Intervention de Jean-François Husson

Réunion du 17 décembre 2018 à 15h00
Convention fiscale avec le grand-duché de luxembourg — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le présent projet de loi vise à autoriser la ratification d’une convention fiscale conclue entre la France et le Luxembourg et signée il y a neuf mois, le 20 mars dernier.

Dans l’esprit de beaucoup, le Grand-Duché est un paradis fiscal au sein de l’Union européenne. Au-delà de l’esprit d’une telle affirmation, reconnaissons-le, jusqu’à très récemment encore, le système financier luxembourgeois était relativement opaque.

Le Luxembourg, qui compte 600 000 habitants, est la première place financière de la zone euro, et il concentre les plus grands fonds d’investissement et sièges sociaux de banques. Il ne peut donc plus décemment s’affranchir des règles de l’OCDE. Le scandale des LuxLeaks, qui a éclaté voilà quatre ans, a mis en lumière certaines pratiques d’évitement fiscal.

Depuis lors, les choses évoluent et la convention fiscale dont nous nous apprêtons à autoriser l’approbation va dans le bon sens et doit remédier au risque de fraude en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt sur la fortune. Construite sur le modèle de convention fiscale de l’OCDE, elle va permettre de lutter davantage contre l’évasion et la fraude fiscales. C’est un bon signal et une étape décisive qui, espérons-le, s’ouvre.

Elle tient compte des avancées obtenues dans le cadre des travaux relatifs au BEPS, menés depuis 2013, vous l’avez indiqué, madame la secrétaire d’État, et qui ont abouti à la signature d’une convention multilatérale entrée en vigueur le 1er juillet dernier. Le Luxembourg et la France ont signé cette convention le 27 juin ; celle-ci a été ratifiée par la France le 26 septembre et prendra effet en France le 1er janvier prochain. Le Luxembourg ne l’a pas encore ratifiée, mais cela ne saurait tarder.

La présente convention bilatérale s’articule avec cette convention multilatérale. Elle tient par ailleurs compte de la situation des travailleurs frontaliers qui habitent en France et travaillent dans le Grand-Duché. Les Français qui exercent leur activité au Luxembourg resteront soumis à l’impôt au Luxembourg s’ils travaillent moins de trente jours par an en France, vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État.

Depuis les années 1990, nous constatons, tous les ans, l’augmentation constante du flux de main-d’œuvre frontalière au Luxembourg : de 33 000 travailleurs en 1990, ce nombre est passé à 84 000 en 2000, puis à 148 000 en 2010, pour atteindre 190 000 aujourd’hui.

Le nombre d’emplois au Luxembourg est concomitamment passé de 168 000 à 420 000, soit 250 000 emplois supplémentaires en trente ans, quand la Lorraine en gagnait péniblement quelques milliers, le tout accompagné d’un taux annuel de croissance du produit intérieur brut, ou PIB, oscillant entre 2 % et 6 %. Enfin, 80 % des travailleurs du Luxembourg sont des étrangers, et des études prospectives menées récemment prévoient que ce pays aura besoin d’au moins 130 000 travailleurs frontaliers supplémentaires en 2035.

Lorsque nous analysons plus précisément les évolutions d’emplois les plus récentes, au cours des dix dernières années, tant au Luxembourg que dans les territoires frontaliers, nous relevons que le Luxembourg a créé 100 000 emplois pour 600 000 habitants, tandis que les territoires situés dans un périmètre de trente kilomètres autour du Grand-Duché ont créé seulement 8 000 emplois pour un million d’habitants, en incluant une perte de 5 000 emplois dans le Nord lorrain, qui représente 400 000 habitants.

Vous le comprenez, le positionnement fiscal du Luxembourg pèse clairement sur les conditions de l’entrepreneuriat en Lorraine du nord, mais également du sud, d’où l’importance de la présente convention qui, si elle ne règle pas tous les problèmes, doit permettre d’avancer en matière de coopération fiscale. Elle est assurément un préalable indispensable à une coopération économique nouvelle et renforcée dans les relations qui nous lient au Luxembourg.

Enfin, rappelons-le, la France est le deuxième client et le troisième fournisseur du Grand-Duché, qui est le premier investisseur étranger dans notre pays.

Toutefois, je crois que cela doit passer par un codéveloppement transfrontalier, dans la mesure où les impôts payés par les Français au Luxembourg rapportent près de 1, 5 milliard d’euros au budget du Grand-Duché. Ce que j’appelle le « Grand Luxembourg » devrait constituer une grande ambition économique, un grand projet politique, à l’image de ce que l’on recherche avec le Grand Paris.

En attendant, nous posons aujourd’hui, ici, une première pierre avec l’approbation de cette convention, que le groupe Les Républicains soutiendra évidemment.

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