Intervention de Vincent Delahaye

Réunion du 17 décembre 2018 à 15h00
Convention fiscale avec le grand-duché de luxembourg — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Vincent DelahayeVincent Delahaye :

Cette politique évolue, et la présente convention en témoigne. La fiscalité du Luxembourg est, en tout cas, avantageuse plus pour les personnes morales que pour les personnes physiques.

Alors, comment juger de l’efficacité, de la pertinence, de la robustesse de cette convention ?

Notre tâche est facilitée par le travail considérable effectué par l’OCDE, que je veux saluer en cet instant. En effet, l’OCDE fournit à ses membres des modèles de convention qui sont les plus à même de garantir la transparence fiscale et la lutte contre l’évasion fiscale. Ils ont en particulier deux objectifs : premièrement, la sécurité juridique des opérateurs économiques ; deuxièmement, la protection des bases imposables, c’est-à-dire le fait de garantir que les opérateurs économiques sont imposés là où ils créent de la valeur. C’est cela, le grand combat !

La comparaison avec les modèles de l’OCDE offre de ce point de vue une bonne évaluation de la proximité ou non des conventions qui nous sont soumises avec les standards internationaux les plus élevés.

En quoi consiste la présente convention ? Dans quelle mesure diffère-t-elle de la convention existante ?

Il s’agit, tout d’abord, d’une révision générale de l’ensemble des dispositions d’une convention fiscale qui date de 1958. Celle-ci avait fait l’objet de nombreux avenants, mais les modifications ne concernaient que des aspects très ponctuels des relations fiscales entre la France et le Luxembourg. Il était question notamment de limiter les abus constatés : je pense au dernier avenant concernant les investissements immobiliers.

Nous avons affaire en l’espèce à une révision générale de l’ensemble des articles.

Cette refonte s’inspire très largement de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, issue des travaux de l’OCDE et dont nous avons dans cet hémicycle même cette année autorisé la ratification.

De ce point de vue, la négociation de cette convention illustre une saine articulation entre le multilatéral et le bilatéral. Alors même que la convention multilatérale n’est pas entrée en application en France et au Luxembourg – elle entrera en vigueur le 1er janvier dans notre pays et elle n’a pas encore fait l’objet d’une ratification au Luxembourg –, elle a servi de base à la négociation au point que la quasi-totalité des articles sont conformes au modèle de l’OCDE.

Comme vous vous en souvenez peut-être, cette convention multilatérale prévoit la possibilité de retenir ou non, dans des menus à options, certaines obligations. Le Luxembourg, prudent, avait opté pour un nombre minimal d’obligations. La France, plus allante, avait pris un nombre important d’engagements. Or, lors de la négociation de la convention bilatérale, le Luxembourg a accepté de rejoindre notre pays sur un grand nombre d’articles de la convention de l’OCDE auxquels il n’avait pas souscrit à l’échelon multilatéral.

Force est de constater que le Luxembourg a accédé à l’ensemble des demandes de la France, sauf sur un point mineur : l’imposition des retraités. Il a souhaité que ses retraités installés en France soient imposés sur son territoire, comme c’est actuellement le cas.

Globalement, la négociation apparaît incontestablement comme un succès. Cela est dû, je dois le dire, en grande partie au changement d’attitude du Luxembourg. Ce dernier figure, par exemple, parmi les pays qui ont adopté la nouvelle norme commune d’échange automatique de données de l’OCDE. Et les premiers échanges de renseignements concernant les données ont été effectifs en 2018.

Le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales de l’OCDE a, du fait de l’ensemble de ces changements, relevé la note du Luxembourg en matière de transparence fiscale de « non conforme » à « largement conforme ». La notation de ce pays est désormais identique à celle des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Allemagne, ou encore de l’Italie. Il y a sûrement avec le Luxembourg des marges de progression, mais des progrès ont été constatés et permettent aujourd’hui des avancées.

Sans retracer dans le détail toutes les dispositions de la convention, je veux attirer votre attention sur certaines d’entre elles, mes chers collègues.

Alors que l’actuelle convention ne contient pas de définition de la résidence fiscale suffisamment précise, la nouvelle convention reprend la définition de l’OCDE et permet d’éviter les situations de double exonération.

Elle prévoit, par ailleurs, une clause générale anti-abus qui permet de faire barrage à des montages complexes dont l’unique objet serait de tirer des avantages fiscaux de l’application de la convention.

La nouvelle convention reprend la définition d’un établissement stable, ce qui permettra de déjouer les montages qui, par le biais d’intermédiaires, notamment de commissionnaires, rendent possible d’une façon ou d’une autre une diminution de la base fiscale.

De même, sous l’empire de l’ancienne convention, en l’absence d’une imposition partagée des redevances avec un taux minimal de retenue à la source, la faible imposition des redevances au Luxembourg a pu conduire à une évasion fiscale importante. La nouvelle convention y remédie.

Enfin, cette dernière tient compte de la situation des travailleurs frontaliers qui résident en France et exercent leur activité au Luxembourg en introduisant une règle permettant, pour des raisons de simplification administrative, qu’ils demeurent soumis à l’impôt au Luxembourg lorsqu’ils télétravaillent moins de trente jours par an depuis la France. C’est un progrès, même si certains souhaiteraient que nous allions plus loin.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion