entière, mais elles sont aussi, dans cette période transitoire, des communes entièrement à part. Il subsiste, dans les communes déléguées, des identités culturelles forgées par l’histoire, un tissu associatif dynamique, des élus de proximité qui font vivre la démocratie au quotidien. Il serait dommage de tirer un trait sur tout cela.
C’est pourquoi il serait peut-être nécessaire de compléter cette proposition de loi au cours de la navette, afin de reconnaître par exemple que les communes déléguées peuvent être considérées comme des quartiers au sens de la loi de 2002 relative à la démocratie de proximité et que, à ce titre, elles doivent être obligatoirement dotées de conseils de quartier. Cela permettrait de ménager une transition avec le conseil municipal.
Je conclurai mon intervention en évoquant le cas particulier de Cherbourg-en-Cotentin, ville nouvelle de 80 000 habitants qui a regroupé Cherbourg-Octeville, dont j’étais alors le maire, et les cinq autres communes de l’ancienne communauté urbaine. Elle compte aujourd’hui 163 conseillers municipaux, mais elle n’en comptera plus que 55 lors de la prochaine mandature. Or, en vertu d’un accord local, nous devrions avoir en principe 59 représentants au sein du conseil de la nouvelle communauté d’agglomération Le Cotentin, l’une des plus grandes de France avec ses 132 communes. Je ne suis pas jaloux du fait que la commune voisine de La Hague, avec seulement 11 800 habitants, se voie attribuer 78 élus, mais il faudra aussi résoudre ce problème particulier.
Je crains que nous n’ayons pas de bonne solution.
Tout le monde s’accorde à dire que la commune nouvelle est une commune comme les autres, mais que, en même temps, il faut lui conserver temporairement une certaine spécificité en matière de représentation. Jusqu’à quand et pourquoi ? Prenons les choses à l’envers : pourquoi une telle représentation différenciée n’existerait-elle pas pour des communes qui ont été fusionnées dans le passé ? Pourquoi cette différence entre la commune « normale » et la commune nouvelle, et pour combien de temps ? Pourquoi seulement jusqu’au second renouvellement ?
In fine, il y a un lien fondamental entre le nombre de conseillers municipaux et le chiffre de la population de la commune. Or nous dérogeons ici à cette règle pour certaines communes qui se sont choisi un nouveau destin et sont en cours de transformation, sans pouvoir s’aligner immédiatement sur le régime de droit commun.
En l’espèce, je ne suis pas sûr que les solutions trouvées soient satisfaisantes. C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur l’article 1er comme sur cet amendement.
M. Emmanuel Capus. Nous ne sommes pas là pour évoquer les cas particuliers, mais je note que les quatre sénateurs de Maine-et-Loire sont présents ce soir. Ils représentent un département pionnier en matière de création de villes nouvelles, et leur expérience mérite d’être prise en compte. Parfaitement conscients du fait que le nombre de conseillers municipaux diminuerait fortement à la suite de la fusion de plusieurs communes en une seule, mais sachant aussi que, en pratique, gérer la ville nouvelle avec un conseil municipal pléthorique serait difficile, ils ont estimé souhaitable de ménager une courte période d’adaptation. Je soutiens sans réserve cet amendement, fondé sur l’expérience de nos collègues Stéphane Piednoir et Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche applaudit.
Soyons clairs, cette proposition de loi, amendée heureusement par la commission, n’a nullement pour objet de permettre de se dérober à un projet de commune nouvelle. Nous sommes ici un certain nombre à avoir conduit des créations de communes nouvelles. On peut toujours se livrer à des exercices théoriques, raisonner dans l’abstrait selon une vision un peu dogmatique, mais nous savons par expérience que la commune nouvelle est avant tout une aventure humaine pour un projet d’avenir, à l’exemple de la recomposition d’une famille : pour acquérir une culture commune, il faut du travail et du temps !
Il s’agit donc de faire en sorte que l’objectif de construire une nouvelle identité et un projet d’avenir pour consolider la commune soit soutenable.
Vouloir avancer à marche forcée en disant aux élus qu’ils savaient dès le départ à quoi les engageait la création d’une commune nouvelle me semblerait étonnant de la part de la chambre représentant les territoires. Or c’est un peu cela que j’entends en écoutant certains propos.
La rapporteur a recherché avec le ministère des solutions pour prendre en compte la diversité des territoires. La commune nouvelle est par nature protéiforme, puisqu’elle est issue de la volonté des élus et de la diversité des territoires. Par conséquent, aucune solution ne s’appliquera de manière uniforme ; il faut ménager des adaptations qui, nous l’avons tous dit, n’ont pas vocation à perdurer. Il s’agit seulement de permettre que ce qui est souhaitable soit faisable.
Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Emmanuel Capus applaudit également.
Monsieur Maurey, Oscar Wilde disait que la meilleure façon de résister à la tentation, c’est d’y céder. Je vous invite donc à voter cet amendement !
Je ne partage évidemment pas la conception de M. Collombat, qui voudrait que pas une oreille ne dépasse et qu’un même modèle s’applique partout en France exactement de la même façon. Eh bien non, les territoires sont vivants et font preuve d’initiative. Ce que nous proposons, c’est de ménager de la souplesse.
Nous nous félicitons que le Gouvernement nous prête aujourd’hui une oreille un peu plus attentive.
Eu égard au débat que suscite cet amendement, il va de soi que je le maintiens.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 1 er est adopté.
(Supprimé)
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 15 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, MM. Morisset, Mouiller, Rapin, Brisson et Chaize, Mme Gruny, M. Meurant, Mmes Duranton et Berthet, MM. de Legge, Paccaud, Vogel, Lefèvre, Milon, D. Laurent, Dallier et Revet et Mmes Deromedi, Noël et Chauvin, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article L. 2113-8-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2113-8-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2113-8- …- Dans les communes nouvelles regroupant toutes les communes membres d’un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, le conseil municipal peut décider d’instituer, entre la création de la commune nouvelle et le premier renouvellement du conseil municipal, une commission permanente à laquelle il peut confier une partie de ses attributions à l’exception :
« 1° Du vote du budget, de l’institution et de la fixation des taux ou tarifs des taxes ou redevances ;
« 2° De l’approbation du compte administratif ;
« 3° Des dispositions à caractère budgétaire à la suite d’une mise en demeure intervenue en application de l’article L. 1612-15 ;
« 4° Des décisions relatives aux modifications des conditions initiales de fonctionnement de la commune nouvelle ;
« 5° De l’adhésion de la commune nouvelle à un établissement public ;
« 6° De la délégation de la gestion d’un service public.
« Le conseil municipal en fixe la composition dans la limite de 30 % de l’effectif du conseil municipal, arrondi à l’entier supérieur, et désigne les conseillers municipaux membres au scrutin proportionnel. Le maire de la commune nouvelle la préside de droit. Les membres de la commission permanente sont nommés pour la même durée que le maire. »
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
Il s’agit de rétablir le dispositif prévoyant que, dans les communes nouvelles qui regroupent toutes les communes membres d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, le conseil municipal pourra décider d’instituer, pour la période comprise entre la création de la commune nouvelle et le premier renouvellement du conseil municipal, une commission permanente à laquelle il pourra confier un certain nombre de ses attributions, à l’exclusion de celles qui sont expressément mentionnées.
L’amendement n° 17 rectifié, présenté par M. L. Hervé et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article L. 2113-8-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2113-8-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2113 -8 - … – Jusqu’au prochain renouvellement suivant la création de la commune nouvelle, le conseil municipal peut déléguer au collège formé par le maire et les adjoints tout ou partie des attributions mentionnées aux 1° à 28° de l’article L. 2122-22 qui n’ont pas été déléguées au maire en application du même article L. 2122-22.
« Les délégations consenties en application du premier alinéa du présent article sont révocables à tout moment.
« La délégation des attributions mentionnées au 3° de l’article L. 2122-22, consentie en application du premier alinéa du présent article, prend fin dès l’ouverture de la campagne électorale pour le renouvellement du conseil municipal. »
La parole est à M. Loïc Hervé.
Cet amendement vise à rétablir l’article 2, qui a été supprimé par la commission des lois, dans une nouvelle rédaction prévoyant la possibilité de créer non plus une commission permanente, mais un collège formé du maire et de ses adjoints, auquel le conseil municipal pourra déléguer tout ou partie des attributions mentionnées à l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales n’ayant pas été déléguées au maire. Cette proposition plus souple nous paraît mieux correspondre aux réalités de terrain.
L’amendement n° 15 rectifié vise à rétablir le dispositif de la commission permanente que la commission des lois a souhaité supprimer, considérant qu’il s’agit d’une instance extrêmement rigide, dont la mise en œuvre entraîne de grandes difficultés d’ordres juridique et pratique et tend à éloigner les conseillers municipaux de la prise des décisions.
Par conséquent, la commission demande le retrait de l’amendement n° 15 rectifié ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
La commission préfère le dispositif de l’amendement n° 17 rectifié. Eu égard aux difficultés que peuvent rencontrer des conseils municipaux pléthoriques, notamment dans cette première période, il convient en effet de mettre en place une instance collégiale à laquelle le conseil municipal pourra déléguer tout ou partie des vingt-huit compétences classiquement déléguées au maire. Cette instance permettra plus de souplesse et d’agilité pendant cette première période suivant la création de la commune nouvelle. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Monsieur le sénateur Piednoir, je suis plus que réservé à l’égard de la dénomination de commission permanente. Elle correspond déjà à une réalité juridique dans les conseils régionaux et les conseils départementaux, et qui dit commission permanente dit représentation de l’opposition, donc élection à la proportionnelle… Le Conseil d’État l’a rappelé dans un arrêt relatif à la Ville de Paris.
