Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour être rentable, une exploitation agricole doit-elle nécessairement être négative pour l’environnement, la qualité nutritionnelle des produits et la santé de celles et ceux qui y travaillent ? Évidemment non !
Par cette proposition de résolution, nous souhaitons faire reconnaître l’action positive que cherchent à mener de nombreux agriculteurs pour la santé, l’environnement et l’aménagement du territoire. À nos yeux, cette reconnaissance doit être double : morale et économique.
On n’a jamais tant parlé d’agriculture, mais on n’en a jamais aussi mal parlé. Les images qui y sont associées dans les médias depuis quelques années ont très souvent une dimension négative : maltraitance animale, pesticides, scandales alimentaires. Le fossé semble se creuser toujours plus entre la population et ceux qui la nourrissent.
Les attentes grandissantes de nos concitoyens en matière de préservation de l’environnement et de sécurité alimentaire sont légitimes. Elles sont même essentielles, car c’est l’opinion publique qui nous pousse à transformer en profondeur notre modèle agricole.
Ce modèle, hérité de l’après-guerre, a été construit pour répondre à une préoccupation unique : produire suffisamment pour nourrir la génération du baby-boum.
Le modèle vers lequel nous devons désormais tendre doit répondre à une exigence qualitative et plus seulement quantitative. En effet, qui peut se satisfaire de la pente qui nous mène toujours plus vers une alimentation à deux vitesses, saine pour les plus fortunés, bas de gamme pour les plus pauvres ? Personne !
De nombreux agriculteurs n’ont pas attendu le législateur pour améliorer l’efficacité agronomique et environnementale de leurs pratiques. Toutefois, ces actions positives restent trop méconnues – j’allais dire : invisibles. Par la création de paiements pour services environnementaux, nous pouvons donner de la visibilité à des pratiques qui ont déjà cours, en complément, comme l’a très bien expliqué M. Franck Montaugé, des aides directes existantes.
Au-delà de cette juste reconnaissance symbolique, il y a une nécessité beaucoup plus terre à terre : améliorer la rémunération des agriculteurs qui font des efforts, parfois des sacrifices, au service de l’intérêt général, et ainsi en inciter d’autres à les rejoindre.
Nous ne pouvons plus laisser nos agriculteurs seuls face à ce dilemme permanent : utiliser des intrants dangereux et polluants, dont ils sont les premières victimes, ou tirer le diable par la queue mois après mois – d’autant que, nous le savons tous, l’un n’empêche pas l’autre… Trop souvent, des agriculteurs qui souhaiteraient sincèrement aller vers des modes de production plus sains en sont dissuadés par les coûts suscités par une telle conversion.
Il existe, bien sûr, quelques outils pour accompagner ces transitions – cela a déjà été souligné. Je pense notamment aux mesures agroenvironnementales et climatiques. Elles vont dans le bon sens, mais restent insuffisantes. Pour inciter durablement à une modification en profondeur des pratiques, nous devons valoriser de manière permanente les effets positifs de l’agriculture sur l’environnement.
Nous savons que la politique agricole commune est à un tournant. Elle sera nécessairement touchée par les conséquences d’un Brexit qui n’en finit pas de se conclure. En tant que grande puissance agricole au sein de l’espace européen, la France a une responsabilité particulière pour orienter la prochaine PAC vers un soutien plus affirmé aux bonnes pratiques. Nous souhaitons que notre pays se rende à la table des négociations avec dans sa besace des propositions concrètes pour aider mieux, si ce n’est plus, le monde agricole.
Ainsi, les PSE représentent plus que jamais une opportunité de concilier différents impératifs. Les agronomes ont d’ores et déjà construit le logiciel du modèle agricole vers lequel nous devons tendre : la rotation des cultures, le travail du sol ou les herbicides naturels sont autant d’alternatives aux produits chimiques qui abîment la terre et les hommes. Ils nous proposent un modèle non seulement plus respectueux de notre planète, mais qui créera aussi plus d’emplois et améliorera les conditions de travail de nos agriculteurs.
En tant que législateurs, nous n’avons pas à inventer le modèle agricole de demain. En revanche, il est de notre devoir de tout faire pour le rendre possible ! La création de paiements pour services environnementaux rendus par les agriculteurs serait un premier pas sur cette voie.
Mes chers collègues, un tel enjeu justifie de dépasser la couverture qui porte le nom des auteurs de la proposition de résolution et de leur groupe, pour se prononcer sur le contenu proposé, sans dogmatisme ni préjugés. Parce que, comme notre collègue Duplomb, je suis agriculteur et pas jardinier de la nature, je vous invite à voter ce texte !