Intervention de Jean-Noël Guérini

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 12 décembre 2018 à 10h00
Situation en ukraine et en particulier sur les incidents dans le détroit de kertch — Audition de s.e. M. Oleg Shamshur ambassadeur d'ukraine

Photo de Jean-Noël GuériniJean-Noël Guérini, rapporteur :

Premier contributeur au budget de l'ONU, les États-Unis en sont l'un des piliers, finançant 22 % du budget ordinaire et 28 % des opérations de maintien de la paix. Ils exercent toutefois aujourd'hui des pressions fortes sur ces budgets, qu'ils souhaitent réduire, tout en diminuant la quote-part américaine.

Les États-Unis demandent, en premier lieu, un plafonnement à 25 % de leur part au financement des opérations de maintien de la paix, ce qui représenterait, à méthodologie constante, un surcoût de 250 millions de dollars pour les autres États membres, dont 50 millions de dollars pour la France.

La priorité accordée à la réduction des budgets les conduit à soutenir certains aspects des réformes engagées par le Secrétaire général. Ainsi les Américains sont très actifs sur la question de l'efficience des opérations de maintien de la paix, ce qui peut avoir des effets positifs, même si l'intention est prioritairement budgétaire et que, de fait, le budget des OMP a baissé de 20 % en trois ans. Cédric Perrin a évoqué, en outre, les réserves américaines à permettre le financement par l'ONU de forces africaines de paix.

Les États-Unis souhaiteraient réduire aussi leur contribution au budget ordinaire, actuellement plafonnée à 22 %, en abaissant ce plafond à 20 %.

Enfin, ils réduisent leurs contributions volontaires, ce dont ils se servent, au passage, comme d'une arme au service de leurs priorités politiques. Ce fut le cas lors de la suspension de la contribution américaine au Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), destiné au planning familial et aux soins apportés aux mères et à leurs enfants.

Les États-Unis se sont également retirés de l'UNRWA, qui scolarise 500 000 enfants, alors que situation humanitaire à Gaza est dramatique. Nous avons interrogé le représentant américain sur cette décision ; il nous a simplement affirmé qu'il s'agissait de mieux partager les coûts et de mieux contrôler l'usage de fonds qui serviraient actuellement, d'après lui, à diffuser de la propagande antiaméricaine au sein des écoles palestiniennes.

Par ailleurs, les États-Unis sont, parvenus à faire échec au financement par des contributions obligatoires de la réforme du système de développement des Nations unies. Il faut dire que nous avons été nous-mêmes quelque peu surpris par les modalités de cette réforme, très coûteuse. Il s'agit d'améliorer la coordination au sein du système des Nations unies, grâce à une dissociation des fonctions de coordonnateur résident et de représentant résident du PNUD. Derrière ces termes techniques, cette réforme revient, en quelque sorte, à financer la création de 140 ambassades afin de coordonner les actions de l'ONU au plan local, pour un coût annuel évalué à 255 millions de dollars, alors que ce rôle de coordination était auparavant assumé par les représentants locaux du PNUD.

Le financement de cette réforme doit être apporté via les agences du système de développement des Nations unies et grâce à des contributions volontaires des États membres. La France a récemment promis une contribution de 2 millions de dollars.

Les positions américaines, axées sur la performance de l'ONU, ont donc des effets ambivalents, qui ne sont pas tous négatifs, mais, comme nous l'avons nous-mêmes constaté, la représentation américaine auprès de l'ONU a bénéficié de fait, jusqu'à aujourd'hui, d'une certaine autonomie d'action par rapport à la Maison-Blanche, grâce à la forte personnalité et à la compétence reconnue de l'ambassadrice Nikki Haley. Celle-ci a démissionné en octobre dernier. La nomination de l'ancienne journaliste de Fox News, ancienne porte-parole du département d'État, Heather Nauert, a été annoncée voilà quelques jours. Il est à craindre que cette nomination n'aggrave le durcissement américain à l'égard du multilatéralisme, en conférant un poids accru au conseiller pour la sécurité nationale, John Bolton.

Le durcissement de la politique américaine n'est probablement pas uniquement lié à la seule personnalité de Donald Trump ; il est issu d'une longue tradition américaine de jacksonisme, du nom du septième président des États-Unis Andrew Jackson ; ce courant politique se distingue par le populisme à l'intérieur et par l'isolationnisme en politique étrangère. Cette tradition correspond à des tendances profondes au sein de la société américaine.

C'est pourquoi, malgré les résultats des récentes élections de mi-mandat, les experts de la politique américaine que nous avons rencontrés demeurent très prudents quant aux perspectives possibles et à l'avenir politique du trumpisme.

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