C’est la raison pour laquelle, lors des travaux préparatoires, nous avons écarté cette dénomination, en accord avec la commission des lois. Nous comprenons bien votre intention, monsieur Piednoir, mais comment expliquer à des élus d’une commune nouvelle située en milieu rural où les désignations se font toujours de manière consensuelle qu’il faudra désormais constituer des listes en vue d’une élection à la proportionnelle ? Je doute que cela permette d’entrer dans le mouvement de simplification que vous appelez de vos vœux !
Le Gouvernement demande donc le retrait de l’amendement n° 15 rectifié au bénéfice de l’amendement n° 17 rectifié du groupe Union Centriste, dont le dispositif introduit de la souplesse, tout en précisant que ne pourra être délégué à ce collège d’élus que ce qui est délégable : il n’est porté atteinte ni aux pouvoirs propres du maire ni aux prérogatives qui appartiennent traditionnellement à l’assemblée délibérante. Par exemple, à l’échelon de la région où du département, la matière budgétaire ne peut pas être déléguée à la commission permanente : elle relève systématiquement de l’assemblée plénière. C’est la même logique qui prévaut ici.
Créer un tel collège par une simple délibération sera une simple faculté pour la commune nouvelle : elle n’y sera nullement obligée et pourra parfaitement s’en dispenser si cela n’est pas utile. L’adoption de cet amendement introduira de la souplesse, de la visibilité, de la simplification.
Chacun a bien compris l’objet de la commission permanente, dont la mise en place avait d’ailleurs été initialement envisagée par l’auteur de la proposition de loi. Le dispositif proposé par le groupe Union Centriste répond tout à fait à nos attentes, tout en étant moins ardu à mettre en œuvre. Compte tenu des arguments avancés par Mme la rapporteur et M. le ministre, je retire l’amendement n° 15 rectifié au profit de l’amendement n° 17 rectifié.
L’amendement n° 15 rectifié est retiré.
La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote sur l’amendement n° 17 rectifié.
Nous étions opposés à l’amendement n° 15 rectifié, qui vient donc d’être retiré. Nous l’avions indiqué en commission et avions salué la sagesse de la rapporteur, qui avait proposé la suppression de l’article 2, pour les raisons qui ont été très bien développées tant par elle que par M. le ministre. La commission permanente est une instance bien définie et codifiée, qui nécessite une représentation proportionnelle. Je ne vois pas comment on pourrait l’envisager dans des communes nouvelles rurales.
Pour autant, nous ne sommes pas plus convaincus par l’amendement n° 17 rectifié.
Sourires.
Notre collègue Loïc Hervé a recherché un moyen terme, mais en établissant une fois de plus une dérogation pour les communes nouvelles. Nous n’y sommes pas favorables pour plusieurs raisons.
On peut comprendre l’objectif, à savoir gagner en souplesse, notamment si le conseil municipal est pléthorique, et éviter des problèmes de quorum. Cependant, dans une commune nouvelle, comme dans toutes les autres communes, c’est le conseil municipal qui règle les affaires de la commune. Cela garantit l’information de l’ensemble des conseillers municipaux. Dans le cadre d’un projet de commune nouvelle, il nous semble absolument indispensable que tous les conseillers municipaux puissent être associés au déploiement de ce projet. Créer une instance qui aurait le pouvoir de décider sans en référer au conseil municipal nous paraît problématique.
Le code général des collectivités territoriales dispose déjà que le conseil municipal peut déléguer au maire un certain nombre de prérogatives. Par ailleurs, nous savons toutes et tous que, dans bon nombre de communes, nouvelles ou non, il existe une instance collégiale, appelée communément bureau municipal, qui n’a pas de pouvoir de décision mais qui peut aborder toute une série de sujets ensuite soumis au conseil municipal. Nous pensons que ces dispositions sont tout à fait suffisantes et permettent un bon fonctionnement des communes.
Monsieur le sénateur Marie, il me semble que, dans les EPCI, les bureaux communautaires ne fonctionnent pas trop mal.
Il existe ainsi, au côté du conseil communautaire et du président de l’EPCI, un organe délibérant intermédiaire, souple.
Chacun a son expérience de l’intercommunalité, je ne l’ignore pas, mais certaines dispositions existent déjà. Je ne peux pas laisser dire que rien n’existe.
Oui, monsieur le sénateur, le ministre chargé des collectivités territoriales sait qu’un EPCI n’est pas une commune… Je rappelle seulement ce qui existe déjà dans la pratique. Je vous trouve en tout cas beaucoup plus raides, dans vos prises de position, que le Gouvernement. Tous les gouvernements successifs, d’ailleurs, cherchent à mettre un peu d’huile dans les rouages pour que les choses se passent au mieux dans les territoires. Je vous sens plutôt enclins à la rigidité.
Se faire accuser de raideur par le Gouvernement, s’agissant des collectivités territoriales, après les dix-huit mois que nous avons vécus, ça ne manque vraiment pas de piquant, monsieur le ministre !
Pour une fois que vous êtes du côté des collectivités territoriales…
Je l’entends ! Disons alors que vous vous rachetez une conduite ce soir…
Ce changement d’attitude remonte à quelques jours, nous verrons ce qu’il en sera à l’avenir…
Monsieur le ministre, vous connaissez les collectivités territoriales ; certains d’entre nous aussi. Je vous rappelle que, dans les EPCI, le bureau communautaire est, la plupart du temps, remplacé par le conseil des maires, parce que cette instance fonctionne mieux.
En l’espèce, nous disons simplement que si l’on va vers plus de proximité et si l’on veut que le projet de territoire qui sous-tend la commune nouvelle soit respecté, il importe que l’ensemble des conseillers municipaux soient associés à la démarche et qu’il n’y ait pas d’instance intermédiaire. Il nous semble préférable de recourir à des formules plus souples, de nature à favoriser les consultations.
Cette proposition de loi a pour objet de faciliter la construction des projets de commune nouvelle. Toutes les décisions ne sont pas forcément d’une importance majeure pour la coconstruction d’un projet entre les élus d’un territoire. Celles qui sont prises par délégation sont de toute façon ensuite soumises à l’ensemble des élus. Nous avons tous connu ces délibérations votées à la chaîne qui débouchent sur l’embolie de l’ordre du jour sans apporter grand-chose au projet. Mieux vaut, me semble-t-il, que le conseil municipal se concentre sur les points majeurs. C’est un moyen de rationaliser l’emploi du temps des élus, qui ont autre chose à faire que traiter des sujets ne relevant pas de l’intérêt général et de la réussite du projet de commune nouvelle. La parole doit être la plus utile possible, car le temps des élus est mesuré. De telles instances existent déjà au sein des EPCI, et je ne vois pas en quoi la coconstruction en a souffert à ce jour.
Je soutiens le propos très juste de M. le ministre.
Chers collègues du groupe socialiste et républicain, j’ai bien compris que vous comptiez vous en tenir à une abstention bienveillante. Toutefois, il me semble que cette position recouvre une tentation de corseter le dispositif. Encore une fois, je rappelle que la création de ce collège sera facultative. Il ne pourra être mis en place que par délibération du conseil municipal et contribuera très fortement à renforcer la cohésion de l’équipe municipale : les compétences seront déléguées non pas au seul maire, mais à une instance plus conviviale, comprenant d’autres élus. Nous devons essayer d’imaginer les moyens de favoriser la réussite des projets.
Là encore, il faut être pragmatique, et non pas dogmatique.
Aujourd’hui, un conseil municipal peut compter entre 100 et 180 personnes, à tel point que, l’hôtel de ville ne pouvant plus l’accueillir, il lui faut se réunir à la salle des fêtes. À 180, on ne peut pas décider. Comme cela vient d’être dit, on enchaîne les délibérations sans avoir eu le temps d’approfondir et d’échanger. Une fois sur deux, le quorum n’est pas atteint, les élus étant démotivés. Dans un souci de rapidité et d’efficacité, il faut donc confier à un organe, commission permanente ou collège constitué du maire et des adjoints, le soin de prendre les décisions dans un certain nombre de domaines. Sinon, la multiplication des réunions exaspère les élus, qui ne veulent plus siéger, d’autant que certains d’entre eux sont aussi membres de l’exécutif d’un EPCI. Ouvrir la possibilité de créer une telle instance me paraît relever du bon sens.
Mais oui, il fallait faire grand ! Le seuil de population des EPCI est passé de 5 000 à 15 000 habitants. En milieu rural, ce n’est pas rien ! Ensuite, on a raréfié les ressources pour inciter encore davantage au regroupement.
Ainsi, de nombreuses intercommunalités et communes nouvelles ont été conçues dans un esprit défensif, et on ne peut pas en vouloir aux élus. Aujourd’hui, on constate que cela ne fonctionne pas, et vous proposez, en guise de solution, de créer une instance un peu intermédiaire entre la commune et l’intercommunalité. Ne pensez-vous pas qu’il serait plus simple de revenir sur la loi NOTRe et sur les découpages qu’elle a induits ?
Alors, ne vous plaignez pas !
Je n’ai rien contre le principe de procéder à des adaptations si on ne peut pas faire autrement, mais il y a peut-être d’autres solutions, surtout lorsque l’on se pique de modernité, que de s’acharner à faire fonctionner quelque chose qui ne peut pas fonctionner !
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 13 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, MM. Morisset, Rapin, Panunzi, Brisson et Chaize, Mme Gruny, M. Meurant, Mmes Duranton et Berthet, MM. de Legge, Paccaud, Vogel, Lefèvre, Milon et D. Laurent, Mme Chauvin, MM. Dufaut et Pierre, Mmes Bories, Noël et Deromedi et MM. Revet et Dallier, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le sixième alinéa du I de l’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au 1° du présent I, une commune nouvelle constituée sur le périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut s’opposer au transfert de la compétence en matière de plan local d’urbanisme, de documents d’urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, au nouvel établissement public de coopération intercommunale qu’elle a intégré. »
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
Cet amendement vise le cas spécifique d’une commune nouvelle créée sur le périmètre d’un ancien EPCI qui avait réalisé un plan local d’urbanisme intercommunal, un PLUI. Ce PLUI se transforme alors, de facto, en PLU de la commune nouvelle. Nous proposons de permettre à celle-ci de conserver ce PLU, afin qu’elle ne soit pas obligée de refaire le travail au sein de la nouvelle intercommunalité qu’elle devra rejoindre.
