Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 11 décembre 2018 à 21h30
Communes nouvelles et diversité des territoires — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, créées par la loi de 2010, les communes nouvelles n’étaient encore qu’au nombre de 18 au début de 2014 ; 13 verront le jour au cours de l’année 2014, puis, stimulées par la loi de mars 2015, les créations se multiplieront – 317 en 2015, 200 en 2016 –, avant que l’élan ne retombe, avec seulement 37 communes nouvelles créées en 2017.

S’il fallait une confirmation du fait que ces fusions de communes sont largement les sous-produits de l’application de la loi NOTRe et des restrictions budgétaires imposées, ces chiffres suffiraient.

L’analyse des schémas départementaux de la coopération intercommunale au 31 décembre 2016 montre qu’un peu plus de 70 % des communes nouvelles regroupent deux ou trois communes seulement, l’essentiel des créations concernant des communes très proches géographiquement, habituées à travailler ensemble et à mutualiser leurs moyens. Rien donc que de très naturel, d’autant que les gains financiers de l’opération ne sont pas négligeables.

Des entretiens que nous avons menés dans le cadre des travaux de la commission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des lois de réforme territoriale, présidée par Mathieu Darnaud, il ressort que, s’agissant des fusions de plus de trois communes, deux catégories de motivations sont principalement invoquées : financières et identitaires.

Les avantages financiers liés à la création des communes nouvelles ne sont pas négligeables, puisque celles créées avant le 1er janvier 2016 bénéficiaient du gel de la baisse de leurs dotations pendant trois ans et d’une majoration de 5 % quand leur taille était comprise entre 1 000 et 10 000 habitants. C’est une discrimination un peu curieuse puisque, en principe, il faut favoriser la réunion de petites communes.

Une fusion de communes est ainsi parfois le moyen de remplacer un EPCI qui, bien que répondant aux besoins de ses communes membres, est appelé à disparaître dans la nouvelle intercommunalité, sans que l’on sache qui assurera la compétence. Finalement, se regrouper dans une commune nouvelle est apparu comme le moyen de continuer à assurer collectivement le service public.

À cette motivation s’est parfois ajouté le désir de peser plus dans la nouvelle intercommunalité, voire au sein des nouvelles grandes régions. Il s’agit d’ailleurs d’une arithmétique discutable, dans la mesure où la somme des sièges accordés à un ensemble de petites communes est très généralement supérieure au nombre de sièges dont elles disposaient avant d’être rassemblées. En résumé, les fusions de communes sont aussi un moyen de se protéger des effets pervers de réformes imposées…

Si l’initiative en matière de création de communes nouvelles revient, généralement, aux maires des communes-centres – ce n’est pas un hasard –, elle est assez bien reçue des autres élus, une lecture rapide de la loi et des exégèses préfectorales, quand cela les arrange, leur donnant parfois l’illusion de gagner sur les deux tableaux, en conjuguant les avantages de la fusion et la conservation de leur commune, comme si l’existence et le fonctionnement des communes déléguées, selon les modalités transitoires autorisées par la loi de 2015, devaient se perpétuer au-delà du renouvellement des conseils municipaux, comme si le maire délégué continuait à représenter une commune fusionnée.

Cette confusion des sentiments et des intérêts montre l’ambiguïté, pour ne pas dire les illusions, d’un certain nombre d’élus engagés dans la création de communes nouvelles. Séduits par la formule, ils veulent croire que les anciennes communes continueront à exister au sein de la commune nouvelle – sous une forme un peu particulière, il est vrai.

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