Madame la présidente, madame la vice-présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le président Patrick Kanner, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de me trouver aujourd’hui une nouvelle fois au Sénat – en ce moment, j’y viens quasiment une fois par jour ! – pour cette proposition de loi visant à instituer des funérailles républicaines, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale voilà plus de deux ans maintenant, sous la précédente législature.
La proposition de loi vient aujourd’hui devant le Sénat, et c’est pour moi l’occasion de saluer la grande qualité des débats et des échanges qui ont lieu tant à l’Assemblée nationale que lors de son examen par votre commission des lois.
C’est d’autant plus important de souligner que le sujet qui nous réunit aujourd’hui est complexe, car il touche à l’intime, aux croyances. Il est souvent dit que le degré de civilisation d’une société peut se mesurer à la place qu’elle accorde à ses défunts. J’en suis personnellement convaincu. Et même si la relation à la mort a considérablement évolué au cours des siècles, nous leur devons respect et dignité.
La proposition de loi répond à une préoccupation légitime : permettre à chaque Français de bénéficier de funérailles dans le respect de ses convictions personnelles, notamment religieuses.
En France, le principe de liberté de choix des funérailles, entre obsèques civiles ou religieuses, est garanti depuis la loi du 15 novembre 1887.
Ce fut un progrès important, annonciateur de la grande loi de 1905.
Toutefois, tout au long du XXe siècle, les pratiques funéraires des Français ont évolué assez fortement. Une étude publiée en 2016 par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CRÉDOC, permet de s’en rendre compte : aujourd’hui, 74 % des obsèques sont religieuses et 26 % civiles. Si la cérémonie reste très majoritairement religieuse en cas d’inhumation – 87 % des cas –, c’est beaucoup moins le cas pour les crémations – 49 % de cérémonies civiles.
Or nous assistons depuis quelques années à une augmentation très forte du nombre de crémations : 1 % des décès en 1980, 35 % en 2016. Le constat est donc clair : les Français sont de plus en plus nombreux à faire le choix de la crémation et, donc, à opter pour l’organisation de cérémonies civiles, même si ces dernières restent encore aujourd’hui minoritaires.
Il s’agit donc non pas de nier cette évolution sociale, importante en France comme à l’étranger, mais de réfléchir à la meilleure manière pour y répondre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vois deux approches possibles.
La première consisterait à recourir à la loi. C’est l’objet de votre texte, qui prévoit deux dispositions : d’une part, demander à la commune de « mettre à disposition », « gratuitement », une « salle adaptable », afin de permettre aux familles d’organiser des funérailles civiles ; d’autre part, permettre à un officier d’état civil, s’il le souhaite, de procéder à la cérémonie.
Ces propositions sont parfaitement louables et partent clairement d’une bonne intention. Néanmoins, elles soulèvent un certain nombre d’obstacles que vous avez, à juste titre, rappelés dans vos travaux, monsieur le rapporteur.
Je les partage en grande partie. Quatre points me paraissent particulièrement importants.
Tout d’abord, il s’agit d’une contrainte nouvelle imposée aux communes, sans aucune compensation financière, et qui serait donc financée par le contribuable local.