Je suis désolée, monsieur le sénateur Piednoir, mais la commission demande le retrait de cet amendement.
J’ai bien conscience de la situation particulière de la commune nouvelle en question, mais votre amendement ne fonctionne pas. Son dispositif ne vaut que pour l’avenir et ne peut avoir d’effet rétroactif : il n’est pas possible de revenir sur un transfert de compétence déjà opéré.
En outre, il ne concerne que les communautés de communes, et non les communautés d’agglomération, qui sont pourtant dans la même situation.
Enfin, dès lors qu’un établissement public de coopération intercommunale devenu commune nouvelle adhère à un nouvel EPCI, son PLUI reste valable le temps que le nouvel EPCI élabore son nouveau plan, dans les délais prévus à l’article L.153-6 du code de l’urbanisme.
Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable, pour les mêmes raisons que la commission des lois.
La constitution d’un PLUI demande du temps, de la part des élus et des services administratifs, et de l’argent pour financer les études préalables. Il est dommage d’imposer aux communes nouvelles créées sur le périmètre d’un ancien EPCI de saborder le travail déjà réalisé. Néanmoins, je fais confiance à la sagesse de Mme la rapporteur et je retire cet amendement.
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 2113-8, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’effectif du conseil municipal reste identique jusqu’au deuxième renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la commune nouvelle. » ;
2° Après le même article L. 2113-8, il est inséré un article L. 2113-8-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 2113 -8 -1 A. – Par dérogation au troisième alinéa de l’article L. 2122-8, si le siège d’un ou plusieurs conseillers municipaux devient vacant, pour quelque cause que ce soit, entre la date de publication de l’arrêté du représentant de l’État dans le département prononçant la création de la commune nouvelle et la première réunion du conseil municipal, celui-ci procède à l’élection du maire et des adjoints, à moins qu’il n’ait perdu le tiers de ses membres. » –
Adopté.
I. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 2113-9 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2113 -9. – Sauf dispositions contraires, une commune nouvelle issue de la fusion de toutes les communes membres d’un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et, le cas échéant, d’une ou plusieurs communes n’appartenant pas à un tel établissement, ainsi que son maire, disposent des mêmes prérogatives et sont soumis aux mêmes obligations que celles que la loi attribue ou assigne directement aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et aux présidents de ces établissements, tant que la commune n’a pas adhéré à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.
« La commune est éligible aux mêmes aides, subventions et dispositifs de soutien que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.
« La commune est représentée dans l’ensemble des établissements publics, instances, commissions et organismes dans lesquels les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre sont représentés de droit, le cas échéant après adaptation des règles régissant leur composition, leur fonctionnement et leur financement.
« Les conseillers municipaux de la commune peuvent représenter le collège des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dans les instances où les représentants de ces établissements siègent. » ;
2° Après le même article L. 2113-9, il est inséré un article L. 2113-9-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 2113 -9 -1 A. – Une commune nouvelle mentionnée à l’article L. 2113-9 peut adhérer à un syndicat mixte relevant du livre VII de la cinquième partie dans les mêmes conditions qu’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Le conseil municipal exerce alors les compétences reconnues à l’organe délibérant d’un tel établissement.
« Un syndicat de communes regroupant exclusivement des communes nouvelles mentionnées à l’article L. 2113-9 peut être créé dans les mêmes conditions que tout syndicat mixte mentionné à l’article L. 5711-1. Les conseils municipaux exercent alors les compétences reconnues aux organes délibérants d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. » ;
3° Au second alinéa de l’article L. 2333-55, après les mots : « pour les communes », sont insérés les mots : « mentionnées au V de l’article L. 5210-1-1 du présent code ou » ;
4° Au V de l’article L. 5210-1-1, après les mots : « territoire des », sont insérés les mots : « communes nouvelles issues de la fusion de toutes les communes membres d’un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et, le cas échéant, d’une ou plusieurs communes n’appartenant pas à un tel établissement, ainsi que dans les » ;
5° À la première phrase du premier alinéa du I de l’article L. 5210-1-2, les mots : « de l’article L. 2113-9 et » sont supprimés ;
6° Le I bis de l’article L. 5741-1 est abrogé.
II
1° Au premier alinéa du II de l’article 44 sexdecies, après le mot : « ensemble », sont insérés les mots : « de communes mentionnées au V de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales ou » ;
2° La deuxième phrase du second alinéa de l’article 302 bis ZG est ainsi modifiée :
a) Après la somme : « 11 038 889 € », sont insérés les mots : « aux communes mentionnées au V de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales et » ;
b) Après la somme : « 772 723 € », sont insérés les mots : « par commune ou ».
III
Le Maine-et-Loire est un département pionnier en matière de coopération intercommunale. Cette coopération s’est construite par volontarisme, et nullement pour profiter de « carottes » financières. Cela a été bien dit par mes collègues sénateurs de Maine-et-Loire, je n’y reviens pas.
Les prochaines élections municipales représentent un véritable enjeu pour la démocratie locale. La commune constitue l’élément de base de l’édifice républicain et une réponse au besoin de proximité et de démocratie locale de nos concitoyens.
Le sentiment d’abandon qui s’exprime à travers le mouvement des « gilets jaunes » est à mettre en parallèle avec celui des territoires ruraux. C’est un signal d’alarme qu’il nous faut tous entendre. Le démographe Hervé Le Bras l’a bien démontré, c’est la France rurale qui est sur les ronds-points.
La commune nouvelle, c’est l’avenir. La colère se manifeste là où les services publics disparaissent. On peut préserver certains d’entre eux dans les communes nouvelles, en particulier les écoles : la somme de petits effectifs permet souvent d’atteindre un nombre d’élèves suffisant pour y maintenir une école. La commune nouvelle peut donc permettre le développement d’un plus grand nombre de services publics sur l’ensemble du territoire national, sans pour autant s’émanciper du droit commun.
L’article 4, relatif à la création de « communes-communautés », introduit davantage de complexité alors que la loi du 16 décembre 2010 a posé le principe d’une couverture intégrale du territoire national par les EPCI. Revenir sur cette couverture intégrale, qui est aujourd’hui effective, reviendrait à déconstruire une carte intercommunale encore jeune.
Par ailleurs, les communes nouvelles sont des communes. Elles doivent être considérées comme telles, et non pas comme des îlots : elles appartiennent à un territoire, s’insèrent dans des schémas d’aménagement et des solidarités territoriales particulières.
Ainsi, ces « communes-communautés » n’apparaissent pas comme la réponse adéquate au besoin de représentation des communes déléguées. En effet, ce dispositif renforce davantage encore la centralité de la commune nouvelle, pour en faire un échelon hybride, à mi-chemin entre commune et intercommunalité.
La commune nouvelle n’a pas vocation à constituer un échelon supplémentaire entre la commune et les EPCI. C’est une commune qui se substitue à des communes historiques, une commune qu’il faut accompagner pour qu’elle puisse rejoindre le droit commun et rester ainsi un espace de démocratie locale et de développement du territoire.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est près de minuit. Nous avons examiné quatre amendements en une heure… Nous ne pourrons achever la discussion de ce texte cette nuit que si nous accélérons nettement le rythme. Sinon, il faudra siéger jeudi matin.
Je suis saisi d’un amendement n° 20, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission, et qui est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
et, le cas échéant, d’une ou plusieurs communes n’appartenant pas à un tel établissement, ainsi que son maire,
par les mots :
et son maire
II. – Alinéa 11
Supprimer les mots :
et, le cas échéant, d’une ou plusieurs communes n’appartenant pas à un tel établissement
La parole est à Mme le rapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 21, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au premier alinéa de l’article L. 2113-9-1, la référence : « L. 2113-9 » est remplacée par la référence : « L. 2113-9-1 A » ;
La parole est à Mme le rapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 4 est adopté.
L’amendement n° 5, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les cinquième et dernier alinéas de l’article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales sont supprimés.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
La création d’une commune nouvelle doit résulter d’une démarche libre et volontaire des élus locaux. Je propose qu’une commune nouvelle ne puisse plus être créée sur l’initiative du représentant de l’État dans le département.
En effet, dans ce cas, la création est subordonnée à l’accord des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes concernées, représentant plus des deux tiers de la population totale de celles-ci. Ainsi, une commune peut être fusionnée de force.
Madame le rapporteur, vous avez précisé en commission que ce pouvoir d’initiative du préfet pouvait, dans certains cas marginaux, être utile. Pour ma part, je pense qu’un tel bouleversement de notre organisation territoriale doit être uniquement le fruit d’une volonté partagée des élus locaux et des populations.
Je connais un cas, dans l’Hérault, où un préfet pourra valider la création d’une commune nouvelle, les deux conseils municipaux s’étant mis d’accord. Le problème est que la population, elle, s’y oppose. Les deux maires ne se représenteront pas aux élections municipales, et il ne sera plus jamais possible de revenir en arrière. Il faut regarder de telles situations de près.
L’amendement n° 5 prévoit la suppression du pouvoir d’initiative du préfet du département pour la création d’une commune nouvelle.
Vous craignez, mon cher collègue, qu’une commune nouvelle puisse être créée de force. Or, en cas de création d’une commune nouvelle, la population est consultée en l’absence de délibération concordante de tous les conseils municipaux.
