Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 1er juillet 2009 à 14h30
Mise en œuvre du grenelle de l'environnement — Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

… mais la crise économique et financière, qui s’approfondit de jour en jour, nous invite à réaffirmer solennellement que seules des politiques publiques fortes et des financements adaptés sont en mesure de permettre la mise en œuvre des engagements que nous confirmons ici, comme la réduction des émissions de gaz à effets de serre dans le bâtiment, la mise en œuvre de transports non polluants, la préservation des continuités écologiques, le développement d’un modèle d’agriculture visant à répondre aux objectifs de souveraineté alimentaire à quantité d’intrants réduite, sans parler des enjeux de santé publique liés aux produits cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques, aux biocides ou encore aux nouvelles technologies.

Le Gouvernement continue de décliner ses outils libéraux : la révision générale des politiques publiques ; le transfert de charges aux collectivités sans contrepartie, si ce n’est une baisse accentuée de leurs dotations de fonctionnement ; la mise sous tutelle de ces mêmes collectivités par l’État ; le basculement de missions de service public vers le privé, pour la plus grande satisfaction des acteurs économiques et financiers.

Quand se décidera-t-on à comprendre que c’est le système tout entier qui est en faillite et que les vieilles solutions ne sont plus de mise ?

L’étiquette « développement durable », utilisée en toutes circonstances, ne peut masquer la transformation radicale qui est en train de s’opérer à marche forcée, à savoir la transformation d’un État garant de l’intérêt général en un État garant de la concurrence libre et non faussée dans tous les domaines de la vie de nos concitoyens. Non, nous le pensons et le réaffirmons, le marché ne peut décidément pas opérer une conversion factice à l’écologie et au respect de l’environnement, pour accroître les seuls profits des actionnaires, comme c’est déjà le cas avec le système d’échanges de quotas d’émissions de gaz à effet de serre, devenu un marché spéculatif comme les autres.

Les derniers textes examinés par l’Assemblée nationale et le Sénat ont déjà largement contribué à « lever le voile ». En effet, comment concilier les objectifs généraux du Grenelle avec la libéralisation des transports ferroviaires, qui isole chaque jour un peu plus les territoires ruraux, la disparition des services publics dans nos communes rurales, la réforme annoncée des procédures d’enquête publique et les mesures du plan de relance, dont certaines font disparaître des zones humides qu’il faudrait protéger ?

L’urgence environnementale est trop pressante pour que nous ne parlions pas de ces incohérences.

Outre les cadeaux fiscaux qui profitent toujours aux mêmes catégories sociales, la faiblesse des mesures concrètes contenues dans les projets de loi de finances, que nous avions déjà soulignée lors de l’examen du texte en première lecture, dénature les signaux positifs que je relevais au début de cette intervention.

Le recyclage du capitalisme, soucieux désormais de développement durable et converti à la croissance verte à l’occasion de la crise que nous traversons, ne sera qu’un habillage si les fondements restent les mêmes. Au fond, monsieur le ministre d’État, le logiciel que vous nous proposez est intéressant dans le cadre du tout-libéral, mais nous disons que c’est le disque dur qu’il faut changer.

Par ailleurs, les travaux scientifiques et les observations avancent à un rythme plus rapide que celui de nos travaux parlementaires, et les réunions préparatoires au sommet de Copenhague nous montrent que nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre doivent déjà être révisés à la hausse au niveau mondial. Il faut donc agir, mais en tenant compte des ménages, des salariés et des catégories les plus fragiles de notre population, qui n’adhéreront à ces bouleversements de leurs modes de vie, de déplacement, de consommation que si les engagements de ce projet de loi se traduisent par une plus juste répartition des richesses et non par un simple « verdissement » des mesures fiscales, alors même que les nouvelles coupes budgétaires privent la recherche, les transports, l’habitat, la santé et la plupart des services publics de leurs moyens d’action pour assurer cette transition nécessaire.

Le texte que nous examinons aujourd’hui, comme M. le rapporteur l’a lui-même souligné, est le résultat d’une reformulation parlementaire, et seuls vingt articles restent ouverts à la délibération. Nous interviendrons donc pour rappeler des points qui nous tiennent à cœur.

La lutte contre le réchauffement climatique, enjeu majeur pour les générations futures, passe avant tout par la réduction de la consommation énergétique, notamment celle des bâtiments existants, et la promotion de nouvelles constructions moins « énergivores ».

Si l’État doit montrer l’exemple, il faut tout d’abord qu’il aide les collectivités territoriales à suivre ce chemin vertueux, et ce n’est certainement pas en diminuant les dotations de fonctionnement, en supprimant la taxe professionnelle, dont on ne sait trop par quoi elle sera remplacée, ou en présentant les partenariats public-privé comme le seul recours que le résultat sera à la hauteur des ambitions affichées !

