Intervention de Didier Guillaume

Réunion du 12 décembre 2018 à 14h30
Services environnementaux rendus par les agriculteurs — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Didier GuillaumeDidier Guillaume :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd’hui est un grand jour, puisque ce matin, en conseil des ministres, nous avons validé les ordonnances qui permettront, espérons-le, une meilleure répartition de la valeur pour nos agriculteurs, et qui encadreront les promotions des grandes surfaces.

Il s’agit de faire en sorte que les agriculteurs puissent, comme vous venez de le dire, monsieur le sénateur, mieux vivre de leur travail. Depuis quinze ans, de nombreuses mesures ont été prises ; peu d’entre elles ont abouti à un résultat satisfaisant. Espérons que cette nouvelle mesure permettra aux agriculteurs d’avoir un meilleur revenu !

Ne soyons pas toujours pessimistes au sujet de l’agriculture. Certes, il faut lutter contre l’agri-bashing, mais en tenant des discours positifs sur l’agriculture et les agriculteurs.

À cet égard, je tiens à saluer l’initiative prise par M. Montaugé et ses collègues, qui ont déposé cette proposition de résolution. En effet, il ne s’agit pas d’une proposition de loi ! C’est un acte posé, du moins je l’espère, destiné à mettre en lumière l’importance du lien entre agriculture et environnement. Vous l’avez tous signalé, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, les agriculteurs sont en avance. Ils savent ce que signifie protéger l’environnement, car ils le font tous.

N’ayons pas peur, ne soyons pas frileux et essayons de tracer des perspectives. Car il s’agit non pas d’une loi aux effets immédiats, mais d’un texte dans lequel la représentation nationale indique clairement à la population, et à ceux qui, parfois, font de l’agri-bashing, que l’agriculture et l’environnement sont intimement et définitivement liés, parce que les agriculteurs et la population le veulent. Au demeurant, nous n’avons pas le choix.

Nous avons besoin non pas de pessimisme, mais d’optimisme. Les agriculteurs ont fait leur mue. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à cette proposition de résolution, qui correspond aux orientations voulues par mon ministère et aux objectifs que j’ai déjà présentés ici à plusieurs reprises.

La mesure prévue peut en effet contribuer à garantir un revenu aux agriculteurs. Bien évidemment, ces derniers veulent tous vivre des revenus de leur travail. Mais heureusement que la PAC existe : elle leur permet, malgré tout, parfois difficilement, de tenir la tête hors de l’eau.

Il faut accompagner les agriculteurs et lutter avec ferveur contre l’agri-bashing. Sans cesse, trop de campagnes sont menées contre l’agriculture et contre les agriculteurs. Le Gouvernement et moi-même servons sans cesse de boucliers contre l’agri-bashing.

Il convient aussi de réussir la transition agroécologique, qui est irréversible, c’est évident. Si certains ont muté plus vite que d’autres, ils ont tous choisi soit l’agriculture biologique, soit l’agriculture raisonnée, soit une agriculture utilisant moins de pesticides et moins d’eau.

C’est pourquoi je ne les oppose jamais entre elles. Chacun avance à son rythme. Dans certaines régions ou filières, c’est plus facile. Quoi qu’il en soit, je ne connais pas aujourd’hui un seul agriculteur qui ne veuille pas aller dans cette direction, un seul agriculteur qui mette des intrants dans le sol pour polluer, un seul agriculteur qui veuille abîmer l’environnement. Tous vivent les pieds dans la terre, au milieu de leurs champs.

Les attaques incessantes contre les agriculteurs sont vraiment insupportables. Cette proposition de résolution s’inscrit donc dans des orientations que nous voulons tous. Il s’agit de rémunérer les services environnementaux rendus par des agriculteurs et de promouvoir leur mise en œuvre. Je le répète, je soutiens cette démarche.

Même si de nombreux points doivent encore être précisés, les PSE constituent un outil innovant pour réussir la transition agroécologique de notre agriculture. Ce ne sont pas des contraintes supplémentaires, mais simplement l’un des dispositifs incitatifs que nous avons à notre disposition. Ils peuvent aider nos agriculteurs.

En effet, ils permettent de reconnaître et de valoriser les actions des agriculteurs en matière d’aménagement du territoire – qui pourrait être contre ? – et d’entretien des paysages. Bien entendu, les agriculteurs et les éleveurs ne sont pas des jardiniers des paysages. Toutefois, reconnaissons qu’ils sont ceux qui entretiennent nos prairies, nos paysages et nos territoires, sur lesquels les urbains aiment venir se promener ou faire du tourisme. Ne l’oublions jamais ! Je remercie d’ailleurs les agriculteurs de leur action.

Il faut cependant aller plus loin, et les PSE peuvent nous y aider, sans stigmatiser, mais en accompagnant et en reconnaissant l’engagement des agriculteurs. Accompagner et valoriser plus que stigmatiser, tel est le sens de cette proposition de résolution et des PSE, qui pourront garantir un revenu plus juste aux agriculteurs.

Tout travail et service méritant salaire, la rémunération de cette approche vertueuse pour l’environnement peut-être tout à la fois portée par des instruments de politique publique et par le marché. Il ne faut oublier ni l’un ni l’autre. Je pense en particulier à l’agriculture biologique, soutenue à la fois par une politique publique et par une meilleure valorisation des produits par le marché.

Au-delà de ce soutien de principe, il faut lever plusieurs interrogations concernant la mise en œuvre des PSE. À cet égard, je tiens à saluer M. Joël Labbé, qui a organisé vendredi dernier un colloque. Celui-ci a fourni un certain nombre de pistes pour apporter une traduction politique concrète. C’est une pierre à un édifice qu’il faut bâtir. Je vous remercie, monsieur Labbé, du travail que vous menez dans ce domaine, particulièrement dans le cadre de ce colloque.

J’entends votre demande de rémunérer les résultats et non les moyens mis en œuvre. J’en comprends la logique. Il existe d’ailleurs aujourd’hui des mesures agro- environnementales et climatiques, les MAEC, fondées sur une logique de moyens.

Toutefois, je veux vous alerter sur la généralisation d’une telle évolution. En effet, en matière d’environnement et d’action climatique, les résultats ne sont généralement pas immédiats. Ils sont également complexes à mesurer. C’est la raison pour laquelle cette partie de votre texte mérite d’être encore travaillée et précisée.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux revenir sur le versement des aides, notamment à l’agriculture biologique, qui a été évoquée par plusieurs d’entre vous. Pour 2016, quelque 99 % des aides ont été payées ; il reste à verser 100 millions d’euros sur 9, 2 milliards d’euros. Pour 2017, quelque 98 % des aides ont été payées ; il reste à verser 150 millions d’euros sur 9, 2 milliards d’euros. Certes, c’est trop ! L’État et la MSA ont été défaillants, je l’ai dit à cette tribune et à la tribune de l’Assemblée nationale. Mais je ne puis laisser dire que les agriculteurs n’ont pas été payés !

Par ailleurs, un délai de trois ans pour être payé, c’est beaucoup trop long. Nous l’avons tous dit, c’est anormal. J’ai donc demandé à hâter le pas. Les aides attribuées en 2016 et 2017 seront payées en début d’année 2019, puis nous reprendrons un rythme de paiement plus normal, celui-ci intervenant en année n+1.

Les PSE ne doivent pas être une nouvelle usine à gaz. Il faut trouver des indicateurs de résultats qui soient pertinents et simples à instrumentaliser et à contrôler. Aujourd’hui, nous n’avons pas encore atteint ce but, le projet pouvant encore s’apparenter à une usine à gaz. C’est la raison pour laquelle le travail doit se poursuivre. Ces PSE ne seront mis en place que s’ils sont fluides, simples, compréhensibles et accessibles au plus grand nombre.

Ils s’inscrivent également dans un cadre réglementaire contraint, qu’ils figurent ou non dans la PAC.

Quoi qu’il en soit, la France soutient une PAC portant une vraie ambition environnementale, tout en donnant au secteur agricole les moyens de réaliser la transition écologique. Comme vous l’avez très bien dit, les PSE doivent relever du cadre national, mais aussi du cadre européen.

Monsieur Louault, vous évoquiez tout à l’heure la simplification. Je suis entièrement d’accord avec vous, et j’espère avoir sur ce point le soutien de tout le Sénat, lorsque, pour la future PAC, j’enclencherai un travail de simplification. En effet, recourir à 9 000 critères pour payer des aides, c’est inacceptable ! Il n’y aura pas toujours une bonne raison pour faire bénéficier d’une aide une région, un territoire, une filière ou un secteur. Bien souvent, quand on veut simplifier en France, cela se transforme en une simplification complexe.

C’est la raison pour laquelle nous soutenons l’architecture proposée par la Commission européenne dans le cadre de la future PAC. Elle permet en effet de rémunérer au travers de soutiens directs les agriculteurs qui en ont encore besoin, et je l’assume.

Vous avez évoqué, en patois gersois, un eco-scheme ou, en français, un « éco-programme ». Il doit avant tout être obligatoire pour les États membres. Si seulement un ou deux États sont concernés, les distorsions risquent de nous revenir en boomerang.

Ce dispositif devra donc permettre de rémunérer, sur une base incitative et forfaitaire. Votre texte devra évoluer : cela ne sera possible que si nous disposons, dans le cadre de la PAC et dans le cadre national, d’un budget suffisant. La France commence les négociations sur la PAC. Elle se bat pour que son budget soit maintenu au même niveau, et refuse la baisse de 15 % ou 5 % voulue par la Commission européenne. Nous ne céderons pas sur ce point.

Toutefois, sans attendre la prochaine PAC, vous l’avez dit, monsieur Montaugé, le Gouvernement a déjà engagé plusieurs actions en faveur des PSE. En 2017, le ministère a lancé un travail de recensement des dispositifs et initiatives publics et privés – l’un ne va pas sans l’autre – permettant de rémunérer des services environnementaux en France.

Faisant suite à ce travail, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation œuvre à la réalisation de guides méthodologiques destinés aux services de l’État, aux collectivités territoriales et aux organisations privées associatives, afin de voir éclore sur tout le territoire des PSE dans un cadre juridique et sécurisé. En effet, rien ne serait pire que des situations qui ne soient pas juridiquement sécurisées.

Le Gouvernement s’est engagé, dans le cadre du plan Biodiversité, présenté en juillet dernier, à consacrer 150 millions d’euros d’ici à 2021 pour expérimenter des outils de paiement pour services environnementaux. Ces PSE viseront prioritairement à valoriser les pratiques bénéfiques à l’environnement, notamment la préservation des sols et la restauration de la biodiversité partout.

À cet égard, je veux dire à mon collègue Jean-Pierre Decool que les wateringues font totalement partie de ce dispositif. Les ministères de l’agriculture et de la transition écologique travaillent conjointement sur ce point.

Pour conclure, je veux vous assurer que le Gouvernement est engagé dans cette voie et va travailler dans les mois et les années qui viennent à développer toutes les démarches de nature à soutenir les nombreuses prestations environnementales rendues par les agriculteurs, comme c’est déjà le cas.

Aussi, le Gouvernement donne un avis favorable à cette proposition de résolution, tout en sachant qu’il faudra aller plus loin encore pour préciser les choses. Il faudra en effet mettre en cohérence le droit français et le droit européen, en vue de généraliser un jour ce dispositif.

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