Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui Son Excellence M. Oleg Shamshur, ambassadeur d'Ukraine en France.
Monsieur l'ambassadeur, nous avons sollicité cette audition dans le contexte de la récente montée de tensions avec la Russie en mer d'Azov.
Le 25 novembre dernier, des garde-côtes russes se sont emparés de trois bâtiments de la Marine ukrainienne qui s'apprêtaient à franchir le détroit de Kertch séparant la Russie de la péninsule de Crimée. Depuis mai 2018, en effet, la Crimée est reliée à la Russie par un pont de 19 kilomètres de long, qui a compliqué les passages et conduit à un renforcement des contrôles russes dans la zone. Ce grave incident a conduit dès le lendemain à l'adoption par la Rada, le Parlement ukrainien, d'une loi martiale pour une durée limitée à un mois, suscitant des inquiétudes, au plan intérieur, quant à d'éventuelles restrictions aux libertés publiques, et chez les entreprises étrangères implantées en Ukraine, certaines n'ayant pas le droit de travailler dans les pays où sont appliquées de telles lois.
Depuis la semaine dernière, la situation en mer d'Azov semble s'être un peu apaisée, la Russie laissant de nouveau circuler librement les navires. Néanmoins, le problème n'est pas réglé, puisque, à notre connaissance, Moscou n'a pas encore libéré les marins ni restitué les trois bâtiments. En outre, cet épisode manifeste l'aspiration de Moscou à exercer un contrôle de plus en plus étroit de la région de la mer d'Azov et, au-delà, de la Mer Noire, au détriment des territoires ukrainiens riverains, ce qui suscite l'inquiétude des pays voisins, la Géorgie en particulier. En réaction à ces graves incidents, la France a exprimé sa préoccupation, réaffirmant son attachement à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, et rappelé la Russie à son devoir de respecter la liberté de passage dans le détroit et la liberté de circulation en mer d'Azov. Nous serions donc particulièrement intéressés par votre analyse de la situation.
Cet épisode de tensions avec la Russie intervient dans un contexte marqué par une absence d'avancées dans l'application des accords de Minsk II, même si l'on doit prendre acte des efforts fournis par l'Ukraine pour les préserver, notamment par le vote, en octobre dernier, du prolongement du statut spécial d'autonomie accordé au Donbass. La question de l'émancipation de l'église orthodoxe ukrainienne vis-à-vis du Patriarcat de Moscou découlant de la reconnaissance par le patriarcat de Constantinople de l'autocéphalie de l'église ukrainienne pourrait amener d'autres difficultés. Pourrez-vous nous éclairer à ce sujet ?
Enfin, quelle est la situation politique intérieure à l'approche de l'élection présidentielle du 31 mars 2019 ? Quel est l'état de l'opinion publique ? Enfin, craignez-vous des interférences ou des tentatives de déstabilisation du processus électoral ?