Concernant le logement social, alors que les charges et les loyers sont parfois déjà lourds à assumer pour les locataires, nous ne pouvons nous satisfaire des objectifs et moyens que vous nous proposez pour la rénovation des bâtiments, d’autant que les institutions financières seront encore privilégiées par le marché des éco-prêts et des crédits « développement durable » pour le secteur privé. Dans cette affaire, il s’agit aussi de justice sociale ! En favorisant des crédits d’impôt sur le revenu en faveur des économies d’énergies et de l’utilisation d’énergies renouvelables, vous oubliez ceux qui, chaque jour plus nombreux, touchés par le chômage et la précarité, ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu.

Ma collègue Mireille Schurch reviendra plus largement sur la question des transports, que je m’abstiens donc d’évoquer.

En ce qui concerne les énergies renouvelables, nous aurons l’occasion de redire que les seules mesures de défiscalisation ne peuvent permettre leur développement. L’exploitation de la biomasse et des agro-carburants est bien entendu à promouvoir, mais elle ne doit pas se faire au détriment des cultures vivrières. Surtout, il faut encourager la réduction de la consommation d’énergie par l’innovation en termes de construction et de conception des produits. Enfin, l’exploitation des énergies thermiques est à améliorer, mais non pas au détriment de la santé de nos concitoyens. En tout état de cause, l’épuisement des ressources fossiles est devenu une certitude pour tous ; il serait temps d’en tenir compte et de préparer l’après-carbone.

Concernant la santé des hommes et des écosystèmes et la préservation de la biodiversité, si nous approuvons les dispositifs mis en place pour la trame bleue et la trame verte et l’objectif de réduction de l’utilisation des pesticides et biocides, nous souhaitons une avancée dans le classement des rivières, car l’état de certains cours d’eau et points de captage reste préoccupant.

La santé des travailleurs doit également être mieux préservée grâce au renforcement du rôle des lanceurs d’alerte et comités d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail, pour qu’un scandale comme celui de l’amiante ne puisse plus se reproduire.

Les nouveaux risques, ou risques émergents, nécessitent aussi une plus grande vigilance. Leur suivi ne saurait être confié aux seules instances sanitaires financées par les industriels. Il faut aussi accorder des fonds à la recherche publique et faire confiance aux salariés des entreprises.

La question du traitement et du recyclage des déchets doit être approfondie. Il y a non pas une solution mais des solutions selon les produits, l’endroit où l’on vit et la fiabilité des filières mises en place. Gardons-nous de privilégier telle ou telle technique. Voyons, ici ou là, ce qui marche et pourquoi cela marche.

Lors d’un déplacement du groupe de travail sur les déchets en Espagne, nous avons vu que les certitudes d’hier n’étaient plus celles d’aujourd’hui. Mais nous avons surtout constaté, comme nous le faisons dans d’autres domaines, que ce qu’on a tendance à développer ici ou là, ce n’est pas forcément la meilleure technique au meilleur coût, mais bien ce qui a été aidé et financé par l’Europe, par l’État, par les agences.

Souvenons-nous que, dans le domaine de l’assainissement, nous avons développé partout et à tout prix l’assainissement collectif pour revenir aujourd’hui à un peu plus de souplesse, notamment à l’assainissement non collectif pour les bâtiments isolés. Attention donc à la tentation de la solution unique !

L’éco-conception des produits et la réduction des déchets à la source est la première piste à encourager. Désigner toujours le consommateur comme le pollueur revient à le rendre seul responsable et à s’en remettre à lui pour être vertueux pour trier et consommer mieux, alors que l’on fabrique sans vergogne des produits qui sont producteurs de CO2, dangereux pour la santé ou coûteux, en fin de vie, pour la collectivité.

Pour conclure, je souhaite remercier tous ceux qui ont permis que les discussions et le débat aient lieu et qui ont toujours répondu à nos sollicitations. Je citerai d’abord les rapporteurs, particulièrement Bruno Sido, qui nous ont permis d’accéder à toutes les auditions, de poser toutes les questions nécessaires. Ainsi, le débat n’a pas été limité.

Je remercie également les administrateurs de la commission, ainsi que les collaborateurs du ministère, qui ont toujours répondu à nos demandes.

Nous vous donnons acte, monsieur le ministre d’État, de ce que vous avez accepté la confrontation et le dialogue. J’ai d'ailleurs eu plaisir à vous lire dans l’Humanité Dimanche, cette semaine

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