Il existe un certain nombre de verrous : la majorité absolue des suffrages exprimés, représentant au moins un quart des électeurs inscrits, est requise, sachant que la participation doit être supérieure à 50 %. Cela garantit, à mon sens, que le préfet ne pourra pas décider seul d’une fusion de communes. Néanmoins, il faut à notre avis maintenir la capacité d’intervention du préfet pour régler certaines situations exceptionnelles.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement.
Le cas de figure que vous évoquez, monsieur le sénateur, pose en fait surtout la question de la démocratie représentative et de la légitimité de ces deux conseils municipaux à décider au nom de leur population. En l’espèce, je ne pense pas qu’écarter le préfet changerait grand-chose à l’affaire.
En outre, je le redis, car certaines légendes non pas urbaines, mais rurales en l’occurrence, ont parfois la vie dure : s’il est arrivé que des membres du corps préfectoral forcent des EPCI à fusionner, pour appliquer la loi NOTRe, il n’y a jamais eu de création de commune nouvelle forcée par un préfet.
Enfin, sur le terrain – j’étais dans la Meuse il y a encore quelques semaines –, les maires demandent que le préfet joue un rôle d’animateur pour permettre aux élus de se parler plutôt qu’autre chose.
Je vous propose d’examiner plus précisément le cas d’espèce que vous avez évoqué, monsieur le sénateur.
L’un de mes amendements, qui a été rejeté en commission, concernait les écoles.
En tant que sénateur, je me suis rendu un samedi matin dans un territoire où deux communes étaient décidées à fusionner. Les conseils municipaux s’étaient réunis, tout le monde voulait la fusion. C’était la fête, tout se passait bien, la présence du sous-préfet semblait garantir que l’État serait au rendez-vous du bonheur. Puis, quelques jours plus tard, le directeur académique a fait savoir qu’une fois que le préfet aurait signé l’arrêté de création de la commune nouvelle, l’État supprimerait l’école primaire de l’une des communes… Inutile de vous dire que le projet de fusion en est resté là ! Les conseils municipaux se sont ravisés et la fête était terminée.
Depuis quarante-deux ans que je suis élu, je me suis toujours fixé pour règle de ne jamais mettre en cause le préfet, qui peut tout à fait être objectif, mais il peut aussi se faire rouler dans la farine par des maires. J’en veux pour preuve le cas de fusion de communes que j’ai précédemment signalé, où les deux maires ne se représenteront pas : les règles seront respectées, naturellement, mais les populations ne sont pas d’accord. À quatorze mois des élections municipales de 2020, je pense qu’il faut y regarder à deux fois.
Cela étant, je retire cet amendement, monsieur le président.
L’amendement n° 5 est retiré.
L’amendement n° 4, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La délibération des conseils municipaux portant création d’une commune nouvelle est assortie en annexe d’un rapport financier présentant notamment les taux d’imposition, la structure et l’évolution des dépenses, de la dette et des effectifs de l’ensemble des communes concernées. Ce rapport est affiché à la mairie et mis en ligne sur le site internet de la commune, lorsqu’il existe. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 3.
J’appelle donc en discussion l’amendement n° 3, également présenté par M. Grand, et qui est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 2113-3 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Au cours du mois précédant la consultation, un rapport financier présentant notamment les taux d’imposition, la structure et l’évolution des dépenses, de la dette et des effectifs de l’ensemble des communes concernées est affiché à la mairie et mis en ligne sur le site internet de la commune, lorsqu’il existe. »
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
Ces amendements visent à améliorer l’information préalable sur les données financières de chaque commune : celle des conseils municipaux, avant qu’ils ne se prononcent sur la création de la commune nouvelle, et celle de la population, avant son éventuelle consultation.
Mes chers collègues, avant de racheter une entreprise, il convient d’analyser ses bilans financiers. Il me paraît donc légitime de prévoir, dans la perspective d’une fusion de communes, la réalisation et la publication d’un rapport financier présentant notamment les taux d’imposition, la structure et l’évolution des dépenses, de la dette et des effectifs de l’ensemble des communes concernées.
Il s’agit non pas d’alourdir inutilement les procédures en complexifiant la création d’une commune nouvelle, mais bien de prévoir la présentation d’une synthèse financière afin d’éclairer au mieux les débats. Une fois qu’elles ont fusionné, les communes restent fusionnées !
La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements, car ces documents sont déjà publics. Les annexer à la délibération du conseil municipal ou les mettre en ligne avant la consultation des électeurs alourdirait considérablement, nous semble-t-il, les procédures, alors même que l’information préalable paraît être une évidence, voire une nécessité.
Néanmoins, je pense que renforcer encore la transparence et l’information de la population et du conseil municipal peut aller dans le bon sens. À titre personnel, j’émets donc plutôt un avis de sagesse.
Lorsque j’étais président d’un conseil départemental, j’ai suffisamment déploré, en commission départementale de coopération intercommunale, le manque d’information des élus sur les conséquences des fusions d’EPCI pour ne pas aller dans votre sens aujourd’hui, monsieur le sénateur.
Contrairement à certaines bêtises que l’on peut parfois entendre sur le terrain, le concours financier global de l’État aux collectivités territoriales ne diminue pas. Si certains élus avaient été mieux informés, avant de décider de rejoindre un EPCI, que la même règle de calcul de la DGF continuerait ensuite à s’appliquer, peut-être auraient-ils fait un autre choix. Je pense toujours, madame Duranton, monsieur Maurey, aux pauvres maires de la communauté de communes de Saint-André-de-l’Eure, dans l’Eure : si les élus d’Évreux les avaient davantage informés, peut-être n’en serait-on pas là aujourd’hui.
Monsieur le sénateur Grand, je suis tenté d’émettre un avis favorable sur vos amendements, mais, subissant l’influence intellectuelle puissante de M. le président de la commission des lois, je tique sur le mot : « notamment ». §Je n’ai rien à objecter à la liste de documents à produire que vous avez établie, mais la présence de ce mot dans le texte pourrait être source de contentieux. Je vous suggère donc de rectifier vos amendements pour le supprimer, afin de clore la liste des documents à fournir et d’éviter une éventuelle fuite en avant devant les tribunaux, voire un impôt papier. Si vous l’acceptez, l’avis du Gouvernement sera favorable.
Monsieur Grand, acceptez-vous de rectifier vos amendements dans le sens suggéré par M. le ministre ?
Je suis donc saisi d’un amendement n° 4 rectifié, présenté par M. Grand, et ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La délibération des conseils municipaux portant création d’une commune nouvelle est assortie en annexe d’un rapport financier présentant les taux d’imposition, la structure et l’évolution des dépenses, de la dette et des effectifs de l’ensemble des communes concernées. Ce rapport est affiché à la mairie et mis en ligne sur le site internet de la commune, lorsqu’il existe. »
Je suis également saisi d’un amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Grand, et ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 2113-3 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Au cours du mois précédant la consultation, un rapport financier présentant les taux d’imposition, la structure et l’évolution des dépenses, de la dette et des effectifs de l’ensemble des communes concernées est affiché à la mairie et mis en ligne sur le site internet de la commune, lorsqu’il existe. »
Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.
Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 10 rectifié sexies, présenté par MM. Paccaud et Babary, Mmes Berthet et Bories, MM. Charon, Courtial et Decool, Mme Deromedi, MM. Détraigne et Dufaut, Mme Duranton, M. B. Fournier, Mmes Garriaud-Maylam et Gruny, M. Guerriau, Mme Guidez, MM. Henno et Joyandet, Mme Lamure et MM. D. Laurent, Longeot, A. Marc, Marseille, Meurant, Morisset, Raison, Rapin, Schmitz, Sol, Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 2113-3 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Avant la création d’une commune nouvelle, chaque conseil municipal consulte obligatoirement les personnes inscrites sur les listes électorales. Cette consultation peut se faire par le biais de réunions d’information ou d’un vote. »
II. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
La parole est à M. Olivier Paccaud.
On a déjà beaucoup parlé du rapport d’information de Françoise Gatel et de Christian Manable sur la « révolution silencieuse » que constitue la création des communes nouvelles. Dans ce rapport, nos collègues insistent particulièrement sur une condition indispensable à la réussite d’une fusion : l’information, l’association, l’adhésion de la population. Il est vrai que, dans quasiment tous les cas où les fusions se passent bien, la population a été associée à la démarche.
Le présent amendement, qui vise à rendre obligatoire l’organisation de réunions d’information ou, le cas échéant, d’un vote, peut paraître superfétatoire. Si je l’ai déposé, c’est parce que, dans mon département, il est arrivé que des conseils municipaux délibèrent contre la volonté de la population, ou plutôt en faisant preuve de dissimulation. Cela s’est d’ailleurs aussi produit dans d’autres départements, ce qui a conduit Xavier Breton, député de l’Ain, à déposer une proposition de loi sur ce sujet à l’Assemblée nationale
J’évoquerai un cas très récent, dans lequel c’est le préfet qui a rétabli la démocratie. Une fusion n’est pas seulement une affaire d’élus ; elle doit aussi et surtout être une affaire de citoyens. Dans le département de l’Oise, le 26 juillet dernier, les conseils municipaux de Rochy-Condé et de Warluis ont adopté chacun une délibération pour fusionner les deux communes, mais ils ont délibérément dissimulé leur décision à la population. Lorsque celle-ci l’a apprise, en lisant les délibérations, ce fut le branle-bas de combat : une pétition a recueilli 900 signatures en une semaine, sachant que la commune nouvelle aurait réuni à peine 1 600 habitants. Le préfet a refusé la fusion et l’a conditionnée à une consultation de la population, laquelle a eu lieu le 18 novembre. Résultat : 90 % de non !
Une fusion, c’est évident, ne peut fonctionner que si la population y est associée. C’est le cas la plupart du temps, mais autant que la loi le prévoie.
