Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du 17 décembre 2018 à 15h00
Convention fiscale avec le grand-duché de luxembourg — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

Agnès Pannier-Runacher  :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, avec 125 conventions fiscales bilatérales, la France dispose, avec le Royaume-Uni, du réseau conventionnel le plus vaste du monde : il couvre 97 % de nos importations et 98 % de nos exportations.

Les conventions fiscales permettent d’arrêter les règles de partage du droit imposées entre la France et les États étrangers. En prévenant la double imposition, elles offrent une sécurité juridique aux résidents de chaque État, personnes physiques comme personnes morales. Elles peuvent également constituer un outil économique au service du développement des investissements directs et de la lutte contre l’évasion fiscale.

Ce réseau de conventions fiscales doit être régulièrement actualisé, afin de prendre en compte les derniers standards internationaux en la matière. C’est l’objet de la présente convention, signée après deux années de négociations le 20 mars 2018 à Paris, et que le Gouvernement propose ce jour à la ratification de votre assemblée.

La France et le Luxembourg sont liés par une convention fiscale signée le 1er avril 1958 qui a pour objet d’éviter les doubles impositions et d’établir des règles d’assistance administrative réciproques en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune. Cette convention a été modifiée à quatre reprises depuis sa signature.

À la demande de la France, la conclusion d’avenants en 2006 et en 2014 avait notamment permis de mettre un terme à certains schémas d’évasion fiscale en prévoyant l’imposition des plus-values immobilières au lieu de situation de l’immeuble auxquelles elles se rattachent, qu’elles soient réalisées directement ou pas par une entreprise interposée.

Pour autant, du fait de son ancienneté, cet accord nécessite une modernisation générale, afin de l’adapter aux principes actuels de la fiscalité internationale, en particulier aux derniers travaux de l’OCDE.

Le Luxembourg est en outre un partenaire économique important pour la France : en 2017, le volume d’échanges entre les deux pays représentait ainsi 3, 8 milliards d’euros, et la France était le deuxième client et le troisième fournisseur du Luxembourg.

Dans un contexte international où la lutte contre l’érosion des bases fiscales est devenue une priorité, il est devenu indispensable que notre pays se dote dans ses relations fiscales avec cet État des outils appropriés pour faire échec aux situations abusives.

L’une des principales avancées de cette convention entre la France et le Luxembourg est donc l’intégration de dispositions issues du projet BEPS – Base Erosion and Profit Shifting – de l’OCDE de lutte contre l’érosion des bases taxables et le transfert des profits.

Ainsi, la convention signée le 20 mars 2018 contient à l’article 28 une clause anti-abus générale contre les montages ayant un objectif principalement fiscal, ainsi qu’un nouveau préambule précisant que l’objet de la convention est notamment d’éliminer la double imposition sans créer toutefois de possibilité de non-imposition.

Outre les normes les plus récentes de l’OCDE en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales – échange de renseignements, assistance au recouvrement –, la présente convention introduit une définition plus précise de la résidence fiscale conforme à la pratique conventionnelle française et visant à prévenir les situations de double non-imposition.

L’introduction de nouvelles règles de définition de l’établissement stable d’entreprise, telles qu’elles ont été révisées dans le cadre du projet BEPS, constitue une autre avancée importante. Ces règles permettront de mieux répartir l’imposition des bénéfices entre la France et le Luxembourg, en particulier par la remise en cause de schémas consistant à localiser artificiellement à l’étranger des activités commerciales ou de montages visant à fragmenter des fonctions d’une entreprise au sein de plusieurs entités.

À cet égard, il convient de souligner que le Luxembourg a accepté dans cette négociation bilatérale de reprendre l’ensemble des choix d’option faits par la France dans le cadre de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives au projet BEPS, même lorsqu’il ne les avait pas lui-même retenues alors. Il s’agit donc d’une concession faite à la France au titre de notre relation bilatérale.

Par ailleurs, une retenue à la source sera effectuée en France sur certaines redevances de source française versées au Luxembourg alors qu’elles ne sont aujourd’hui imposables que dans ce pays.

Ces nouvelles stipulations permettront en outre d’imposer dans chaque État les gains en capital réalisés par des personnes physiques qui résultent de la cession d’une participation substantielle du capital d’une société établie sur son territoire.

Ainsi, le propriétaire de participations supérieures à 15 % dans une entreprise française qui viendrait à quitter la France pour s’installer au Luxembourg serait toujours imposable en France sur la cession de ces titres jusqu’à cinq années après son départ, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Enfin, la nouvelle convention tient compte de la situation des travailleurs frontaliers qui résident en France et exercent leur activité au Luxembourg : elle introduit une règle permettant, pour des raisons de simplification administrative, qu’ils demeurent soumis à l’impôt dans l’État d’exercice de leur activité lorsqu’ils télétravaillent moins de trente jours par an depuis leur État de résidence, contre respectivement vingt et vingt-quatre jours dans les conventions liant le Luxembourg à l’Allemagne et à la Belgique.

En définitive, cette convention permettra de renforcer les échanges économiques et les investissements entre la France et le Luxembourg tout en s’inscrivant pleinement dans la priorité donnée par le Gouvernement à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle cette nouvelle convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et la fortune, qui fait l’objet du projet de loi aujourd’hui proposé à votre approbation.

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