Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans notre économie ouverte, certains opérateurs internationaux se retrouvent confrontés à des obstacles d’ordre fiscal dans le développement de leurs activités à l’étranger. C’est bien dans l’optique de remédier à ce fait qu’il faut comprendre la négociation de conventions fiscales internationales, conduite par le ministère des finances en lien étroit avec les milieux professionnels.
Le Luxembourg fait partie des premiers pays avec lesquels la France a conclu une convention fiscale ; elle l’a fait le 1er avril 1958, plus d’un siècle après la toute première convention de non double imposition, il est vrai. La Haute Assemblée doit ce jour autoriser l’approbation d’une nouvelle mise à jour de cette convention franco-luxembourgeoise.
Cette mise à jour est majeure, parce que, aujourd’hui plus que jamais, la coopération internationale en matière de fiscalité est centrale pour régler la contradiction entre, d’une part, une économie qui facilite la mobilité des marchandises, des services et des capitaux et, d’autre part, un ensemble de juridictions fiscales segmentées qui, à partir d’un territoire délimité, cherchent à réguler, à capter les bénéfices et les produits désignés par leurs règles fiscales.
Nous progressons sur ce sujet, bien que trop lentement. La Haute Assemblée a eu à se prononcer récemment sur la ratification de la convention dite « BEPS » de l’OCDE, née du plan d’action défini par l’OCDE en juillet 2013, sur l’initiative du G20, contre l’érosion des bases en matière de fiscalité des entreprises et les transferts de bénéfices. Cette convention BEPS était inédite dans sa portée, dans la mesure où elle modifiait directement plus de 1 000 conventions fiscales bilatérales.
La convention franco-luxembourgeoise signée en mars dernier tire les conséquences des avancées apportées au plan multilatéral par la convention BEPS.
Je veux insister sur deux éléments qui participent à une règle de droit simple, celle qui veut que les profits doivent être taxés là où se situe l’activité économique qui permet de les générer : la clause anti-abus contre les montages ayant un objectif principalement fiscal, et l’intégration des évolutions de la définition d’établissement stable.
Premier point, la clause anti-abus désigne le refus d’octroi des avantages conventionnels, si l’octroi de tels avantages est l’un des objets principaux d’un montage ou d’une transaction.
Second point, sera désormais considérée comme constituant un établissement stable toute personne qui agit exclusivement ou quasi exclusivement pour le compte d’une entreprise à laquelle elle est étroitement liée, quels que soient les arrangements de pure forme pris pour empêcher une telle qualification.
Ces évolutions seront de nature à faire échec aux montages artificiels réalisés par les groupes dont les objectifs d’optimisation sont clairs : circulation des dividendes sans imposition, récupération des pertes, localisation du bénéfice dans la juridiction fiscale la plus avantageuse. Via des pertes ou une sous-capitalisation, les groupes ont conduit à la naissance d’une jurisprudence complexe, mettant en avant ces abus.
La présente convention apporte d’autres correctifs notables. En matière immobilière, elle modifie des règles qui donnaient des avantages injustifiés aux investisseurs luxembourgeois. En matière de double imposition, elle prévoit que les revenus d’un résident français imposable au Luxembourg sont imposés en France, avec déduction du montant de l’impôt payé en France, mais sans exonération des profits reçus au Luxembourg, une mesure inédite par rapport au contenu traditionnel des conventions fiscales.
Mes chers collègues, cette convention est une première étape. Elle vise un changement majeur dans l’usage qui est fait des conventions fiscales, bien souvent en totale contradiction avec l’objet de clarification juridique qu’elles portent.
Bien sûr, cela a été dit, les progrès que sanctionne cette convention ne peuvent faire oublier le besoin d’une harmonisation fiscale en Europe. L’Union européenne a réussi l’harmonisation de la fiscalité indirecte, avec notamment la TVA ; elle avait en effet l’ambition d’empêcher la subsistance de frontières freinant le commerce alors que les frontières douanières étaient supprimées.
Ici encore, l’évolution de l’économie – en particulier sa numérisation – demande des adaptations : les évolutions technologiques permettent à la fois une déconnexion physique des entreprises et des particuliers, mais aussi l’affranchissement, pour une entreprise, d’une juridiction où se situe le marché ; la facturation de TVA sur les biens incorporels ou services livrés aux consommateurs finaux n’est alors pas certaine.
L’harmonisation doit surtout concerner l’impôt sur les sociétés. Nous connaissons le projet d’assiette commune consolidée ; il n’a jamais été aussi urgent de le mettre en œuvre.
J’indique, en conclusion, que mon groupe votera sans réserve pour ce projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre la France et le Luxembourg, mais il restera attentif aux efforts du Gouvernement tendant à aboutir à un accord avec l’Allemagne puis à l’échelon européen sur l’harmonisation fiscale. Il y va de l’avenir de l’Europe.