Madame la sénatrice, je me permettrai d’abord d’apporter une précision : il n’y a pas 6 millions de demandeurs d’emploi en France, si l’on entend par demandeur d’emploi une personne prête à travailler demain si elle trouve un emploi.
C’est le nombre d’inscrits en flux qui s’élève à 6 millions, car on peut avoir un travail et être inscrit à Pôle emploi, qui est aussi un service de mise en relation avec des offres. Au sens de l’INSEE et du Bureau international du travail, le BIT, le nombre de demandeurs d’emploi immédiatement disponibles pour prendre un emploi en France est de 2, 6 millions. Néanmoins, ce nombre est encore énorme, et c’est notre but à tous de le faire diminuer.
Vous avez évoqué ceux qui ne répondent pas. Cela s’explique parfois par les règles de l’assurance chômage, car certaines d’entre elles conduisent à perdre un revenu si l’on reprend un travail. Ce n’est pas possible ! Une personne ne retournera pas travailler si elle gagne moins. Ce problème ne concerne pas tous les demandeurs d’emploi, mais il fait partie des règles sur lesquelles les partenaires sociaux se penchent.
Certaines personnes sont aussi découragées, après avoir cherché indéfiniment et frappé à toutes les portes. Au cours des contrôles – l’année dernière, Pôle emploi a réalisé 300 000 contrôles –, nous nous sommes aperçus que 66 % des chômeurs cherchaient réellement un travail, que 20 % n’en cherchaient plus par découragement – ces contrôles les ont redynamisés, les ont relancés dans une dynamique d’emploi, qui a produit d’excellents résultats – et que 14 % n’en cherchaient vraiment pas, tout en ayant les moyens d’en chercher sans être découragés. Ce dernier cas relève d’un autre type d’action. Ces chiffres montrent bien que la majorité cherche du travail, mais qu’il est possible d’être parfois découragé. C’est pourquoi l’accompagnement est très important.
En ce qui concerne les métiers, j’ai déjà eu l’occasion de répondre lors de questions précédentes. L’une des grandes voies, c’est – je le crois – l’apprentissage.
L’apprentissage ouvre à tous les métiers, de ceux du numérique aux métiers verts. Le secteur agricole a besoin aujourd’hui de relève et cherche notamment des mécaniciens agricoles et des vétérinaires ; la plupart des jeunes qui ne sont pas du monde agricole pensent que ce domaine n’est pas pour eux. Cela nous ramène au problème de l’Ardèche…
Il faut aller vers une ouverture très large des métiers. Les jeunes filles pensent que les métiers de la technique ne sont pas pour elles : on en est encore là en France en 2018 ! Dans le numérique, 90 % des emplois sont pourvus par de jeunes hommes ; pourquoi n’y aurait-il pas plus de femmes ? Une action doit aussi être mise en œuvre sur ce point.
Avec le grand projet d’ouverture que Jean-Michel Blanquer et moi-même menons avec les régions et les branches dans tous les collèges et lycées pour faire découvrir les métiers, on peut changer les choses en quelques années. La génération qui entre en quatrième bénéficiera de nombreuses initiatives pour faire découvrir les métiers. C’est cela qui permettra de changer le regard. C’est d’ailleurs déjà le cas, ce qui est très encourageant, alors que nous commençons à peine ces opérations. Des actions sont menées à titre expérimental, nous allons maintenant les déployer massivement pour tous les jeunes du pays, ce qui va être d’une grande aide.
Dans les métiers que vous avez évoqués, certains travaillent dans des conditions difficiles, d’autres pas, mais comme ces métiers ne sont pas connus, personne n’y va. Il reste beaucoup à faire !