Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 7 décembre 2018 à 14h30
Loi de finances pour 2019 — Article 56

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Je me permets de prendre la parole sur cette question complexe et récurrente des valeurs locatives des locaux artisanaux ou industriels. Chaque année, lors de l’examen du projet de loi de finances, des amendements sont déposés pour essayer de préciser la frontière entre établissements artisanaux et établissements industriels. Il faut le reconnaître, la situation n’est pas satisfaisante.

Quels sont les enjeux ? Du côté des entreprises, il existe un problème réel lié à l’imprécision de la notion d’établissement industriel, à la suite d’une jurisprudence du Conseil d’État de 2005. Plus récemment, des requalifications de certaines entreprises en établissement industriel sont intervenues, ce qui conduit en général à des augmentations de cotisations.

Je rappelle que la méthode de calcul de la valeur locative a été créée à l’origine pour favoriser les établissements industriels. Ils ne sont pas redevables de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères et bénéficient d’un abattement au titre de la cotisation foncière des entreprises, la CFE. Toutefois, contrairement à ce que l’on peut penser, toute requalification d’un établissement industriel en local professionnel n’est pas favorable à l’entreprise, d’autant que les valeurs locatives des locaux professionnels ont été révisées.

Je précise que les contrôles fiscaux aboutissent à des solutions non satisfaisantes, les services fiscaux appliquant des règles variables. Je citerai un cas aberrant qui m’a été rapporté par un vice-président du MEDEF : pour ses établissements industriels répartis sur toute la France, les services fiscaux ont procédé à un jugement de Salomon, classant les dix premiers de la liste dans la catégorie « établissements industriels » et les dix suivants dans la catégorie « établissements artisanaux »… Une clarification s’impose !

L’Assemblée nationale a défini un seuil d’immobilisation en dessous duquel il s’agit d’un établissement artisanal et au-dessus duquel il s’agit d’un établissement industriel. C’est plutôt une bonne méthode, même si des difficultés subsistent, notamment pour les collectivités, avec la notion d’établissement industriel et la territorialisation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE.

Pour répondre à une demande des artisans, le Gouvernement propose que ces derniers ne puissent plus, à partir de 2019, être considérés comme des industriels. C’est satisfaisant sur le principe, mais cela mettra en difficulté des entreprises artisanales industrielles, qui vont se voir appliquer des valeurs professionnelles révisées sans mécanisme d’atténuation. On sait que les spécialistes des finances locales adorent le « planchonnement » et le « lissage », mais ces entreprises devront également payer la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, ce qui n’était pas prévu, et elles perdront le bénéfice de l’abattement de CFE.

Pour les entreprises autres que les artisans, à partir de 2020, le seuil d’immobilisation au-dessus duquel une entreprise est considérée comme industrielle, initialement fixé à 300 000 euros, a été relevé à 500 000 euros par l’Assemblée nationale. Cela risque de poser problème, même si nous pouvons nous mettre d’accord sur un certain nombre d’éléments, comme le lissage.

À cet instant, nous ne sommes pas en mesure de savoir si le seuil pertinent est de 300 000 euros, de 500 000 euros ou de 2 millions d’euros. Fixer un seuil à l’aveugle peut emporter des conséquences négatives, pour les collectivités, qui peuvent subir des pertes de recettes, et pour les entreprises, qui peuvent voir leur imposition augmenter en changeant de catégorie. Il est donc extrêmement dangereux de modifier un seuil sans simulation préalable.

Je propose une autre méthode, qui consiste à ne pas fixer de seuil a priori, avant d’avoir simulé les effets de la réforme.

Un projet de loi de finances rectificative dédié aux collectivités territoriales nous est annoncé pour le printemps, monsieur le secrétaire d’État. Nous devrions débattre à cette occasion de la question des ressources des collectivités, en particulier de la taxe d’habitation. Ce sera, me semble-t-il, l’occasion de trouver définitivement une solution à ce problème récurrent. Si nous fixons un seuil aujourd’hui, nous risquons d’avoir des dommages collatéraux et nous serons obligés d’y revenir à l’occasion de l’examen du PLFR.

Pour nous aider à faire ce travail, je souhaiterais que le Gouvernement s’engage à effectuer des simulations et qu’il fasse preuve entre-temps de retenue dans ses contrôles fiscaux.

Par le passé, j’ai connu trop de réformes mal calibrées. Aujourd’hui, nous ne sommes pas capables de déterminer le meilleur seuil et, par principe, nous ne votons pas de réforme fiscale d’envergure sans simulation.

Je vous propose donc de temporiser, monsieur le secrétaire d’État, de travailler à des simulations pour les entreprises comme pour les collectivités, et d’adopter une solution définitive lors de l’examen du prochain PLFR consacré aux ressources des collectivités.

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