L’amendement n° 1, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l’article L. 2113-3 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2113-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2113-3- … – À la demande d’au moins trois cinquièmes des personnes inscrites sur sa liste électorale municipale, la commune organise une consultation sur l’opportunité de son rattachement à la commune nouvelle. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de saisine des électeurs en garantissant leur anonymat au niveau municipal et de cette consultation. Les dépenses sont à charge de la collectivité.
« Le rattachement de la commune à la commune nouvelle ne peut être décidé par arrêté du représentant de l’État dans le département où se situe la commune nouvelle que si la participation au scrutin est supérieure à la moitié des électeurs inscrits et que le projet recueille l’accord de la majorité absolue des suffrages exprimés correspondant à un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits.
« Tout électeur participant à la consultation, la commune concernée ainsi que le représentant de l’État dans le département ont le droit de contester la régularité des opérations devant le tribunal administratif. Les recours ont un effet suspensif. »
II. - Il est institué un prélèvement sur les recettes de l’État destiné à soutenir les communes pour l’organisation de ces consultations.
Le montant de ce prélèvement est égal aux éventuelles charges directes qui résulteraient pour les communes de la mise en œuvre du I.
III. - La perte de recettes résultant pour l’État du II du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
Mon amendement a la même finalité que celui que vient de présenter notre collègue Olivier Paccaud.
Aujourd’hui, la procédure de création d’une commune nouvelle ne prévoit pas la consultation des habitants en cas de délibérations concordantes des conseils municipaux de toutes les communes concernées.
Je ne remets pas en cause la légitimité et la représentativité des conseils municipaux élus pour l’intégralité du mandat, mais la création d’une commune nouvelle est un acte majeur qui touche à l’identité même de la commune et qui n’a pas forcément été débattu lors des élections municipales.
Afin de garantir un processus démocratique, je propose qu’une consultation citoyenne puisse être organisée à la demande des trois cinquièmes des électeurs afin de valider ou non le rattachement de leur commune à la commune nouvelle.
Les modalités d’organisation de cette consultation et de saisine des électeurs seront renvoyées à un décret en Conseil d’État, qui devra garantir l’anonymat des électeurs au niveau municipal.
J’entends, monsieur le président Bas, qu’il faut un équilibre entre démocratie représentative et démocratie participative. Je ne suis pas opposé aux communes nouvelles, mais force est de constater que cette démarche est lourde de conséquences et sans retour en arrière possible. Dès lors, la consultation des citoyens, s’ils en font la demande massivement, me semble être un facteur essentiel d’acceptation du projet.
Ces amendements ont été inspirés par des cas de création de commune nouvelle sans adhésion de la population. Imposer la tenue de réunions publiques ou de référendums alourdirait la procédure de création d’une commune nouvelle, alors que celle-ci prévoit déjà un grand nombre de garanties : si la création de la commune nouvelle n’est pas décidée à l’unanimité des conseils municipaux concernés, la population est consultée par voie de référendum.
La commission demande le retrait de ces deux amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.
En ce qui concerne l’amendement présenté par M. Paccaud, nous considérons que la création d’une telle obligation poserait effectivement des difficultés.
En revanche, nous sommes sensibles à la proposition de M. Grand, en raison non pas de son caractère « défensif » – on consulterait les électrices et électeurs sur une décision qui ne conviendrait pas à une partie d’entre eux –, mais plutôt de la capacité d’initiative citoyenne qu’elle instaure.
En effet, ouvrir la possibilité à trois cinquièmes des électeurs d’une commune d’obtenir l’organisation d’une consultation citoyenne pour valider ou non le rattachement de la commune à la commune nouvelle va dans le sens d’une meilleure association de la population à une décision de cette nature. Nous voterons donc l’amendement n° 1.
J’entends bien la préoccupation de mes collègues. Il convient en effet de se protéger contre les menées d’élus malfaisants qui conduisent un projet de fusion de façon trop privée, sans associer la population. Cela étant, à ma connaissance, sur 560 créations de commune nouvelle, le destin a été forcé par des élus dans moins de dix cas. Je crains que vouloir se prémunir contre ces faiblesses de la démocratie que constituent les agissements d’un très faible nombre d’élus ne soit source de risques de contentieux. Je ne sais pas comment un juge pourra apprécier les situations ou sur quelle base des citoyens pourront estimer que, malgré la tenue de réunions, la publication des délibérations, leur information n’a pas été suffisante.
L’adoption de ces amendements nous ferait prendre un risque très fort et pourrait être dommageable à la grande majorité des élus. Je suivrai donc l’avis de la rapporteur et du ministre sur ce sujet.
Je ne le retire pas, car j’aime trop la démocratie et les habitants de mon département m’ont demandé de le défendre ! La démocratie, c’est aussi accepter la défaite lors d’un vote.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 2, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le livre VI ter du code électoral, il est inséré un livre VI… ainsi rédigé :
« Livre VI quater
« Circonscriptions électorales
« Art. L. 558 - … – Il ne peut être procédé à aucun redécoupage des circonscriptions électorales dans l’année précédant l’échéance normale de renouvellement des assemblées concernées.
« Le présent article est applicable à Mayotte. »
II. – L’article 7 de la loi n° 90-1103 du 11 décembre 1990 organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux est abrogé.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
L’article 7 de la loi du 11 décembre 1990 dispose qu’il ne peut être procédé à aucun redécoupage des circonscriptions électorales dans l’année précédant l’échéance normale de renouvellement des assemblées concernées.
Il n’est donc pas possible de créer une commune nouvelle dans l’année qui précède le renouvellement municipal : il revient au débat électoral de trancher démocratiquement cette question.
Cette interdiction est aujourd’hui inscrite dans la loi du 11 décembre 1990, qui a pour objet d’organiser la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux. Afin d’améliorer la lisibilité du droit électoral, je propose de l’introduire dans le code électoral.
J’ai bien conscience que mon amendement recouvre un champ plus large que celui de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, mais il soulève une question majeure, celle de l’opportunité de créer une commune nouvelle à quinze mois des élections municipales. Selon la réglementation en vigueur, il semblerait, monsieur le ministre, que les préfets peuvent encore créer des communes nouvelles au 1er janvier 2019 : ce serait un comble ! Je crois préférable que cette question soit tranchée par le suffrage universel lors des élections municipales de mars 2020.
L’interdiction de redécouper les circonscriptions électorales dans l’année précédant le renouvellement des conseils départementaux et régionaux est en effet prévue par la loi.
Pour ce qui concerne les communes, une interprétation du Gouvernement laisse à penser que cette interdiction s’applique aussi, mais cela n’a jamais été confirmé par la jurisprudence.
Si l’intention est louable, l’insertion d’une telle règle d’intangibilité dans cette proposition de loi me semble difficilement envisageable. Elle aurait pour conséquence de modifier le code électoral, ce qui justifierait un débat beaucoup plus large.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement.
Monsieur le sénateur, les dernières communes nouvelles seront en effet créées au 1er janvier 2019 – toutes les communes nouvelles sont créées un 1er janvier pour des raisons fiscales évidentes. Ensuite, plus aucune commune nouvelle ne sera créée jusqu’aux élections municipales de mars 2020.
Par ailleurs, une tradition républicaine largement entérinée par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État fait qu’aucune modification du périmètre des circonscriptions électorales ne peut intervenir dans l’année précédant une échéance électorale.
Enfin, monsieur le sénateur, vous proposez de créer, mine de rien et nuitamment, un nouveau livre au sein du code électoral : rien que cela !
Toutes ces raisons me conduisent à demander le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
L’amendement n° 2 est retiré.
(Sourires.) Il ne nous reste que sept amendements à examiner. Dans ces conditions, je vous propose d’achever cette nuit la discussion de cette proposition de loi.
Marques d ’ approbation.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, j’observe que nous avons changé de braquet : nous sommes passés de quatre à vingt-cinq amendements à l’heure. §Tout en vous laissant libres de vos interventions, je vous invite à la concision, afin que nous puissions lever la séance avant 1 heure.
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 2113-8-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les maires délégués mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 2113-12-2 prennent rang immédiatement après le maire dans l’ordre du tableau. Ils sont classés suivant la population de leur ancienne commune à la date de la création de la commune nouvelle. » ;
2° Au troisième alinéa du II de l’article L. 2121-1, après la référence : « L. 2122-10 », sont insérés les mots : « et du second alinéa de l’article L. 2113-8-2 ».
Introduit en commission sur votre initiative, madame le rapporteur, l’article 5 vise à ce que les maires délégués prennent rang immédiatement après le maire dans l’ordre du tableau du conseil municipal entre la création de la commune nouvelle et le premier renouvellement du conseil municipal.
Conformément au code général des collectivités territoriales, les maires délégués sont élus par le conseil municipal de la commune nouvelle parmi ses membres, dans les mêmes conditions que le maire de la commune nouvelle. Ils remplissent dans les communes déléguées les fonctions d’officier d’état civil et d’officier de police judiciaire. Ils peuvent être chargés de l’exécution des lois et règlements de police et recevoir du maire des délégations. Enfin, ils exercent également les fonctions d’adjoint au maire de la commune nouvelle.
J’ai interrogé très récemment, par une question écrite, Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur sa volonté d’autoriser le port de l’écharpe tricolore avec glands à franges d’or par les maires délégués. En effet, un maire d’une ancienne commune devenu maire délégué ne saurait célébrer un mariage avec une simple écharpe d’adjoint !
Monsieur le ministre, je demande simplement qu’un décret vienne régler ce point. Merci pour les maires délégués !
L ’ article 5 est adopté.
