Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans l’Hérault, dans le milieu urbain autour de Montpellier, un automobiliste sur dix avait un gilet jaune sur le pare-brise. À Béziers, en zone rurale, neuf sur dix en avaient un.
Il faut parcourir la France pour comprendre le clivage qui s’est creusé entre l’urbain et sa périphérie, paupérisée, abandonnée. Quand on vit dans un village rural devenu un village-dortoir ayant perdu son âme tout autant que son identité, on comprend la fracture qui s’est faite lentement, sournoisement, sans bruit, entre les populations.
Je suis vraiment inquiet de la méconnaissance de cette mutation de nos villages et de la non-compréhension des enjeux sociaux, économiques, environnementaux et, bien évidemment, politiques. En effet, c’est dans nos villages ruraux que la montée de l’extrême droite est la plus forte.
C’est pourquoi je prône une vraie complémentarité entre l’urbain et le rural. Les bonnes intentions teintées de condescendance ne suffisent pas !
Au-delà des réformes sociales et fiscales qu’il faut engager avec courage pour répondre à cet appel au secours, il convient d’abord de concentrer les efforts sur les populations périphériques. Réconcilier les citoyens de l’urbain avec ceux du rural passera par une vraie prise de conscience par les urbains de la plus-value des territoires ruraux pour l’environnement. Les paiements pour services environnementaux en sont l’un des outils.
Cette proposition de résolution met en exergue un outil né dans les années 1990, mais jamais développé. On peut dire, comme notre collègue Pierre Louault, que c’est peut-être trop tôt. Pourtant, cela fait déjà trente ans !
Au cours de nos différentes auditions, nos interlocuteurs, de l’INRA à la FNSEA, ont rappelé que beaucoup ont travaillé sur ce sujet, mais sans jamais trouver de solutions.
Les agriculteurs français ont compris depuis des années les mutations auxquelles ils étaient confrontés et que Franck Montaugé a rappelées tout à l’heure : changements climatiques qui engendrent une augmentation des risques, instabilité des revenus, crise des vocations, le tout attisé par une pression sociétale sur fond d’un agri-bashing intolérable. En effet, s’il est facile de critiquer certaines pratiques, il est primordial de souligner la volonté de nombre d’agriculteurs qui se sont engagés dans une agriculture durable.
Si les enjeux sont évidents, les modalités sont plus complexes. En septembre 2017, votre ministère a reçu les résultats d’une étude menée par le Centre d’études et de prospective et Oréade-Brèche. Elle portait un regard croisé sur les mesures agroenvironnementales et les PSE.
Le « service environnemental » est défini, dans l’étude, comme « un système transparent pour une fourniture additionnelle de services environnementaux à travers des paiements conditionnels à des fournisseurs volontaires ». Mon cher collègue Laurent Duplomb, je me permets de souligner ce terme de « volontaires ».
Depuis 2017, silence radio. Les PSE en sont au même stade, à savoir une convergence positive, mais sans concrétisation. Car plusieurs questions se posent : le ciblage des agriculteurs, les critères de paiements, les montants accordés et les méthodes d’évaluation.
Nous avons conscience des difficultés, techniques tout autant que politiques, liées à ces problématiques. Car ce sont bien des choix politiques qui donneront une vraie impulsion aux PSE.
Ces derniers changent le paradigme de l’évaluation. Il s’agit non plus d’une obligation de moyens comme pour les MAE, les mesures agroenvironnementales, mais bien d’une obligation de résultat. C’est pourquoi les PSE reposent sur le seul volontariat des agriculteurs.
Toutefois, il n’est nullement question de superposer une norme et des contraintes à d’autres normes et contraintes. Il s’agit de donner la possibilité à des agriculteurs, qui sont persuadés du bien-fondé, pour l’environnement, de nouveaux modes de production, d’être rémunérés pour leurs choix vertueux. Les PSE reposent sur un degré d’acceptabilité, qui est essentiel.
Pour fixer le montant à payer aux agriculteurs, il faut identifier le coût d’opportunité, c’est-à-dire évaluer notamment la prise de risque pour le changement d’un système de production.
Il faudra ajuster le ciblage des mesures aux enjeux environnementaux des territoires : définir l’échelle, les parties prenantes et un taux de paiement réellement incitatif.
Je veux espérer que nos collègues sceptiques comprendront notre volonté d’apporter un revenu supplémentaire aux agriculteurs qui font des choix vertueux. Ces derniers doivent être réellement encouragés et soutenus.
Si c’est un message d’espoir et d’encouragement évident adressé à la filière, c’est également un message fort envoyé aux populations urbaines : l’environnement – les paysages, les forêts, le littoral, les sentiers –, dont elles bénéficient gratuitement, a un prix. Il est le fruit d’une protection collective, celle des pouvoirs publics, mais aussi de personnes privées, le plus souvent les agriculteurs tant décriés, qui y participent dans le plus grand anonymat. Ainsi les bergers ouvrent-ils les milieux et luttent-ils contre les incendies avec leurs gestes quotidiens. Je pense à l’écobuage, au brûlage et, bien évidemment, au pastoralisme, qui pourrait constituer une solution pour les territoires sortis des ICHN, les indemnités compensatoires des handicaps naturels, comme ceux du Gers ou de l’Aude.
Notre proposition de résolution, vous l’aurez compris, appelle donc l’État à mettre en œuvre dès maintenant, avec l’ensemble des parties prenantes, un cadre incitatif et des mesures concrètes pour développer les PSE dans nos territoires. De nombreux agriculteurs y sont prêts.