Intervention de Jean-Louis Borloo

Réunion du 1er juillet 2009 à 14h30
Mise en œuvre du grenelle de l'environnement — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous dire tout le plaisir que nous avons, Chantal Jouanno, Benoist Apparu et moi-même – Valérie Létard et Dominique Bussereau, qui assistent actuellement à la séance des questions d’actualité à l’Assemblée nationale, nous rejoindront dans l’après-midi – à nous retrouver devant vous pour l’examen en deuxième lecture de ce texte fondateur.

Permettez-moi également de me féliciter de la qualité des travaux qui ont été, dans une totale sérénité, menés précédemment sur ce texte au Sénat et de remercier vivement tous ceux d’entre vous qui ont largement contribué à son élaboration. Je pense, bien sûr, au président de la commission de l’économie, Jean-Paul Emorine, et au rapporteur, Bruno Sido, mais aussi, entre autres, à Dominique Braye, à Marie-Christine Blandin, qui avaient participé au processus même du Grenelle de l’environnement, ainsi qu’aux membres du comité permanent de suivi que vous aviez installé, cher Jean-Paul Emorine, avec le président Ollier, comité qui a permis de gérer de manière idoine la relation entre la légitimité démocratique incarnée par le Parlement et d’autres instances d’expression collégiale de la société française.

Avec le recul, on peut dire que chacun a pu exprimer ses convictions, ses interrogations, parfois ses inquiétudes, ainsi que le fol espoir qu’il place en cette mutation assumée par notre pays.

Sur bien des points, le texte du projet de loi a été amélioré.

Il l’a été sur la définition de principes généraux pour la gestion durable des forêts, ainsi que sur les échéances en matière de protection des eaux territoriales en outre-mer.

Il a été renforcé en ce qui concerne la lutte contre le dégazage en mer.

Il a été amélioré par la réduction du délai maximum prévu pour la mise en place d’une tarification incitative en matière de gestion des déchets, tarification chère à Dominique Braye.

Il a été amélioré par votre commission – vous y teniez particulièrement, monsieur le rapporteur – sur le dispositif du carnet de santé du salarié, qui doit être généralisé avant le 1er janvier 2013.

Vous avez en outre confirmé un nombre important d’avancées introduites par vos collègues de l’Assemblée nationale.

Chacun a eu la capacité d’évaluer avec une grande précision les incidences de cette stratégie énergétique sur l’organisation de nos villes et de nos tissus urbains élargis, de nos campagnes, de nos types d’agriculture, de notre industrie énergétique, d’une manière générale sur notre façon de produire et de consommer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, passant aujourd'hui plus de temps à l’étranger qu’en France, je puis vous assurer que, grâce à ce texte, notre pays occupe une place de choix dans les grandes discussions internationales qui préparent le grand rendez-vous de la planète à Copenhague, peut-être le rendez-vous le plus important de l’histoire de l’humanité.

Avec ce texte solide – solide parce qu’il a été négocié par toutes les parties prenantes de la société –, nous répondons aux demandes justifiées et pressantes du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, qui rassemble 2 500 scientifiques et à qui l’ONU a demandé de faire le point sur les enjeux climatiques et sur les mesures qu’il convient de prendre.

Nous vous avons adressé, il y a quelques jours, une étude d’impact du BCG, le Boston Consulting Group, que nous avons sollicité pour réaliser, de manière totalement indépendante, une évaluation des décisions d’ores et déjà prises par la France, et dont certaines seront consacrées par ce projet de loi, en les comparant à celles qui ont été mises en œuvre dans les autres pays. Ce document se résume en quelques phrases simples.

Premièrement, les décisions prises en France garantissent aujourd'hui, sauf accident, une réduction des besoins énergétiques de 25 % sur la période de référence, c'est-à-dire d’ici à 2020.

Deuxièmement, les mesures que nous avons d'ores et déjà décidées, et auxquelles ce texte confère force de loi, garantissent une réduction de 24 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1986. Quand on sait que la France émet par habitant presque trois fois moins de gaz à effet de serre que les États-Unis, on peut parler d’un effort à la fois spectaculaire et consenti par tous, sans drame, de manière paisible.

Compte tenu du poids français au sein de l’Europe, une telle réduction permettra à l’Union de prendre des engagements de 30 % à 35 % de réduction des gaz à effet de serre d’ici à 2020, et ce sans effort supplémentaire pour notre pays. Mais je pense que nous sommes en mesure d’envisager une deuxième étape.

Troisièmement, les créations d’emplois qui découlent des mesures déjà prises dans le cadre du Grenelle suivent une courbe de croissance extrêmement rapide : 650 000 emplois nouveaux, marginaux, qui n’auraient pas existé du fait de la simple application des dispositifs actuellement en vigueur, seront créés, dont 80 % dans les trente-deux premiers mois suivant le vote de ce texte.

Nous sommes donc engagés dans un processus qui voit à la fois la création d’une économie solide, la modification d’un mix énergétique, la réduction des émissions gaz à effet de serre, la création d’emplois et dans l’instauration d’un PIB beaucoup plus durable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, entre le moment où vous vous êtes emparés de ce projet de loi en première lecture et aujourd'hui, les partenaires français ont tellement cru que le processus engagé était irréversible qu’ils ont, d’ores et déjà, répondu présents pour l’appel à candidatures sur les sites propres et les tramways que vous avez souhaité introduire dans le texte : 37 villes ont répondu pour 50 projets, 400 kilomètres de lignes de tramway, 6 milliards d’euros d’investissements. Tous ces projets sont en état de démarrer.