I. – Après l’article L. 2113-8-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2113-8-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 2113 -8 -3. – Pendant une période de trois ans suivant la création d’une commune nouvelle, les dispositions de la section 2 du chapitre II du titre préliminaire du livre III du code de la construction et de l’habitation, de l’article L. 312-5-3 du code de l’action sociale et des familles, du sixième alinéa du II de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, de l’article L. 541-3 du code de l’éducation, du second alinéa de l’article L. 132-4 du code de la sécurité intérieure et de l’article L. 229-25 du code de l’environnement ne s’appliquent à cette commune nouvelle que si elles étaient applicables, à la date de sa création, à une ou plusieurs des communes dont elle est issue et sur le seul territoire desdites communes. Il en va de même de l’obligation de disposer d’au moins un site cinéraire prévue à l’article L. 2223-1 du présent code. »
II. – Le V de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation est abrogé.
L’amendement n° 19, présenté par M. de Belenet et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Arnaud de Belenet.
L’article 6 prévoit la prise en compte, pour une durée de trois ans, des obligations nouvelles et des bénéfices perdus par la commune nouvelle à la suite de sa « prise de poids » démographique. Cela est louable, mais un certain nombre de dispositions devraient sans doute être étudiées plus avant. Je pense notamment à l’établissement obligatoire d’un bilan des émissions de gaz à effet de serre dans les communes de plus de 50 000 habitants : est-il vraiment opportun qu’une commune nouvelle en soit dispensée pendant trois ans ?
Au-delà, je ne suis pas certain que nous ayons pu examiner de manière exhaustive le dispositif de cet article.
Telles sont les raisons qui nous ont amenés à déposer cet amendement de suppression, que nous pourrions retirer si l’avis de la commission devait être défavorable, ce qui n’est pas invraisemblable…
Sourires.
Nous avons effectivement introduit dans la proposition de loi un dispositif de lissage des effets de seuil, pour répondre à une demande récurrente des élus locaux engagés dans un projet de création de commune nouvelle.
La création d’une commune nouvelle demande beaucoup d’énergie et de moyens pour mettre en place les instances et susciter l’adhésion au projet. Dès lors, nous considérons que donner un peu de temps au temps avant que les obligations nouvelles imposées par le franchissement des seuils ne viennent alourdir la charge permettra de mieux asseoir la commune nouvelle. Celle-ci restera soumise aux règles de droit commun, mais elle disposera d’un délai de trois ans pour se mettre en conformité. Ce moratoire de trois ans ne concerne pas les obligations qui existaient avant la création de la commune nouvelle : il n’aura donc aucun impact sur les obligations qui incombent d’ores et déjà aux communes.
C’est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Il s’agit d’un article nouveau, qui n’existait pas dans la proposition de loi initiale. Cela signifie que ses dispositions n’ont fait l’objet d’aucune étude d’impact, d’aucune négociation ou discussion avec qui que ce soit. Vous me répondrez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Sénat est libre de voter ce que bon lui semble, mais je me devais tout de même de vous le signaler.
Par ailleurs, certaines choses relèvent des « irritants » en général, découlant par exemple de l’application de la loi NOTRe.
En définitive, je préférerais que l’examen des questions relatives aux effets de seuil soit renvoyé à une discussion plus globale, dépassant la seule problématique des communes nouvelles. Jacques Mézard et Julien Denormandie ont déjà prévu, dans le cadre de la loi ÉLAN, des dispositions de transition, notamment pour les communes nouvelles, s’agissant des pénalités applicables en cas de non-respect du dispositif de la loi SRU. Cette intégration se fait de manière continue.
Par ailleurs, je reprends à mon compte les propos tenus précédemment par M. Darnaud à la tribune et par M. Marie : la commune nouvelle doit vraiment devenir une nouvelle commune, c’est-à-dire une entité qui ne soit pas exorbitante de toute forme de droit commun. Autant imaginer des mesures de transition en matière de mise en œuvre des innovations institutionnelles me paraît aller dans le bon sens et apporter de la souplesse, autant commencer à travailler sur les effets de seuil risquerait d’aboutir à créer autre chose qu’une nouvelle commune : les communes nouvelles se verraient en effet accorder des facilités dont les autres communes ne bénéficient pas.
Non, monsieur le sénateur, pas en matière de seuils ou d’application globale des lois de la République !
Je comprends la volonté de la commission de légiférer pour gommer des effets de seuil qui peuvent être irritants, mais si cette proposition de loi fait l’objet d’un quasi-consensus, le présent article ne s’inscrit pas du tout dans l’esprit du travail que nous menons. Je tenais à le dire, tranquillement, sans esprit partisan.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement de suppression. J’invite le Sénat à la prudence dans cette affaire.
Cet article relatif aux seuils est tout de même le fruit d’une réflexion mûrie par la mission menée par M. Darnaud. Si son dispositif fait partie des propositions du rapport sur la revitalisation de l’échelon communal, c’est bien parce qu’il répond à une revendication forte des élus locaux ayant créé des communes nouvelles.
Il s’agit non pas de déroger aux règles du droit commun, mais de donner un peu de temps aux communes nouvelles pour s’y conformer. Cela leur permettra de se renforcer sur leurs bases avant de devenir, le plus rapidement possible et pleinement, de véritables nouvelles communes, respectant toutes les obligations afférentes.
Nous avons bien conscience qu’un certain nombre de dispositions prévoient déjà des délais, notamment depuis l’entrée en vigueur de la loi ÉLAN. Il convient de repenser, de retravailler et peut-être d’affiner le dispositif, mais il est nécessaire d’adresser un signe fort aux élus locaux qui ont créé les communes nouvelles, en leur donnant un délai pour se mettre en conformité.
Mme Françoise Gatel. J’entends tout à fait la crainte que vous exprimez, monsieur le ministre, mais j’observe que M. Collombat vous approuve : pour moi, c’est un signal faible d’alerte !
Sourires.
Plus sérieusement, je comprends l’irritation que peut susciter cet article, mais il faut se donner la peine de comprendre comment fonctionne une commune nouvelle au démarrage : après sa mise en place, une année est nécessaire pour régler des questions d’ordre simplement administratif.
Prenons l’exemple de l’obligation de créer une aire d’accueil pour les gens du voyage. Compte tenu des délais de réalisation, même si la commune nouvelle engage le projet dès sa création, cette aire ne pourra pas être inaugurée dans un délai de trois ans. Il en va de même pour la création de logements sociaux.
Il s’agit donc simplement de faire preuve de pragmatisme au regard de l’impossibilité matérielle et procédurale, pour une commune nouvelle, de réaliser de tels projets dans les délais prévus par la loi. Sincèrement, ce n’est ni une dérobade ni une façon de fuir ses obligations ; c’est juste réaliste !
Nous pourrons trouver au cours de la navette, monsieur le ministre, le moyen de nous entendre pour affiner le texte de manière œcuménique, comme nous le faisons depuis le début.
M. Jacques Mézard. Je soutiendrai cet amendement. Le fait que je sois d’accord à la fois avec M. le ministre et M. Collombat mérite bien une intervention !
Sourires.
Vous avez dit, madame la rapporteur, qu’il conviendrait d’affiner le dispositif, mais il y a là un véritable sujet. Même s’il ne concerne que très peu de cas, il ne faudrait pas que l’application du texte, tel qu’il ressort des travaux de la commission, aboutisse à créer un effet d’aubaine.
Nous savons que cela peut arriver. Il serait souhaitable de réfléchir, d’ici à l’examen du texte par l’Assemblée nationale, à une formulation qui permette d’éviter ce genre de difficultés.
Comme l’a rappelé le ministre, nous avons introduit dans la loi ÉLAN, d’un commun accord d’ailleurs avec le Sénat, des dispositions pour tenir compte des évolutions et des difficultés. Je ne dis pas qu’il ne faut pas, dans certains cas, prévoir un délai supplémentaire, mais je pense qu’il est dangereux de procéder de manière globale.
Je voudrais évoquer un aspect particulier, celui de l’urbanisation. Dans une commune nouvelle, il existe une discontinuité urbaine : des prescriptions, notamment en termes de zonage, qui s’appliquaient à chacune des anciennes communes ne peuvent pas être transposées à l’échelle de la commune nouvelle. Une période de transition est donc nécessaire, par exemple pour permettre à une commune nouvelle de produire suffisamment de logements sociaux pour être en conformité avec la loi SRU. Le délai actuellement prévu est un peu court pour satisfaire aux obligations légales, surtout lorsque la discontinuité urbaine est importante.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 6 est adopté.
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 2113-11, il est inséré un article L. 2113-11-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2113 -11 -1. – Une annexe de la mairie créée en application du 2° de l’article L. 2113-11 peut être supprimée par décision du conseil municipal de la commune nouvelle prise après accord du maire délégué et, lorsqu’il existe, du conseil de la commune déléguée.
« L’acte portant suppression peut prévoir que les actes de l’état civil concernant les habitants de la commune déléguée sont établis dans une autre annexe de la mairie. À défaut, ils sont établis dans la mairie de la commune nouvelle. » ;
2° L’article L. 2113-15 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’annexe de la mairie a été supprimée dans les conditions fixées à l’article L. 2113-11-1, il se réunit dans le lieu où sont établis les actes de l’état civil concernant les habitants de la commune déléguée. »
L’amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Maurey, Médevielle et Bonnecarrère, Mmes Billon, Morin-Desailly, Vullien et de la Provôté, MM. Delahaye, Moga et Delcros, Mme Duranton, M. Decool, Mme Garriaud-Maylam, MM. Grosdidier, Guerriau, Lefèvre, A. Marc et D. Laurent et Mme Noël, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, après avis du maire délégué et, lorsqu’il existe, du conseil de la commune déléguée où seraient établis ces actes
La parole est à M. Hervé Maurey.
L’article 7, qui a été adopté par la commission – je l’en remercie –, reprend un amendement que j’avais déposé et qui faisait suite à ma proposition de loi sur les communes nouvelles.
Cet article prévoit que l’existence d’une mairie annexe dans chaque commune déléguée ne soit plus obligatoire, les coûts liés à cette obligation étant parfois difficiles à supporter pour les communes. Ainsi, quand les communes déléguées sont nombreuses, il faut payer autant d’abonnements pour la fourniture d’électricité, d’un accès à internet, etc.
L’article 7 permet la mutualisation d’une mairie annexe entre plusieurs communes déléguées. Le texte voté par la commission exige un accord du maire et du conseil municipal, s’il y en a un, de la commune déléguée.
L’amendement que je propose a pour objet de prévoir également un avis du maire et du conseil municipal de la commune déléguée qui accueillera, dans le cadre de la mutualisation, les services de la ou des mairies annexes qui auront été supprimées.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 7 est adopté.
L’amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Guérini, Mme Jouve, MM. Léonhardt, Requier, Menonville, Roux, Vall et Gold et Mmes Guillotin et Laborde, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du cinquième alinéa du II de l’article L. 2113-5 du code général des collectivités territoriales, les mots : « des deux tiers » sont remplacés par le mot : « simple ».
La parole est à M. Jacques Mézard.
Il s’agit du cas où une commune nouvelle est issue de la fusion de communes qui appartiennent à plusieurs EPCI à fiscalité propre.
Aujourd’hui, le préfet peut décider de passer outre la volonté des communes fusionnées, sauf opposition de la commission départementale de la coopération intercommunale exprimée à la majorité des deux tiers. Nous considérons, reprenant d’ailleurs une préconisation du rapport de M. Darnaud, qu’une majorité simple suffit. C’est tout simplement reconnaître l’autonomie des collectivités territoriales.
Cet amendement répond à une situation concrète concernant les communes de Talloires et de Montmin. Son dispositif reprend effectivement une préconisation du rapport de Mathieu Darnaud. L’avis de la commission est favorable, même si nous pensons qu’une réflexion globale sur les pouvoirs de la CDCI serait nécessaire.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Pour montrer au ministre Mézard qu’il y a bel et bien un changement d’époque, j’émets un avis très favorable !
Exclamations amusées sur les travées du groupe Union Centriste.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 7.
L’amendement n° 11 rectifié bis, présenté par Mme Berthet, M. Allizard, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest et Grosdidier, Mme Gruny, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mme Morhet-Richaud et MM. Mouiller, Paccaud, Rapin, Vogel et Bouloux, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an suivant la publication de la présente loi, le conseil municipal d’une commune nouvelle créée entre le 17 décembre 2010 et le 8 novembre 2016, par la fusion de plusieurs communes dont l’une au moins était issue d’une fusion de communes en application de la section 3 du chapitre III du titre Ier du livre Ier de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, peut décider d’instituer des communes déléguées reprenant le nom et les limites territoriales de l’ancienne commune chef-lieu et des anciennes communes associées, en remplacement, le cas échéant, de la commune déléguée reprenant le nom et les limites territoriales de la commune qui avait été créée par leur fusion.
Par dérogation à l’article L. 2113-19 du code général des collectivités territoriales, l’institution de communes déléguées en application du premier alinéa est sans incidence sur le montant cumulé maximal des indemnités des adjoints de la commune nouvelle, des maires délégués et de leurs adjoints.
La parole est à Mme Martine Berthet.
Il est primordial que les petites communes isolées, comptant peu d’habitants, puissent profiter du régime de commune déléguée afin de garantir une certaine proximité avec les citoyens. En effet, les communes « mères » se situent parfois à plusieurs kilomètres des villages, et les habitants de ceux-ci ne connaissent pas toujours les élus locaux œuvrant désormais pour leur commune.
Il convient de permettre au conseil municipal d’une commune nouvelle d’instituer des communes déléguées reprenant le nom et les limites territoriales d’anciennes communes issues du régime de fusion-association de la loi de 1971, dite « loi Marcellin ». Les communes nouvelles créées avant l’entrée en vigueur de la loi du 8 novembre 2016 visant à maintenir des communes associées sous forme de communes déléguées ne bénéficient actuellement pas toutes de ce régime. L’amendement vise à leur ouvrir le droit de rétablir des communes déléguées dans le périmètre des anciennes communes associées.
Ce rétablissement devrait être décidé dans un délai d’un an suivant la publication de la loi, et n’aurait pas pour effet d’augmenter l’enveloppe indemnitaire de la commune nouvelle.
Cet amendement vient corriger un oubli de la loi du 8 novembre 2016, qui permet le maintien des communes associées sous forme de communes déléguées en cas de création d’une commune nouvelle. Cette loi avait réglé le cas des communes nouvelles créées à partir de 2016, mais pas celui des communes nouvelles mises en place entre 2010 et 2016.
Par ailleurs, cet amendement vise à instaurer un délai raccourci d’un an pour remédier à ces situations.
L’avis de la commission est favorable.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 7.
L’amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Maurey et Médevielle, Mmes Vullien et Morin-Desailly, M. Bonnecarrère, Mmes de la Provôté et Billon, MM. Delcros et Decool, Mme Garriaud-Maylam, MM. Lefèvre, A. Marc et Delahaye, Mmes Noël et Duranton et MM. Grosdidier et Guerriau, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 2113-10 du code général des collectivités territoriales est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Le conseil municipal de la commune nouvelle peut décider la suppression d’une partie ou de l’ensemble des communes déléguées, dans un délai qu’il détermine. Le projet de suppression d’une commune déléguée est subordonné à l’accord du maire délégué et, lorsqu’il existe, du conseil de la commune déléguée. »
La parole est à M. Hervé Maurey.
Cet amendement vise à assouplir une disposition un peu trop stricte de la législation actuelle. En effet, il n’est aujourd’hui possible que de conserver toutes les communes déléguées ou de toutes les supprimer. Un certain nombre d’élus de communes nouvelles du département dont j’ai l’honneur d’être le représentant m’ont demandé de modifier cette situation. Aussi cet amendement tend-il à instaurer la possibilité de ne supprimer qu’une partie des communes déléguées d’une commune nouvelle, en soumettant cette suppression partielle à l’accord du maire délégué et du conseil municipal, s’il y en a un, de chacune des communes déléguées concernées. Il s’agit d’un assouplissement qui est conforme à l’esprit général de la proposition de loi.
Je voudrais revenir sur l’amendement n° 4 rectifié, que nous avons adopté précédemment. Cet amendement prévoit la fourniture d’un certain nombre d’informations de nature financière préalablement à la création d’une commune nouvelle. Cela me paraît très important. En effet, dans mon département, je rencontre des maires ou des maires délégués qui n’ont pas forcément mesuré les conséquences financières de la création de la commune nouvelle.
Monsieur le ministre, il arrive que les services de l’État, notamment la direction générale des finances publiques, la DGFiP, ne soient pas à même, peut-être en raison d’une surcharge de travail, d’apporter ces informations. Très souvent, des regroupements de communes, mais aussi d’intercommunalités, se font un peu à l’aveugle. Procéder à l’aveugle, c’est bien en matière d’œnologie, mais c’est beaucoup moins bien et bien plus risqué en matière de fusion de communes ou d’EPCI ! Il faudrait que les services de l’État puissent répondre mieux qu’ils ne sont en capacité de le faire aujourd’hui au besoin d’information des élus.
L’adoption de cet amendement permettra d’introduire plus de souplesse dans la gestion des communes nouvelles, ce qui répond parfaitement aux objectifs de la proposition de loi.
L’avis de la commission est donc favorable..
Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Monsieur Maurey, il revient effectivement aux services de l’État d’informer les élus, mais d’autres acteurs ont également un rôle à jouer en la matière, comme j’ai eu l’occasion de le souligner ici même, voilà quelques jours, lors de l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Lorsque la plus grande communauté d’agglomération de notre département de l’Eure, qui dispose d’une ingénierie financière importante, de cadres de la fonction publique territoriale de catégorie A, propose le mariage à une communauté de communes beaucoup plus rurale ne disposant pas des mêmes moyens, il n’est pas complètement aberrant que son président, le maire d’Évreux, participe également, au côté du représentant de l’État, du corps préfectoral et de la direction départementale des finances publiques, la DDFiP, à l’information préalable des élus.
Je pense que le devoir d’information n’est pas univoque et ne doit pas reposer que sur les seuls services de l’État. À l’occasion d’un mariage, il est recommandé de bien s’assurer de la situation patrimoniale de son futur conjoint.
Sourires.
La DDFiP peut faire le travail du notaire, mais cela n’exclut pas pour autant le contrôle entre époux !
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 7.
L’amendement n° 9 rectifié sexies, présenté par M. Paccaud, Mmes Berthet et Bories, MM. Charon, Courtial et Decool, Mme Deromedi, MM. Détraigne et Dufaut, Mme Duranton, M. B. Fournier, Mmes Garriaud-Maylam et Gruny, M. Guerriau, Mme Guidez, MM. Henno et Joyandet, Mme Lamure et MM. D. Laurent, Longeot, A. Marc, Marseille, Meurant, Moga, Morisset, Panunzi, Raison, Rapin, Schmitz, Sol, Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2121-7 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, dans une commune nouvelle régie par les dispositions du chapitre III du titre Ier du présent livre, le conseil municipal peut décider qu’une ou plusieurs de ses réunions auront lieu dans une ou plusieurs annexes de la mairie. »
La parole est à M. Olivier Paccaud.
Lors de la discussion générale, notre collègue Loïc Hervé nous a dit qu’une commune nouvelle, c’est un seul conseil municipal, une seule mairie et des inquiétudes.
