Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, chers collègues, le succès n’a pas été immédiat, mais il est aujourd’hui incontestable : la commune nouvelle est bel et bien une « révolution silencieuse », pour reprendre le titre d’un rapport de nos collègues Christian Manable et Françoise Gatel, et elle intéresse de plus en plus nos collègues élus locaux.
Des chiffres ont été évoqués, je n’y reviendrai pas. Je n’en citerai qu’un : au 1er janvier 2019, c’est encore près de 200 « nouvelles communes nouvelles » qui devraient voir le jour.
Si le succès est là, la création d’une commune nouvelle suscite encore des inquiétudes, des réticences dans les territoires. Certaines de ces réticences portent non pas sur l’aboutissement du projet, mais sur les modalités de la transition.
Notre collègue Françoise Gatel nous propose aujourd’hui non pas seulement de réformer le statut de la commune nouvelle, mais plus simplement de lever les réticences que je viens d’évoquer et que l’on retrouve dans de nombreux territoires et de faciliter la transition.
L’objet de ce texte n’est évidemment pas de contraindre les élus qui ne le voudraient pas à créer des communes nouvelles. Il ne s’agit pas non plus de mettre en place un nouveau mécanisme d’incitations financières. Plusieurs collègues ont d’ailleurs dénoncé, en commission, les dérives auxquelles on a pu parfois aboutir en se focalisant exclusivement sur ces incitations. En effet, si l’on décide de se marier, on ne peut pas le faire uniquement pour l’argent. §C’est aussi simple et vertueux que cela !
Cela ne doit pas nous empêcher de nous réjouir que le Sénat ait adopté, dans le cadre de l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », la prolongation pour deux années du « pacte de stabilité financière » dont bénéficient les communes nouvelles. Pourvu, monsieur le ministre, que cette incitation perdure dans la mouture finale du budget de la Nation !
Mais ce coup de pouce financier ne fait pas tout. Pour qu’une commune nouvelle puisse se créer, et surtout pour qu’elle puisse perdurer, il faut, comme pour une intercommunalité qui fonctionne bien, un réel projet commun, une volonté profonde, partagée et non équivoque des élus et de la population.
Certains collègues ont évoqué, en commission, des exemples de communes nouvelles qui ne fonctionnent pas ou mal. C’est vraiment dommage, mais, le plus souvent, l’explication est assez facile à donner : ces communes nouvelles ont fait primer des considérations strictement financières, négligeant le projet commun.
Certains oublient parfois qu’une commune nouvelle, c’est avant tout une seule commune. Oui, il faut avoir le courage de rappeler que cette commune n’a pas vocation, à terme, à déroger au droit commun : un seul maire, un seul conseil municipal avec un nombre « normal » de membres, une seule mairie…
Tout cela est de nature à engendrer des inquiétudes. La première d’entre elles tient souvent à la diminution du nombre de conseillers municipaux, anxiogène pour les élus locaux et la population. La raison en est très simple : souvent, l’effectif prévu lors du premier renouvellement ne permettra pas d’assurer la représentation au sein du conseil municipal de chacune des anciennes communes.
Dans le texte issu des travaux de notre commission des lois, il est prévu que l’effectif du conseil municipal ne pourra pas baisser de plus des deux tiers après le premier renouvellement suivant la création de la commune nouvelle. Cette évolution est de nature à rassurer les élus, en faisant que la baisse – provisoire – du nombre d’élus soit moins violente qu’avec la simple application du droit commun.
Je viens d’évoquer la composition du conseil municipal, mais le fonctionnement de la commune nouvelle peut également susciter des craintes.
Le texte initial de notre collègue Françoise Gatel prévoyait, à son article 2, la possibilité de créer une commission permanente. Cette commission permanente n’aurait concerné que de grandes communes nouvelles et pour une durée limitée, puisqu’elle n’aurait pu être instituée qu’entre la création de la commune nouvelle et le premier renouvellement du conseil municipal. Notre commission des lois a supprimé cet article 2, estimant que le dispositif proposé se heurtait à des difficultés d’ordres juridique et pratique.
Il nous semble qu’il s’agissait pourtant d’une bonne idée, qui, conformément à l’esprit de cette proposition de loi, était de nature à lever certaines inquiétudes et à faciliter la naissance et les premiers mois de vie d’une commune nouvelle. Attentif aux remarques de notre rapporteur, je vous proposerai par amendement, au nom du groupe de l’Union Centriste, de rétablir cet article 2 dans une rédaction revue, avec un dispositif plus souple et plus adapté.
Une dernière inquiétude est de nature à empêcher – à tort – la création d’une commune nouvelle : l’obligation de rattachement à un EPCI.
Cette règle, nous la connaissons tous, mes chers collègues : une commune est forcément rattachée à un EPCI. Demain, une commune nouvelle qui regrouperait l’ensemble des communes membres d’une intercommunalité se verrait donc dans l’obligation d’intégrer un nouvel EPCI. Chacun d’entre nous connaît sans doute un territoire, dans son département, qui est confronté à cette problématique.
Dès lors, on voit très bien à quelles interrogations, sont confrontés les élus qui envisagent la création d’une telle commune nouvelle : à quel EPCI à fiscalité propre devra-t-elle se rattacher ? Comment sera-t-elle représentée au conseil communautaire ?
On comprend que cette obligation soit de nature à bloquer certains projets. Si un territoire fait le choix d’une mutualisation très poussée, d’un projet commun suffisamment fort pour aboutir à la création d’une commune en lieu et place de plusieurs, aura-t-il envie d’être rattaché à un EPCI, situé sans doute dans un autre bassin de vie, avec lequel il n’aurait pas de projet commun immédiat ?
On le comprend, dans ce contexte particulier, la règle du rattachement systématique à une intercommunalité n’a pas de sens. Surtout, quelle serait sa justification ? Inciter les communes à mutualiser ? Pourraient-elles le faire davantage qu’en décidant de ne plus former qu’une seule commune, exerçant à la fois les compétences de la commune et de l’intercommunalité ?
Ne restons donc pas figés sur une règle systématique : non, tous les territoires ne doivent pas forcément avoir la même architecture territoriale. Dessiner un jardin à la française n’est pas une fin en soi. Tel est d’ailleurs, me semble-t-il, l’état d’esprit du Gouvernement, monsieur le ministre, puisque j’ai en mémoire les propositions du Président de la République évoquant devant le Congrès plusieurs réformes en faveur de la différenciation territoriale…
En conclusion, je tiens â saluer le travail de notre rapporteur, Agnès Canayer, qui a su mesurer l’importance des dispositions de cette proposition de loi. Elle a su aussi faire preuve d’ouverture d’esprit, s’agissant notamment de la proposition que j’évoquais à l’instant d’instaurer une « commune-communauté » – en fait, une commune exerçant les prérogatives d’une intercommunalité –, qui a pu, dans un premier temps, susciter des réactions de méfiance, car elle remet en cause notre schéma classique d’organisation territoriale. En bonne intelligence avec Françoise Gatel, dont je salue encore une fois l’initiative, vous avez su, madame la rapporteur, apporter des modifications utiles lors de l’examen du texte en commission.
Sans surprise, le groupe Union Centriste apportera tout son soutien à cette proposition de loi. Nous attendons un appui actif du Gouvernement pour que la discussion de ce texte puisse aboutir dans des délais suffisamment courts afin que certains projets de commune nouvelle puissent voir le jour avant le prochain renouvellement municipal. Dans cette perspective, nous espérons que cette proposition de loi sera rapidement inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.