Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, chers collègues, depuis son institution par l’Assemblée nationale constituante, le 14 décembre 1789, la commune reste la cellule de base de notre organisation territoriale, le socle de l’ensemble de l’architecture locale, l’échelon fondamental du « vivre ensemble ».
La commune est bien plus qu’une collectivité territoriale : c’est le lieu où l’on vit, où l’on puise une part importante de son identité, de ses racines et où l’on développe ses relations sociales.
Plusieurs de nos voisins ont choisi de fusionner les communes de façon plus ou moins autoritaire. La France compte 40 % des communes européennes. Certains y voient un handicap, du fait de la petite taille de nos communes, les trois quarts d’entre elles regroupant moins de 1 000 habitants. J’y vois, pour ma part, une chance, celle de l’engagement de près de 500 000 élus locaux, majoritairement bénévoles. Ils exercent, et c’est particulièrement important dans cette période troublée, un véritable rôle de médiateur traitant les problèmes quotidiens, instaurant du lien social, garantissant une présence publique.
Depuis quelques dizaines d’années, les communes ont connu des évolutions majeures. Elles ont été affectées par de forts mouvements démographiques et sociologiques et, plus récemment, par la montée en puissance de l’intercommunalité, la raréfaction des ressources financières et une complexité administrative croissante.
La petite taille de certaines communes a pu devenir, faute de moyens administratifs, techniques et financiers adéquats, un frein à l’action locale et un nombre croissant d’élus ont donc opté pour un regroupement. Volontairement ou sous la pression de la loi, l’intercommunalité est venue, pour partie, pallier ces difficultés, mais l’augmentation du périmètre de celle-ci a rebattu les cartes.
Ainsi, les communes nouvelles créées en 2010 sont apparues comme un bon moyen de rapprocher les communes sur la base du volontariat. La loi de 2015 a rendu le régime des communes nouvelles plus attractif en levant certains obstacles institutionnels, financiers, voire psychologiques. Elle a amélioré les dispositions organisant les premières années de vie de la commune nouvelle et la place des élus municipaux dans ses institutions, garanti le maintien d’une identité communale, notamment en matière d’urbanisme, assoupli les modalités de rattachement à un EPCI à fiscalité propre et garanti, par un pacte financier, le niveau des dotations budgétaires cumulées des anciennes communes.
Aujourd’hui, les communes nouvelles permettent de redonner aux élus des capacités d’action, de mutualiser les moyens et de renforcer les services offerts à la population, mais aussi de repositionner la commune au sein de son environnement territorial.
On peut ainsi penser que, loin de s’opposer au développement de l’intercommunalité, des communes plus importantes, gérées par des élus enthousiastes, peuvent être plus promptes à collaborer avec leurs voisines, redonnant ainsi du sens à l’idée de communes fortes dans des intercommunalités fortes. C’est pourquoi nous nous réjouissons que cette forme d’organisation se développe.
Toutefois, chers collègues, je tiens à souligner, une fois de plus, qu’une commune nouvelle est une commune à part entière et qu’il n’est pas nécessairement judicieux de multiplier les dérogations au statut communal.
Je veux insister ici sur deux points.
D’une part, à l’heure où nos concitoyens demandent une action publique rationnelle et efficace, notre objectif doit être d’apporter des solutions nouvelles aux élus locaux, sans remettre en cause les qualités démocratiques et la proximité qui caractérisent nos communes actuelles. Une fusion réussie repose sur un projet de territoire librement partagé par des élus volontaires et sur l’expérience du travail en commun.
D’autre part, la création de communes nouvelles ne doit pas constituer un frein à la promotion de l’intercommunalité. En effet, bon nombre d’entre elles ne compteront que quelques milliers d’habitants, voire quelques centaines, et n’auront pas les moyens de se dispenser d’une coopération intercommunale.
C’est à l’aune de ces principes que nous faisons une lecture circonstanciée de la proposition de loi de Mme Gatel, qui marque une approche volontariste et manifeste une attention louable, mais dont la version initiale, par la multiplicité des dérogations, s’écartait du statut de commune.
En ce sens, nous soutenons la proposition faite par Mme la rapporteur à la commission des lois de supprimer l’article 2 et nous ne sommes pas favorables à l’amendement de M. Hervé.
À l’article 3, la rapporteur a proposé une rédaction qui résout les difficultés techniques du texte initial, mais qui valide la possibilité de procéder à l’élection du maire en dépit d’un nombre de vacances pouvant s’élever jusqu’au tiers du conseil municipal ; j’y reviendrai, mais nous considérons que c’est trop.
Par ailleurs, nous voterons les trois articles ajoutés par la commission des lois.
L’article 5 vise à placer les maires délégués immédiatement après le maire dans l’ordre du tableau, au motif qu’ils sont de droit, jusqu’au prochain renouvellement, les maires des anciennes communes. Nous souscrivons à cette disposition, somme toute logique.
L’article 6, quant à lui, limite les effets de seuil qui engendrent de nouvelles obligations. Qu’il s’agisse des contraintes en matière de réalisation de logements sociaux, d’accessibilité, d’accueil des gens du voyage, il ne faut pas que les élus aient devant eux une montagne infranchissable ; il faut qu’ils puissent gravir la pente petit à petit. À cet égard, cet article offre une souplesse utile.
Enfin, nous sommes favorables à l’article 7, qui allège les règles d’établissement de mairies annexes.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, chers collègues, nous sommes plus que favorables aux communes nouvelles, mais parce que nous croyons en ce modèle, nous ne pensons pas qu’il faille élargir les exceptions. Une commune nouvelle est avant tout une commune. C’est pourquoi nous opterons pour une abstention bienveillante sur ce texte.