Je voudrais revenir sur ces inquiétudes, notamment celles des anciennes communes qui avaient une identité propre, laquelle ne disparaîtra pas avec la création de la commune nouvelle. La réussite d’une commune nouvelle dépendra de sa capacité non seulement à bâtir un projet de territoire, mais aussi et surtout à intégrer les anciennes communes. À cet effet, certains gestes diplomatiques doivent être accomplis, par exemple en permettant, de temps à autre, que le conseil municipal se tienne dans les locaux de l’une ou l’autre des anciennes mairies. Tel est l’objet de cet amendement.
Permettre la délocalisation des conseils municipaux permettra de renforcer le sentiment d’adhésion des anciennes communes à la commune nouvelle. Il s’agit d’une bonne idée : l’avis est favorable.
Je suis favorable à cet amendement, sous deux conditions.
La première est de limiter le nombre de ces réunions délocalisées du conseil municipal à deux par an.
La seconde est d’assurer la meilleure information possible. On délocalise bien le conseil des ministres, me dira-t-on, mais celui-ci, à la différence du conseil municipal, n’est pas public. Le conseil des ministres est un organe délibérant prévu dans la Constitution, et non un organe public. En revanche, chaque citoyen doit pouvoir assister aux séances du conseil municipal. Il faudra donc prévoir bien en amont des mesures de publicité efficaces. À défaut, les délibérations s’exposeraient à des risques de recours contentieux. Certains pourraient, par exemple, reprocher au conseil municipal de s’être réuni dans un lieu inhabituel pour que le public n’y assiste pas.
Intellectuellement, je suis tout à fait favorable au dispositif proposé, mais il ne faudrait pas qu’il puisse servir de moyen de perdre l’électeur. Ce serait en contradiction avec vos amendements précédents, monsieur Paccaud, qui visaient à arrimer la commune nouvelle à ses habitants.
Pour ces raisons, j’émets un avis de sagesse favorable sur cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 7.
L’amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. D. Laurent et Lalande, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le territoire de la commune de Saint-Palais-du-Né (département de la Charente) est rattaché au département de la Charente-Maritime.
La parole est à M. Daniel Laurent.
Les conseils municipaux d’Archiac, en Charente-Maritime, et de Saint-Palais-du-Né, en Charente, se sont prononcés favorablement, par délibérations en date du 9 janvier 2018 et du 6 mars 2018, sur la création d’une commune nouvelle, à compter du 1er janvier 2019. C’est le fruit d’un travail de concertation engagé en 2017.
La création de cette commune nouvelle conduisant à modifier les limites départementales, les deux conseils départementaux ont été saisis pour avis.
Le conseil départemental de Charente-Maritime a délibéré favorablement, mais celui de la Charente a émis un avis défavorable, le 4 mai dernier, ce que je peux parfaitement entendre. Je tiens toutefois à préciser que la commune de Saint-Palais-du-Né représente 0, 08 % de la superficie totale de la Charente et, avec moins de 300 habitants, 0, 22 % de sa population.
Les dispositions de l’article L. 2113-4 du code général des collectivités territoriales prévoient que, en cas d’opposition d’un conseil départemental, les limites territoriales des départements ne peuvent être modifiées que par la loi.
Compte tenu du projet commun que souhaitent mettre en œuvre ces deux communes, et eu égard au fait que, depuis 2010, cinq créations de commune nouvelle ont entraîné une modification des limites départementales, cet amendement vise à rattacher la commune de Saint-Palais-du-Né, en Charente, au département de la Charente-Maritime. C’est un préalable nécessaire à la fusion.
Il peut sembler étonnant qu’il revienne au pouvoir législatif de régler de telles situations particulières.
Toutefois, l’article 72 de la Constitution dispose que les collectivités territoriales s’administrent librement dans les conditions qui sont prévues par la loi. Or la loi prévoit qu’il appartient au pouvoir législatif de statuer en la matière.
En l’espèce, le conseil départemental de la Charente s’est opposé par principe à la fusion des communes de Saint-Palais-du-Né et d’Archiac, qui relève pourtant d’un véritable projet d’intérêt général et d’une volonté affirmée des élus de ces deux communes.
Dans la logique de revitalisation de l’échelon communal, d’autonomie et de libre administration des collectivités territoriales, à commencer par les communes, qui inspire ses travaux, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Monsieur le sénateur Laurent, ne connaissant pas la situation particulière que vous évoquez, je n’émettrai pas d’avis sur votre amendement.
Apposer un tel cas particulier à cette proposition de loi, qui constitue un instrument important d’assouplissement et de simplification du droit, ne me semble pas bienvenu au regard du maintien des grands équilibres du texte.
Ancien maire et ancien président de conseil départemental, j’ai la faiblesse de considérer qu’un accord local est la meilleure solution. Certes, en l’absence d’un tel accord, c’est à la loi de régler la situation, car c’est à elle qu’il revient de fixer les limites des départements, tandis qu’il revient au pouvoir réglementaire de fixer celles des EPCI, en application bien sûr de la loi.
Je ne vois pas pourquoi un membre du Gouvernement donnerait un avis sur un amendement concernant une situation locale qu’il ne connaît pas. Par ailleurs, si l’amendement est adopté, je risque de me retrouver, à l’Assemblée nationale, face à des députés de l’un ou l’autre département qui proposeront un amendement contraire au vôtre…
Le plus sage pour moi est de m’en remettre complètement au Parlement.
J’apprécie la décision du ministre de s’en remettre au Parlement, mais je suivrai Mme la rapporteur.
À défaut d’accord local, la loi dispose que c’est au législateur de se prononcer. Sinon, ce sera au Conseil d’État de le faire. Il me semble que nous nous déroberions à notre devoir si nous nous en remettions au Conseil d’État, dont l’avis pourrait faire jurisprudence.
Certes, monsieur le ministre, ce sont les acteurs locaux qui doivent décider eux-mêmes de l’avenir de leur territoire. Toutefois, le conseil départemental qui s’est opposé à la fusion n’a nullement motivé son refus, lequel s’apparente à une position de principe. Aucun risque de dommage pour le département n’a été mis en évidence. Dans ces conditions, il me semble que le Parlement peut exercer les pouvoirs que la loi lui confère ; il en a même le devoir.
Je soutiendrai donc cet amendement, proposé par un sénateur du cru. Je n’imagine pas un de nos collègues déposer un amendement qui serait rejeté localement. Je salue donc le courage et l’initiative de M. Laurent.
Je suis un peu embêté, car si la loi confie au Parlement le soin de trancher, il n’en reste pas moins que nous n’avons pas connaissance de tous les tenants et aboutissants, ni des positions des uns et des autres.
J’ai beaucoup d’estime pour mon collègue Daniel Laurent et j’imagine que ses arguments sont très bons, mais je n’ai pas entendu s’exprimer de sénatrice ou de sénateur de l’autre département.
Arrêter une position définitive sur un sujet dont on ne connaît pas tous les éléments nous paraît quelque peu délicat. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.
Ces deux communes sont déjà imbriquées l’une dans l’autre et leurs populations sont favorables à ce projet de fusion, tout comme les deux conseils municipaux.
Quant aux sénateurs de Charente, sachez que Nicole Bonnefoy et Michel Boutant se sont abstenus au conseil départemental, ce qui signifie qu’ils n’ont pas voté contre.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 7.
Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne puis que le constater, les communes nouvelles que nous sommes en train de fabriquer sont tellement nouvelles que ce ne sont plus des communes…
Sourires.
Je voudrais remercier M. le président de la commission des lois, Mme la rapporteur pour sa volonté d’améliorer le texte et M. le ministre. J’ai apprécié que nous puissions retrouver une relation constructive entre législatif et exécutif, au service de nos territoires. Je suis heureuse que cette proposition de loi, qui est vraiment très attendue par un grand nombre d’élus n’ayant qu’une envie, celle de faire commune, de donner un avenir à leur territoire et de répondre ainsi aux attentes de leurs concitoyens, soit adoptée ce soir par le Sénat.
Eu égard à la bonne volonté dont vous avez fait preuve tout au long de ce débat, monsieur le ministre, je ne doute pas que ce texte prospérera et sera définitivement adopté d’ici au mois de mars prochain. Les choses seront ainsi calées un an avant les élections municipales.
Ce débat a été intéressant, riche, plein d’enseignements. Un certain nombre d’éléments vont dans le bon sens mais d’autres nous inquiètent, en particulier les dispositions de l’article 2.
Nous sommes nous aussi en attente de la suite des événements et nous verrons, si le parcours parlementaire de cette proposition de loi se poursuit, ce qu’il sortira des travaux de l’Assemblée nationale.
Comme nous l’avons annoncé lors de la discussion générale, le groupe socialiste et républicain s’abstiendra.
Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 12 décembre 2018 :
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, instituant des funérailles républicaines (n° 170, 2016-2017) ;
Rapport de M. Loïc Hervé, fait au nom de la commission des lois (n° 177, 2018-2019).
Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, en faveur de la création de paiements pour services environnementaux rendus par les agriculteurs, présentée par MM. Franck Montaugé, Henri Cabanel, Jean-Claude Tissot, Patrick Kanner, Olivier Jacquin et plusieurs de leurs collègues (n° 86, 2018-2019).
De dix-huit heures trente à vingt heures et de vingt et une heures trente à minuit :
Ordre du jour réservé au groupe Les Indépendants
Proposition de loi relative à l’obligation de déclaration d’un préavis de grève des contrôleurs aériens, présentée par M. Joël Guerriau et plusieurs de ses collègues (n° 621, 2017-2018) ;
Rapport de M. Alain Fouché, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 161, 2018-2019) ;
Texte de la commission (n° 162, 2018-2019).
Débat sur le thème : « Emplois non pourvus en France : quelles réponses ? quelles actions ? »
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 12 décembre 2018 à une heure.
Le groupe socialiste et républicain a présenté une candidature pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Gilbert-Luc Devinaz est membre de la commission affaires étrangères, de la défense et des forces armées.