Quand on sait le temps qu’il faut pour choisir les tracés, organiser les débats publics, procéder aux expropriations nécessaires, mobiliser les financements, on mesure la confiance de notre pays dans cette évolution !

Je signale au passage que 400 kilomètres de tramway, c’est plus que ce que nous avons fait durant dans les quarante dernières années, où nous avons construit 329 kilomètres de lignes.

Je suis convaincu que, dans les vingt-quatre prochains mois, une nouvelle tranche de 400 kilomètres sera décidée pour que nos agglomérations disposent de liaisons internes par transport en commun parfaitement paisibles, valorisant les espaces, reliant les quartiers entre eux, pour une vie plus douce et plus heureuse.

De la même manière, mesdames, messieurs les sénateurs, la confiance du pays dans votre texte a fait que, ce mois-ci, 9 000 installations photovoltaïques ont été raccordées, contre 200 raccords par mois il y a deux ans.

L’évolution que connaît notre pays est proprement extraordinaire !

Le premier appel d’offres en matière de centrales solaires régionales est rempli à 100 %, et cela représente une grande centrale solaire par région.

Le premier appel d’offres portant sur 300 mégawatts à partir de la biomasse, que vous avez voulu, a été intégralement souscrit. Le deuxième appel d’offres a été lancé et il est déjà également souscrit.

La France se situe donc dès à présent au-delà de la stratégie que le Sénat a fixée au pays en matière d’énergie. Et je mentionnerai aussi les éco-prêts à taux zéro : 5 000 prêts le premier mois, 7 000 prêts le deuxième mois, et 10 000 à 15 000 prêts par mois dès le troisième mois. Nous serons donc encore une fois au-delà de ce qui a été prescrit.

Cela signifie que ce texte est en harmonie avec la société française, dans toutes ses composantes, qu’il entre totalement en adéquation avec les aspirations de nos concitoyens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte total, qui embrasse presque tous les domaines – agriculture, santé et environnement, transport, énergie, biodiversité, éducation, habitat, urbanisme… – n’a, à ce jour, pas d’équivalent dans le monde.

Le benchmarking – pardonnez-moi ce recours à une expression anglo-saxonne empruntée au vocabulaire du marketing et dont on use généralement à propos des comparaisons entre des méthodes de management et d’organisation – des quinze programmes de ce Grenelle en regard des meilleurs programmes de chaque pays du monde démontre que nous nous situons systématiquement dans les deux ou trois meilleurs, ce qui nous placera, globalement, en situation de leadership.

Commentant, il y a quelques jours, l’adoption par la Chambre des Représentants de l’American Clean Energy and Security Act défendu par M. Waxman, représentant de Californie – adoption dont nous nous réjouissons, même si ce texte est très en deçà du projet de loi dont nous débattons aujourd’hui, mais il peut encore évoluer –, le président Obama disait que le pays qui contrôlerait les technologies vertes du xxie siècle contrôlerait l’économie mondiale.

Les énergies renouvelables seront le champ de compétition majeur de ce début du xxie siècle. Les pays industrialisés utilisent, chaque jour, quarante fois plus d’énergie qu’il y a cinquante ans. D’ici à 2020, les besoins énergétiques du monde, malgré les efforts accomplis à cet égard en termes d’efficacité, augmenteront de 50 %.

Dans ce domaine, deux groupes de pays se distinguent dans le monde.

D’une part, ceux dont le développement est assis sur la consommation d’énergies fossiles et qui ont décidé de faire évoluer leur mix énergétique : la France et l’ensemble de l’Union européenne, les Etats-Unis, etc. Il en résultera une bataille pour la constitution de filières professionnelles de dimension mondiale.

D’autre part, les pays en voie de développement, dont moins d’un quart de la population a accès à l’énergie primaire.

Au fond, le développement des énergies renouvelables est un programme de justice sociale à l’échelle mondiale, car il permettra aux pays en voie de développement d’avoir accès au progrès.

La bataille des énergies renouvelables est donc lancée. Un certain nombre de pays, inspirés à juste titre par l’Allemagne, ont décidé de constituer une agence internationale pour les énergies renouvelables, afin de mettre en commun les moyens, d’étudier les transferts de technologies, de financer les grandes opérations d’équipement, de conseiller les gouvernements, bref de mener cette bataille mondiale.

L’installation de cette agence, baptisée IRENA, dont le traité fondateur a été signé par plus de soixante-quinze pays le 26 janvier 2009, s’est déroulée lundi dernier, à Charm el-Cheikh, où deux sujets ont fait l’objet d’une compétition entre les pays signataires : la désignation du siège de l’agence et celle de son directeur général.

Une dizaine de pays souhaitaient obtenir le siège. Dans la phase finale, deux pays restaient en lice : l’Allemagne, qui, très engagée dans le développement des énergies durables, dispose d’une industrie puissante, et les Émirats arabes unis, grand pays pétrolier qui a fait le choix stratégique du développement des énergies renouvelables, qui a créé à Masdar la première ville au monde sans émission de CO2, regroupant un certain nombre de centres de recherche mondiaux avec le soutien du Massachusetts Institute of Technology. Les Émirats offrent par ailleurs des moyens considérables pour la mise en place de cette grande agence mondiale. Les cent cinquante-trois pays signataires ont finalement décidé de leur attribuer le siège de l’IRENA.

L’autre affrontement portait sur le contrôle de la direction générale de cette organisation. Évidemment, tous les grands pays avaient un candidat. Au fil des négociations, leur nombre s’est réduit à quinze, puis dix. La finale s’est jouée entre l’Espagne et la France. Notre pays l’a en fin de compte emporté et c’est une Française qui dirigera cette agence mondiale d’importance décisive pour les années qui viennent.

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